Nourrir la planète – Keynote de Marc Fesneau

  • l’année dernière
Compte tenu des bouleversements nés de l’épidémie de Covid, de la guerre en Ukraine et du changement climatique, les équilibres qui semblaient acquis sont désormais menacés. La France, grande nation agricole, peut-elle jouer un rôle dans la nécessaire sécurisation alimentaire mondiale ? Et mieux, peut-elle le faire en mettant en avant sa vision durable et vertueuse de l’agriculture ?

9h00 à 9h20 : Keynote

Marc Fesneau, Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire

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Transcription
00:00 Je suis très heureux d'accueillir Marc Fesneau, qui est là pour ouvrir la conférence "Nourrir la planète", dont l'ambition est de commencer à répondre, en tout cas, à cette question.
00:25 Faudra-t-il choisir entre souveraineté et durabilité ? Le ministre de l'Agriculture est aussi ministre de la Souveraineté alimentaire, ce qui est le début du commencement d'une réponse à cette question.
00:39 Et la question que je vous pose, Marc Fesneau, aujourd'hui, en rapport avec cette thématique de la matinée, c'est comment est-ce qu'on fait pour nourrir la planète ?
00:49 Est-ce que c'est le défi majeur ? Est-ce qu'il peut être relevé, compte tenu de la pression démographique, de la pression climatique, de l'ensemble des événements exogènes et de l'ensemble des contraintes qui se posent maintenant sur cet univers-là ?
01:05 Est-ce que nourrir la planète est un défi qui peut être relevé ?
01:11 Merci beaucoup. Merci de m'accueillir. Je suis très heureux d'être ici. Merci à vous pour l'opinion et très heureux de retrouver des visages connus et d'autres moins connus.
01:20 Mais merci de me permettre de m'exprimer sur ce sujet. Je ne suis pas sûr, d'ailleurs, je le dis au passage, qu'il y a 2 ou 3 ans, nous aurions posé ces questions-là.
01:29 Pas avec ces termes-là. Pas avec ces termes-là, incontestablement. Donc quelque chose a changé qui est lié sans doute – et après, je vais essayer de répondre à votre question –
01:36 qui est lié sans doute à la crise de Covid. Premier élément de la rupture de la chaîne. Et on a vu que les interdépendances pouvaient créer des difficultés et qu'on pouvait avoir des difficultés,
01:45 même des craintes. Parfois, il y a eu un peu de craintes dans nos pays, mais plus dans d'autres, d'approvisionnement et de continuité de la chaîne alimentaire.
01:51 Oui, je vais m'écarter. Faut que je me mette plutôt par là pour pas être devant l'écran. — Sinon, votre visage est à moitié mangé par... En plus, c'est ma photo. Donc c'est quand même très agréable pour vous.
01:59 — C'est moi qui mange votre photo. — Non, non, c'est le temps. C'est agréable pour vous, pas pour moi. — Et donc c'est sans doute ces crises-là. Et puis la crise, évidemment, ukrainienne,
02:08 qui est venue révéler un certain nombre de choses et qui a peut-être dit dans les esprits quelque chose de nouveau. Alors on est dans un moment où on redécouvre deux choses.
02:18 Enfin pas vous, sans doute, pas nous, sans doute. La première chose, c'est que le sujet de nourrir une population est un sujet qui reste devant nous.
02:28 Alors on avait beaucoup reproché au président de la République d'avoir dit que c'est la fin de l'abondance et c'est la fin de l'insouciance.
02:34 Et on en avait fait toute une exégèse. Il y a beaucoup d'exégètes du président de la République. Mais c'est ce qu'il avait voulu dire sur ce sujet-là, en particulier mais pas seulement.
02:46 Donc on a un premier sujet qui a été prise de conscience que nourrir une population, nourrir la planète, c'est pas une chose devant nous.
02:52 Je rappelle aussi que nous n'avons jamais été en situation de nourrir la totalité de la planète. Alors nous sommes mis en situation à l'issue de la guerre de 1940 de nourrir la planète au niveau européen, si je peux dire.
03:05 Mais il y a quand même toujours des pays qui souffrent de malnutrition. Et je ne veux pas itérer malheureusement les épisodes de famine qu'a connus le monde.
