• l’année dernière
Le sommet dit des BRICS, réuni à Johannesburg il y a quelques jours, a consacré le "basculement du monde". Un monde où l’Occident n’est plus en position dominante comme il le fut pendant des siècles, déjà le PIB des pays du G7 ne représente même plus la moitié du PIB mondial. Cet événement, qui surprend des Occidentaux aveugles ou incrédules, fut annoncé de longue date par une Française, géo-politiste qui préside Géopragma, centre d’analyses internationales, Caroline Galactéros. Parmi tous les courages, cette jeune femme, élève et collaboratrice de Pierre Dabezies, eut très tôt celui du réalisme, regardant toujours "les choses telles qu’elles sont", se défiant des idéologies de passage et des moralines de poche qui cachent de plus en plus mal notre alignement sur Washington et ses mensonges. Certes, l'atlantisme de rigueur la maintient en marge de la bien-pensence occidentaliste et de ses grands médias, mais elle n’en est pas moins l’une des rares voix françaises écoutées dans le monde entier, sauvant à elle seule l’honneur de la France en de multiples régions du monde. Faisons mieux connaissance avec cette femme exceptionnelle par ses qualités morales et sa hauteur intellectuelle. Ecoutons-la évoquer sa vie, sa famille et sa manière de lire les grandes évolutions du monde, notamment au Proche-Orient, en Syrie et en Iran, d’où elle revient, mais aussi en Europe, notamment en Ukraine et Russie.

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Transcription
00:00:00 Chers amis qui êtes abonnés ou qui suivez régulièrement les conversations,
00:00:05 je voudrais vous dire une petite chose.
00:00:07 Vous avez tous observé que bien des aspects de la vie contemporaine,
00:00:13 et de ce qu'on appelait autrefois l'art de vivre,
00:00:16 disparaissent les uns après les autres.
00:00:18 En fait, l'art de vivre, c'est innombrable, les arts de la table,
00:00:23 tenir la porte d'une dame quand elle passe d'une pièce à une autre, ou dans le métro,
00:00:30 faire la conversation, avoir une conversation,
00:00:33 avec ce que ça suppose d'humour,
00:00:37 de liberté de ton, de second degré.
00:00:41 J'ai l'impression quelquefois que le second degré s'évapore aussi,
00:00:44 l'humour s'évapore, on a l'impression que plus personne ne le comprend,
00:00:49 et que l'art de conversation est résumé pour beaucoup à une seule chose, l'interview.
00:00:56 Alors l'interview, ça vous en avez sur internet, des interviews,
00:01:00 ça ne nous manque pas, c'est très utile certes, mais les conversations c'est autre chose.
00:01:05 J'invite des amis à parler de leur vie,
00:01:10 de ce qui est le plus intéressant d'ailleurs, la manière de voir les choses,
00:01:14 la manière de concevoir l'avenir de la France, de voir le monde, de comprendre les êtres.
00:01:22 Et ça c'est une telle matière que ces conversations-là peuvent durer très longtemps.
00:01:27 Des émissions et des émissions et des émissions, d'une demi-heure, d'une heure, de deux heures,
00:01:33 quand les gens parlent d'eux-mêmes, c'est tout à fait normal, je ne le critique pas,
00:01:37 ça peut durer des jours et des jours jusqu'à ce que mort s'en suive.
00:01:40 Donc de temps en temps il faut que je coupe.
00:01:42 Ceux qui me reprochent de couper, d'une part ne se rendent pas compte que si les invités se liloquaient,
00:01:49 ça n'en finirait plus, et d'autre part,
00:01:52 une conversation, on se coupe, je les coupe, ils me coupent aussi, beaucoup.
00:01:58 Je ne suis pas animateur, je ne suis pas journaliste,
00:02:02 je fais des conversations avec mes amis.
00:02:04 Il faut dire que le fil directeur de ces conversations, c'est le plus intéressant,
00:02:08 c'est eux-mêmes.
00:02:09 Et donc ces conversations resteront des conversations,
00:02:12 regardez la définition dans le dictionnaire,
00:02:15 c'est un vieillard de vivre à la française, la conversation à la française,
00:02:18 c'est fameuse dans le monde entier.
00:02:20 Et ces conversations resteront donc pour toujours,
00:02:23 si vous le voulez bien, avec vous, des conversations.
00:02:27 Merci beaucoup.
00:02:28 [Musique]
00:02:52 Eh bien bonjour mon colonel.
00:02:55 Ça commence très fort, bonjour Paul-Marie.
00:02:58 On peut dire mon colonel, vous êtes colonel.
00:03:01 On ne peut pas dire mon.
00:03:01 Ah oui, c'est monsieur le colonel.
00:03:04 Colonel.
00:03:05 Mais oui, que je suis bête.
00:03:06 Je ne sais pas vous appeler, bonjour colonel.
00:03:09 Ben sinon c'est ma colonelle, mais on change de registre.
00:03:11 Ça devient sérieux, on change de registre.
00:03:14 Bon, c'est un peu glissant.
00:03:15 Enfin vous êtes colonel, Caroline Galactéros.
00:03:18 Je le suis devenu sur le tard d'ailleurs.
00:03:20 Pourquoi, pourquoi ?
00:03:20 Beaucoup de militaires m'en veulent,
00:03:22 m'en veulent considérablement.
00:03:23 Tu n'as jamais rencontré une femme colonelle.
00:03:25 Mais si, mais il y en a, mais des vrais.
00:03:27 Moi je suis un peu particulière.
00:03:29 Dans la réserve ?
00:03:30 Oui, mais dans la réserve qui travaille tout de même.
00:03:33 Opérationnelle, même si aujourd'hui je n'ai plus d'affectation malheureusement.
00:03:36 Et ça consiste en quoi, ce travail régulier ?
00:03:39 Ça dépend de l'affectation, de l'endroit où on est affecté,
00:03:43 de la mission qui vous est donnée.
00:03:45 Moi j'en ai eu plusieurs.
00:03:46 De l'ordre de la doctrine de l'armée de terre,
00:03:49 de l'ordre des opérations spéciales,
00:03:51 enfin au sein des opérations spéciales,
00:03:53 et puis après l'école de guerre.
00:03:55 Non seulement c'est rare une femme,
00:03:57 mais c'est rare une géopolitologue,
00:04:01 c'est ce que l'on dit,
00:04:03 qui tranche,
00:04:05 enfin qui détonne sur le prêt-à-penser universel,
00:04:09 atlantiste, européiste.
00:04:11 Oui, alors ça non.
00:04:12 Là vous sortez de votre réserve là pour le coup.
00:04:14 Là je sors de ma réserve, mais je sors de ma réserve.
00:04:16 Avec beaucoup de courage, parce que tout le monde vous reconnaît,
00:04:18 le courage et la compétence,
00:04:20 qui vient de vie.
00:04:22 C'est très gentil.
00:04:24 Non mais en fait,
00:04:26 je n'y suis entre guillemets pour rien,
00:04:28 je ne suis que le réceptacle
00:04:30 de choses que je considère
00:04:32 fortes, importantes,
00:04:34 et qui donc ne supportent pas
00:04:36 de compromissions,
00:04:40 de compromis même,
00:04:42 tout simplement.
00:04:44 Et puis parce que, très jeune en fait,
00:04:46 j'ai eu la chance
00:04:48 de rencontrer d'abord
00:04:50 parmi mes professeurs,
00:04:52 quelqu'un que vous avez connu aussi je pense,
00:04:54 Pierre Dabzy.
00:04:56 Et c'est par lui que nous nous sommes connus.
00:04:58 Absolument.
00:05:00 Et même chez lui.
