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00:00 Bonjour et bienvenue dans cette nouvelle émission dans laquelle je vais parler des entreprises
00:15 zombies. Alors attention, pas de n'importe quelle entreprise zombie puisque je vais parler
00:19 des entreprises qui ont été zombifiées par les fonds de venture capitale. Alors vous
00:23 savez, les fonds de venture capitale, on les appelle plutôt fonds de capital risque en
00:26 français, mais globalement dans le jargon aujourd'hui on appelle ça plutôt les VCs.
00:30 Et ces VCs ont un rôle important puisqu'ils arrivent assez tôt dans le stade de création
00:36 d'une entreprise, d'une startup, c'est ce qu'on appelle des fonds early stage, donc ils sont
00:39 très importants pour le développement des entreprises. Et en fait, ils ont pris une
00:43 place vraiment très très importante dans la création d'entreprises. En fait, ils ont tellement
00:47 d'argent, d'argent qui leur est donné par des investisseurs, d'argent qui attend d'être
00:52 investi que là où avant les jeunes poussent, les jeunes startups devaient se battre il y a 15,
00:58 20 ans pour essayer de récupérer des fonds pour monter une boîte, aujourd'hui il y a tellement
01:02 d'argent frais en fait, on le verra en fin de vidéo, je vous mettrai un petit graphique, mais
01:07 il y a tellement d'argent frais que c'est un peu l'inverse. En fait, c'est plutôt les fonds de
01:11 venture capitale qui sont en train de se battre pour trouver des jeunes startups à financer. Et
01:15 ce qui est dangereux à ce stade, c'est que les VCs peuvent avoir tendance en fait à se mettre
01:20 à financer de plus en plus de projets non viables. Alors je m'explique. Avant, le modèle de beaucoup
01:26 de startups, c'était ce qu'on appelle le bootstrapping, c'est-à-dire je finance avec
01:30 mon argent perso, parfois de l'argent de la famille et des amis, je minimise les coûts,
01:34 vous savez le fameux mythe de voilà on a créé l'entreprise dans le garage, souvent je garde
01:40 une source de revenu à côté jusqu'à ce que l'entreprise commence à être rentable, etc.
01:45 etc. Donc en gros, le bootstrapping c'est on bidouille pour démarrer sa boîte et on fait
01:49 ça avec nos propres fonds. Et à l'époque, même si on n'appelait pas ça bootstrapping, c'était un
01:53 peu la norme en fait de faire son maximum pour créer une boîte rentable à partir de pas grand
01:59 chose et ensuite on faisait rentrer du capital externe pour s'agrandir. Mais ça c'est fini.
02:05 Aujourd'hui on a une idée, on lève des fonds, on prend des bureaux, on embauche et tout ça avant
02:10 d'avoir vendu un seul produit juste basé sur une idée. Alors attention, tout n'est pas mauvais dans
02:14 cette approche. On est dans un monde qui bouge de plus en plus vite. Alors je comprends tout à fait
02:18 qu'il faut prendre la place extrêmement rapidement parce que, notamment avec les réseaux sociaux,
02:22 c'est vrai qu'une entreprise peut passer de zéro à une grosse boîte extrêmement rapidement. Donc
02:28 si vous êtes le premier sur un marché, il faut absolument prendre de la place très très
02:32 rapidement. Et pour prendre de la place, il faut de l'argent, il faut être financé par des capitaux
02:36 externes. Ça je le comprends bien. Mais en fait là où ça crée un problème, c'est qu'à l'époque
02:39 où la plupart des startups s'auto-finançaient jusqu'à la rentabilité, puis ensuite, comme je
02:44 disais, certaines se finançaient pour s'agrandir, pour scaler comme on dit, on savait assez vite si
02:49 le projet était rentable ou non. Parce que finalement, quand vous partez, même à plusieurs
02:53 fondateurs, avec le cash que vous avez mis de côté, vous allez tenir quoi ? Quelques mois,