03:12 Donc ça, c'est un premier élément quand même. Ça reste devant nous. Et un deuxième élément, c'est les dérèglements mondiaux,
03:18 dérèglements géopolitiques, dérèglements économiques, dérèglements climatiques, j'y reviendrai, qui viennent pour le coup réinterroger la question, y compris dans nos propres contrées,
03:28 y compris dans nos propres territoires. Donc on a besoin de répondre à ce défi-là. Et ce défi-là, il doit être celui de ce qu'on appelle la souveraineté.
03:35 C'est vrai que le ministère... Je ne sais pas si c'est le début de la réponse. C'est le début du questionnement pour essayer de trouver des réponses. J'essaie d'être modeste.
03:43 Alors évidemment, depuis que je suis ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté, on me dit "mais vous ne faites rien sur la souveraineté".
03:46 Je dis "ouh, essayons de tricoter ça, il faut être prudent dans le temps". C'est quand même une affaire de temps, mais il faut évidemment se mettre sur ce chemin-là.
03:55 Alors, premier élément pour être rapide, parce que c'est les choses qui sont à partie, puis je dois repartir, hélas, après. Premier élément de la souveraineté.
04:03 La souveraineté ne vient pas s'opposer, pour moi, et je sais que nous serons nombreux à partager ça, à l'idée que nous avons besoin d'échanges entre les pays de la planète.
04:12 La souveraineté, c'est pas l'autarcie et le repli sur soi. Ça serait tragique et ça serait une erreur.
04:18 Dans une population mondiale en croissance, dans des chocs climatiques qui vont faire qu'on est moins capable aujourd'hui de prévoir des récoltes ou la tendance des récoltes sur plusieurs années,
04:30 parce qu'il peut y avoir des événements climatiques, dire "je m'occupe simplement de me nourrir moi-même", ce qui n'est déjà pas simple avec les accidents climatiques,
04:39 et "je ne m'occupe pas de ce qu'est la nourriture et l'alimentation du voisin", je pense que c'est une erreur géopolitique et une erreur politique.
04:46 S'il y a aux frontières méditerranéennes sud, les gens ne sont pas capables de se nourrir, on va avoir un problème.
04:52 C'est pas un problème des rives sud, c'est un problème des rives nord. D'ailleurs, on le voit un peu tous les jours, parfois.
04:57 Donc on sait bien à quel point les crises alimentaires peuvent provoquer des chocs. Je disais à Nicolas Béthout ce matin, on a ouvert nos portables, nos journaux,
05:06 en voyant ce qui se passe sur le barrage de la Nièpre, qui a été explosé cette nuit par je ne sais pas qui.
05:14 On ne sait pas très bien qui.
05:15 On verra qui. Ne cherchons pas tout de suite de coupables, laissons faire les journalistes. Il me semble que c'est mieux dans ces cas-là.
05:21 Plutôt que de se livrer à la désinformation nous-mêmes. Vous voyez bien que ce sujet qui va inonder des centaines de milliers d'hectares ou des milliers d'hectares
05:29 va avoir un effet sans doute sur la situation, je le dis devant des gens qui connaissent ces sujets-là, du marché des céréales.
05:36 Et vous voyez comment un événement quelque part, c'est pas un petit événement celui-là sans doute, parce qu'il y a une question après, je ne veux pas affoler les foules,
05:42 sur la centrale nucléaire qui est au bout. Mais comment cet événement-là vient perturber le système ?
05:47 Donc on est sur des sites qui sont très perturbés. Donc notre responsabilité, c'est quand même de penser le système comme ça.
05:51 Et puis le deuxième sujet sur la souveraineté, c'est la capacité à se nourrir, la capacité à assumer des interdépendances, mais des interdépendances qui soient choisies.
06:00 On ne peut pas se retrouver dans un pays où, pour produire, on est dépendant de l'énergie des autres, des produits y compris de base comme les engrais des autres,
06:10 de l'énergie des autres, donc je disais, et puis dans un pays où on ne peut pas poser la question sereinement de la question de l'accès à l'eau, par exemple.