00:05:02 Oui, tout à fait.
00:05:04 Vous étiez une toute petite étudiante qui rangait ses papiers.
00:05:06 Voilà, exactement.
00:05:08 Il faut dire, qui est Pierre Dabzy,
00:05:10 qui a été directeur de la Fondation
00:05:12 pour les études de défense nationale,
00:05:14 ambassadeur de France,
00:05:16 je crois qu'il a été député aussi,
00:05:18 il a failli l'être en tous les cas.
00:05:20 Député de Paris, agrégé de droit public,
00:05:22 colonel du 11e choc, enfin bon.
00:05:24 Un grand homme, un gaulliste de gauche,
00:05:26 comme il se...
00:05:28 Et une grande gueule.
00:05:30 Grande gueule.
00:05:32 On donne hommage à cet homme qui m'a permis de faire votre connaissance.
00:05:34 Alors, vous êtes docteur en sciences politiques,
00:05:36 vous avez dirigé des séminaires
00:05:38 à l'école de guerre,
00:05:40 on redit l'école de guerre maintenant.
00:05:42 Oui, c'est très bien.
00:05:44 C'est un collège interarmé.
00:05:46 C'est un collège, c'est encore un truc anglo-saxon,
00:05:48 mais ça ne correspondait pas à ce qu'est l'école de guerre.
00:05:50 Vous avez enseigné à la HEC, je crois aussi.
00:05:54 HEC, un peu un normal sub,
00:05:56 mais HEC, quand j'ai quitté le service de l'État,
00:05:58 oui, j'ai fait ça, pendant deux ans et demi.
00:06:00 Le service de l'État, c'était ?
00:06:02 Le service de l'État, c'était toute la décennie 90,
00:06:06 et c'était les services du Premier ministre.
00:06:08 Le secrétariat général de la défense,
00:06:10 et aujourd'hui de la sécurité nationale.
00:06:12 Voilà.
00:06:14 Toujours dans ces questions militaires,
00:06:16 ces questions de défense,
00:06:18 mais qu'est-ce qui vous a conduit ?
00:06:20 Parce qu'une autre singularité chez vous,
00:06:22 c'est que vous avez un peu toute l'Europe dans la tête,
00:06:24 et même dans le sang, je me trompe.
00:06:26 C'est vrai.
00:06:28 Galactéros, c'est un nom grec.
00:06:30 C'est vrai.
00:06:32 On voit à l'écran votre père.
00:06:34 Mon père.
00:06:36 Qui était-ce ?
00:06:38 Ah, mon père, c'est un grand homme d'ailleurs,
00:06:40 avec nous en ce moment même, sans doute.
00:06:42 C'était un médecin, un grand médecin,
00:06:44 mais un médecin philosophe.
00:06:46 Ça c'était à Lyon.
00:06:48 Ça c'était à Lyon, il est lyonnais,
00:06:50 il est né à Lyon, il a fait ses médecines à Lyon, etc.
00:06:52 Mais effectivement, ses parents, eux,
00:06:54 étaient grecs.
00:06:56 Grecs de Grèce, enfin pas de Grèce.
00:06:58 Grecs des colonies grecques d'Asie mineure,
00:07:02 d'où ils furent expulsés.
00:07:04 Dans ce qui est de la culture turquie.
00:07:06 Voilà.
00:07:08 Levantin, on disait.
00:07:10 Levantin, voilà.
00:07:12 C'est ça.
00:07:14 Alors votre mère, c'est tout à fait à l'opposé ?
00:07:16 Rien à voir, un autre monde.
00:07:18 Elle a des origines irlandaises, je me souviens bien.
00:07:20 Elle a des origines irlandaises et anglaises,
00:07:22 enfin ce qu'on appelait pudiquement
00:07:24 les Irlandais d'avant l'indépendance de l'Irlande,
00:07:26 c'est-à-dire en fait les colons anglais
00:07:28 qui possédaient l'Irlande.
00:07:30 Et puis, mais ça c'est du côté des femmes,
00:07:32 parce que les femmes sont assez audacieuses
00:07:34 chez nous, de manière générale.
00:07:36 Je vois, je vois.
00:07:38 Donc elles s'allient à des êtres un peu étonnants.
00:07:40 Enfin bon, pour le meilleur et pour le pire.
00:07:42 Et...
00:07:44 Mais une grande famille française en même temps.
00:07:46 Très ancienne famille française.
00:07:48 C'est ce qu'on appelle grande.
00:07:50 Grande.
00:07:52 Voilà.
00:07:54 Après, du côté de mon grand-père,
00:07:56 ce sont
00:07:58 des aristocrates
00:08:00 de province, des argentés
00:08:02 qui ont tout perdu, qui ont jamais compris vraiment.
00:08:04 Parce que c'est ce qu'on appelle les
00:08:06 comptabiles.
00:08:08 Voilà.
00:08:10 Donc je suis le produit un peu de...
00:08:12 C'est vrai, de tout cela,
00:08:14 avec des branches un peu partout.
00:08:16 En Suède.
00:08:18 En Suède ?
00:08:20 En Suède, au Seychelles même.
00:08:22 Enfin bon, qui ont fait souche.
00:08:24 Mais ça c'était du côté des Anglais.
00:08:26 Les Anglais sont allés un peu partout.
00:08:28 Personne ne peut dire que vous n'êtes pas européenne.
00:08:30 Non. Et je le suis.
00:08:32 Ah, nous allons y venir.
00:08:34 Et comment en êtes-vous venue, justement,
00:08:36 outre ses origines
00:08:38 qui sont très ouvertes, très ouvertes sur le monde ?
00:08:44 Comment êtes-vous
00:08:46 venues, d'une part à la science politique,
00:08:48 d'autre part à la géopolitique ?
00:08:50 C'est un hasard,
00:08:52 comme toute chose, comme toute vie ?
00:08:54 C'est toujours des concours de circonstances
00:08:56 et des rencontres.
00:08:58 Mais j'ai une formation au départ littéraire,
00:09:00 d'histoire.
00:09:02 J'ai fait des classes préparatoires
00:09:04 littéraires.
00:09:06 Donc, hippocane, cane, cagne.
00:09:08 Parce que j'ai raté deux fois le concours.
00:09:10 Et j'étais spécialisée en histoire.
00:09:12 Heureusement.
00:09:14 Heureusement, je ne sais pas.
00:09:16 La vie vaut beaucoup pour ce qu'on rate, Caroline.
00:09:18 C'est vrai.
00:09:20 Il faut en réussir aussi quelques-unes.
00:09:22 Donc, j'ai raté en tout cas "Normal Sup".
00:09:24 Et après,
00:09:26 j'ai atterri à l'époque,
00:09:28 on ratait "Normal Sup".
00:09:30 Et qu'on ne se destinait pas
00:09:32 forcément tout de suite à l'ENA
00:09:34 ou à une carrière publique
00:09:36 classique de service public.
00:09:38 On atterrissait
00:09:40 dans une maîtrise
00:09:42 de sciences politiques.
00:09:44 Il y en avait quelques-unes en France à l'époque.
00:09:46 Je parle de l'année
00:09:48 88,
00:09:50 89. Et donc, il y avait une maîtrise
00:09:52 assez reconnue et connue.
00:09:54 Où officier Pierre Dabzy,
00:09:56 qui était quand même le seul de mes professeurs
00:09:58 qui ne m'est jamais intéressée dans cette maîtrise.
00:10:00 Parce qu'après, le rythme des classes prépa,
00:10:02 c'était un peu...
00:10:04 un peu light.
00:10:06 Au fond, c'est venu par lui.
00:10:08 C'est pour ça que j'en parle volontiers.
