L'invité de RTL Matin du 27 juillet 2023

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Regardez L'invité de RTL du 27 juillet 2023 avec Stéphane Carpentier.
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00:02 RTL Matin
00:05 Merci à vous tous d'être là RTL 7h44. Notre invité ce matin est donc l'ancien directeur de l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale.
00:13 Le général François Daoust est en direct en studio. Bonjour à vous.
00:17 Bonjour. Vous allez nous aider s'il vous plaît à y voir plus clair concernant l'enquête
00:21 sur la disparition d'Emile, deux ans et demi, dans les Alpes de Haute-Provence. L'enfant a été vu pour la dernière fois au Haut-Vernay
00:27 le 8 juillet dernier et depuis 19 jours maintenant et bien rien. C'est le grand mystère
00:33 malgré les enquêteurs, malgré deux juges d'instruction et malgré les recherches. Une nouvelle phase d'ailleurs de recherche a été lancée générale cette semaine, mardi.
00:41 C'est prévu pour durer jusqu'à samedi avec des hommes, un drone, des équipes cynophiles
00:46 spécialisées. En quoi ces moyens déployés peuvent-ils être plus efficaces ?
00:51 Alors on est dans une autre phase. C'est dire que là on n'est plus dans la recherche de l'enfant vivant qui était la première
00:57 phase où il fallait se dépêcher et se courir. Là on
01:02 espère, en tout cas les enquêteurs espèrent
01:04 retrouver au moins un petit corps ou les restes d'un corps. C'est à dire explorer des endroits
01:10 difficilement accessibles qui la première fois ont été pour certains sommairement
01:16 vus. D'autres
01:20 complètement passés inaperçus parce que la planimétrie et la topographie est très complexe
01:25 dans cet environnement. Donc ce sont des moyens qui ne sont pas utiles dans un premier temps mais qui vont l'être dans un seconde et
01:32 alors qu'on ne recherche pas un être vivant. C'est à dire que là c'est plus précis notamment grâce aux chiens ? Oui ce sont des chiens
01:38 spéciaux. Pour la première phase vous aviez à la fois des chiens de zone et des chiens de piste. La différence c'est qu'un chien de zone
01:44 va humer l'air et va détecter des molécules
01:50 odorantes d'une personne qui sont dans une zone et qui flottent dans la zone. Le chien de piste lui c'est les molécules qui sont
01:58 sur un chemin, sur de l'herbe, sur des morceaux de bois etc.
02:02 et qui permettent de remonter. Donc deux types de chiens ont été employés la première fois. On recherchait quelqu'un de vivant. Dès lors que
02:08 c'est encore
02:11 un cadavre ou des restes, et bien ce sont des chiens qui sont formés à la détection
02:16 de corps. Ce ne sont plus les mêmes odeurs, c'est la dégradation
02:20 naturelle avec ce qu'on appelle des gaz méphitiques, butériéiques etc. qui font que ces chiens sont entraînés à ce type de
02:29 dégénération
02:32 de corps et vont aller plus rapidement à un endroit émarqué. Et en ça l'IRCGN
02:40 est très important parce que va avec le groupe d'état des lieux qui est un groupe
02:46 spécialisé avec les drones qui va permettre une cartographie etc. Il y aura aussi un anthropologue.
02:51 Pourquoi ? Parce qu'on trouve très régulièrement des ossements ou des restes,
02:57 mais il faut immédiatement pouvoir dire et distinguer est-ce que ce sont des restes d'un être humain ou est-ce que ce sont des restes d'un animal ?
03:04 Il ne faut pas toujours s'affoler etc. Donc il y a besoin d'un expert sur place qui permettra de faire ce premier tri
03:11 et cette première analyse. - On se concentre sur une zone de 5 km autour de la maison des grands-parents où était le petit garçon.
03:17 Pourquoi on décide 5 km ?
03:19 - 5 km c'est la zone de marche en terrain accidenté possible pour un petit garçon de 2 ans.
03:26 Au-delà, au regard du dispositif qui avait été mis en place la première fois,
03:32 ce n'est que
03:35 hypothétique vraiment pour un petit garçon qui aurait une ligne droite et qui aurait pu courir comme ça
03:41 jusqu'à l'épuisement, mais au-delà de 5 km. 5 km en zone accidentée c'est un terrain très très large.
03:47 Il faut que vous pensiez à cette zone, cette circonférence
03:51 comme plusieurs dizaines d'hectares et c'est une scène équivalente d'une scène de crime de plusieurs dizaines d'hectares.
03:58 C'est très complexe. - Ces recherches elles se sont multipliées sur place depuis bientôt trois semaines. On a fouillé, on a interrogé,
04:04 on misait beaucoup du côté des enquêtes sur le téléphone,
04:06 l'écoute des conversations du jour J et l'analyse des numéros qui ont borné dans la zone le 8 juillet.
04:11 Manifestement il n'y a pas de résultat là-dessus ? - Alors nous ne savons pas si un résultat est là-dessus.
04:17 Les enquêteurs comme le parquet et les juges d'instruction ne communiquent pas directement.
04:22 Ils ont peut-être des pistes, ils ont peut-être des éléments. Ce sont plus de 1500 bornages qu'il faut vérifier.
04:29 1500 bornages c'est énorme.
