L'invité de RTL Matin du 26 juillet 2023

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Regardez L'invité de RTL du 26 juillet 2023 avec Stéphane Carpentier.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:03 RTL Matin
00:06 7h44, merci de nous rejoindre au coeur de l'été.
00:09 En attendant la rentrée, nous allons parler prix ce matin.
00:12 Prix dans les rayons des supermarchés.
00:14 Le directeur exécutif achats et marketing de Lidl France est donc en studio.
00:18 Michel Bièreau, vous venez nous voir avec une mauvaise nouvelle pour les consommateurs.
00:22 Il n'y aura pas de septembre vert.
00:24 Septembre vert en référence au mois de mars rouge,
00:27 quand les prix des produits de grande consommation est flambé de plus de 16%.
00:31 Qu'est-ce que ça veut dire pas de septembre vert ?
00:33 Ça veut dire pas de baisse des prix sur les produits ?
00:36 Pas de baisse significative.
00:38 On retrouvera, et je le dis depuis des mois,
00:42 il faut arrêter de vendre du rêve aux français.
00:45 On ne retrouvera pas les prix d'avant crise.
00:47 Les salaires ont augmenté chez tout le monde.
00:49 Il y a des choses qui ne reviendront pas.
00:52 Bruno Le Maire et Olivia Grégoire, le gouvernement,
00:56 ils ont essayé d'inciter les grandes multinationales à revenir autour de la table de négo.
01:00 Aujourd'hui, on est quasiment au mois d'août,
01:03 il ne se passe rien, absolument rien.
01:05 Il y a un fournisseur sur 75, un seul fournisseur sur 75,
01:10 qui nous a accordé une baisse de 3%.
01:13 Donc on parle de 3%, on parle de quelques centimes.
01:16 Donc c'est rien du tout.
01:18 Je reste optimiste, parce qu'il faut toujours voir le vert à moitié plein plutôt qu'à moitié vide.
01:24 Mais pour l'instant, il ne se passe pas grand-chose au niveau des négociations.
01:27 Alors nous, chez Lidl, j'ai baissé plus de 1000 références depuis le mois d'avril.
01:31 Je vais continuer à en baisser dans les semaines qui viennent.
01:34 Mais c'est sur mes deniers, c'est sur notre marge.
01:36 On rend des points de marge chaque semaine.
01:38 Ça veut dire que les prix devraient baisser de combien, selon vous,
01:42 quand on regarde les cours des matières premières depuis un an ?
01:45 Alors, je pense qu'on devrait...
01:47 Déjà, le problème, c'est qu'il n'y a pas de transparence avec les fournisseurs.
01:51 C'est-à-dire que je peux entendre qu'il n'y a pas de baisse ou une baisse très faible.
01:56 Mais quand on nous dit rien, qu'on ne décroche pas le téléphone,
01:59 le problème, il est là.
02:01 C'est-à-dire qu'on vient de m'expliquer que leur contrat d'énergie
02:05 court jusqu'au mois d'octobre et donc ils ne peuvent pas baisser le prix.
02:08 Que leur matière première est composée de sucre
02:10 et donc le sucre augmente, ils ne peuvent pas baisser.
02:12 J'entends tout. Mais aujourd'hui, c'est des black box.
02:15 Personne ne vous répond ?
02:16 Personne ne nous répond.
02:17 Alors si, pardon, on vient de nous proposer une petite promotion de 10%
02:21 valable pendant deux mois sur un seul produit de toute la gamme du fournisseur.
02:25 Et ça veut dire qu'ils demandent même des hausses de prix ?
02:28 Certains sont encore sur des hausses.
02:30 Alors dans le port, c'est normal parce que le cours de la matière première
02:33 sur le port ne baisse pas. Au contraire, elle est encore en hausse.
02:36 Le sucre, le café, tout ça, ce sont des produits qui sont encore en hausse, effectivement.
02:40 On entendait il y a quelques minutes l'Association Nationale des Industries Alimentaires
02:43 et Jean-Philippe André en particulier dire "les industriels ont fait des efforts
02:47 et les grands distributeurs doivent arrêter de se plaindre".
02:51 Écoutez, alors, en tout cas chez Lidl, les grands industriels n'ont fait aucun effort
02:56 si ce n'est un seul et unique industriel. Et je le salue.
02:59 Mais il y a quand même des prix qui baissent.
03:01 Le gouvernement avait cité les pâtes, l'huile, le thé, voilà, il y a l'aliment pour animaux,
03:06 conserve de légumes, gâteaux, confitures. Donc ça, ça doit se retrouver à un moment donné, non ?
03:11 Alors, il y a des PME françaises qui viennent de façon volontaire et nous proposent des baisses.
