SMART BOURSE - L'invité de la mi-journée : Nadia Gharbi (Pictet Wealth Management)

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Jeudi 1 juin 2023, SMART BOURSE reçoit Nadia Gharbi (Économiste, Pictet Wealth Management)
Transcript
00:00 *Musique*
00:10 Mais commençons effectivement avec ce tournant que marque le mois de mai en matière d'inflation en zone euro.
00:15 Nous en parlons avec Nadia Garbi qui est avec nous par téléphone, économiste chez Pigtay Wealth Management à Genève.
00:20 Bonjour et bienvenue Nadia. Merci beaucoup d'être avec nous.
00:24 Effectivement ce mois de mai, les chiffres du mois de mai sur le front de l'inflation en zone euro semblent marquer une étape significative.
00:32 Un tournant avec une désinflation, un rythme de désinflation qui semble s'être accéléré au cours du mois de mai.
00:39 Nadia, quels sont les facteurs à l'oeuvre qui expliquent effectivement cette marche à la baisse en matière d'inflation ?
00:45 Oui, alors c'est vrai que c'est plutôt une bonne nouvelle avec une hausse des prix qui se ralentit au mois d'avril plus fortement que prévu.
00:54 On a bien sûr l'effet de la baisse des prix de l'énergie qui se poursuit.
00:58 A cela s'ajoute aussi la forte diminution des goulots d'étranglement dans le secteur industriel
01:03 qui mène aussi à un ralentissement de la hausse des prix dans les produits manufacturés.
01:09 Et enfin on a aussi pour la première fois depuis longtemps je dirais aussi un fléchissement du côté de l'inflation dans le secteur des services.
01:18 Qu'est-ce que ça nous donne comme direction devant nous Nadia ?
01:24 Est-ce qu'on a un peu plus de confiance dans la prévision d'inflation qu'on peut faire désormais sur les prochains mois en zone euro ?
01:31 Et est-ce qu'on peut espérer encore un rythme de désinflation rapide pour les prochains mois ?
01:36 Je dirais qu'il y a tout de même des facteurs un peu spécifiques par pays qui brouillent un peu la lecture.
01:42 On peut citer notamment l'exemple en Allemagne avec une grande partie du ralentissement dans l'inflation des services
01:48 qui est dû à la mise en place d'un forfait de transport subventionné.
01:53 Donc je dirais que globalement on peut s'attendre à ce que l'inflation globale poursuive son ralentissement.
02:02 En revanche sur l'inflation core, je dirais qu'on devrait tout de même rester très élevé au-delà de 5%
02:11 principalement dû à cette résilience du secteur service.
02:14 On va entrer dans une période où on sait que les activités liées au tourisme vont aussi impacter le prix de certains composants.
02:26 Donc je dirais que l'inflation des services va rester tenace qui va conduire tout de même à une inflation sous-jacente qui va rester élevée.
02:33 Si on regarde la dynamique d'inflation en zone euro en la comparant à ce qu'on observe et ce qu'on a pu observer aux Etats-Unis par exemple Nadia,
02:40 beaucoup, ou certains en tout cas dans le marché, estiment que la désinflation de l'inflation core en zone euro va être beaucoup plus longue,
02:50 beaucoup plus difficile peut-être que ce qu'on a pu observer dans le cycle américain.
02:56 Est-ce qu'effectivement c'est une idée que vous partagez Nadia ?
03:01 Oui c'est une idée qu'on partage et c'est vrai qu'on voit cette résilience du secteur des services.
03:06 A cela s'ajoute aussi le soutien fiscal qui a été plus important cette année en Europe qu'aux Etats-Unis.
03:14 Donc on a en fait cette vigueur des services qui devraient maintenir l'inflation sous-jacente à un niveau élevé et plus élevé peut-être qu'aux Etats-Unis.
03:24 Qu'est-ce que ça implique pour la Banque Centrale Européenne à ce stade ?
03:29 Quels vont être les éléments d'analyse qui vont retenir l'attention de la BCE lors du prochain Conseil des Gouverneurs le 15 juin prochain ?
03:36 Nadia, il y a la dimension inflation bien sûr, il y a les éléments relatifs à l'activité, à la distribution de crédits, à la dynamique des salaires.
03:46 Quel est l'état des lieux qu'on peut dresser à ce stade ?
03:50 Oui alors c'est vrai que la BCE va trouver un certain réconfort dans le ralentissement de l'inflation qui reste toujours élevée au-delà de la cible.
03:58 Mais d'un autre côté on a ces conditions de crédit qui se resserrent, on a aussi la demande de crédit qui diminue, une dynamique de prêt qui ralentit.
04:08 Donc on sait que tout ceci va mener à une baisse de l'activité et donc de l'inflation.
04:14 Donc je dirais que la BCE c'est vrai va agir avec prudence.