04:33 Même avec le nombre d'enquêteurs qu'il y a, ça veut dire qu'il faut, une fois qu'on a détecté le numéro de téléphone,
04:39 savoir qui a borné, aller l'interroger, qu'est-ce qu'il faisait dans la zone, est-ce que c'est un résident habituel,
04:45 est-ce que c'était un promeneur, passage, etc. Vous imaginez 1500 en quelques jours,
04:52 il y a encore du travail. - Dans ce type d'enquête qui dure, quand les échecs se multiplient, les recherches ne donnent rien, les auditions non plus,
04:58 les téléphones jusqu'ici pas grand chose, il faut toujours relancer la machine, tenter une autre piste.
05:03 Il faut quoi ? Petit à petit éliminer toutes les options possibles ?
05:06 - Oui, il faut absolument fermer toutes les portes et pour ça il ne faut en négliger aucune.
05:11 Si au début on voyait bien qu'il y avait une partie qui était celle du préfet, qui était les secours, la recherche,
05:18 le procureur avait bien pris la précaution immédiatement de saisir la section de recherche de Marseille
05:24 et de lancer une enquête parce que chaque minute compte et toutes les hypothèses étaient déjà sur la table
05:32 et vous avez des groupes d'enquêteurs qui travaillent sur chaque hypothèse afin de ne négliger aucune.
05:37 - Général Daoust, avec votre expérience, même si tous les cas sont bien évidemment différents,
05:41 est-ce que vous diriez aujourd'hui qu'il demeure une chance de retrouver l'enfant vivant ?
05:45 - Alors, parmi les hypothèses qui sont sur la table, les enquêteurs pourraient vous dire celles qui privilégient le plus sans en négliger aucune,
05:53 mais il y a toujours celle de l'enlèvement d'opportunités, type de parent en mal d'enfant ou de personne en mal d'enfant
06:03 qui voyant un petit garçon tout seul le prennent et décident de l'adopter ipso facto.
06:09 C'est la seule hypothèse où l'on peut se dire derrière il y a une chance de retrouver l'enfant vivant.
06:14 Mais on voit bien que cette hypothèse là, elle est ténue, elle est ultra fine, comme le prédateur qui pourrait l'avoir enlevé.
06:23 Celle-là aussi elle est très ténue à part l'histoire de Kampusch.
06:29 On n'a pas beaucoup d'exemples où un prédateur maintient sa proie en captivité pendant des années.
06:36 Donc, parent en mal d'enfant c'est peut-être l'hypothèse la plus ténue qui pourrait laisser espérer,
06:42 mais c'est un infime.
06:46 Là on est dans les statistiques mathématiques et les probabilités, on n'est pas dans la réalité qui est celle du quotidien d'une enquête.
06:53 - Mais l'enquête elle peut encore durer longtemps, est-ce qu'on peut rester très longtemps dans le mystère comme ça ?
06:57 - On peut rester longtemps dans le mystère, oui.
06:59 - Ça peut arriver dans ce genre de dossier ?
07:01 - Ça peut arriver si les pistes n'arrivent pas à déboucher
07:06 et que l'enfant est réellement tombé dans un boyau ou dans une faille d'un accès difficile
07:15 et on n'arrive pas à savoir laquelle parce qu'il y en a de très nombreuses.
07:18 Et ça mettra peut-être plusieurs mois, plusieurs années.
07:22 Mais là on n'est pas au sein de l'enquête, il y a peut-être d'autres éléments.
07:26 Il n'y aura que le procureur et les juges qui pourront nous le dire.
07:29 - On dit quoi de ce cas précis que c'est un enfant porté disparu là ?
07:33 - Oui, pour l'instant c'est un enfant porté disparu.
07:36 À voir si les juges vont requalifier pour enlèvement, séquestration, histoire de criminaliser,
07:45 ce qui permettra d'avoir d'autres moyens judiciaires à déployer.
07:51 Le fait qu'il y ait deux juges d'instruction c'est très intéressant
07:55 parce que ça évite, comme pour les enquêteurs, ce que l'on appelle l'effet tunnel
07:59 qui est, je pars sur une hypothèse, j'en privilégie une,
08:02 en ne lisant finalement toutes les déclarations, tous les témoignages
08:06 qu'avec cette idée que l'on a en tête. Donc on se ferme l'esprit.
08:10 Avoir deux personnes, deux regards, et les enquêteurs aussi avec des groupes différents,
08:15 permet d'analyser les choses différemment et de ne pas passer à côté d'une observation pertinente.
08:23 - Pour ces deux juges dont vous parlez, tous ces enquêteurs,
08:25 est-ce que lorsqu'on n'a pas de réponse comme ça au bout de 19 jours,
08:28 ça ne tourne pas un peu à l'obsession ?
08:30 - Alors l'obsession est liée. Elle est liée parce que vous avez des enquêteurs et des magistrats
08:36 qui sont parents, qui imaginent et qui veulent absolument pour la famille des réponses.
08:42 Et ne pas apporter de réponse, ne pas avoir de pistes ou autre,
08:47 c'est quelque chose d'obsédant et qui fait peur souvent aux enquêteurs comme aux magistrats.
08:53 - Merci de nous avoir éclairé et expliqué les choses, Général Daoust, invité.
08:56 de la société.