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André Comte-Sponville, philosophe et auteur de "La clé des champs et autres impromptus" aux éditions PUF, répond aux questions de Sonia Mabrouk. Dans cet entretien, elle reçoit également le dessinateur de presse Plantu.
Retrouvez "L'entretien" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linterview-politique-de-8h20
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André Comte-Sponville, philosophe et auteur de "La clé des champs et autres impromptus" aux éditions PUF, répond aux questions de Sonia Mabrouk. Dans cet entretien, elle reçoit également le dessinateur de presse Plantu.
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NewsTranscription
00:00 Heureux 5
00:02 Il est 8h13 sur Europe 1, votre invité Sonia Mabrouk ce matin est philosophe, son dernier ouvrage "La clé des champs" et autres
00:09 impromptus aux éditions PUF.
00:11 Bienvenue sur Europe 1 et bonjour André Comtes-Ponville.
00:14 Bonjour.
00:14 Et je précise que le dessinateur de presse plantue va nous rejoindre en quelques instants.
00:19 Après l'attaque d'Annecy, la France est sous le choc mais le pays trouve néanmoins des raisons de se relever avec l'acte héroïque de l'homme au sac à dos, Henri.
00:29 André Comtes-Ponville, dans notre imaginaire collectif contemporain, à quoi la notion d'héroïsme renvoie-t-elle aujourd'hui ?
00:35 Elle renvoie d'abord au courage évidemment, qui est l'une des grandes vertus, l'une des quatre vertus cardinales de l'antiquité et du Moyen-Âge,
00:43 avec la justice, la tempérance et la prudence, et sans doute la plus importante des quatre parce qu'au fond
00:51 aucune autre vertu n'est possible sans courage.
00:56 Pour être juste, il faut savoir parfois prendre des risques évidemment.
01:00 Et en même temps, le paradoxe du courage c'est que ce n'est pas une vertu complète, comme disait Aristote.
01:07 Alors qu'est-ce qu'Aristote entend par une vertu complète ?
01:09 C'est une vertu qui à elle seule suffit à assurer la valeur morale de l'acte.
01:14 Par exemple, la justice est une vertu complète.
01:16 Un acte juste est forcément un acte moralement bon.
01:19 Le courage n'est pas une vertu complète parce qu'un acte courageux peut être moralement parfaitement condamnable.
01:25 Pour cambrioler une banque, pour penser aux terroristes qui ont jeté leur avion contre les deux tours du World Trade Center,
01:31 il faut du courage pour faire ça.
01:33 Et en même temps, ce sont d'atroces assassins si vous les voyez.
01:36 Et donc voilà, le courage peut servir au meilleur et au pire.
01:41 D'où la notion de héros.
01:42 Le héros c'est quoi ? C'est celui qui fait preuve non seulement d'un extrême courage,
01:46 mais d'un extrême courage désintéressé et généreux.
01:50 - Généreux, la générosité allie au courage.
01:53 - Et de se sacrifier ou prendre le risque de se sacrifier pour les autres.
01:56 Alors pensez au lieutenant-colonel Beltrame, il y a quelques années, qui en est mort.
02:00 Et puis ce jeune Henri qui, fort heureusement, n'en est pas mort,
02:03 mais quand même attaqué sans autre arme qu'un sac à dos, quelqu'un qui a un poignard et qui est prêt à s'en servir.
02:09 C'est un très grand courage, vous voyez.
02:11 Mais on parle de héros parce qu'imaginez qu'il ait été agressé par ce fou, ce malade ou ce salope,
02:18 peu importe pour l'instant le mot, on verra plus tard, et qu'il soit défendu.
02:21 On aurait dit, il s'est bien battu, il a été courageux, mais on ne parlerait pas d'héroïsme.
02:25 Ce qui est héroïque, c'est qu'il y a une dimension surerogatoire, comme on dit dans les livres éthiques,
02:30 c'est-à-dire qu'il n'était pas tenu de le faire, il n'était pas concerné personnellement,
02:34 et il a pris le risque d'attaquer cet assassin pour protéger des enfants.
02:42 - Donc courage et générosité ou acte désintéressé dans une telle époque, André Comtes-Ponville,
02:47 où la moquerie est facile, où la suspicion guette.
02:50 Est-ce qu'un tel acte peut être compris de tous ?
02:53 On a vu quelques réactions, il est vrai minoritaire, mais sur les réseaux sociaux,
02:56 certains se sont interrogés sur le bien fondé de l'acte de cet homme.
03:01 Comment ça est-il possible ?