06:16 La souveraineté, c'est aussi l'accès à l'eau. C'est l'accès à l'énergie. En gros, et pour faire simple, l'accès aux facteurs de production.
06:22 Donc ça, on a besoin de reconquérir cette souveraineté, parce que si demain, on n'avait pas accès aux engrais, on aurait un problème.
06:29 Et donc ça, c'est un élément très important pour moi de la souveraineté.
06:33 Puis le deuxième élément... Donc il faut assumer les interdépendances, mais il faut qu'elles soient choisies et pas subies.
06:37 Puis le deuxième élément de la souveraineté, je le dis au passage, c'est le dérèglement climatique qui vient impacter lourdement le modèle de production et notre productivité.
06:49 La baisse de la productivité que nous avons devant nous, alors une partie, on peut dire, c'est la réduction des produits phytos, etc.
06:56 Mais moi, je pense qu'on trouvera des solutions. Et je le dis sous l'œil de gens qui connaissent, on est en train de trouver des solutions.
07:01 Le travail sur les semences, pour peu que l'Union européenne, la Commission européenne, pour être précise, donne enfin quittus.
07:09 Je dis au passage, on a quand même besoin de faire une digression, on a quand même besoin de faire un peu confiance à la science.
07:13 Et on ne peut pas dire que le seul secteur qui n'a pas le droit au progrès technologique ou scientifique, c'est l'agriculture.
07:19 C'est quand même un drôle de concept, en fait. Dès que vous parlez de technologie, de science, de progrès technologique, on vous dit "attention, danger, danger".
07:26 Et personne ne se pose ces questions-là sur l'aéronautique, sur l'automobile, sur le logement, sur l'énergie. Mais sur l'agriculture, on est privé.
07:33 Donc pas de dessert, mais de progrès et de technologie. Il ne faut pas avoir peur de la science et de la technologie,
07:37 dès lors que d'ailleurs, on la regarde avec aussi la distance qu'il faut toujours avoir. Ce n'est pas la seule solution.
07:41 Mais on a besoin, pardon, de cette digression, parce que je fais cette digression parce qu'elle est liée.
07:46 On a besoin d'affronter le risque climatique. Le changement de modèle principal que nous allons avoir devant nous, c'est un changement de modèle climatique.
07:54 Et la pire des choses qu'on aurait à dire aux agriculteurs, à l'agriculture et aux Français sur ces questions de souveraineté,
07:59 ce serait de dire "rien ne va changer. Le système, il faut qu'on continue à produire sous les mêmes contraintes".
08:04 Pas contraintes, sous les mêmes règles. Les contraintes vont être très fortes.
08:09 Quand vous avez... J'étais l'autre jour dans les Pyrénées-Orientales. Régions importantes, y compris pour notre souveraineté,
08:14 de fruits et légumes, pour ce qui reste de la souveraineté des fruits et des légumes qu'on essaie de reconquérir.
08:19 Quand vous avez 100 mm d'eau sur un cycle de 13 mois, vous avez quand même un petit problème.
08:24 Donc il faut qu'on essaie de regarder... Quelqu'un me disait "il faut changer de modèle".
08:28 Quand vous avez de la vigne et des arbres, changer de modèle... On peut planter du cactus.
08:35 Mais donc il faut qu'on arrive à faire évoluer le modèle pour qu'il soit plus résilient à des épisodes climatiques comme celui-là,
08:41 mais qu'il continue à exercer ses fonctions de production. Et c'est pas simple dans des territoires comme ça.
08:46 Et vous voyez bien qu'il y a des assolements qui vont évoluer géographiquement.
08:51 Penser que les assolements vont pas évoluer géographiquement sous la contrainte climatique, ce serait une erreur.
08:55 Donc on a besoin de se dire, en conscience, ce qui est pas très agréable à faire et à dire,
08:59 on a besoin de dire en conscience aux agriculteurs, le dérèglement climatique va produire ça, donc il faut qu'on rende le système plus résilient.
09:06 Sans rentrer dans un système comme on parfois produit dans d'autres pays, je pense aux Espagnols.
09:11 Le système espagnol de maraîchage andalou, je n'invite pas à faire ça.