02:57 peut-être un an, allez maxi deux ans avec vos fonds propres, mais on sait assez vite si la
03:02 boîte est viable ou non. Et vous voyez où je veux en venir. Avec l'argent frais qui arrive massivement
03:07 des fonds de VC depuis des années, ce moment fatidique où l'on sait si la boîte est viable
03:12 ou non et s'il faut faire autre chose, il est sans cesse repoussé. Et ce qu'il faut voir, c'est que
03:17 ce n'est pas le fondateur qui va arrêter. Le fondateur, tant qu'il peut tenir, tant qu'il
03:20 trouve de l'argent frais, il va continuer, même si peut-être dans un petit recoin de sa tête,
03:24 il se dit que finalement le business n'est pas si bon que ça. Et le fait de ce financement un peu
03:31 interminable qui ne s'arrête jamais, c'est d'autant plus vrai qu'un fonds de VC early stage,
03:36 donc spécialisé dans le début de vie des startups, peut revendre le bébé ou plutôt l'adolescent à
03:41 un fonds de private equity qui ensuite peut introduire la boîte en bourse, etc. avant même
03:47 que la boîte soit rentable. Alors j'en vois déjà qui vont crier à la pyramide de Ponzi, mais en
03:52 fait, allonger la phase de démarrage d'une entreprise, ça peut permettre de créer des
03:56 entreprises qui demandent beaucoup d'investissements, qui vont plus loin. Donc ce n'est pas forcément
03:59 un mal qu'une entreprise mette 2, 3, 4 ans avant d'être rentable. Pourquoi pas ? Mais en fait,
04:06 tout est une question de mesure. Et perso, alors attention, je ne suis pas un professionnel du
04:10 non-coté, mais j'ai l'impression que certaines fois, on laisse vivre des entreprises sous
04:15 perfusion et ce type d'entreprise peut même finir en bourse. Alors bien sûr, l'exemple emblématique,
04:20 mais il y en a beaucoup d'autres, je vous donnerai un autre exemple tout à l'heure, c'est Uber,
04:24 parce que Uber a été créé en 2009, c'est-à-dire que ça a été créé il y a 14 ans. Elle a été
04:29 introduite en bourse 10 ans plus tard, en 2019, et il y a eu depuis sa création, donc là on parle bien
04:34 de 14 ans, des pertes quasiment chaque trimestre. On a vu un petit résultat net positif en 2018,
04:40 comme par hasard, juste avant l'introduction en bourse, et les pertes sont encore de 9 milliards
04:45 en 2022. Alors on nous annonce un petit profit pour 2023. Alors, est-ce que Uber est une entreprise
04:52 zombie ? On peut dire que oui, on peut dire que non. Est-ce normal d'être toujours en perte 14
04:57 ans après sa création ? Alors, je n'ai pas de réponse, mais moi ce que je sais, c'est que en
05:01 tant qu'investisseur, 10 ans sans profit, c'est trop long. Le délai pour savoir si le business
05:06 model est viable est trop long, en fait. Derrière 14 ans sans profitabilité, pour moi en tout cas,
05:12 il y a forcément un échec, parce qu'on ne fasse pas croire que les créateurs d'Uber, en 2009,
05:17 se sont dit « on va être profitable à partir de la 15e année ». Forcément, à chaque pitch,
05:21 à chaque pitch de VC, pitch d'introduction en bourse, ensuite pitch aux investisseurs,
05:26 on prévoit toujours une profitabilité assez proche. En fait, tout ce qu'on fait, c'est repousser la
05:30 deadline, repousser la limite, parce que le truc, c'est que dès qu'ils ont de l'argent frais,
05:35 ils vont le griller dans un nouveau projet ou bien pour ouvrir un nouveau pays. Alors oui,
05:39 obtenir une position dominante, pourquoi pas, mais à quel prix ? Est-ce qu'il vaut mieux griller du
05:43 cash pour être présent comme Uber dans 72 pays, plus de 10 000 villes, ou bien est-ce qu'il faut
05:48 peut-être rester un petit peu plus petit le temps d'être profitable et ensuite seulement s'étendre ?
