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Compte tenu des bouleversements nés de l’épidémie de Covid, de la guerre en Ukraine et du changement climatique, les équilibres qui semblaient acquis sont désormais menacés. La France, grande nation agricole, peut-elle jouer un rôle dans la nécessaire sécurisation alimentaire mondiale ? Et mieux, peut-elle le faire en mettant en avant sa vision durable et vertueuse de l’agriculture ?

5 questions sur la fin des pesticides, avec Raphaël Dumain, responsable monde innovation et partenariats, Bayer.

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Transcription
00:00 (Musique)
00:15 -On va se pencher sur un autre sujet d'actualité,
00:17 le sujet des pesticides.
00:19 Alors j'invite notre intervenant à me rejoindre,
00:23 Raphaël Dumas, vous êtes responsable
00:25 Monde pour l'innovation et les partenariats chez Bayer.
00:28 Bonjour. Bonjour et merci de l'invitation.
00:30 Matinée est facile.
00:32 -Alors...
00:34 On a un peu hésité sur la formulation du titre et de la question,
00:40 mais je vais être très cash.
00:42 Est-ce qu'avec la transition écologique,
00:44 on voit arriver la fin totale des pesticides ?
00:49 -La transition écologique, on a beaucoup parlé du Green Deal.
00:52 Bayer fait partie prenante, évidemment,
00:54 de cette aventure de transition agroécologique.
00:57 Puisque nous vendons aujourd'hui des produits phytosanitaires,
01:00 en termes de Green Deal, le premier message,
01:02 je veux qu'il soit clair, Bayer accompagne cette transition.
01:04 Nous supportons la mission et l'objectif
01:07 de réduire l'usage des produits phytosanitaires au champ.
01:09 Il n'y a pas de souci là-dessus.
01:11 Par contre, ce que nous voulons, c'est être sûrs
01:13 que les agriculteurs ne se retrouvent pas sans solution.
01:15 C'est-à-dire, on veut accompagner cette transition
01:19 des produits phytosanitaires,
01:21 faire la transition avec de nouvelles solutions
01:24 pour réduire de manière ultime
01:26 l'usage de ces produits phytosanitaires au champ.
01:29 Le deuxième point, l'usage des pesticides,
01:32 des produits phytosanitaires, il faut savoir qu'aujourd'hui,
01:34 on a tout un tas de nouveaux outils à disposition,
01:37 que ce soit des outils génomiques,
01:39 des plateformes d'intelligence artificielle.
01:42 Notre recherche et développement
01:43 est faite différemment d'il y a 10, 15, 20 ans.
01:46 Aujourd'hui, l'idée, c'est vraiment de développer
01:48 des nouveaux produits chimiques
01:50 avec des profils réglementaires encore meilleurs
01:53 et encore plus durables.
01:54 Et pour être clair, aujourd'hui, on n'y est pas.
01:56 On ne peut pas se passer des produits phytosanitaires.
01:58 Nous pensons, en tant que compagnie,
02:00 qu'on aura toujours besoin de ces produits,
02:02 mais combinés à d'autres solutions.
02:04 -Concrètement, si on se projette à un horizon de 10, 15 ans,
02:08 comment va s'organiser cette protection des cultures ?
02:12 -La protection des cultures, c'est pas forcément dans 10 à 15 ans,
02:15 mais c'est dès aujourd'hui,
02:17 parce que cette transition a déjà commencé.
02:19 Ca fait plusieurs années.
02:20 La réduction des produits phytosanitaires n'est pas nouvelle,
02:23 donc elle est déjà en marche.
02:25 Ca va se baser sur 3 grands piliers, j'ai envie de dire.
02:27 La 1re, c'est être certain
02:29 qu'on offre une gamme complète de solutions à l'agriculteur.
02:32 On ne peut pas se contenter d'un type de solution.
02:35 Donc le 1er message, c'est qu'il nous faut
02:36 une gamme de solutions, une boîte à outils,
02:38 on en a tous parlé.
02:39 Le 2e message, c'est qu'évidemment,
02:41 chaque solution doit être compatible
02:43 avec les objectifs du Green Deal.
02:44 Donc des solutions durables.
02:46 Et le 3e pilier d'activité,
02:49 c'est que ces solutions doivent être sur mesure.
02:51 Aujourd'hui, il y a des surmesures en pharma,
02:53 dans tous les domaines.