00:10:10 Parce que c'est vraiment la personne
00:10:12 qui m'a permis,
00:10:14 en me prenant un peu sous son aile,
00:10:16 j'étais son élève, mais en me prenant
00:10:18 comme son assistante pour l'aider à organiser
00:10:20 les colloques, ses cours,
00:10:22 ranger ses papiers, ses dossiers,
00:10:24 et enfin tout un tas de choses.
00:10:26 - Je travaillais avec lui.
00:10:28 - Il m'a fait...
00:10:30 Il m'a fait aimer ça,
00:10:32 et rencontrer beaucoup de monde très jeune,
00:10:34 finalement, dans ce milieu
00:10:36 qui m'a plu et qui me correspondait très bien.
00:10:38 - Alors c'était un non-conformiste,
00:10:40 et ça, vous aviez une prédisposition,
00:10:42 et voulait être restée obstinément,
00:10:44 parce que, je disais tout à l'heure,
00:10:46 j'ai failli dire que vous étiez enseignante à Sciences Po,
00:10:48 vous ne risquez pas d'être enseignante à Sciences Po,
00:10:50 car on connaît vos convictions.
00:10:52 Vous êtes devenu très marqué,
00:10:54 on pourrait dire indépendantiste,
00:10:56 très national,
00:10:58 ce qui ne prédispose pas à entrer à Sciences Po.
00:11:00 - Pas trop.
00:11:02 - Vous voulez être farouchement anti-national,
00:11:04 et vous avez même été la conseillère diplomatique
00:11:06 d'Éric Zemmour.
00:11:08 - Ah, je l'attendais.
00:11:10 Je savais bien.
00:11:12 Là, vous avez fait quand même un saut
00:11:14 d'à peu près 30 ans.
00:11:16 On peut venir à Éric Zemmour, volontiers.
00:11:18 - Par exemple, oui.
00:11:20 - De Pierre Dapzy à Éric Zemmour,
00:11:22 ça ne me choque pas, moi.
00:11:24 - Je ne sais pas si ça l'aurait choqué.
00:11:26 Ce qu'ils ont sans doute en commun,
00:11:28 - Beaucoup.
00:11:30 - dans mon esprit,
00:11:32 c'est cette indépendance
00:11:34 de pensée
00:11:36 et de parole aussi.
00:11:38 - Pour moi, l'indépendance va bien.
00:11:40 C'est-à-dire, c'est l'indépendance de pensée
00:11:42 et la lutte pour l'indépendance de la France.
00:11:44 - Oui, totalement.
00:11:46 Ce sont des vrais patriotes.
00:11:48 - Oui, clairement.
00:11:50 D'une campagne, les aléas aussi.
00:11:52 Et tout un tas de choses ont fait que
00:11:54 je n'ai fait qu'un passage
00:11:56 assez comme une éclipse.
00:11:58 D'ailleurs, je n'ai pas pu y faire
00:12:00 tout ce que j'aurais souhaité y faire
00:12:02 pour l'aider.
00:12:04 - Pour aider Éric Zemmour.
00:12:06 - Pour aider Éric Zemmour.
00:12:08 Mais bon, voilà.
00:12:10 C'est vrai que nous partagions,
00:12:12 quand nous en avons parlé un peu en amont,
00:12:14 beaucoup d'idées
00:12:16 sur les questions internationales.
00:12:18 Ça me semblait très cohérent, moi.
00:12:20 Et surtout, où, où, où ailleurs ?
00:12:22 Qui ? Qui d'autre ?
00:12:24 Voilà.
00:12:26 Donc c'était un vrai sujet, ça.
00:12:28 - Peut-être que je vous présente
00:12:30 comme fondatrice, d'abord,
00:12:32 et présidente de Géopragma.
00:12:34 Comment définir Géopragma ?
00:12:36 C'est votre carte d'identité.
00:12:38 J'aurais dû commencer par ça.
00:12:40 - Aujourd'hui, oui.
00:12:42 C'est plus durable, déjà.
00:12:44 - C'est un think tank.
00:12:46 C'est un cercle de réflexion,
00:12:48 on va dire.
00:12:50 Oui, oui, oui.
00:12:52 Mais d'accord, il faut quand même s'identifier.
00:12:54 On fait des partenariats avec des homologues étrangers.
00:12:56 Il faut bien, malgré tout,
00:12:58 sacrifier un peu à cela.
00:13:00 - Vous parlez chinois ?
00:13:02 - Non, je ne parle pas chinois,
00:13:04 mais je parle anglais, tout de même.
00:13:06 C'est assez utile.
00:13:08 - On peut s'invertir l'esprit,
00:13:10 c'est très utile.
00:13:12 - Je pense être très puriste
00:13:14 et très attachée à ma langue.
00:13:16 - Parler anglais, vous savez,
00:13:18 ça détruit beaucoup l'esprit.
00:13:20 Il ne faut surtout pas parler anglais.
00:13:22 Tout ce qui est anglais
00:13:24 pervertit l'âme et le corps.
00:13:26 - Je vous rappelle que j'ai un peu
00:13:28 de sang anglais, en fait.
00:13:30 - Anglais, oui.
00:13:32 - Oui, tout de même.
00:13:34 C'est ce qu'on m'a dit dans ma famille.
00:13:36 Mais malgré tout, si je creuse un peu...
00:13:38 - Alors, Géopragma.
00:13:40 - Donc, Géopragma.
00:13:42 C'est un symptôme
00:13:44 que j'ose le dire,
00:13:46 et seul dans son genre,
00:13:48 en France,
00:13:50 qui est jeune, qui n'a que 5 ans,
00:13:52 qui n'a pas de moyens
00:13:54 financiers lui permettant
00:13:56 de se développer comme il le devrait.
00:13:58 Mais c'est vrai. Je n'ai pas de mécène
00:14:00 français, je ne veux pas...
00:14:02 - Faites payer vos articles,
00:14:04 il y a de très bons articles sur le site Géopragma.
00:14:06 - Oui, alors, il faut qu'on pense
00:14:08 à tout cela.
00:14:10 Néanmoins,
00:14:12 nous avons survécu
00:14:14 ces dernières années,
00:14:16 et nous avons réussi
00:14:18 à, je crois, un peu
00:14:20 exister, même si c'est pour être souvent
00:14:22 critiqué, dans
00:14:24 le microcosme
00:14:26 des cercles de réflexion français.
00:14:28 Je dirais que, moi, je veux voir
00:14:30 Géopragma comme
00:14:32 un pionnier, comme un éclaireur.
00:14:34 Et un éclaireur
00:14:36 pour quoi ? Eh bien, pour ce que j'appelle
00:14:38 de mes voeux, désespérément, en hurlant
00:14:40 un peu dans le désert jusqu'à présent,
00:14:42 la refonte totale
00:14:44 de notre approche des questions
00:14:46 internationales et stratégiques.
00:14:48 Pour la France, je parle de la France.
00:14:50 Moi, c'est quand même la France qui m'intéresse,
00:14:52 avant toute chose.
00:14:54 Donc, pionnier,
00:14:56 éclaireur, et pour le reste,
00:14:58 eh bien, essayer déjà d'être
00:15:00 identifié, et ça, c'est en cours,
00:15:02 par le reste
00:15:04 du monde, tout continent confondu,
00:15:06 que ce soit de l'autre côté de
00:15:10 l'Atlantique, que ce soit
00:15:12 dans des pays, aujourd'hui, maudits,
00:15:14 comme la Russie, la Chine,
00:15:16 l'Iran, des endroits
00:15:18 infréquentables, paraît-il,
00:15:20 comme un lieu de
00:15:22 dialogue, d'échange
00:15:24 de perception, de
00:15:26 diplomatie publique,
00:15:28 ou, si c'est nécessaire,
00:15:30 à la disposition
00:15:32 de mon État,
00:15:34 de ma nation,
00:15:36 de diplomatie parallèle. Pourquoi pas ?