09:17 C'est-à-dire qu'on a prélevé sur une ressource qu'on savait épuisable et à un moment le système fait collapse.
09:22 Parce qu'à un moment ça marche plus. Donc l'idée c'est pas de prélever sans compter ou de pas se dire, est-ce que mon système tient ?
09:30 Parce que la souveraineté c'est une question de durabilité. Donc dans votre question de dire, est-ce que la souveraineté et la durabilité sont compatibles ?
09:35 Je pense qu'il n'y a pas de souveraineté si elle n'est pas durable dans le monde.
09:38 Et donc elle doit résister aux dérèglements climatiques, elle doit résister aux chocs géopolitiques.
09:42 Comment vous arrivez à maintenir de la production agricole avec des prix qui font x4 et donc divisés par 4 aussi ?
09:48 Comment vous arrivez à maintenir un cycle économique ?
09:50 Et puis dernier point, pardon je suis trop long.
09:52 - Ah non, pas du tout.
09:54 - Le dernier point c'est la question européenne.
09:57 Parce que je ne peux pas ne pas ici, parce que je sais que c'est des sujets qui sont aussi des vôtres, ne pas évoquer la question européenne.
10:03 Il faut, j'ai aucune difficulté avec l'idée qu'on doit aller, parce que je pense qu'on ne peut pas demander aux autres d'avancer sur ces sujets-là,
10:11 si nous-mêmes ne donnons pas l'exemple, mais sur les questions environnementales, sur les questions de préoccupation de nature diverse en ce domaine.
10:17 Simplement il faut que l'Europe, l'Union Européenne, la Commission pensent l'agriculture comme un élément clé de la souveraineté.
10:25 Or dans les éléments de philosophie qu'on a au niveau européen, ça n'est pas un élément clé de la souveraineté.
10:30 Ça n'est pas un élément clé de la souveraineté dans les échanges internationaux, c'est toujours la variable d'ajustement.
10:35 A la fin on se dit, bon qu'est-ce qu'on donne comme quota de... Et c'est toujours la viande à la fin d'ailleurs, au passage.
10:41 Parce que c'est toujours comme ça que ça s'ajuste. Donc c'est toujours la variable d'ajustement et ça n'est pas...
10:46 Et quand vous regardez au niveau mondial, quels sont les grands pays qui ont augmenté leur production ou qui font de l'agriculture un enjeu ?
10:53 Les Américains, les Chinois, les Brésiliens, les Russes, les Ukrainiens.
10:56 Bon, c'est quand même... C'est pas des petits pays et c'est pas des petits pays d'un point de vue géopolitique.
11:01 Et donc que l'Europe ne se pense pas comme les Américains, les Chinois, les Indiens, j'ai oublié,
11:06 et qu'on pense pas l'agriculture comme une puissance, c'est un problème.
11:10 Et donc on a besoin, au niveau européen, tout en en rabattant pas pour les raisons que j'évoquais,
11:15 parce que je pense que la durabilité c'est un des éléments de la souveraineté,
11:19 parce qu'il y a bien des systèmes, surtout dans un territoire comme le nôtre,
11:23 je disais ça hier, pardon, de la deuxième digression,
11:26 quand vous êtes sur des territoires immenses comme la Chine ou les Etats-Unis,
11:31 vous pouvez vous permettre, entre guillemets, mettez entre guillemets ce que je vais dire,
11:36 de perdre de la productivité sur certaines terres, parce que vous avez tellement de surface que c'est pas très grave.
11:41 Alors ils seront épuisés dans 1000 ans, mais pour l'instant ils voient pas, tandis que chez nous on peut pas faire ça.
11:45 Donc on a besoin d'avoir un élément de durabilité plus fort.
11:50 J'étais l'autre jour sur le chemin du retour de la Chine,
11:53 vous me direz c'est un drôle de chemin de retour, enfin si, c'est logique géographiquement,
11:56 j'étais en Mongolie, c'est 5 fois la France, et 3 millions d'habitants, donc il y a de l'espace.
12:03 Bon, ils ont 25% des terres qui sont désormais incultivables,
12:07 c'est paradoxal, du fait de l'érosion d'un surpâturage,
12:12 parce qu'ils font du cachemire et il y a trop de chèvres,
12:15 avec une impossibilité de reconstituer leurs terres.