03:03 - Ecoutez, moi je ne vais pas sur les réseaux sociaux, d'abord parce que je ne supporte pas la haine,
03:07 la bêtise, et de moins en moins la dérision.
03:10 D'ailleurs j'écoute de moins en moins, y compris les humoristes sur nos chaînes de radio et de télévision,
03:15 parce que cette façon de se moquer de tout le monde et de tout, je trouve ça finalement néfaste.
03:20 Mais au contraire, il faudrait se réjouir qu'on ait une occasion d'admirer.
03:25 Ce jeune homme a pris un vrai risque, de façon totalement désintéressée, de façon généreuse, et bien voilà, bravo !
03:31 - Mais pourquoi est-ce qu'on ne le fait pas tous ? Pourquoi il y a une forme d'incapacité chez certains à admirer complètement, totalement ?
03:36 Pourquoi notre époque produit aussi cela, selon vous ?
03:39 - Parce qu'admirer, c'est un sentiment un peu de base en haut.
03:42 On admire quelqu'un dont on se dit qu'en ce cas-là, il a fait preuve d'un courage dont on ne sait pas soi-même si on serait capable.
03:49 En tout cas, on en doute, c'est le moins qu'on puisse dire.
03:52 Et donc, dans l'admiration, il y a une part d'humilité.
03:55 Et dans la dérision, il y a une part de vanité.
03:58 Rabaisser l'autre, y compris celui que tout le monde admire, c'est une façon de se faire valoir soi-même.
04:03 Et au fond, ce qui règne dans les réseaux sociaux, c'est ça.
04:06 Je parlais de haine, de mépris, de dérision, mais il faudrait parler aussi de narcissisme, de vanité.
04:11 Cette façon de se faire valoir en rabaissant les autres, et surtout en rabaissant ceux qui ont le tort d'avoir du succès,
04:18 ou d'avoir des preuves de courage, ou d'héroïsme, c'est quelque chose de très détestable.
04:24 C'est-à-dire de propre à notre époque.
04:26 Je n'en sais rien, je pense que toutes les époques ont un peu eu ce genre de phénomène,
04:29 mais c'est vrai que les réseaux sociaux, encore une fois, j'en parle un peu par ouïdir parce que je n'y vais pas,
04:34 mais d'après ce que je lis dans la presse, je crois que les réseaux sociaux, de ce point de vue,
04:38 rajoutent beaucoup de dérision, de mépris, de haine, et que de ce point de vue, leur effet est sans doute délétère.
04:44 - André Comtes-Ponville, Henri a parlé de quelque chose qu'il a dépassé, qu'il a transcendé pour expliquer son geste.
04:51 Il a aussi convoqué sa foi, et cela a aussi du mal à passer, je le dis encore une fois,
04:56 chez une partie, pas tous évidemment, de la population dans notre société, catholique, croyant, pratiquant,
05:02 ancien chef scout, pèlerin, pédestre, marchand de cathédrale en cathédrale, passionné par le patrimoine religieux de notre pays.
05:09 Ce jeune homme, on a presque l'impression qu'il est sorti du droit d'un livre de Peggy,
05:13 et cela a un peu dérangé certains, là encore, comme on l'explique.
05:17 - C'est amusant parce qu'en venant, je pensais à une formule de Peggy sur les pères de famille.
05:22 Les pères de famille, ces grands aventuriers des temps modernes.
05:25 Au fond, il y a aussi un héroïsme du quotidien chez les pères de famille,
05:29 encore plus chez les mères de famille, il faut le dire d'un passant, notamment les mères qui élèvent seules leurs enfants.
05:34 Ce courage du quotidien me bouleverse encore plus, finalement, que cet héroïsme exceptionnel, en l'occurrence, du jeune Henri.
05:43 Mais c'est vrai qu'il a la foi, ça peut expliquer une partie de son acte,
05:48 et au fond, tant mieux si la foi qui parfois aboutit au pire, pousse parfois les gens à faire de belles actions.
05:58 - Notre époque a du mal avec tout ce qui est grand.
06:01 Moi, j'ai trouvé très sympathique, d'abord, cette idée de faire le tour des cathédrales.
06:05 Parce que moi qui suis athée, je ne vais jamais être dans une ville sans visiter les églises, bien sûr.
06:09 On a la chance formidable d'avoir ces trésors inouïs de beauté, de grandeur, de spiritualité.
06:15 - Vous dites bien sûr, bien sûr, vous les visitez, ça ne vient pas tout de suite à l'esprit.