05:53 Et c'est le problème de beaucoup de startups de logiciels SaaS, notamment. C'est fini l'époque
05:58 où on visait un public de niche pour être rentable rapidement, maintenant ce qu'il faut
06:02 faire, c'est inonder le marché de pubs en ligne pour être le premier le plus rapidement possible,
06:05 et ensuite on regardera comment devenir profitable une fois qu'on aura quelques centaines de milliers
06:11 ou millions d'utilisateurs. Donc, ce n'est pas étonnant que les champions de la pub, Alphabet,
06:14 Meta ou Amazon, empochent autant d'argent. Maintenant, je vais vous prendre un exemple
06:19 concret avec Asana. Alors Asana, je ne sais pas si ça vous parle, c'est une app qui permet
06:23 d'organiser le travail dans une entreprise. Alors sur l'app elle-même, honnêtement, rien à dire,
06:27 je l'ai utilisée un petit peu mais pas plus que ça. Mais c'est vraiment un très bon exemple de
06:32 financement de startup. Alors, ce n'est plus une startup, on est d'accord, elle est cotée en bourse,
06:37 elle pèse 5 milliards de dollars de capitalisation, mais c'est plus simple d'utiliser une boîte cotée
06:42 en fait pour avoir des chiffres. Et vous allez voir que même en prenant une boîte cotée,
06:46 ça n'empêche pas d'avoir des surprises. En fait, ce que j'ai fait, c'est que j'ai regardé le
06:50 document dédié aux investisseurs. Alors bien sûr, ils nous tartinent la superbe croissance,
06:55 le produit qui est magique, etc. Ils ne nous mettent que des chiffres qui sont principalement
07:01 liés à la croissance. Ils nous montrent qu'ils sont très bien placés parmi leurs concurrents,
07:05 best place to work, les employés sont ravis, etc. Mais moi, ce qui m'intéressait, vous vous en
07:10 doutez, c'est de regarder les finances. Et sur les slides sur les finances, qu'est-ce qu'ils
07:14 nous disent ? Ils nous disent qu'ils ont un chiffre d'affaires en forte hausse, des marges brutes de
07:18 dingue, 90%. Et puis c'est tout, plus d'infos, en tout cas dans la présentation spéciale
07:24 investisseur. Donc, on est obligé d'aller regarder les comptes. Et c'est là où on est content que
07:28 ce soit une boîte cotée. C'est pour ça que j'ai pris exprès l'exemple d'une boîte cotée. Et c'est
07:33 bien que ce soit une boîte cotée parce qu'on peut regarder les comptes détaillés qui sont publiés.
07:36 Donc, je vais chercher compte de résultat, page 79, etc. pour avoir un peu plus de détails. Alors,
07:41 qu'est-ce qu'on a ? Donc, on a un chiffre d'affaires de 547 millions de dollars, des coûts de 56
07:47 millions. OK, donc un profit brut de 490 millions. OK, j'ai bien ma marge brute de 90%. Mais c'est
07:55 quoi dessous là ? Donc, charge d'exploitation. Alors, au sein de ces charges d'exploitation,
07:59 recherche et développement 300 millions, sales et marketing 434 millions, charge administrative
08:07 166 millions. Donc, en fait, pour faire 547 millions de chiffre d'affaires, ils dépensent
08:15 434 millions en marketing. Vous voyez le problème ? Ils ont des coûts d'exploitation de 900 millions
08:22 pour avoir finalement une perte nette de 407 millions. Donc, en fait, ils dépensent quasiment
08:28 tout leur chiffre d'affaires en marketing. Enfin, plutôt, ils sont obligés de prédépenser 400,
08:33 plus de 400 millions pour avoir un peu plus de 500 millions de chiffre d'affaires. C'est
08:37 complètement hallucinant. Alors, je vous disais que ce n'était pas une start-up, mais justement,
08:40 c'est ce qui rend le truc encore plus dingue. Cette boîte a été créée en 2008, il y a 15 ans. Et
08:47 même aujourd'hui, ils doivent dépenser plus de 400 millions de pubs pour faire 500 millions de
08:51 chiffre d'affaires. Mais c'est un truc vraiment de dingue. J'ai pris l'exemple de cette boîte,
08:55 comme je vous le disais, parce qu'elle est cotée. Donc, on a tout leur chiffre. Mais vous avez vu
09:00 leur présentation aux investisseurs. Ils osent nous parler d'une marge brute de 90%. Ah oui,
09:08 parce que ce n'est pas des coûts d'exploitation, le marketing, la R&D, etc. Il n'y a pas un seul
09:13 mot sur leurs coûts. C'est vraiment une énorme blague. Et ce qui me fait extrêmement peur,
09:17 c'est que je pense que ça ressemble à beaucoup de projets qui sont financés par des Vici. Et
09:22 les Vici ont accès à plus de chiffres, mais si vous êtes investisseur dans ce type de boîte,
09:28 en fait, vous, tout ce que vous allez voir, c'est la présentation de la boîte et vous allez
09:31 trouver que la boîte est vraiment magique, avec une croissance de dingue et une marge brute de
09:36 90%. Et là, je suis d'autant plus choqué que c'est une boîte de 2008 qui est cotée en bourse.