12:18 Mais 20% de plusieurs millions de kilomètres carrés,
12:23 ça se voit moins que 20% de nous.
12:26 Et donc on a besoin au niveau européen de penser cette durabilité,
12:28 parce que nous c'est un élément central de notre souveraineté,
12:31 mais on a quand même le besoin de le penser comme une puissance.
12:34 Or je ne vois pas toujours, je ne vois pas souvent, je ne vois pas assez,
12:39 la prise de conscience au niveau européen que si vous n'êtes pas capable de nourrir vos populations,
12:43 et si vous n'êtes pas capable de peser géopolitiquement par l'agriculture,
12:48 vous êtes morts, moi je pense.
12:50 Parce que vous voyez bien que la discussion que vous engagez avec qui ?
12:53 Les Égyptiens, qui ? Les Algériens, qui ?
12:57 S'il y en a qui les nourrissent et d'autres qui ne les nourrissent pas,
12:59 vous n'avez pas tout à fait la même nature de discussion avec des partenaires,
13:03 des alliés ou des gens qui ne sont pas vos alliés, mais qui sont vos frontaliers.
13:07 Et donc voilà, il me semble-t-il ce qu'on a construit.
13:10 Ne pas opposer durabilité et souveraineté,
13:12 ne pas faire de la souveraineté un objet autarcique,
13:15 et je le dis auprès de gens qui savent ce que c'est que l'idée que le marché ouvert
13:19 ce n'est quand même pas la plus mauvaise option qu'on ait trouvé,
13:22 et plus que jamais on a besoin de coopération et d'échange.
13:25 Simplement il faut accepter dans les échanges ce qui est soutenable,
13:30 ce qui ne crée pas de dépendance trop forte,
13:32 et puis troisième élément, il faut qu'au niveau européen enfin,
13:35 on prenne conscience que l'alimentation c'est une arme de même nature que la question énergie.
13:40 Il ne faudrait pas qu'on ait le même retard sur l'agriculture
13:42 que celui qu'on a découvert l'automne dernier sur l'énergie.
13:45 Et donc c'est plutôt pas mal d'essayer de cette prise de conscience.
13:48 Merci beaucoup Marc Fiador.
13:50 Deux ou trois questions en réaction de ce que vous venez de dire.
13:53 Vous avez pointé à plusieurs reprises l'Europe.
13:55 Est-ce que c'est quelques pays européens ou est-ce que c'est la commission ?
14:00 Je veux dire la manière dont l'Europe est gérée à Bruxelles.
14:05 Pour moi c'est plutôt la commission.
14:07 C'est plutôt au niveau de la commission qu'on doit agir.
14:09 Donc il y a un sujet, commission européenne ?
14:10 Oui, alors c'est pas très nouveau qu'il y ait parfois un sujet commission européenne.
14:13 Mais oui, il y a un sujet de prise de conscience commission européenne.
14:16 Je trouve qu'on travaille trop collectivement en silo sur cette affaire-là.
14:19 On ne peut pas avoir...
14:21 Le sujet souveraineté alimentaire, ce n'est pas qu'un sujet du commissaire agricole.
14:27 C'est un sujet du commissaire environnement.
14:28 C'est un sujet du commissaire commerce.
14:31 Or tout ça, on a le sentiment en tout cas,
14:34 pour y être un peu plus dans la mécanique aujourd'hui,
14:36 qu'il n'y a pas assez de dialogue et pas assez de transversalité.
14:39 Et trop d'idéologues ?
14:41 Oh, il y en a toujours, oui.
14:43 Si on reprend l'histoire de Farm to Fork, le Green Deal, etc.
14:47 On a le sentiment tout de même,
14:49 et ce que vous dites des impasses que provoque la commission européenne
14:56 nourrit ce sentiment qu'il y a un peu d'idéologie,
14:59 un peu de dogmatisme et pas assez d'empirisme.
15:03 Oui, j'aimerais bien qu'il y ait un peu d'empirisme.
15:05 C'est-à-dire que...