06:21 Donc l'athée que vous êtes, entrez compte, Sponville, quand il va découvrir une ville, en découvre aussi le patrimoine religieux.
06:26 - Bien sûr, et en plus, pas seulement pour des raisons esthétiques.
06:29 Ces cathédrales sont d'une beauté sublime, mais aussi pour des raisons spirituelles.
06:33 Parce que la spiritualité, c'est une chose humaine.
06:37 Ce sont des humains qui ont construit ces cathédrales.
06:39 Ils l'ont construite parce qu'ils croyaient en Dieu, mais moi ce qui m'importe, c'est que ce sont des réalisations de l'humanité.
06:45 Et puis ça fait partie de la vie, ça fait partie de l'univers, et je crois qu'il est bon de savoir admirer.
06:52 Admirer le courage d'un héros, admirer le génie de ces bâtisseurs de cathédrales.
06:59 Et surtout, ne méprisons pas tout ça.
07:03 - Le courage est une sorte de don de soi, et chacun se demande, vous l'avez évoqué tout à l'heure André Comtes-Ponville,
07:09 "Qu'aurais-je fait à sa place ? Qu'aurait-on fait à la place de Henri ?"
07:13 Est-ce que le courage préexiste à l'événement ?
07:16 Est-ce que c'est l'événement qui peut nous révéler, j'allais dire dans le bon sens, ou parfois malheureusement dans ce qu'on a de plus bas, de plus ville ?
07:23 - Oui, qu'aurais-je fait à sa place ? On ne peut pas savoir.
07:26 Parce qu'une position purement théorique, j'ai envie de dire, on verra bien le moment venu.
07:31 Voilà, et comme disait Yanké Lévis, "Le courage, c'est la vertu des commencements."
07:35 On ne peut pas être courageux à l'avance, ni après coup.
07:39 Et le fait d'avoir été courageux un jour ne prouve pas qu'on le sera six mois plus tard.
07:43 Rien ne prouve que le même Henri sera aussi courageux dans un an, dans deux ans.
07:48 Et pourtant, pour être courageux, c'est ça le paradoxe, il suffit de le vouloir.
07:53 - Il suffit de le vouloir, ça dépend... L'acte de la volonté dépend de nous, par définition.
07:59 - Oui, mais on n'est pas toujours à la hauteur, pas toujours en état de vouloir ce qu'on devrait vouloir.
08:05 Voilà, le héros, au fond, c'est celui qui fait son devoir, et même là, qui va au-delà de son devoir.
08:11 Puisqu'au fond, on n'était pas tenu d'agresser cet assassin.
08:15 Voilà, et donc, admirons-le, n'essayons pas de rabaisser son acte,
08:21 évitons toute dérision, et profitons de ce moment un petit peu, qui devrait être un moment de communion.
08:27 On en a vu d'autres, je pensais aussi en venant, vous savez, ce jeune black immigré, je crois,
08:32 qui avait escaladé un immeuble en flamme pour sauver des enfants.
08:36 C'était aussi héroïque, et ça m'avait épaté, parce que la performance physique,
08:40 pour le coup, je sais que là, j'en étais absolument incapable, si vous voulez.
08:44 Et donc, quand on peut comme ça admirer, eh bien, profitons-en.
08:47 - Oui, vous avez entièrement raison, profitons-en.
08:50 On va profiter justement de ce moment pour continuer et poursuivre notre interview,
08:54 et profiter pour accueillir André Comtes-Ponville dans ce studio, en votre compagnie Plantu.
08:58 Bonjour à vous, merci d'être là, Plantu, dans les dessins.
09:01 - Si je peux dire un mot, profitons d'admirer, j'aimerais dire que j'admire Plantu depuis extrêmement longtemps.
09:07 - Moi, je ne l'ai pas vu venir.
09:08 - Et vous n'êtes pas le seul, j'imagine grand nombre de nos auditeurs, Plantu,
09:11 dont les dessins immortalisent les moments de joie ou de tragédie,
09:16 comme celle d'Annecy, bienvenue sur Europe 1, Plantu.
09:19 Il n'est jamais facile d'appréhender les moments de douleur et de choc comme celui-ci.
09:23 En guise de dessin, vous avez croqué une poussette,
09:26 et en face, un individu tenant un couteau ensanglanté et hurlant "je te dis que je veux devenir français".
09:32 Ce dessin a beaucoup fait réagir.
09:34 Certains vous ont accusé de flirter avec l'extrême droite.
09:38 Comment vous avez vous-même réagi ? Qu'avez-vous voulu dire avec ce dessin ?