02:55 Il y aura des surmesures dans le domaine agricole,
02:58 il y a déjà des surmesures à la ferme, à la parcelle.
03:01 Ca, c'est les 3 grands axes, je dirais.
03:04 -Dans la boîte à outils, on met quoi ?
03:06 -Dans la boîte à outils,
03:08 la protection de culture n'est pas faite au niveau de la feuille.
03:12 Elle commence à la graine.
03:13 Ca, c'est fondamental.
03:14 Il faut qu'on regarde l'ensemble du cycle de vie de la plante.
03:18 Ca commence évidemment avec la graine.
03:20 Donc la graine, aujourd'hui,
03:21 on peut encore améliorer le profil génétique des variétés.
03:24 On continue à les améliorer.
03:26 Si on a des variétés qui sont plus tolérantes aux maladies,
03:30 aux ravageurs, aux insectes,
03:31 on a déjà fait moitié du chemin,
03:32 sans même parler de produits phytosanitaires.
03:35 Donc le 1er axe de travail, c'est évidemment la graine.
03:38 Le 2e axe de travail, c'est comment on protège la culture
03:41 lorsqu'il y a des ravageurs, des insectes, des maladies,
03:43 des mauvaises herbes.
03:45 Donc là, on parle de crop protection,
03:47 de protection des cultures, tout simplement.
03:51 Et dans cette protection des cultures,
03:53 aujourd'hui, on utilise principalement
03:55 des produits phytosanitaires.
03:57 Mais on a développé depuis quelques années
03:59 ce qu'on appelle les produits de biosolutions.
04:01 Dans les biosolutions, on met beaucoup de choses,
04:03 mais grosso modo, il y a deux grandes catégories.
04:06 -C'est une solution bio ? Expliquez-moi concrètement.
04:10 -C'est des bactéries, des champignons,
04:12 des acides aminés, des produits naturels.
04:15 Il y a des produits de biocontrôle
04:16 qui permettent de contrôler les pestes,
04:18 les ravageurs, les insectes, les maladies.
04:22 Il y a des produits de ce qu'on appelle des biostimulants
04:24 qui permettent d'augmenter le rendement
04:26 avec des apports améliorés d'azote, de phosphate, etc.
04:31 Donc il y a vraiment ces produits de biosolutions
04:34 qui permettent, combinés actuellement
04:36 aux produits phytosanitaires,
04:38 de diminuer l'apport au champ de produits phytosanitaires.
04:42 Ça passe soit par une diminution de la dose.
04:45 Ça nous permet de diminuer soit les doses,
04:47 soit le nombre d'applications,
04:49 soit le moment auquel on pulvérise.
04:53 Et donc, dans l'ensemble, on arrive à réduire
04:55 l'empreinte de l'agriculture
04:57 avec ces produits phytosanitaires au sol.
04:59 Le troisième axe, et ça, c'est super important.
05:02 Aujourd'hui, il y a énormément d'activités également
05:06 dans le développement de ce qu'on appelle
05:08 de la modélisation, de la prédiction
05:10 de l'émergence de maladies,
05:12 d'émergence des insectes et des ravacheurs.
05:14 Ces outils sont associés à des plateformes digitales.
05:17 Si on combine ces plateformes digitales
05:19 avec ces outils de modélisation et de prédiction,
05:21 là encore, on peut anticiper.
05:23 On peut anticiper le besoin.
05:25 Et donc, si on traite plus en amont,
05:27 si on anticipe le problème
05:28 grâce aux outils de modélisation et de prédiction,
05:31 là encore, on peut diminuer
05:33 l'apport des produits phytosanitaires.
05:35 C'est un ensemble de solutions.
05:37 Jusque-là, je parlais des solutions techniques.
05:40 La variété, les produits de biosolutions
05:42 et les outils de modélisation.
05:44 Mais tout ça s'accompagne
05:46 d'un changement de modèle économique également.
05:48 C'est-à-dire qu'aujourd'hui,
05:50 l'agriculteur ne doit pas être le seul
05:51 à prendre le risque de cette transition.
05:53 Donc nous, en tant que compagnie,
05:54 on ne veut plus vendre uniquement des produits,
05:56 on veut vendre des solutions.
05:57 Et pour ça, on veut partager les bénéfices,
06:00 mais aussi les risques.
06:02 Et donc, typiquement, en termes quantitatifs,
06:04 chez Bayer, en tout cas, d'ici 2030,
06:06 on souhaite avoir 30 % de notre chiffre d'affaires
06:08 qui est lié à ces nouveaux modèles économiques
06:10 de partage de valeurs et de risques.