00:15:38 Puisque nous tissons des réseaux,
00:15:40 nous sommes un endroit,
00:15:42 finalement, qui est de plus en plus, je crois,
00:15:44 identifié, comme
00:15:46 peuplé...
00:15:48 - Géopragma, vous voulez dire ? - Oui, géopragma.
00:15:50 Je parle de géopragma. - Pas Paris, en règle générale ?
00:15:52 - Ah non, non, non, non, non. - Géopragma.
00:15:54 - Je parle juste de géopragma.
00:15:56 Un endroit
00:15:58 où il y a un certain nombre de gens qui pensent
00:16:00 librement, qui osent dire
00:16:02 ce qu'ils pensent, qui ont une analyse
00:16:04 certes complètement hors des
00:16:06 sentiers battus, mais
00:16:08 en même temps, le monde, la réalité,
00:16:10 les temps présents nous servent.
00:16:12 Parce que jusqu'à présent,
00:16:14 tout se passe à peu près
00:16:16 qu'on le
00:16:18 veuille ou non,
00:16:20 dans le sens que nous avons ébauché,
00:16:22 annoncé,
00:16:24 depuis déjà des années. - Alors vous êtes géné dans cette
00:16:26 entreprise depuis sa fondation.
00:16:28 Je cite son nom puisqu'il a
00:16:30 déjà participé à nos conversations.
00:16:32 Aidé par le général
00:16:34 Pinatel, qui est votre vice-président, je crois.
00:16:36 - Qui est mon vice-président. En fait, il y a deux
00:16:38 vice-présidents. Le
00:16:40 général,
00:16:42 Jean-Bernard Pinatel, qui est un homme de grande
00:16:44 expérience,
00:16:46 et en même temps de grande
00:16:48 simplicité.
00:16:50 C'est un grand plaisir
00:16:52 de travailler avec lui.
00:16:54 Et j'ai un autre
00:16:56 vice-président, qui est une vice-présidente,
00:16:58 qui est Patricia Lalonde,
00:17:00 qui
00:17:02 est un
00:17:04 ancien député européen,
00:17:06 notamment,
00:17:08 mais qui est surtout, qui est d'autant plus précieuse
00:17:10 qu'elle a elle-même
00:17:12 fait une véritable révolution
00:17:14 intellectuelle.
00:17:16 Et qu'elle a
00:17:18 connue à travers sa vie
00:17:20 professionnelle, elle est
00:17:22 passée, en fait, d'une sorte
00:17:24 d'atlantisme
00:17:26 naïf,
00:17:28 mais convaincu,
00:17:30 un peu le
00:17:32 droit de l'homisme aussi, un peu tout,
00:17:34 en faisant des choses fort intéressantes et utiles,
00:17:36 d'ailleurs, jusqu'à
00:17:38 un réveil, si j'ose dire,
00:17:40 je ne parlerai pas de
00:17:42 "wokisme", mais un réveil,
00:17:44 un réveil vers le réalisme
00:17:46 et vers le pragmatisme de l'analyse.
00:17:48 - Oui. - Voilà.
00:17:50 - Géopragma, c'est pragma.
00:17:52 - Oui, c'est pragmata, quoi.
00:17:54 - C'est-à-dire le réalisme.
00:17:56 - Voilà, c'est...
00:17:58 - On sort de l'idéologie et on voit les choses
00:18:00 telles qu'elles sont. - Voilà. Parce que si on ne fait pas ça,
00:18:02 on ne peut rien faire.
00:18:04 On est pieds et poings liés
00:18:06 d'un côté ou d'un autre.
00:18:08 Que ce soit,
00:18:10 on nous accuse d'avoir des allégeances
00:18:12 étrangères, etc., mais quelle qu'elle soit,
00:18:14 à partir du moment où vous n'êtes pas dans
00:18:16 les faits, où vous ne vous astreignez
00:18:18 pas à une véritable analyse,
00:18:20 moi j'ai été formée comme ça, je n'ai fait que ça
00:18:22 pendant dix ans dans les services du Premier
00:18:24 ministre, où là,
00:18:26 après il y avait la politique, l'idéologie,
00:18:28 on suivait ou pas mes conseils, d'ailleurs rarement,
00:18:30 il faut bien le dire, mais
00:18:32 l'analyse,
00:18:34 l'analyse, c'est la base.
00:18:36 - Les faits. - Sinon,
00:18:38 on vit dans une réalité parallèle.
00:18:40 - C'est ça la géopolitique. Ce mot est un peu récent, géopolitique,
00:18:42 mais comment peut-on le définir ?
00:18:44 C'est l'intelligence du monde,
00:18:46 réaliste du monde.
00:18:48 - Mais ce n'est pas le monde tel qu'on voudrait qu'il soit,
00:18:50 ou tel qu'on voudrait que soit
00:18:52 une politique
00:18:56 inspirée par la morale,
00:18:58 ou inspirée par une sorte de...
00:19:00 - Ah mais ça, ça ne sert à rien, ça ne produit que des drames.
00:19:02 - Le son à donner à l'univers.
00:19:04 - Ça ne produit que des drames, et là,
00:19:06 maintenant, on commence à le payer
00:19:08 cher, très très cher,
00:19:10 s'agissant de notre place
00:19:12 sur la scène internationale.
00:19:14 Non, la géopolitique, c'est
00:19:16 une manière
00:19:18 d'analyser et de comprendre
00:19:20 le monde, et les hommes aussi,
00:19:22 et les cultures, et les civilisations,
00:19:24 à partir d'une vision
00:19:26 de leur histoire,
00:19:28 de leur géographie,
00:19:30 de leurs constantes,
00:19:32 de leurs préoccupations. Il faut s'intéresser
00:19:34 aux autres. - Oui, sans décider
00:19:36 qu'il y a des mauvais et des bons. - Voilà, mais ça n'a aucun
00:19:38 intérêt, les mauvais et les bons.
00:19:40 - Vous avez acquis une
00:19:42 grande notoriété ces dernières années.
00:19:44 Ce n'était pas tant dû à votre rôle
00:19:46 auprès d'Éric Zemmour,
00:19:48 un peu par le rayonnement de Géopragma,
00:19:50 beaucoup par le courage
00:19:52 avec lequel vous avez
00:19:54 prononcé quelques vérités
00:19:56 sur le Proche-Orient.
00:19:58 Je crois que vous revenez de Syrie,
00:20:00 je voudrais que nous en parlions, du Proche-Orient,
00:20:02 sur le conflit
00:20:04 en Ukraine, je ne sais pas comment
00:20:06 l'appeler,
00:20:08 guerre, pas guerre,
00:20:10 mais plus limité qu'on ne pense,
00:20:12 et surtout, parce que
00:20:14 vous avez presque prophétisé, c'est très repris
00:20:16 maintenant, le basculement
00:20:18 du monde. L'année 2023
00:20:20 confirme ce que Caroline Galactéros,
00:20:22 j'en témoigne, annonçait
00:20:24 au fil de nombreuses conférences.
00:20:26 - Oui, oui, les années. - Vous ne refusiez pas quand on vous appelle
00:20:28 - Oui. - Vous avez annoncé
00:20:30 - C'est mon faible. - Oui, oui, oui,
00:20:32 vous y allez, vous y allez au combat quand on vous appelle.
00:20:34 - Voilà, j'y vais au combat. - On peut voir sur
00:20:36 Internet, j'incite tout le monde
00:20:38 à le faire, vos conférences
00:20:40 se donnaient ici ou là depuis des années.