09:44 C'est plus facile pour vous de décider que de parler.
09:46 - Il n'y a qu'à regarder le dessin, et puis pour quelqu'un qui vote Fabien Roussel,
09:51 c'est toujours rigolo d'entendre ça.
09:53 Mais en plus, c'est le plaisir de voir des gens qui réagissent,
10:02 et j'en profite pour leur dire que je m'excuse auprès d'eux,
10:06 parce que je ne lis pas les réactions.
10:09 Je crois que c'est 200 000 sur Facebook ou pareil sur Twitter.
10:15 Je ne lis pas. Je fais mon dessin parce qu'il y a une pulsion.
10:19 D'ailleurs, comme j'écoutais ce que vous disiez avec M. Spongeville,
10:27 je disais "mais j'ai raté toutes mes études".
10:30 Et je me retrouve souvent avec Régis Debray, Spongeville,
10:34 et je les écoute et je les admire, et je me dis "tiens, c'est drôle,
10:38 parce que je fais un boulot de gars qui n'est pas du tout intellectuel".
10:43 Et en fait, la réflexion de se dire "qu'est-ce que je crois avoir compris d'un événement ?"
10:47 c'est presque un geste intellectuel, alors que j'ai un petit bagage de ce côté-là.
10:52 Mais c'est vrai que je dis "oui, je vais faire ça,
10:54 oui, je vais faire la pureté du berceau,
10:56 oui, je vais faire un trait pour le berceau,
10:59 qui est un trait très doux, avec de la dentelle,
11:02 avec les deux petites mains qui dépassent,
11:04 et puis je vais faire exprès de faire un autre style de dessin pour l'assaillant,
11:08 avec un gros feu qui tâche, qui barque, vous voyez.
11:12 Et déjà, c'est une manière de dire "est-ce que je vais bien faire ça ?"
11:15 Et puis à la fin, on signe le dessin,
11:18 et à la fois c'est une manière de dire "il y a la pureté d'un côté,
11:21 l'accueil d'un côté aussi, parce que c'est quand même...
11:24 Et puis des gens dont on ne comprend pas la culture,
11:27 et dont, moi je sais, avec Cartooning for Peace,
11:30 l'association que j'ai créée avec Kofi Annan,
11:33 on s'occupe beaucoup de dessinateurs syriens, jordaniens, russes, vénézuéliens,
11:38 et on les aide, avec d'autres associations,
11:41 à les faire rentrer chez nous, en France,
11:44 et on les fait adhérer à notre culture,
11:46 et je leur dis toujours à tous ces dessinateurs,
11:48 là il y a une petite russe qu'on a accueillie, qui s'appelle Victoria,
11:52 que j'avais rencontrée à Moscou, qui est une opposante,
11:55 courageuse, complètement incroyable,
11:58 vraiment c'est du courage de tous les moments, elle a risqué sa vie,
12:01 et je lui dis "apprends le français, apprends le français,
12:04 je ne suis pas à admirer notre culture, va voir nos cathédrales,
12:07 si tu peux les admirer, tant mieux,
12:10 mais à la fois, j'aime faire en sorte que
12:13 tous ces gens qui sont courageux, ces dessinatrices, ces dessinateurs,
12:17 on les fait venir en France, grâce à l'ambassadrice des droits de l'homme,
12:21 grâce à nos ambassades, grâce à RSF, grâce à Amnistie,
12:25 grâce à Terre des Hommes, à France Terre d'Asile,
12:29 et on se rend compte qu'on les fait venir,
12:32 et là ils commencent à profiter, j'ai un iranien qui s'appelle Manan Yestani,
12:36 qu'on a accueilli il y a 15 ans,
12:38 ça y est, il est bien dans son pays, c'est la France,
12:41 et puis un jour, il retournera à Téhéran.
12:43 - Et ça passe par le dessin, pour en revenir au dessin propre à Annecy,
12:47 parce que c'est ce que vous avez caricaturé, symbolisé,
12:49 plantué d'un côté l'innocence, et de l'autre côté la noirceur,
12:52 André Comtes-Ponville, nous parlons des héros,
12:55 mais il faut parler aussi des salauds, comme vous l'avez dit,
12:58 quelqu'un qui s'attaque au symbole même,
13:00 comme vous l'avez dit, planté de la pureté, c'est-à-dire de l'innocence,
13:02 André Comtes-Ponville, il a encore quelque chose d'humain en lui ?