09:41 Alors, est-ce qu'Asana ou toutes les boîtes du même genre sont de mauvais investissements ? Franchement,
09:45 je n'en ai aucune idée. Mais c'est vrai qu'une entreprise qui ne démarre pas en serrant ses
09:50 coups, c'est-à-dire en utilisant le cash comme une ressource rare, vraiment quelque chose qu'elle
09:55 doit utiliser de manière très intelligente, une boîte qui doit sa croissance en grande partie à
10:00 la pub, pour moi, ça ne part pas sur les bases les plus saines. Et clairement, je ne touche pas à ce
10:05 genre de boîtes, en tout cas pas tant qu'elles ne montrent pas qu'elles saient atteindre une vraie
10:09 rentabilité. Alors pourquoi c'est un problème ? C'est un problème parce que le private equity,
10:13 private equity au sens large, c'est-à-dire investissement dans le non-coté, il a changé,
10:19 il se démocratise, tout le monde en veut, il y a de plus en plus de particuliers qui ont accès à de
10:24 plus en plus de plateformes qui permettent d'avoir accès à ce type d'investissement. Et le montant
10:29 de ce qu'on appelle la dry poder, c'est-à-dire l'argent, la poudre sèche si vous voulez,
10:33 l'argent que les fonds de Vici doivent encore investir, donc de l'argent qui attend pour être
10:38 investi, ce montant est plus élevé que jamais aujourd'hui. Et on le sait, plus on doit dépenser
10:43 d'argent, alors je sais que je devrais dire "investir", mais je préfère dire "dépenser"
10:47 dans ce contexte, plus la tentation est forte de rentrer dans des sociétés non viables ou en tout
10:52 cas non profitables pendant 5 ans, 10 ans ou même 15 ans. Alors c'est sûr que les entreprises zombies
10:59 dont je parle, ce sont des jeunes startups etc. qui ont au contraire une très bonne image,
11:04 donc c'est pas du tout l'image qu'on se fait des entreprises zombies, mais pour moi ce sont
11:07 ces boîtes-là qui sont les entreprises zombies les plus dangereuses, pas une boîte qui est en fin
11:12 de course, qui est au bout du rouleau, qui a beaucoup de dettes et puis qui va sûrement
11:15 faire faillite mais qui survit encore quelques années. Pour moi, ces boîtes-là, les startups
11:19 zombies dues à un financement qui ne s'arrête jamais, elles ne sont pas profitables, mais ce
11:23 n'est pas grave. Il y a tellement de cash dispo qu'en fait elles en trouvent toujours Business
11:27 Angel, VeeC, Private Equity, Introduction en Bourse, il n'y a pas de problème, on arrive
11:31 toujours à financer même si, comme je vous le montrais avec Asana ou Uber, ce sont des noms
11:36 qui sont très connus, des boîtes qui ont des bons produits, mais malgré tout 15 ans après,
11:40 elles ne sont toujours pas rentables. Alors voilà, il y a quand même une limite au modèle, je ne sais
11:44 pas ce que vous en pensez, dites-moi ça en commentaire, mais je trouve ça quand même
11:46 assez dingue. Et donc le message, il est clairement pour ceux qui veulent investir
11:50 dans du Private Equity, n'écoutez pas les praises des fondateurs qui vous montrent la
11:56 boîte, allez voir les chiffres, les vrais chiffres, regardez les coûts et notamment
11:59 regardez combien elles dépensent en marketing, en dépense de pub sur les plateformes Facebook,
12:04 Google ou autres, parce que là c'est vraiment un gros gros signe et honnêtement quand j'ai vu
12:09 ça sur Asana, ça m'a vraiment choqué en fait. Ça paraît assez fou qu'une boîte qui est cotée
12:17 en bourse, qui est créée depuis maintenant 15 ans, montre toujours des chiffres comme ça. Voilà,
12:21 moi ça m'a personnellement beaucoup fait rire, sûrement un petit peu moins les investisseurs
12:26 dans cette boîte. Voilà, merci encore de me suivre, n'oubliez pas vous savez de partager si
12:30 vous pensez que la vidéo peut plaire à quelqu'un, notamment les professionnels du Venture Capital,
12:34 dont je ne fais pas partie. Donc voilà, si vous faites partie de ce monde là, mettez-moi en
12:38 commentaire ce que vous en pensez. Peut-être que vous allez trouver ça totalement normal de financer
12:42 ce genre de boîte, mais moi j'avoue que ça me fait un petit peu bizarre. Voilà, en tout cas,
12:45 merci à tous et à bientôt pour une prochaine émission.

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