03:17 Mais encore une fois, on parle de 3, 4, allez 5%. Mais pas plus.
03:20 Quand on baisse les pâtes de 5 centimes, il ne faut pas oublier qu'il y a un an ou un an et demi,
03:26 ils ont augmenté de 20 centimes. Donc la baisse, elle n'est pas significative.
03:32 Donc nous, on baisse des prix. Je vous ai dit, on a baissé plus de 1000 références,
03:37 mais on a perdu 4 points de marche sur 2022. Et le trend est le même sur 2023.
03:42 Vous voulez dire que les industriels, là, en fait, se font du beurre en ce moment,
03:45 même s'ils vendent moins ?
03:47 En tout cas, ils ne mettent pas la main à la poche pour aider la déflation.
03:50 Ça, c'est une certitude. Même s'il ne faut pas tous les mettre dans le même panier,
03:55 il y a des PME françaises qui jouent le jeu, qui essayent de jouer le jeu,
03:58 parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a une déconsommation.
04:01 Nous, on continue à avoir de la croissance, mais uniquement du fait de l'inflation,
04:06 pas du fait de volumes supplémentaires.
04:08 Michel Biraud, je reprends les propos de Marcial You, ce matin, sur RTL,
04:11 où les grands industriels se font du beurre. Vous, vous en prenez aux grandes marques,
04:15 mais 90% des produits que vous vendez appartiennent à votre marque.
04:19 Les fameuses MDD, les marques de distributeurs. Donc, ça, ça marche ? Ça, ça rapporte ?
04:23 Alors, non, ça ne rapporte pas. Là aussi, pour que ça rapporte, il faut que les prix baissent
04:27 et qu'éventuellement, mes prix de vente ne bougent pas.
04:30 Mais moi, je veux investir et je me dois. Je m'appelle Lidl, je ne m'appelle pas le bon marché.
04:35 Je me dois d'être numéro un, je suis numéro un sur l'image prix,
04:39 et je me dois de conserver ce positionnement.
04:41 Donc, j'investis énormément sur le prix. On a gelé les investissements immobiliers,
04:46 alors qu'on est connu pour chaque année, ouvrir 20, 30 nouveaux magasins.
04:50 Cette année, on ne va pas ouvrir de magasins. Pourquoi ? Parce que nous avons décidé,
04:54 l'enseigne a décidé d'investir sur les prix.
04:56 Mais quand j'investis sur les prix, je perds de la marge.
04:59 Pour ne pas perdre de marge, il faudrait que j'obtienne des baisses.
05:02 Aujourd'hui, même sur les marques de distributeurs, et vous avez raison,
05:06 on a 90% de marques de distributeurs, il y a des PME qui jouent le jeu,
05:10 les pâtes en sont un exemple, le fromage en est un autre exemple,
05:15 même si le lait reste toujours très élevé, et il ne faut surtout pas baisser le prix du lait
05:19 pour le monde agricole, ça c'est très important de le redire.
05:23 Mais voilà, il y a quelques baisses, mais on parle de quelques pourcentages.
05:26 - Vous avez baissé de combien ? Puisque, en gros, vous avez la main sur 90% de vos références,
05:31 de combien depuis le printemps, vos prix ?
05:34 - Entre 8 et 10%.
05:36 - C'est ce que devraient faire les industriels aussi, et les grandes marques ?
05:40 - Exactement.
05:41 - Qu'est-ce que vous demandez aujourd'hui ? Qu'il y ait des renégociations autour du table ?
05:45 - Il y a un an, rappelez-vous, on nous a obligés d'aller autour de la table pour passer des hausses.
05:50 Cette année, à part des paroles, pour l'instant, il n'y a pas eu d'obligation à se remettre autour de la table.
05:56 Je parle uniquement des multinationales de marques nationales, des grandes marques.
06:01 Aujourd'hui, ils n'ont aucune obligation, et donc les quelques-uns qu'on a au téléphone,
06:06 ils nous renvoient en mars 2024 pour dire "Allez, négociez en mars 2024".
06:10 Et en attendant, contentez-vous d'une petite promotion de 10% sur un produit pendant deux mois.
06:15 - Et vous appelez le gouvernement à faire ce qu'il a dit, c'est-à-dire obliger à renégocier,
06:19 ce qui n'est pas forcément une... - Bah si on veut...
06:21 - ... il n'a pas forcément, et à faire du "name on shame", c'est-à-dire à dénoncer ceux qui ne font rien ?
06:25 - Ça, ils l'ont annoncé, ce serait bien de le faire, parce qu'il n'y aura pas de septembre vert.
06:30 Je ne dis pas qu'il sera rouge, mais il ne sera pas vert comme ça a été annoncé.
06:34 Sauf si vous estimez que 2-3% de baisse, c'est vert.
