Lundi 10 juillet 2023, SMART BOURSE reçoit Jean-Edwin Rhéa (Gérant, Quadrille Capital)
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00:00 Et revenons donc précisément sur le thème de l'IA avec 40% de hausse pour l'indice
00:15 Nasdaq aux Etats-Unis sur les six premiers mois de l'année, ce qui en fait une séquence sans
00:19 doute historique en termes d'intensité de rebond pour les actions technologiques américaines. Il y
00:26 a bien sûr le rattrapage de la baisse de 2022 mais également le thème de l'IA génératif qui inonde
00:31 certaines de ces entreprises au sein du Nasdaq, bulle ou début d'un nouveau cycle pour la tech
00:37 américaine. Quelle est la profondeur de ce thème d'investissement autour de l'intelligence
00:42 artificielle pour des investisseurs en quête de phénomènes de disruption ? Nous en discutions
00:47 la semaine dernière avec Jean-Edouard Nerea, gérant chez Cadri le Capital.
00:54 Le Nasdaq 100 n'existait pas en 1983 mais le Nasdaq composite c'est sa meilleure performance
01:00 depuis 40 ans. Donc quand on voit que finalement le Nasdaq était assez microscopique et peu important
01:07 en 83, ça veut dire que c'est probablement la meilleure performance historique. En tout cas à
01:13 l'échelle de la taille des valorisations, c'est spectaculaire. On va voir le graphe que vous
01:21 nous apportez effectivement sur cette décomposition de la hausse du Nasdaq. Alors non on ne voit pas
01:28 le graphique mais c'est bon. Ce qu'il faut comprendre dans la performance du Nasdaq c'est
01:34 que c'est le graphique donc effectivement que les 8 plus grosses valeurs du Nasdaq ont généré 76%
01:44 de performance. Ce qui est du jamais vu, normalement c'est une performance qu'on trouve
01:47 même spectaculaire pour des toutes petites valeurs. C'est la manifestation probablement de deux choses.
01:54 D'abord à la fin 2022 on avait un peu mal et le seul truc qui semblait... - Là c'était -30.
02:02 - Voilà sur le Nasdaq oui et pour d'autres fonds c'était pire que ça. Mais c'était une période où
02:10 on recherchait un peu le refuge et le paradoxe des valeurs GAFAM étendues c'est qu'elles sont
02:16 des biens de consommation, elles sont des valeurs de tous les jours et elles sont pas sensibles à la
02:24 hausse de taux. Elles sont très très riches en cash. A la limite pour elles la hausse de taux c'est
02:28 des revenus en plus et dans une période d'incertitude c'est là que les gens se sont réfugiés. Mais ça
02:35 ça expliquerait je dirais une petite performance, une surperformance. - Mais la deuxième chose -
02:41 - C'est que cet refuge de ces valeurs ne peut pas expliquer à elle seule l'ensemble de la performance. - Pas du tout.
02:46 En fait la deuxième raison et la vraie c'est que c'est eux qui capturent la valeur de l'IA dans
02:53 sa première phase. L'IA en fait nécessite quoi ? Ce qu'on appelle des large language models qui
03:00 sont en fait des centres de données colossaux dans lesquels on va stocker des terabytes et des
03:07 terabytes, des hexas et des pétas, enfin bref, c'est une grosse quantité de données. Il faut les
03:12 traiter et ça coûte très très cher. Une seule puce Nvidia elle coûte aujourd'hui un H100 coûte
03:17 40 000 dollars et il faut en mettre 20 000 à 30 000 et ensuite derrière il faut acheter de l'interconnexion,
03:23 il faut de l'électricité, il faut des bases de données, du software, etc. Et ça c'est complexe.
03:28 Mais la première phase de l'IA c'était ça et je pense qu'on arrive peut-être, enfin on a déjà
03:34 commencé le deuxième rang mais je pense qu'on va se concentrer sur le deuxième rang à partir de maintenant.
03:38 - Si on reste sur le premier rang, moi ça m'intéresse parce que la question c'est bulles ou
03:43 nouveaux cycles. Que le marché ait eu raison de commencer par ce groupe de valeurs, donc ça ça
03:48 paraît tout à fait légitime vous dites et le marché a eu raison de le faire, Jean Edwin, combien
03:54 d'années de chiffre d'affaires on a capitalisé avec cette progression de ce groupe de
04:00 valeurs ? Jusqu'où le marché est allé dans l'anticipation de ce que ça allait apporter en
04:05 termes de valeur à ces entreprises ? - Écoutez c'est difficile à dire parce que les estimations
04:12 sont très très vastes. Il y a des gens qui sont encore très sceptiques et d'autres qui donnent
04:17 des trillions de valeurs à l'impact de l'IA sur l'économie. Un seul exemple aujourd'hui même,
04:25 c'était je crois Morgan Stanley a publié un papier sur Microsoft, il rajoute 90 milliards de
04:31 chiffre d'affaires pour fiscal 25, c'est une année qui se termine en juin. - Oui c'est demain.