00:20:42 Alors, le basculement du monde, nous allons y revenir.
00:20:44 Mais, je sais que
00:20:46 vous revenez de Syrie, j'aimerais qu'on commence
00:20:48 par un des éléments d'ailleurs de ce basculement
00:20:50 du monde, - Oui. - dont
00:20:52 on parle peu, mais qui est en train de...
00:20:54 Il y a un remue-ménage
00:20:56 terrible au Proche-Orient,
00:20:58 qui est en train de modifier la donne
00:21:00 à notre détriment,
00:21:02 en tous les cas au détriment des Etats-Unis, je suis obligé
00:21:04 de penser les deux, puisqu'on est
00:21:06 accrochés l'un à l'autre, tout au moins la France est accrochée,
00:21:08 vous l'avez assez dit, à la diplomatie
00:21:10 états-unienne.
00:21:12 La Syrie, donc, mais aussi
00:21:14 l'Iran, où vous êtes allé, racontez-moi
00:21:16 votre périple de juin.
00:21:18 - Deux jours de débat, nous étions
00:21:20 les seuls Européens.
00:21:22 C'est quand même très grave. - Ah, un signe de notre
00:21:24 isolement. - Oui, mais un signe aussi
00:21:26 du fait que Géopragma doit aller au contact.
00:21:28 - C'est la vocation de Géopragma, ça, justement.
00:21:30 - Mais oui, doit aller au contact, si on ne le fait pas,
00:21:32 personne ne le fait. - Parler à tout le monde et d'être reconnu comme
00:21:34 interlocuteur particulier. - Absolument. - Ce qui est plus le cas
00:21:36 pour beaucoup de gens en France. - Non.
00:21:38 Donc, nous avons pu
00:21:40 écouter et participer à des débats
00:21:42 tout à fait passionnants, et surtout
00:21:44 sur cette nouvelle géométrie,
00:21:46 sur les intérêts des uns
00:21:48 et des autres, sur la manière dont ils
00:21:50 voient l'Occident, sur la façon
00:21:52 dont ils voient l'Europe,
00:21:54 sur les liens
00:21:56 à nouer, renouer,
00:21:58 ou au contraire à...
00:22:00 - Distendre. - Oui, à distendre
00:22:02 et distendre.
00:22:04 Donc, c'était, voilà,
00:22:06 c'était un court séjour,
00:22:08 c'était vraiment pour cet événement-là,
00:22:10 donc très frustrant
00:22:12 par rapport à la découverte de l'Iran,
00:22:14 naturellement, mais
00:22:16 ce qu'on peut ressortir,
00:22:18 ce qu'on peut dire facilement
00:22:20 de cet événement,
00:22:22 c'est qu'on sent
00:22:24 bien cette bascule,
00:22:26 là, elle se voyait, mais... - D'autant que l'Iran...
00:22:28 - Comme une maison, elle était
00:22:30 énorme, c'est-à-dire... - L'Iran revient dans le jeu
00:22:32 par le biais d'une alliance,
00:22:34 en tous les cas d'accord récent
00:22:36 avec l'Arabie Saoudite. - Avec l'Arabie Saoudite.
00:22:38 - Inattendue. - Avec la Chine,
00:22:40 sous les auspices de la Chine. - Les auspices de la Chine.
00:22:42 - Et dans le cadre d'un gros accord
00:22:44 avec la Chine, aujourd'hui ou hier,
00:22:46 il vient de rentrer de nouveau
00:22:48 dans l'organisation de coopération...
00:22:50 il vient d'entrer dans l'organisation
00:22:52 de coopération de Shanghai,
00:22:54 qui est un énorme bloc dont on ne parle absolument pas,
00:22:56 pas plus qu'on ne parle ici
00:22:58 de...
00:23:00 de l'union économique
00:23:02 eurasiatique, enfin, on est coupé...
00:23:04 - Allons-y, parlez-nous de cela, parce que...
00:23:06 - Eh bien, on est... - Il faut que quelqu'un le fasse.
00:23:08 - Le problème, c'est que les Européens sont
00:23:10 tellement dans cette
00:23:12 posture autiste
00:23:14 et indignée, et furieuse,
00:23:16 et humiliée,
00:23:18 et jalouse, on va dire,
00:23:20 vis-à-vis de toute
00:23:22 l'autre partie du monde,
00:23:24 Moyen-Orient... - Qui galope sans nous.
00:23:26 - Qui galope sans nous,
00:23:28 qui coagule,
00:23:30 j'allais dire, grâce à nous,
00:23:32 et de plus en plus contre nous,
00:23:34 puisqu'on ne fait rien vers elle.
00:23:36 On est dans des postures
00:23:38 d'hostilité,
00:23:40 d'éloignement,
00:23:42 d'honneur de leçon,
00:23:44 on ne peut pas s'en empêcher,
00:23:46 on continue, on continue, on ne voit pas que ça ne...
00:23:48 non seulement ça ne porte plus,
00:23:50 mais ça agace maintenant singulièrement,
00:23:52 et surtout, les grands pays
00:23:54 qui structurent cet autre monde,
00:23:56 cette bascule du monde,
00:23:58 n'ont plus du tout l'intention
00:24:00 de se laisser
00:24:02 ni sermonner,
00:24:04 ni donner des leçons
00:24:06 sur leur régime, enfin tout ça,
00:24:08 c'est fini. C'était
00:24:10 le post-guerre froide, les années
00:24:12 90, le passage de la
00:24:14 bipolarité à l'unipolarité américaine,
00:24:16 ça a marché jusqu'au 11 septembre
00:24:18 à peu près, et depuis,
00:24:20 ça se délite. - C'est bizarre que ça ait marché, parce qu'on a donné
00:24:22 des leçons à la Chine ou à l'Afrique,
00:24:24 alors qu'on s'est très mal comportés,
00:24:26 nous-mêmes. - Mais absolument. - C'est les honneurs de leçons
00:24:28 qui sont les premiers coupables en réalité.
00:24:30 - Mais comme toujours, mais comme toujours. - La Chine ne l'a pas oubliée.
00:24:32 - La Chine ne l'a pas oubliée,
00:24:34 mais donc, il y a maintenant...
00:24:36 - On l'a dépecé au 19e siècle,
00:24:38 et au 20e, on lui donne des leçons sur la bipolarité.
00:24:40 - Mais, en tout cas,
00:24:42 on ne peut plus le faire, ça c'est clair,
00:24:44 et on ne devrait pas le faire, ça ne sert
00:24:46 à rien, ça ne fait
00:24:48 que durcir les positions,
00:24:50 - Contre nous. - et
00:24:52 manifester un rapport de force
00:24:54 qui nous est extrêmement défavorable.
00:24:56 Ça ne veut pas dire
00:24:58 passer d'une
00:25:00 d'une
00:25:02 américano-latterie
00:25:04 à une
00:25:06 sino-latterie, ou je ne sais quoi,
00:25:08 il ne s'agit pas de changer d'allégeance,
00:25:10 pas du tout, on est aujourd'hui,
00:25:12 je pensais
00:25:14 à cette expression tout à l'heure,
00:25:16 en imaginant un peu notre entretien,
00:25:18 je pense qu'il y a beaucoup de pays du monde
00:25:20 aujourd'hui, dans cet ordre
00:25:22 multipolaire de faits,
00:25:24 qui, entre guillemets,
00:25:26 ne seront plus obligés
00:25:28 de suivre le menu,
00:25:30 mais vont pouvoir choisir à la carte
00:25:32 leurs alignements,
00:25:34 leurs rapprochements,
00:25:36 - Selon les circonstances. - Selon les circonstances,
00:25:38 selon les sujets,
00:25:40 voilà. - Pas de pilotage automatique.