06:38 - Le "name on shame", vous êtes pour aujourd'hui, vous ? C'est-à-dire dénoncer concrètement ?
06:42 - Je ne sais pas s'il faut dénoncer, mais en tout cas, il faut expliquer que...
06:46 Pourquoi ils ne viennent pas à la table ? Pourquoi ils ne veulent pas...
06:49 Et encore une fois, je ne leur demande pas 15-20% de baisse.
06:52 A la limite, s'ils nous disent "il n'y a pas de baisse", ok, je l'entends,
06:56 mais qu'ils nous le démontrent, qu'ils viennent avec de la transparence.
06:59 Aujourd'hui, on est dans l'opacité la plus totale, et c'est ça qui est très frustrant pour nous.
07:03 - Ce qu'il faut peut-être dire aux gens qui nous écoutent, c'est qu'aujourd'hui,
07:07 il n'y a pas d'obligation légale à renégocier. C'est pour ça que les industriels vous disent rendez-vous en mars.
07:11 - C'est ça. - Il n'y en a qu'une, c'est de négocier une fois par an, au début de l'année.
07:15 - Au 1er mars, à minuit. - Donc, à part faire de la dénonciation,
07:19 et montrer du doigt ceux qui ne jouent pas le jeu, le gouvernement n'a pas tellement non plus de carte en main ?
07:23 - Nous, ils nous ont fait signer une charte, la main sur le cœur l'an dernier, en disant on se remet autour de la table et on passe des hausses, on l'a tous fait.
07:29 Ce serait bien que les industriels le fassent à leur tour.
07:33 Mais vous avez raison, il n'y a pas de cadre légal aujourd'hui pour renégocier des produits.
07:37 - Vous redites aux gens qui arrivent à 7h52 sur RTL, donc pas de septembre vert, pas de baisse des prix dans les rayons ?
07:43 - Moi, je vais tout faire, je vais continuer à investir dans le prix.
07:46 Donc, chez Lidl, on est à -10%, et on va continuer sur nos 2000 références.
07:50 On n'a que 2000 références dans les magasins, et surtout on aura un prix national.
07:55 C'est-à-dire que le prix de nos produits est le même avenue de Versailles à Paris qu'à Brest, qu'à Strasbourg, qu'à Marseille.
08:01 - Donnez-nous d'autres exemples sur d'autres produits.
08:03 Les gens qui nous écoutent ce matin, sur quoi ça va baisser particulièrement ?
08:06 Sur quoi vous pouvez le faire le maximum d'efforts ?
08:08 - Sur les pâtes, sur la volaille, il va y avoir des baisses.
08:12 Pas sur le porc, pas sur le bœuf, pas sur le lait.
08:16 Sur les produits d'hygiène, on va pouvoir...
08:20 Ce n'est pas 20% de baisse, c'est quelques pourcentages.
08:24 - Et est-ce que quelque part, en ce moment, la situation actuelle et les marques qui ne baissent pas leur prix, ça ne fait pas vos affaires un peu ?
08:31 C'est-à-dire que, en gros, les marques distributeurs prennent des parts de marché en ce moment.
08:35 Et quand on a 90% de marques distributeurs, c'est plutôt bon pour le business ?
08:39 - Vous avez parfaitement raison, Marcial.
08:41 C'est assez paradoxal, d'ailleurs. On gagne des clients.
08:45 Tous les mois, on gagne, selon Cantar, des centaines de milliers de nouveaux clients qui se détachent des marques nationales.
08:50 D'ailleurs, les marques nationales devraient réagir, puisqu'il y a une déconsommation.
08:54 Ils devraient se dire "Baissez les prix pour que les gens rachètent nos produits".
08:57 A priori, ça ne les dérange pas pour l'instant.
08:59 Mais vous avez raison, les gens viennent de plus en plus chez nous.
09:05 Sauf que je dois baisser mes prix pour garder mon image-prix.
09:09 Et donc, je perds de la marge. C'est très compliqué à gérer en ce moment.
09:13 Les achats-plaisir, qui étaient un rayon très important chez nous,
09:16 les baskets, le robot cuiseur, tout ça, c'est -25% de vente.
09:21 Ça veut dire que les gens ne se font plus plaisir.
09:24 C'était l'achat-plaisir par excellence chez Lidl.
09:27 Aujourd'hui, je perds 25% de ces ventes. C'est une catastrophe.
09:31 - Vous avez le droit à 5 mots pour me répondre. On ne reviendra jamais au prix d'avant ?
09:34 - Jamais. Jamais on ne reviendra au prix d'avant.
09:37 Ça c'est très clair. Il faut arrêter de vendre du rêve.
09:40 - Merci beaucoup Michel Biraud.
09:42 [SILENCE]