06:12 -Vous allez encore me dire que ce n'est pas à lointaine échéance,
06:16 mais on va dire dans un futur proche, alors.
06:19 Ca va être quoi, la vie d'un agriculteur ?
06:21 Quand vous décrivez toutes ces solutions,
06:23 il va être à la fois informaticien,
06:26 un petit peu assureur ?
06:28 -L'agriculteur, pour commencer, comme vous le savez,
06:31 il y a une crise de la profession.
06:32 Le nombre d'agriculteurs diminue drastiquement.
06:35 -En nombre ? -En nombre.
06:38 Et l'une des problématiques, c'est évidemment
06:40 comment cette transition agroécologique est faite.
06:42 Donc nous, en tant que société,
06:43 on veut accompagner les agriculteurs à chaque étape
06:46 pour qu'ils ne soient pas seuls face à ces choix.
06:48 Donc ce qu'on veut, c'est offrir tout un panel de solutions.
06:51 Donc, encore une fois, la vie d'un agriculteur dans le futur,
06:54 aujourd'hui, par exemple,
06:55 nous avons une plateforme FieldView développée par Bayer
06:58 qui est développée en Amérique du Nord,
07:00 qui est développée en France, en Allemagne aujourd'hui.
07:02 Donc c'est du tangible, c'est concret aujourd'hui.
07:05 On peut avoir des recommandations de semences,
07:07 de variétés adaptées à sa parcelle,
07:10 adaptées au climat de la localisation de la ferme.
07:15 Donc la première étape, c'est vraiment pour l'agriculteur,
07:18 je dirais, de modéliser, d'utiliser les outils digitaux
07:21 pour sélectionner les bonnes variétés.
07:23 Ensuite, c'est vraiment à travers ces plateformes digitales,
07:27 ce qu'on veut, en association avec la modélisation,
07:30 la prédiction, c'est fournir des recommandations.
07:33 Donc l'agriculteur, ensuite,
07:35 avec la cartographie de ses champs,
07:37 les cartographies satellitaires.
07:38 Aujourd'hui, on utilise des tracteurs avec des GPS,
07:40 c'est courant.
07:41 En plus, la transition qui est faite actuellement,
07:44 c'est utiliser des données satellitaires,
07:46 c'est utiliser des capteurs qui sont au champ,
07:48 qui sont répartis sur les champs
07:49 pour déterminer là où il y a un stress hydrique,
07:52 là où on manque d'azote, là où il y a une maladie,
07:54 là où il y a un insecte.
07:55 Et donc, si on combine tout ça,
07:57 l'agriculteur va être capable de mettre...
08:00 Je dirais, il va être capable de sélectionner le bon produit,
08:03 de mettre la bonne dose au bon moment
08:06 pour la problématique associée du jour.
08:09 -Ce sera beaucoup plus ajusté, en fait.
08:11 Vous avez cité des exemples de plusieurs pays.
08:15 Concrètement, l'Europe est dans un paysage mondial, on l'a vu.
08:21 Où est-ce qu'on en est dans l'avancée de cette technologie,
08:25 l'utilisation de cette boîte à outils que vous avez citée ?
08:29 Est-ce qu'on est en avance, en retard,
08:32 par rapport à d'autres pays ?
08:34 -Ce qui est très important,
08:35 c'est que la plupart de ces solutions existent déjà.
08:37 On les améliore au fur et à mesure, mais elles existent.
08:40 Typiquement, l'Europe, on va parler franc,
08:42 est clairement en retard en termes de régulation,
08:45 d'environnement réglementaire.
08:46 C'est-à-dire qu'avec le Green Deal,
08:47 on met en place des solutions très stringentes
08:50 au niveau des affaires réglementaires
08:52 pour diminuer les produits phytosanitaires.
08:54 Mais ça ne s'accompagne pas aujourd'hui
08:56 de plus de souplesse pour l'usage de ces nouvelles solutions.
08:59 Donc aujourd'hui, on a une contrainte réglementaire
09:03 la plus forte sur les produits phytosanitaires,
09:05 mais également une contrainte réglementaire
09:06 la plus forte sur ces nouvelles solutions.
09:08 Donc c'est un problème.
09:09 Je vais juste illustrer mon propos
09:11 avec trois technologies, tout simplement.