00:25:42 - Non, c'est fini, c'est-à-dire, on ne peut
00:25:44 plus prendre derrière soi, de manière
00:25:46 autoritaire, définitive,
00:25:48 et sans que les gens aient
00:25:50 leur mot à dire, les pays
00:25:52 dans son escarcelle, sous son
00:25:54 aile, ou sous sa paire d'aile,
00:25:56 et puis
00:25:58 dire "vous obéissez", et puis c'est comme ça.
00:26:00 Il n'y a plus que nous en Europe,
00:26:02 - La France.
00:26:04 - Non, non, il n'y a plus que les Européens,
00:26:06 les Européens,
00:26:08 qui ont cette tendance,
00:26:10 qui est à mon avis la marque
00:26:12 d'une immense faiblesse
00:26:14 collective, et d'ailleurs individuelle,
00:26:16 des Etats de plus en plus
00:26:18 grandes, qui ont besoin
00:26:20 de cette espèce de parapluie
00:26:22 soi-disant protecteur, américain,
00:26:24 qui en fait, ne fait
00:26:26 que nous pousser pour l'instant
00:26:28 dans un piège terrible,
00:26:30 un piège économique, un piège énergétique,
00:26:32 un piège géopolitique,
00:26:34 dont la guerre d'Ukraine est vraiment
00:26:36 le centre,
00:26:38 et le théâtre.
00:26:40 - On va y venir.
00:26:42 - Alors, on a oublié la Syrie,
00:26:44 du coup je n'ai pas parlé de Syrie, j'ai parlé un peu d'Iran.
00:26:46 Vous voulez que je parle un peu de Syrie ?
00:26:48 - C'est ce que j'allais dire, je reviens à la Syrie,
00:26:50 mais je reviendrai aussi sur presque
00:26:52 l'absurde que vous venez d'avoir.
00:26:54 Mais continuons sur la Syrie, poursuivons sur ce voyage.
00:26:56 La Syrie qui a été,
00:26:58 elle aussi, réintégrée
00:27:00 dans la Ligue Arabe récemment,
00:27:02 et qui est,
00:27:04 elle, sortie,
00:27:06 non pas certaine d'elle, ce serait idiot de dire cela,
00:27:08 mais sortit, - Malheureusement.
00:27:10 - libre plus ou moins, dans la mesure où la tutelle russe
00:27:12 est assez pesante, malgré tout,
00:27:14 d'une séquence
00:27:16 visant à la détruire, comme
00:27:18 a été détruit l'Irak,
00:27:20 comme a été détruit la Libye,
00:27:22 la Syrie s'en est mieux sortie.
00:27:24 Par une opinion trepidée. - Je ne sais pas si
00:27:26 elle s'en est mieux sortie, parce qu'elle est effectivement,
00:27:28 comme vous le dites, - Elle est détruite.
00:27:30 - D'abord elle est détruite.
00:27:32 - Ça se voit à Damas. - Ensuite elle est, alors,
00:27:34 à Damas, c'est extraordinaire.
00:27:36 Il y a une,
00:27:38 c'est comme une beauté qui ne demanderait
00:27:40 qu'à revivre, si vous voulez.
00:27:42 - Très belle ville. - C'est une ville magnifique,
00:27:44 c'est une ville où on sent, on sent
00:27:46 cette résistance, on sent cette,
00:27:48 cette force d'avoir
00:27:50 résisté. - C'est ça. - Parce que 12 ans
00:27:52 de guerre, 12 ans
00:27:54 de
00:27:56 de véritable,
00:27:58 - La débombarde. - D'efferlante islamiste,
00:28:00 d'efferlante islamiste,
00:28:02 parce qu'il s'est agi de détruire
00:28:04 la Syrie, de la démembrer.
00:28:06 Bon, et on était à la manoeuvre aussi,
00:28:08 il faut arrêter de se raconter
00:28:10 - On a eu des ministres très allants, comme on l'a
00:28:12 on l'a entendu. - Oui, on a eu des ministres extrêmement allants.
00:28:14 Donc l'idée c'était de
00:28:16 punir la Syrie d'avoir choisi,
00:28:18 d'avoir choisi les mauvais
00:28:20 tracés de gazoduc et
00:28:22 d'oléoduc, bon ça c'est certain,
00:28:24 mais aussi de ne
00:28:26 pas, enfin, de ne pas
00:28:28 pouvoir ou vouloir se
00:28:30 réconcilier avec Israël dans le cadre
00:28:32 de tout un plan qui est bien plus
00:28:34 large et bien plus, mais qui vise toute la zone.
00:28:36 Et la Syrie a résisté,
00:28:38 elle a résisté évidemment pas toute seule,
00:28:40 puisqu'elle a failli vraiment tomber en 2015.
00:28:42 Elle a failli tomber.
00:28:44 Les iraniens ne pouvaient pas
00:28:46 tout seuls...
00:28:48 - Quand Poutine vint à la rescousse. - Voilà.
00:28:50 Et la Russie est arrivée à la rescousse,
00:28:52 la stabilisation s'est faite,
00:28:54 la récupération de la souveraineté
00:28:56 des autorités du régime
00:28:58 syrien sur
00:29:00 à peu près 80% du
00:29:02 territoire s'est faite.
00:29:04 La population
00:29:06 qui reste en Syrie, je parle pas
00:29:08 des millions de réfugiés qui sont au Liban
00:29:10 et ailleurs, mais la population
00:29:12 est sous la protection
00:29:14 véritable de ce
00:29:16 régime que l'on voue, nous,
00:29:18 ogémonie et dont on fomente
00:29:20 encore aujourd'hui la perte.
00:29:22 Parce qu'il faut quand même dire que la Syrie aujourd'hui
00:29:24 elle est sous sanction, sous des
00:29:26 monceaux de sanctions. Les lois César
00:29:28 font que n'importe quel pays qui veut
00:29:30 aider la Syrie devient lui-même
00:29:32 interdit de commerce avec
00:29:34 un tas d'autres, bien sûr
00:29:36 les Etats-Unis mais pas seulement.
00:29:38 Donc il y a l'extraterritorialité là
00:29:40 américaine a fait, continue
00:29:42 à faire des ravages.
00:29:44 Ensuite il y a toujours des forces
00:29:46 américaines en Syrie. - L'extraterritorialité il faut dire ce que c'est,
00:29:48 c'est-à-dire la pénalisation
00:29:50 de toute entreprise qui travaille
00:29:52 avec ou dans un pays
00:29:54 pointé du doigt par Washington.
00:29:56 - Et je pense, on en reparlera peut-être,
00:29:58 que c'est précisément
00:30:00 cette volonté américaine
00:30:02 d'imposer à travers cette
00:30:04 extraterritorialité et tout l'arsenal
00:30:06 juridique qui va avec, sa volonté
00:30:08 à la planète
00:30:10 qui la perd
00:30:12 et qui a largement
00:30:14 aussi permis, motivé
00:30:16 et justifié
00:30:18 la bascule du monde.
00:30:20 La nécessité pour les autres
00:30:22 de dire "mais ça n'est pas possible,
00:30:24 nous ne pouvons pas,
00:30:26 nous ne voulons pas mourir".
00:30:28 Donc la Syrie
00:30:30 elle est toujours sous sanction,
00:30:32 elle est toujours occupée par des forces
00:30:34 qui n'ont rien à faire
00:30:36 sur son territoire. - Il y a des turcs,
00:30:38 il y a des russes et des américains.