15:06 Moi, le Green Deal ne me gêne pas
15:08 dès lors qu'il ne pose pas comme postulat
15:10 la décroissance de la production agricole.
15:12 On pourrait avoir un Green Deal.
15:14 Sur les questions de biodiversité,
15:16 on a besoin de remettre du carbone dans les sols,
15:18 on a besoin de remettre de la matière organique,
15:20 on a besoin de se préoccuper de la biodiversité,
15:22 on a besoin de lutter contre l'érosion.
15:24 Tout ça, c'est du Green Deal pour moi.
15:26 Mais si le postulat de base,
15:28 c'est "je produis"...
15:30 Ma seule façon d'y arriver, c'est de dire "je produis moins".
15:34 Donc on ne pense pas système,
15:36 on pense par appartement,
15:38 et je pense que c'est ça, le risque principal.
15:40 Donc il faut remettre en question le Green Deal
15:42 et le pacte vert ?
15:44 Il faut le mettre...
15:46 Parce que je pense que...
15:48 C'est peut-être utopique,
15:50 vous allez me dire "c'est dû en même temps".
15:52 Vous y aurez bien.
15:54 Mais...
15:56 Je l'ai dit tout à l'heure,
15:58 je pense qu'on a besoin résolument
16:00 de s'engager sur les questions de transition environnementale,
16:02 de transition écologique.
16:04 Que l'agroécologie n'est pas un concept idiot.
16:06 Qu'on en a besoin pour la transition.
16:08 Simplement, je veux que ça corrèle
16:10 avec l'objectif
16:12 qui doit être la souveraineté alimentaire européenne
16:14 et la sécurité alimentaire mondiale
16:16 où l'Europe a un rôle à jouer
16:18 sauf à disparaître de la géopolitique mondiale.
16:20 Et je suis sûr que c'est compatible.
16:22 Mais les petits débats qu'on a parfois sur l'élevage,
16:24 où je deviens la victime expiatoire,
16:26 ça occupe certaines personnes.
16:28 Au moins, ils ont une poupée vaudou
16:30 à énerver tous les matins.
16:32 Ça leur fait du bien.
16:34 Ils ont trouvé quelqu'un.
16:36 Au moins que ce soit sur moi que sur d'autres.
16:38 Parce que ça protège les autres.
16:40 Mais pour résoudre la question
16:42 du méthane sur l'élevage,
16:44 c'est de dire "moi je décapitalise
16:46 et je tue les éleveurs et les élevages".
16:48 Message à la Cour des comptes.
16:50 Oui, alors, j'invite, parce que j'essaie d'être pondéré
16:52 comme vous le savez.
16:54 Il faut lire le rapport de la Cour des comptes.
16:56 Il y a plein de choses intéressantes dans le rapport lui-même
16:58 comme le besoin de remettre de l'élevage dans des zones
17:00 de déspécialisé.
17:02 Y compris dans des zones comme les miennes
17:04 où on n'a pas une culture d'élevage très développée.
17:06 Parce que je suis, comme vous le savez,
17:08 en petite bouse.
17:10 Ce qui est embêtant, ce n'est pas intéressant, c'est les deux recommandations.
17:12 La première, c'est "je fais un plan social".
17:14 La deuxième, c'est "décapitalisation forcée".
17:16 Mais globalement, dans l'inconscient, y compris européen,
17:18 ça a été... Vous voyez bien ce qui s'est passé.
17:20 Je finirai par là, sur ce sujet-là.
17:22 Dans l'inconscient européen,
17:24 la solution, c'est la décapitalisation.
17:26 La solution, c'est la décroissance.
17:28 Et la solution, c'est de faire comme si on n'avait pas
17:30 une population à nourrir et du monde à nourrir.
17:32 Il me semble que c'est un élément.
17:34 Et je le dis d'autant plus que regardez ce qui s'est passé
17:36 aux Pays-Bas.
17:38 Sans doute de la faute des gouvernements successifs
17:40 qui n'ont pas voulu s'attacher à la question des nitrates.
17:42 Ils avaient beaucoup d'animaux sur peu de surface
17:44 et à un moment, ça pose un problème.
17:46 Le modèle, là aussi, fait collapse. Disons les choses.