04:36 - Ils augmentent à peu près de 25% la taille du chiffre d'affaires de Microsoft uniquement sur
04:45 l'IA. En fait c'est un peu normal parce que là où l'IA se manifeste le mieux et le plus rapidement
04:54 c'est dans le code et tout est code, tout est informatique aujourd'hui. Donc si on peut gagner
04:59 en productivité de programming 50% ou 100% ou plus en fait ce n'est que le début. À la limite
05:08 GPT4 c'est transient, dans six mois on aura GPT5 et ainsi de suite. Et je vous passe les gens qui
05:16 s'inquiètent de la puissance excessive parce que ce sont des outils qui ne sont pas uniquement de
05:22 calcul, ce sont des outils de créativité. Donc ils inventent des solutions à des problèmes. - C'est un
05:30 débat, moi j'écoute, j'essaye de comprendre et d'écouter ce qu'il dit. Luc Julia il dit c'est
05:34 pas de l'IA créative. Ils ne sont pas tous sur l'IA. - Ça dépend si vous regardez dans, oui,
05:42 enfin je sais pas, dans les médias par exemple on arrive à faire des choses très imaginatives. Mais
05:48 juste dans le monde du code il y a je crois sept algorithmes fondamentaux. L'un d'eux c'est la
05:55 classification, l'autre c'est le hashing, c'est le calcul. Il y a des labos qui racontent qu'ils
06:04 ont déjà en six mois, pour la première fois peut-être depuis une vingtaine d'années, augmenté
06:09 de 30% par la seule créativité du GPT. C'est pas eux qui l'ont fait. Donc c'est puissant. On va voir.
06:19 En tout cas le deuxième rang, là où c'est très investissable d'ailleurs, parce que j'ai envie de
06:25 dire... - Oui, plus on descend en termes de rang, plus c'est difficile d'investir, c'est ça. Mais premier rang
06:30 les mégas cap, les gaffam, deuxième rang alors... - Ce sont les vendeurs de rails et de traverses à
06:35 cette révolution industrielle qui sont... Alors évidemment il y a les semi-conducteurs, on a tous
06:40 entendu parler d'NVIDIA et puis ils ont quelques cousins comme AMD ou Intel ou TSMC qui ne sont pas
06:46 les moindres. On peut aussi descendre dans les bases de données, dans le disruption fund on est très
06:53 investi dans MongoDB qui est un spécialiste du texte. On peut prendre des généralistes comme
06:58 Microsoft encore ou Oracle qui a eu assez peu de la faveur des investisseurs pendant un certain
07:03 temps mais qui aujourd'hui, il se trouve, avait de l'excédent de capacité dans son cloud et donc
07:08 en a bénéficié très récemment. On peut regarder aussi Snowflake qui fait des clouds dans le cloud,
07:14 des espèces de sous cloud sur mesure pour des données ultra hétérogènes, complexes et qui
07:19 permet aussi probablement dans un avenir très très proche d'améliorer les modèles. Mais voilà, ça
07:26 c'est semi-conducteurs, bases de données et puis je pense il y a un secteur qu'on appelle DevOps
07:33 qui veut dire Development Operations. Ce sont des sociétés, la plus connue c'est GitHub, elle a été
07:41 rachetée par Microsoft. Il y a GitLab, celle-ci on a en portefeuille. Il y a Atlassian, c'est un peu
07:49 connu aussi. Ce sont des partages, des gens qui travaillent ensemble pour coder ensemble et on
07:54 fait des ajouts et on fait du puzzle et on améliore en équipe. Alors il y a ceux qui disent que ça,
08:02 ça va justement subir la gaine de productivité des outils de GPT et d'autres qui pensent qu'au
08:08 contraire on va en avoir beaucoup plus besoin, on va avoir besoin de partager encore plus. Moi je
08:13 suis de toute façon dans le camp qu'il faut des données et pour les données il faut des bases
08:18 de données et des semi-conducteurs. Donc on est à fond sur cette thématique et après il y a le
08:23 troisième rang. - Au delà du premier rang et du deuxième rang qui sont les cercles un peu évidents
08:28 effectivement, enfin en tout cas pour des investisseurs spécialisés comme vous, de l'impact
08:31 positif que va avoir le GPT lié à la générative, qu'est ce qui vient ensuite ? C'est quoi les
08:36 cercles suivants sur lesquels peut-être que les convictions sont un peu plus balancées ?