13:05 - C'est la question, au fond, soit c'est un fou,
13:09 et alors il faudrait à la limite le plaindre,
13:12 qui n'empêche pas de plaindre aussi les enfants, qui heureusement vont survivre,
13:16 soit c'est un monstre, mais je ne crois pas trop aux monstres,
13:21 comme on ne connaît pas le dossier, pour l'instant il se tait, il ne dit rien,
13:24 donc vous ne pouvez pas interpréter, moi je n'ai pas le don de double vue,
13:28 mais là on est confronté à l'horreur, c'est vrai qu'attaquer des enfants
13:33 au berceau à coup de poignard, ça paraît inenvisageable,
13:36 et en même temps, ce n'est pas un signe de l'époque,
13:39 rappelez-vous du massacre des innocents,
13:42 il y a des milliers de tableaux dans nos musées qui présentent cette horreur-là,
13:46 c'est-à-dire des enfants, des bébés tués à coup de poignard et d'épée,
13:51 on trouve aussi le même thème d'ailleurs dans l'Ancien Testament avec le Pharaon,
13:56 l'horreur fait partie de l'humanité,
14:00 et c'est pourquoi cette notion de monstre,
14:03 et il faut le mener avec précaution, ce que disait Romain Garry au fond,
14:06 c'est que les monstres sont humains,
14:09 donc il y a en chacun d'entre nous au moins la possibilité du monstre,
14:13 ça ne s'empêche pas de sanctionner, et je souhaite que s'il n'est pas fou,
14:16 il soit évidemment très sévèrement sanctionné,
14:19 mais il faut savoir que l'humanité est capable du pire,
14:22 qu'elle est capable aussi du meilleur,
14:24 c'est pourquoi il faut admirer les héros,
14:27 et essayer de pencher le plus qu'on peut du côté du meilleur plutôt que du pire,
14:31 au fond c'est ce qu'on appelle la morale au quotidien.
14:34 - Et comment l'appréhender, la caricature est plantue quand vous tenez votre crayon,
14:38 comment est-ce que vous pensez à toutes les réactions à venir,
14:41 ou est-ce que vous faites fi de tout cela,
14:43 et il n'y a plus que votre pensée et la continuité avec votre main et votre crayon ?
14:47 - Alors pour être très honnête, et j'ai toujours eu ce discours-là,
14:51 en fait c'est un contact incroyable entre le cerveau,
14:55 parce que j'imagine que ça se passe un peu par là,
14:58 entre le coeur, entre les tripes, entre les doigts,
15:02 le crayon, le papier, et c'est une conversation
15:06 qui m'échappe un peu, au début il y a quand même un début d'idée,
15:10 et d'ailleurs la nuit je me réveille, je m'envoie des textos pour les relire le lendemain matin,
15:14 ou je me fais des petits crevards sur mon iPhone,
15:17 que je découvre le lendemain et je me dis "oh là là je devais peut-être pas être en forme"
15:20 et une fois sur dix je les jette, et une fois sur dix je dis "ah c'est le début de quelque chose"
15:25 et à la fin il y a cette conversation entre les doigts, le papier, le stylo,
15:29 j'ai même un copain brésilien, Chico Caruso,
15:33 qui dans le journal "Au Globo" à Rio,
15:37 me disait cette chose très simple "laisse penser ton crayon"
15:41 et c'est une formule magique, parce qu'à la fois le crayon il dit des bêtises,
15:45 et à la fois il y a un moment où on signe, et quand on termine le dessin
15:49 on dit "ouais c'est vraiment ça que je voulais dire, et là je vais jusqu'au bout"
15:53 mais au moins j'ai un peu réfléchi et j'ai accompagné le mouvement graphiquement
15:57 et vaguement intellectuellement.
15:59 - Le crayon et le coeur, en tous les cas merci d'avoir réfléchi ensemble à ce micro André Comtes-Ponville et Plantu,
16:05 ça fait du bien de vous recevoir et de vous avoir tous les deux ici dans ce studio,
16:08 j'espère pour le grand plaisir de nos auditeurs, je vais rappeler votre livre à succès,
16:12 André Comtes-Ponville, "La clé des champs" et autres, "Impromptu" chez Puff et Plantu,
16:17 cette exposition magnifique "Regards croisés" au musée de l'Homme à Paris jusqu'au 31 décembre,
16:22 et vous m'avez fait l'amitié pour ceux qui vont regarder en vidéo cet entretien,
16:27 Plantu, "Regards croisés", Reza, magnifique évidemment à découvrir à feuilleter.
16:31 Merci encore messieurs.