09:13 En termes de produits de biocontrôle,
09:17 il faut rendre 6 mois à 1 an pour mettre un produit,
09:19 le même produit, aux Etats-Unis sur le marché.
09:22 En Europe, il faut rendre 5 à 7 ans.
09:25 Donc là, on a 5 fois ou 8 fois plus de temps
09:28 pour mettre un produit de biocontrôle sur le marché.
09:30 On peut prendre l'exemple aujourd'hui des drones,
09:34 des applications digitales également.
09:36 En Asie, c'est utilisé aujourd'hui massivement.
09:39 En Chine, au Japon, etc.
09:41 Ils utilisent déjà les drones pour faire du diagnostic,
09:44 également pour pulvériser, encore une fois,
09:45 au bon moment, une dose microscopique
09:47 pour prévenir les maladies.
09:49 Et ça, on est clairement en retard
09:51 au niveau de l'utilisation des drones,
09:53 parce que réglementairement, également,
09:54 on est très contraints au niveau de la législation.
09:56 Et juste, on a parlé un petit peu
09:58 de ce qu'on appelle des nouvelles techniques de croisement.
10:02 -On va en reparler, je crois.
10:03 -On va en reparler.
10:04 Et donc, au niveau de ces nouvelles techniques de croisement,
10:07 comme vous le savez, les ciseaux moléculaires,
10:09 qui permettent de modifier finement,
10:12 je dirais, certaines parties de la plante,
10:14 et ces outils moléculaires,
10:17 aujourd'hui, il y a déjà les premières variétés.
10:19 Ces variétés qui permettent d'être plus tolérantes
10:22 sont mises sur le marché en Chine,
10:23 qui sont mises sur le marché aux Etats-Unis.
10:26 Et ces techniques, on en parle depuis plus de 10 ans,
10:29 15 ans au niveau de l'Europe,
10:31 et aujourd'hui, on n'a toujours pas de clarté.
10:33 Donc, en tant qu'industriel, ce qu'il nous faut absolument,
10:36 c'est de la visibilité et de la clarté
10:39 au niveau des affaires réglementaires,
10:40 et évidemment, idéalement, plus de souplesse
10:43 sur les outils qui vont nous permettre
10:45 de réduire les produits phytosanitaires.
10:48 -Je crois qu'Emmanuel va revenir dans quelques instants
10:50 sur ces nouvelles technologies.
10:52 Au cours de la dernière table ronde,
10:53 j'ai envie de vous demander, pour conclure,
10:55 qu'est-ce qu'il faut retenir aujourd'hui sur les pesticides ?
10:57 -Pour conclure sur les pesticides, j'ai envie de vous dire...
11:02 On partage le même objectif.
11:04 On a les solutions, elles sont là, elles sont disponibles.
11:07 Donc maintenant, il faut absolument,
11:09 pour attraper le retard, on a,
11:11 il faut absolument qu'on travaille entre les partenaires.
11:13 Ça a été dit auparavant.
11:15 Jusqu'à des décennies auparavant,
11:16 l'innovation était principalement de l'innovation fermée,
11:19 c'est-à-dire basée sur la propriété intellectuelle.
11:21 Aujourd'hui, ces nouvelles solutions,
11:23 c'est un ensemble de combinaisons de solutions.
11:25 Donc ça fait appel à des compétences et à du savoir-faire
11:29 qui ne sont pas uniquement basées sur la propriété intellectuelle.
11:32 Et donc, il faut que tous les acteurs se mettent ensemble,
11:35 c'est-à-dire les partenaires privés, les partenaires publics,
11:39 c'est-à-dire créer un écosystème
11:41 pour faire émerger les start-up,
11:43 pour faire émerger les universités,
11:45 pour mettre en valeur le savoir-faire qu'on a
11:46 et les compétences qu'on a en Europe,
11:49 pour pouvoir les traduire
11:51 et les impliquer dans cette boîte à outils.
11:54 Parce qu'aujourd'hui, on a toutes les pièces du puzzle,
11:56 ce qu'il faut, c'est mettre ces pièces ensemble.
11:59 On a la capacité de le faire.
12:01 Et simplement, il faut vraiment maintenant
12:03 qu'on y aille ensemble,
12:04 qu'on construise ensemble ces nouvelles solutions.
12:08 -Merci beaucoup, Raphaël Dubain.
12:10 -Merci de l'invitation.
12:12 (Musique)
12:15 ---

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