08:42 - Oui, ce qui vient après c'est beaucoup plus fondamental. C'est ce qu'on appelle la deep tech,
08:49 c'est de la tech fondamentale. Pourquoi ? Parce que comme je disais le code gagne en productivité et
08:56 toute la recherche fondamentale c'est du code aujourd'hui. C'est de la simulation et de la
09:00 modélisation. Et donc elle va être améliorée et ça ce sont les sciences de la vie, c'est la science
09:06 des matériaux, la recherche sur le climat, les essais cliniques, des choses complexes qui nécessitent
09:13 des immenses modèles. Et c'est pas vraiment investissable de manière pointue en bourse.
09:18 En revanche, il y a un de ces segments qui s'appelle l'informatique quantique qui est, je pense, à un
09:29 an, deux ans de sa bascule similaire à celle de l'IA, de GPT. Pourquoi ? Parce que ces avancées
09:37 se font énormément avec de la simulation en code et que en plus c'est extrêmement synergistique
09:44 avec l'IA. Parce que toute l'informatique depuis 60 ans, elle est linéaire et déterministe. Elle fait
09:53 du calcul, je sais pas, de la physique newtonienne. Et là on rentre dans la physique des particules
09:58 élémentaires et sans rentrer dans le détail de comment ça fonctionne, on rentre dans une
10:02 informatique qui est, on va dire, parallèle. Mais beaucoup plus que les GPU de Nvidia qui sont juste
10:09 une illusion du parallélisme avec beaucoup beaucoup de microprocesseurs. Là on rentre
10:13 dans le parallélisme fondamental qui est en fait le calcul probabiliste des résultats. Donc on va
10:19 pouvoir traiter beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup plus de données, des données colossales,
10:23 celles que j'aime bien utiliser, l'exemple du climat. Et en même temps on va réduire le
10:29 champ des possibles, on va atterrir sur une probabilité 90% de 3 degrés sur Terre et
10:36 ensuite on passe le relais à l'informatique classique qui va affiner les calculs avec
10:42 précision. En fait les deux viennent complémenter une sorte de super IA et c'est vrai que ça peut
10:48 faire peur mais il y a vraiment des bénéfices associés à la vie sur Terre, que ce soit dans
10:54 les matériaux, la santé, la longévité de la vie, etc. On peut faire beaucoup beaucoup de choses avec
11:01 cette révolution et donc je suis investi dans des petites sociétés telles que IonQ.
11:07 - D'accord, parce que vous me parlez du super informatique de demain,
11:13 informatique quantique, on va retrouver forcément du Microsoft, du Alphabet...
11:19 - Oui, Microsoft, Alphabet, Hitachi, Honeywell, il y a des groupes industriels moins connus qui font ça aussi, IBM est dedans depuis le début,
11:26 mais il y a aussi, ça c'est grâce à la bulle de 2021... - Donc il y aura quand même des disrupteurs, enfin il y aura parce que ces
11:32 groupes là, si c'est le retour d'IBM tant mieux, moi je serais ravi qu'IBM revienne dans un nouveau cycle.
11:37 - Alphabet a déjà des grands progrès. - Pour l'investisseur boursier ça va pas nous changer grand chose, c'est toujours les mêmes.
11:43 Mais non, il y a quand même des nouveaux acteurs qui vont arriver dans ces marchés là.
11:47 - C'est pour ça que quand on dit que ces GAFAM ont trop monté, il faut tenir compte du fait qu'elles ont
11:53 toujours la main sur l'innovation. Mais il n'y a pas que eux et puis c'est pas grave, en bourse vous
11:59 pouvez investir dans des sociétés plus petites qui même si elles finissent par se faire racheter, les gens qui ont investi
12:04 dans OpenAI, créateur de GPT4, ils sont rentrés... enfin en 2019 ça valait un milliard et en 2022 ça valait 29.
12:14 Donc il peut se passer des choses, on n'est pas voué à l'échec juste parce que c'est plus petit.
12:19 - Non et puis au contraire, partant de petit, la croissance ne peut être que plus spectaculaire.
12:25 - Il faut faire attention, pas acheter n'importe quoi. Mais moi je mise un peu là-dessus mais c'est anecdotique,
12:32 c'est 2% du fond.
12:34 - Le thème de l'IA évidemment qui restera peut-être le grand thème de cette année 2023.
12:43 Jean-Edwin Réa, gérant chez Cadril Capital, spécialiste de l'investissement dans les phénomènes de disruption,
12:48 a été l'invité de Smart Bourse la semaine dernière dans le quart d'heure thématique de l'émission.
12:52 Voilà pour cette édition de Smart Bourse de l'émission et on se retrouve évidemment à 17h en direct sur Bsmart.
12:57 [Musique]