00:30:40 - Oui mais les russes ils sont invités,
00:30:42 les iraniens sont invités, les américains
00:30:44 et les turcs ils n'ont jamais été invités.
00:30:46 Ça c'est un vrai sujet.
00:30:48 Ensuite on lui pompe son pétrole,
00:30:50 80% du pétrole syrien
00:30:52 part en Irak
00:30:54 via les Kurdes et tout ça,
00:30:56 via les Kurdes.
00:30:58 Ensuite autour des bases américaines,
00:31:00 des emprises américaines, qui sont assez
00:31:02 nombreuses encore en Syrie, certaines beaucoup plus
00:31:04 grosses que d'autres, mais tout de même,
00:31:06 il y a des islamistes
00:31:08 qui sont toujours là, des gens d'ISIS,
00:31:10 des gens d'Al Qaïda, sous toutes ses formes.
00:31:12 Moi j'avais écrit à l'époque
00:31:14 un article, je ne sais plus, je l'avais appelé
00:31:16 "le camaillot de verre", enfin
00:31:18 on a tout le camaillot.
00:31:20 Ce qu'il s'agit de
00:31:24 de redorer le blason des uns par rapport aux autres.
00:31:26 Donc on a créé des très très méchants,
00:31:28 des un peu moins méchants, des un petit méchant,
00:31:30 des... - Et d'autres qu'on s'autorise à armer.
00:31:32 - Voilà, bien sûr, ça on les arme tous.
00:31:34 - On arme tous les islamistes,
00:31:36 tous, tous, tous.
00:31:38 - Donc,
00:31:40 ce conflit syrien, c'est quelque chose
00:31:42 d'absolument scandaleux
00:31:44 en fait ce qui se passe aujourd'hui.
00:31:46 Et on ne veut pas que la Syrie s'en sorte.
00:31:48 Il y a eu encore,
00:31:50 ici même à Paris,
00:31:52 à l'Institut du Monde Arabe, il y a un mois,
00:31:54 une coalition de la société civile
00:31:56 parrainée par nos autorités,
00:31:58 financée par toujours
00:32:00 le même, celui qui veut
00:32:02 remplacer Bachar el-Assad
00:32:04 depuis déjà fort longtemps,
00:32:06 au moins dix ans,
00:32:08 qui... - Manipulée par les Etats-Unis.
00:32:10 - En connivence,
00:32:12 qui a dit,
00:32:14 voilà,
00:32:16 il n'est pas possible que la Syrie
00:32:18 s'en sorte comme ça, finalement.
00:32:20 Il n'est pas possible que la Syrie redevienne souveraine.
00:32:22 Parce qu'elle n'est pas démocratique,
00:32:24 parce que ce régime est épouvantable,
00:32:26 parce que c'est le boucher de Damas,
00:32:28 parce que ci, parce que ça. Enfin,
00:32:30 les millions de Syriens qui restent en Syrie aujourd'hui,
00:32:32 ils sont bien contents d'être protégés par l'armée
00:32:34 syrienne.
00:32:36 Donc, on est toujours
00:32:38 dans ce mensonge énorme,
00:32:40 énorme,
00:32:42 et il y a des parallèles à faire avec l'Ukraine
00:32:44 aujourd'hui, évidemment,
00:32:46 dans ce mensonge total sur ce qu'a été
00:32:48 notre action,
00:32:50 ce qui a pu la motiver,
00:32:52 et la
00:32:54 soi-disant prétention
00:32:56 à apporter
00:32:58 le développement, la démocratie,
00:33:00 la liberté. - Quand on a vu les résultats en Libye,
00:33:02 en Irak, extraordinaire. - Voilà.
00:33:04 - Là, vous avez déjà, dans l'affaire irakienne,
00:33:06 dans les années 90, vous aviez déjà, oui, dans les
00:33:08 brancards. - Oui, c'est mon tout premier article.
00:33:10 Mon tout premier article,
00:33:12 dans la revue de Pierre Dabzy, dans la revue
00:33:14 de la FEDN, la Fondation de la
00:33:16 Défense Nationale, qui s'appelait "Stratégique".
00:33:18 - "Stratégique", oui. - J'avais fait un petit
00:33:20 article, oui, en 92, bah oui,
00:33:22 au tout début. - Avec, je crois, Hervé Couteau-Bégary,
00:33:24 un autre de vos amis communs,
00:33:26 qui en était le directeur. - Oui, que j'aimais beaucoup,
00:33:28 qui était tellement brillant et intelligent.
00:33:30 - Il y a 10 ans, et l'astre, professeur aussi
00:33:32 à l'école de Gaillard. - Oui. Vrai,
00:33:34 véritable professeur. Moi, je dirigeais
00:33:36 juste des séminaires. - Hervé Couteau-Bégary était un grand...
00:33:38 - Mais enfin, je l'ai fait quand même... - C'était un grand
00:33:40 éclaireur, lui aussi. - Oui, très grand éclaireur.
00:33:42 - Avec un grand prestige, qui prouve que
00:33:44 toujours est possible
00:33:46 de rayonner
00:33:48 grand prestige dans le monde. Il était décoré
00:33:50 par un nombre d'académies indiennes,
00:33:52 brésiliennes, etc. On a vu ça lors de ses obsèques.
00:33:54 - Ah non, mais il était formidable. - Où de nombreuses
00:33:56 académies, navales notamment, avaient
00:33:58 du monde entier dépêché
00:34:00 des représentants.
00:34:02 Bon, alors,
00:34:04 tout à l'heure, vous avez commis
00:34:06 un demi-lapsus. - Mince.
00:34:08 - Non, mais vous avez dit...
00:34:10 On voit une petite parenthèse dans votre conversation.
00:34:14 Vous avez dit
00:34:16 l'Europe
00:34:18 est aveugle,
00:34:20 elle a peur, elle est jalouse,
00:34:22 même, disiez-vous individuellement,
00:34:24 chaque État.
00:34:26 Mais ça, c'est pas individuel.
00:34:28 Est-ce que c'est pas les individus
00:34:30 européens qui sont en train
00:34:32 de sombrer dans
00:34:34 le goût du mensonge,
00:34:36 la lâcheté, le mensonge
00:34:38 pour cacher la lâcheté,
00:34:40 la dérédiction ? Vous avez prononcé
00:34:42 ce mot qui est très fort. Est-ce qu'il n'y a pas
00:34:44 un petit aspect moral
00:34:46 dans l'abandon
00:34:48 de l'Europe par elle-même,
00:34:50 de la France
00:34:52 par elle-même ?
00:34:54 - Oui, il y a un renoncement.
00:34:56 - Vous m'avez beaucoup pétonné quand je vous ai
00:34:58 demandé de vous donner
00:35:00 quelques
00:35:02 signes de piste
00:35:04 pour signaler votre parcours
00:35:06 intellectuel. Je suis tombé
00:35:08 sur Nietzsche, par-delà
00:35:10 le bien et le mal, la généalogie
00:35:12 de la morale. - Oui, mais ça ne veut pas
00:35:14 dire, vous savez... - Votre père était philosophe
00:35:16 et vous aussi un peu, vous aimez la philosophie.
00:35:18 - Oui, mais bien sûr.
00:35:20 Mais je lisais aussi
00:35:22 Kant, je lisais aussi... - Ah oui ? - Bien sûr.
00:35:24 - Ça s'écagne. - Ça s'écagne, ça s'écagne.
00:35:26 - On a quand même un sacré programme. - C'est bien de commencer
00:35:28 par l'histoire et la philosophie. - Voilà.
00:35:30 Donc je lisais tous,
00:35:32 ce sont des cadeaux de mon père d'ailleurs.