17:48 Et quand le gouvernement est arrivé devant les agriculteurs
17:50 et a dit "40%, vous disparaissez".
17:52 Plan social.
17:54 Ils ont bloqué le système.
17:56 On ferme. Ils ont bloqué le système.
17:58 Et ça fait un an qu'ils ne savent pas comment se tirer
18:00 de cette situation. Parce qu'à un moment,
18:02 la transition que vous opérez n'est pas acceptable
18:04 et jugée comme humiliante
18:06 par les gens. Et à juste titre.
18:08 Parce que ça ressemble à du harcèlement agricole,
18:10 cette affaire-là. Vous les braquez
18:12 et après, c'est terminé. Vous ne pouvez plus avancer.
18:14 Petite question annexe
18:16 qui est dans le même esprit que celle
18:18 que je vous ai posée sur la Commission européenne.
18:20 Il faut repositionner les agences sanitaires ?
18:22 Il faut les repositionner.
18:24 Moi, je ne suis pas de ceux.
18:26 Là aussi, vous voulez vraiment me faire faire
18:28 tous les sujets ?
18:30 Vous allez faire du en même temps là aussi.
18:32 Non, je ne fais pas du en même temps. Mais c'est tous les sujets
18:34 où j'ai pris des shoots. Parce que j'ai osé dire
18:36 des choses qui n'étaient quand même pas la révolution
18:38 complète. Un, il faut repositionner.
18:40 On ne peut pas être dans un marché unique,
18:42 un marché commun. Appelez-les comme vous voulez.
18:44 Dans un même marché, dire "chacun fait ce qu'il veut chez soi".
18:46 Parce que je pense que là, on a un sujet.
18:48 Personne ne se pose la question
18:50 de savoir si on a les mêmes normes sur les voitures,
18:52 ou sur les avions, ou sur l'aviation d'ailleurs,
18:54 ou sur les prises électriques.
18:56 Par contre, sur des sujets aussi centraux.
18:58 Ça prouve bien ça, d'ailleurs, que le sujet agricole
19:00 est un sujet qui n'est pas considéré comme un sujet
19:02 de stratégie européenne.
19:04 Et on ne peut pas dire qu'on fait ça
19:06 et que par ailleurs, chacun fait un peu ce qu'il veut.
19:08 Donc j'ai dit deux choses. Je dis, un,
19:10 moi, je n'ai jamais remis en cause la science
19:12 que je pense que quand vous mettez le doigt là-dedans,
19:14 vous vous retrouvez avec,
19:16 parlons l'expression, tous les rats hautes de la Terre.
19:18 Et moi, je ne serai jamais dans l'accord des...
19:20 Je n'ai pas aimé ce qui s'est passé sur le vaccin,
19:22 de la remise en cause des scientifiques,
19:24 et je ne joue jamais à ça,
19:26 parce que je pense que c'est...
19:28 À la fin, ça finira, il n'y a pas de réchauffement climatique.
19:30 Je vous le dis, je vous le signe.
19:32 Et ceci n'est pas un stylo, c'est une tringlaride.
19:34 OK, on peut en parler, mais pas trop longtemps,
19:36 parce qu'en fait, c'est un stylo, moi, je crois.
19:38 Collectivement, on peut se mettre d'accord
19:40 sur l'idée que c'est un stylo. Ça serait déjà un bon début.
19:42 Donc il faut faire attention à ça.
19:44 Mais qu'on dise, les agences de sécurité,
19:46 on l'a vu sur la question de la phosphine et de l'export,
19:48 qui était une molécule qui était...
19:50 Vous en aviez d'ailleurs parlé dans vos journées.
19:52 -Mais du coup, vous avez sorti l'affaire.
19:54 -Oui, je vous remercie, d'ailleurs,
19:56 parce que je pense que vous faites partie,
19:58 je ne dis pas que vous vous faites plaisir,
20:00 parce que je ne suis pas drôle au flagorneur,
20:02 de ceux qui essayent d'exposer les faits
20:04 et d'exposer les problèmes, y compris dans leur complexité.
20:06 Mais on ne peut pas délier complètement
20:08 une question comme celle-là, par exemple,
20:10 de "est-ce qu'on est capables..."