04:17 On ne sait pas vraiment l'impact que vont avoir ces hausses de taux sur l'activité future.
04:24 Donc je dirais prudence mais je dirais que pour juin elle va tout de même insister sur le fait que les salaires ont fortement cru aux zones euro.
04:33 On a des accords salariaux qui ont été très forts en Allemagne.
04:38 Cela s'ajoute aussi à un marché du travail qui reste très tendu.
04:41 Donc elle va tout de même à mon avis insister sur le fait que les pressions inflationnistes restent très élevées.
04:48 Donc voilà nous on s'attend pour vous dire à une hausse supplémentaire de 25 points de base en juin et avec un risque d'une hausse finale au mois de juillet de 25 points de base également.
04:59 Face à la bonne tenue des services, à la tension qu'on observe toujours sur le marché du travail, il y a quand même quelques graphiques qui commencent à faire peur Nadia.
05:09 Quand on voit les dépenses de consommation des ménages, notamment dans l'alimentaire, on voit des baisses de volume qui atteignent des baisses à deux chiffres désormais dans certains pays, la France notamment.
05:20 On a une Allemagne qui est quand même engluée dans un ralentissement qu'on peut même caractériser comme une récession technique avec deux trimestres de contraction du PIB.
05:29 Dans quelle mesure est-ce qu'on a là quand même des éléments d'alerte, de vigilance à minima pour la Banque Centrale Européenne ?
05:35 Même si ces éléments, je comprends, ne l'emportent pas encore peut-être sur l'idée d'une ou deux hausses de taux supplémentaires.
05:43 Non, c'est vrai que ce sont des éléments que la BCE, à mon avis, va prendre en compte.
05:48 Le deuxième semestre pour la zone euro va être beaucoup plus compliqué que le premier.
05:53 On a une demande globale qui s'affaiblit.
05:56 Nous, aux Etats-Unis, on pense que les Etats-Unis entreront en récession également au deuxième semestre.
06:03 On a tout de même un contexte qui va être nettement moins favorable pour la zone euro.
06:08 Cet effet aussi dans les services, un peu de boom dans le secteur du tourisme, va aussi s'estomper.
06:14 C'est vrai qu'à mon avis, c'est un élément important que la BCE va prendre en compte.
06:19 C'est pour ça qu'au-delà de juillet, je dirais que c'est difficile et compliqué de voir la BCE poursuivre son cycle de hausses de taux.
06:27 Je dirais plutôt une démarche un peu prudente.
06:30 En juin, c'est vrai qu'on aura les nouvelles projections de la BCE qui nous indiqueront un peu comment la BCE voit la suite.
06:39 Un des mouvements de marché qui a marqué les dernières semaines sur le front des devises, Nadia,
06:44 et on peut faire le lien évidemment avec les politiques monétaires, c'est de voir effectivement...
06:48 Alors, le dollar qui a beaucoup baissé depuis l'automne dernier, effectivement,
06:52 mais sur un mois, on a vu le dollar, face à un ensemble de devises et en l'occurrence face à l'euro,
06:59 regagner un petit peu de traction.
07:01 On était au début du mois sur la parité euro/dollar entre 1,10 et 1,11.
07:06 On est à moins de 1,07 ou autour de 1,07 au moment où on se parle.
07:11 Ce n'est pas un mouvement évidemment d'ampleur historique, mais c'est quand même un mouvement qui peut interpeller,
07:18 alors que beaucoup voyaient le dollar continuer peut-être de s'affaiblir.
07:23 Oui, c'est vrai que c'est aussi une autre vue, ce dollar qui s'affaiblit, notamment face à l'euro,
07:29 aussi expliqué par cette divergence de politiques monétaires entre la BCE et la Réserve fédérale,
07:34 même si maintenant il semblerait que la Réserve fédérale potentiellement pourrait poursuivre son cycle de hausse.
07:41 Et je dirais aussi que les nouvelles ont plutôt été baissantes en zone euro,
07:45 avec des chiffres qui ont déçu et qui ont potentiellement conduit à une baisse de l'euro.
07:52 L'euro effectivement, qui se stabilise aujourd'hui autour de 1,07,
07:57 avec cette confirmation d'une marche à la baisse en matière d'inflation en zone euro au mois de mai,
08:03 dans l'anticipation de la prochaine réunion.
08:05 Vous l'aurez compris, la BCE se réunira et rendra sa prochaine décision le 15 juin prochain.
08:09 Merci beaucoup Nadia, merci d'avoir été avec nous par téléphone pour cet éclairage sur cette dimension inflationniste.
08:14 En zone euro qui aura marqué cette semaine sur le front statistique.
08:19 Nadia Garbi, économiste chez Pictet, Wealth Management avec nous par téléphone.

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