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Jean-Dominique Merchet, journaliste spécialiste des questions de défense à l’Opinion, revient sur la contre-offensive ukrainienne et fait le point sur la réalité complexe du terrain

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00:00 Il n'y a pas à proprement parler de grande offensive
00:03 comme on pourrait imaginer avec les images que l'on a du cinéma hollywoodien
00:08 où tout le monde serait en rang et au coup de clairons, la grande charge commencerait.
00:12 Ce n'est pas comme ça que les choses se passent.
00:14 L'Ukraine ne fait pas mystère de sa volonté de récupérer la totalité du territoire
00:24 que la Russie occupe, y compris la Crimée.
00:27 Ça veut dire qu'il faut qu'elle enchasse l'armée russe.
00:30 Est-ce qu'on est au début de ce qui est présenté comme la grande contre-offensive
00:37 du printemps ou de l'été 2023 ?
00:39 Ça, on n'en sait rien.
00:40 Celle qui résume le mieux ce qu'il se passe, c'est la vice-ministre ukrainienne
00:46 de la Défense qui a donné récemment une interview dans la presse française
00:49 et qui dit "ce que nous faisons, c'est une série d'opérations complexes".
00:54 Ça, c'est la meilleure définition qu'il soit.
00:56 Elle dit "elles ont commencé l'année dernière, elles se poursuivent".
00:59 Il n'y a pas à proprement parler de grande offensive comme on pourrait imaginer
01:04 avec les images que l'on a du cinéma hollywoodien où tout le monde serait en rang
01:09 et au coup de clairons, la grande charge commencerait.
01:12 Ce n'est pas comme ça que les choses se passent.
01:14 Les choses se passent par étapes, elles se passent par endroits,
01:17 elles se passent par des séquences différentes.
01:20 Il est clair que depuis la semaine dernière, aux alentours du 6 juin,
01:24 nous sommes rentrés dans une nouvelle phase avec des opérations militaires
01:27 de l'Ukraine contre l'armée russe qui n'existaient pas avant,
01:30 sous cette forme en tout cas.
01:32 Donc nous sommes dans une nouvelle phase.
01:33 Ce que nous ne savons pas, c'est quelle est la nature exacte de cette phase.
01:37 C'est certainement une partie des grandes opérations militaires,
01:40 mais ce n'est certainement pas l'opération militaire majeure
01:43 qui changera la donne définitivement en Ukraine.
01:46 Pour l'instant, la stratégie militaire de Kiev,
01:52 depuis la semaine dernière, consiste à mener toute une série d'actions offensives
01:57 sur le front contre les lignes de défense russes,
02:00 ce qu'on pourrait appeler des reconnaissances en force.
02:03 C'est-à-dire, on pénètre dans la zone occupée et défendue par les Russes
02:08 avec des moyens lourds, des blindés notamment,
02:10 et puis on regarde comment ça réagit en face.
02:13 C'est pour ça qu'on parle de reconnaissance, mais de reconnaissance en force.
02:16 Il ne s'agit pas d'être discret, il s'agit d'y aller
02:19 et de voir comment les gens répliquent à ça.
02:22 Ça permet de tester à la fois la capacité de défense des Russes,
02:25 pour l'instant assez bonne, même si les Russes reculent.
02:27 Ça permet aussi de tester ses propres capacités militaires,
02:31 parce que les unités qui sont engagées, les brigades,
02:34 une brigade c'est environ 3000 hommes, elles sont nouvelles.
02:36 Une partie d'entre elles ont été rééquipées par les Occidentaux
02:39 avec des blindés occidentaux, les fameux charlestopard 2,
02:42 les Bradley, voire du matériel français, les AMX 10 RC.
02:47 Ce sont de nouvelles unités, il s'agit de les mettre en condition de combat.
02:50 Il n'y a rien de mieux pour une unité militaire
02:53 que de se confronter à la réalité de la guerre.
02:55 C'est toujours beaucoup plus efficace pour mesurer son niveau de performance
02:59 qu'un terrain de manœuvre où on décide à l'avance qui va gagner ou qui va perdre.
03:03 Côté ukrainien, il y a ce qu'on appelle la sécurité opérationnelle.
03:15 Les ordres ukrainiens sont très clairs, pas de commentaires, pas d'informations,
03:20 pas de vidéos diffusées à tort et à travers,
03:22 parce que ce sont des opérations militaires réelles.
03:25 Côté russe, il y a effectivement une forme de communication,
03:29 une communication de guerre sur la destruction de quelques blindés
03:33 qui ont permis à Poutine de dire
03:35 les Ukrainiens ont lancé leur grande offensive et elle est en train d'échouer.
03:39 Tout ça est évidemment totalement prématuré,
03:41 mais effectivement, il y a avec la bataille militaire,
03:44 dans la bataille militaire, un élément qui est un élément de communication.
03:48 C'est un élément de communication à la fois à usage interne
03:50 au profit de sa propre opinion publique,
03:53 en disant "Regardez, nos soldats sont vaillants, ils se battent",
03:56 mais c'est aussi où on ne communique justement pas pour protéger les opérations.
04:00 C'est aussi une communication pour les alliés, pour les opinions publiques,
04:03 en Occident et dans le Sud.
04:05 Donc effectivement, il y a une bataille de communication.
04:08 On peut dire qu'en Europe occidentale et aux États-Unis, en Occident globalement,
04:13 la partie ukrainienne a très clairement remporté la bataille de communication.
04:16 Celle-ci se joue surtout aujourd'hui dans les grands pays du Sud,
04:19 les pays démocratiques du Sud, là où il y a une vraie opinion publique.
04:23 Je ne parle pas de la Chine, où effectivement le pouvoir est monolithique,
04:27 mais effectivement en Afrique du Sud, au Brésil,
04:29 dans un certain nombre de pays arabes.
04:31 Là, effectivement, il y a une bagarre sur le récit.
04:34 Quel est celui qui va remporter le narratif ?
04:36 Est-ce que la Russie est capable de se présenter pour autre chose que ce qu'elle est,
04:41 c'est-à-dire l'agresseur initial ?
04:43 Est-ce que l'Ukraine sera capable de montrer qu'elle est l'agressée
04:45 et qu'en tant qu'agressée, elle continue à se défendre,
04:49 quitte à attaquer pour se défendre,
04:51 puisque une offensive, c'est quand même une attaque ?
04:53 C'est tout l'enjeu de la bataille de communication en cours.
04:55 [Musique]

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