20:12 Enfin, ce n'est pas une question économique,
20:14 la question de la phosphine.
20:16 Ce n'est pas d'abord une question économique,
20:18 ce n'est pas pour faire plaisir,
20:20 je sais que je suis vendu à tous les lobbies,
20:22 mais ce n'est pas le sujet.
20:24 Le sujet, c'est comment j'exporte des céréales
20:26 vers des pays qui ont besoin de céréales
20:28 pour se nourrir.
20:30 Et si ce n'est pas moi, c'est Poutine.
20:32 Bon, écoutez, moi, je préfère quand même,
20:34 intuitivement, que ce soit nous.
20:36 C'est du haut, je sais que c'est un peu
20:38 académique, conventionnel, mais c'est un premier sujet.
20:40 Deuxième sujet, on a besoin, me semble-t-il,
20:42 de faire des calculs, parce que je pense qu'il faut...
20:44 Jamais vous me trouverez sur le chemin de dire...
20:46 Encore un peu, parce qu'il n'y a pas que
20:48 les affaires de scandale, je pense qu'on a l'intuition
20:50 qu'un certain nombre de produits font en sortir.
20:52 Mais il faut que ce soit au niveau européen.
20:54 Et deux, je ne comprends toujours pas pourquoi
20:56 la recherche au niveau européen n'existe pas.
20:58 Il y a chez nous, ce qu'on fait nous,
21:00 ce qu'on essaie de faire, mais on aurait besoin
21:02 d'une recherche européenne qui incite à essayer
21:04 de trouver des alternatives, quitte à se dire,
21:06 parfois, il faut être aussi lucide.
21:08 Là, on n'a pas d'alternative.
21:10 Là, on a besoin... Mais c'est plutôt ça.
21:12 Et donc, l'idée de dire simplement...
21:14 La solution, c'est je supprime les agences sanitaires.
21:16 On a besoin d'agences sanitaires.
21:18 On a besoin qu'elles nous éclairent
21:20 sur les recherches.
21:22 Je suis toujours fasciné, parce que j'essaie d'avoir
21:24 une seule politique. Les mêmes qui me reprochent
21:26 de dire aux agences, à une agence,
21:28 peut-être qu'on pourrait regarder une chronologie européenne,
21:30 me demandent tous les matins,
21:32 sur la grippe aviaire, d'en rabattre
21:34 et de ne pas suivre
21:36 les injonctions de l'agence sanitaire.
21:38 Les mêmes qui me disent
21:40 que je n'aurais pas dû dire ça,
21:42 oublient que c'est les premiers, quand l'agence de sécurité
21:44 sanitaire dit quelque chose sur les
21:46 salineries tritées, "ah ben non, faut pas respecter,
21:48 parce qu'ils sont tous vendus." Alors, il faudrait savoir dans quel camp
21:50 on se trouve, en fait.
21:52 C'est pour ça que je ne viens pas...
21:54 Je pense qu'il ne faut jamais
21:56 saper les institutions, y compris
21:58 quand on n'est pas d'accord avec elles.
22:00 Y compris quand on peut avoir des débats.
22:02 Des débats philosophiques ou politiques.
22:04 Parce que ça, je pense que ce n'est pas mauvais, mais il faut accepter qu'on ait des débats
22:06 et que je puisse dire ça à l'agence
22:08 de sécurité sanitaire. Ce n'est pas une offense scientifique.
22:10 C'est, est-ce qu'on ne pourrait pas regarder
22:12 la chronologie sur une molécule avec
22:14 la chronologie européenne ? Ce n'est quand même pas
22:16 la révolution non plus.
22:18 - Merci beaucoup, Marc Fesneau. On va être obligés d'arrêter. Vous avez un timing
22:20 et nous avons un timing très serré. Il restait
22:22 une dizaine de questions sur la pause
22:24 réglementaire,
22:26 les "close-miroirs",
22:28 ou cette question extrêmement simple,
22:30 est-ce que la France est encore une grande nation agricole ?
22:32 Ce sera peut-être pour la prochaine fois.
22:34 - Oui, c'est une grande nation agricole.
22:36 - Merci beaucoup.
22:38 [Musique]

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