UE : tentative de coup d’État sur la politique étrangère et la sécurité

Marianne

Huit ministres européens des affaires étrangères, emmenés par l’allemande Annalena Baerbock, ont publié le 12 juin une tribune appelant à modifier les règles de prises de décisions au sein de l’UE en matière  de politique étrangère et de sécurité.  Le magazine Marianne est en kiosques chaque jeudi et disponible en ligne. "Le goût de la  vérité n'empêche pas de prendre parti". Albert Camus Marianne TV : https://tv.marianne.net/ Marianne.net : https://www.marianne.net/ Facebook : https://www.facebook.com/Marianne.magazine/ Twitter : https://twitter.com/MarianneleMag Instagram : https://www.instagram.com/mariannelemag/

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00:00 8 ministres européens des affaires étrangères, amenés par l'allemande Annalena Baerbock,

00:08 ont publié le 12 juin une tribune appelant à modifier les règles de prise de décision au

00:13 sein de l'Union européenne en matière de politique étrangère et de sécurité. Actuellement,

00:18 en vertu des traités, ces deux domaines relèvent de l'unanimité alors que la

00:23 plupart des autres activités sont soumises au vote à la majorité qualifiée. En vertu des

00:28 règles complexes de l'Europe, cette majorité qualifiée s'obtient avec l'accord de 15 États

00:33 membres sur 27 représentant plus de 65% des citoyens de l'Union européenne. Depuis longtemps,

00:40 l'Allemagne et quelques autres pays souhaitent, au nom de l'efficacité, revoir cette règle de

00:45 l'unanimité. La France, forte de son statut de puissance nucléaire, disposant d'un siège au

00:51 conseil de sécurité, s'y était longtemps opposée. Pour les gouvernements français, la sécurité,

00:57 c'est-à-dire la capacité in fine d'utiliser l'arme nucléaire et la politique étrangère,

01:02 sont des domaines inaliénables qui relèvent de la souveraineté nationale.

01:06 L'approche gaulo-mitterrandienne privilégiait donc la vision intergouvernementale de cercles

01:13 concentriques. Les pays européens, souhaitant aller plus loin dans certaines coopérations,

01:18 avançaient sans attendre l'accord des autres, à l'image de ce qui a été fait avec Airbus,

01:23 l'euro ou les Schengen. Avec la guerre en Ukraine, les tenants de la majorité qualifiée,

01:28 à commencer par l'Allemagne, sont repartis à l'assaut, avec l'appui de la Commission,

01:32 qui voit là un moyen de renier un peu plus le pouvoir des États et de rendre irréversible

01:38 l'approche fédéraliste. Il est vrai que l'Allemagne a beaucoup à se faire pardonner

01:43 par les atlantistes, les anglo-saxons et les anciens pays communistes. Une politique énergétique très

01:49 favorable à la Russie et un mercantilisme trop lié à la Chine. Aujourd'hui, après l'invasion

01:55 russe de l'Ukraine, elle doit faire un virage à 180 degrés. En matière de sécurité, elle se plie

02:01 au desiderata de Washington et pour la politique étrangère, il s'agit que l'Union européenne

02:06 soit un solide allié des États-Unis. Idem pour une certaine vision des droits des minorités,

02:11 où la pression des ONG, notamment anglo-saxonnes, est de plus en plus forte. Avec la majorité

02:18 qualifiée, il en serait ainsi fini du cavalier seul, d'une Hongrie trop favorable à Poutine et

02:23 hostile aux évolutions sociétales issues du wokisme et aux ONG de sauce. Mais avec un élargissement

02:30 des majorités qualifiées, c'est aussi la France et son rêve d'une autonomie stratégique européenne

02:36 qui serait dans le collimateur. Avec Emmanuel Macron, la France a en quelque sorte basculé

02:42 dans la schizophrénie. Un jour, on prône, au nom des nouveaux défis internationaux, la révision des

02:48 traités pour promouvoir les votes à la majorité qualifiée pour la politique étrangère et la

02:53 sécurité. Et c'est ainsi que la France fait partie du groupe des amis, constitué à l'initiative de

02:58 Berlin, et qui regroupe 10 États membres, dont le Benelux, l'Italie, la Finlande, pour faire la

03:04 promotion de la majorité qualifiée. Mais un autre jour, presque en même temps, Emmanuel Macron se

03:10 rend compte qu'il met ainsi le doigt dans un engrenage fatal qui, à terme, risque de se traduire

03:15 par la perte de notre siège au Conseil de sécurité de l'ONU et l'inféodation de notre politique

03:21 étrangère aux intérêts de la seule Allemagne et des lobbies qui ont pignon sur rue à Bruxelles.

03:27 Ainsi, la ministre française n'a pas signé la tribune des huit ministres européens,

03:32 ni d'ailleurs le ministre italien. Les huit, qui agissent donc comme un sous-groupe du groupe des

03:38 amis, proposent une approche pragmatique de la question. Comme on ne veut pas prendre le risque

03:43 d'une révision des traités européens, qui risquerait d'entraîner des votes négatifs de la

03:48 part des peuples, comme en 2005, eh bien ils contournent la difficulté en excipant de l'article

03:53 31 du traité. Celui-ci permettrait, selon eux, de choisir des domaines de politique étrangère

03:59 ou de sécurité qui ne relèveraient pas de l'unanimité, mais de la simple majorité qualifiée.

04:05 On ferait ça au coup par coup. Ainsi, peu à peu, le champ des domaines nécessitant

04:10 l'unanimité se rétrécirait de plus en plus, jusqu'à disparaître complètement.

04:15 Pour parler crûment, ces huit ministres proposent de violer les traités au nom

04:21 d'une prétendue cause européenne. Cela s'appelle un mini coup d'État.

04:25 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -

04:27 [SILENCE]

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