00:35:34 - Ah oui ? - Les œuvres de Nietzsche et celles
00:35:36 du Général. - Comment est l'homme
00:35:38 européen ? - L'homme
00:35:40 européen aujourd'hui ? - Vous savez ce que disait Nietzsche,
00:35:42 un de vos auteurs favoris ?
00:35:44 "La lâcheté est le trait dominant
00:35:46 de l'homme moderne." - Ben oui, mais c'est ça.
00:35:48 - C'est pas ça ? - Mais c'est ça.
00:35:50 Il y a très peu de courage
00:35:52 et il y a en fait un
00:35:54 renoncement à soi-même,
00:35:56 individuellement d'une certaine façon.
00:35:58 - Où vient-il ? Culpabilité ? - Collectivement.
00:36:00 Je sais pas si c'est de la culpabilité.
00:36:02 - Paresse ? - Paresse, oui.
00:36:04 - Goût du plaisir ? - C'est difficile
00:36:06 d'aller contre le courant. - L'égoïsme ?
00:36:08 - Oui. Oui.
00:36:10 - Esprit de jouissance, comme disait le maréchal Pétain.
00:36:12 - Voilà.
00:36:14 Je sais pas si je... - Le désir de jouir
00:36:16 sans entrave, voilà, pour reprendre une autre...
00:36:18 - Oui, oui, mais... - Une autre allusion.
00:36:20 Vous faites allusion à une autre époque. - Oui, mais à...
00:36:22 - Qu'est-ce qui nous arrive ?
00:36:24 Caroline ? - Ben je pense qu'on
00:36:26 a oublié que nous
00:36:28 étions, nous aussi, pays européens,
00:36:30 des nations,
00:36:32 des peuples, que nous
00:36:34 avions une histoire, que nous avions...
00:36:36 avant d'être l'Europe en tant que telle.
00:36:38 - Pourquoi c'est une vie d'soir ?
00:36:40 - Parce que...
00:36:42 parce que ça fait 70 ans
00:36:44 qu'on nous explique que le salut
00:36:46 est dans le rassemblement
00:36:48 maximal, que...
00:36:50 Vous savez, c'est comme...
00:36:52 - Nous nous fais la force, c'est-à-dire les autres sont chargés
00:36:54 de tout et nous... - C'est l'extension et la compréhension
00:36:56 en philosophie, quoi, c'est-à-dire
00:36:58 ça n'est pas ce qu'on croit.
00:37:00 Ce n'est pas parce qu'on est très
00:37:02 étendu qu'on est approfondi.
00:37:04 On peut pas avoir les deux en même temps.
00:37:06 - C'est le molle oreiller européen, ça. - C'est faux.
00:37:08 - Et atlantiste. - Et atlantiste.
00:37:10 - On s'en renaît à d'autres. - Donc y a cette défausse
00:37:12 américaine et autonienne,
00:37:14 bon, qui est effectivement la facilité,
00:37:16 bien sûr, pour beaucoup de pays européens.
00:37:18 Ce qui est plus grave, c'est que
00:37:20 quand ça s'adresse à nous,
00:37:22 quand ça nous touche, nous, France,
00:37:24 parce que nous, nous avons
00:37:26 non seulement des armées,
00:37:28 un passé,
00:37:30 une industrie, une capacité,
00:37:32 un discours, une histoire, enfin bon,
00:37:34 avec des zones d'ombre,
00:37:36 avec des, bien sûr, des...
00:37:38 Mais enfin, la repentance, la victimisation,
00:37:40 mais à quoi ça sert,
00:37:42 tout ça ? On voit...
00:37:44 Moi, ce qui me frappe, c'est que les
00:37:46 pays qui, aujourd'hui, sont en train
00:37:48 de... Ils sont plus
00:37:50 au stade de l'émergence, ils ont émergé, ça y est.
00:37:52 Donc, ils sont en train
00:37:54 de dominer, de prendre la main sur
00:37:56 l'ensemble du monde.
00:37:58 Parce qu'il faut se placer à 5,
00:38:00 10 ans. On est dans la
00:38:02 dédolarisation, tout ça, mais tout ça va
00:38:04 continuer, ça ne va pas s'interrompre,
00:38:06 maintenant. Tous ces pays-là,
00:38:08 ils assument parfaitement
00:38:10 la complexité de leur
00:38:12 histoire, son côté
00:38:14 tragique, ils assument l'idée
00:38:16 de souveraineté qui est pour eux la valeur,
00:38:18 la vertu
00:38:20 cardinale.
00:38:22 Ils essaient de tenir,
00:38:24 évidemment, leur peuple
00:38:26 dans ce souffle,
00:38:28 ce qui est difficile, parce qu'en même temps,
00:38:30 oui, l'esprit de jouissance
00:38:34 et tout ça, ça existe,
00:38:36 et l'exaspération
00:38:38 de l'individualisme... - Sur toute
00:38:40 la planète, l'esprit de jouissance. - Voilà,
00:38:42 donc, bien sûr, c'est un combat pour eux.
00:38:44 - Le mode guerrier, c'est-à-dire l'éthique guerrière,
00:38:46 c'est un peu évaporé partout.
00:38:48 - C'est vrai, mais
00:38:50 je pense que nous,
00:38:52 à ce jeu-là, nous nous perdons.
00:38:54 Parce que les
00:38:56 êtres, si vous voulez, si vous n'avez plus
00:38:58 de passé, si
00:39:00 tout est sujet à caution,
00:39:02 si vous n'êtes pas capable
00:39:04 de regarder le passé de votre pays,
00:39:06 depuis un siècle, deux siècles, ou dix siècles,
00:39:08 tel qu'il a été,
00:39:10 c'est comme de vouloir
00:39:12 récupérer les œuvres d'art dans les musées,
00:39:14 la colonisation,
00:39:16 mais enfin,
00:39:18 l'histoire du monde entier est comme ça.
00:39:20 C'est polémos, polémos.
00:39:22 - Ah oui. - La polémologie.
00:39:24 C'est polémos, c'est leur accord de force.
00:39:26 - La guerre émère de toutes choses. - C'est la guerre,
00:39:28 c'est l'affrontement, c'est...
00:39:30 - La guerre émère de toutes choses.
00:39:32 Je comprends qu'à côté de Nietzsche, vous ayez
00:39:34 mis sur cette table
00:39:36 les mémoires du général de Gaulle, parce qu'il
00:39:38 répétait que, très souvent,
00:39:40 la guerre émère de
00:39:42 toutes choses, en mots classiques, en grec d'ailleurs,
00:39:44 les grecs répétaient ça. - Exactement.
00:39:46 - Vous avez
00:39:48 prôné un rééquilibrage
00:39:50 des échanges européens,
00:39:52 notamment avec la Russie, donc vous étiez
00:39:54 prédisposés à comprendre
00:39:56 mieux que d'autres, en tous les cas,
00:39:58 pas sous
00:40:00 l'angle
00:40:02 de l'idéologie, ce qui se passait
00:40:04 en Ukraine et ce qui se passait
00:40:06 bien avant l'intervention russe d'ailleurs.
00:40:08 - Oui, oui, mais parce que l'idéologie...
00:40:10 - Là, vous y êtes allé fort, hein ?
00:40:12 - Oui, mais parce que...
00:40:14 - Vous n'avez pas vu les premiers, enfin. - Mais oui, mais ça fait longtemps.
00:40:16 Je pense qu'un des premiers articles que j'ai écrits
00:40:18 publiquement, là, en 2014,
00:40:20 c'était "Le crépuscule
00:40:22 de l'Occident" et c'était "Le dépit amoureux".
00:40:24 Enfin, je ne sais plus le titre
00:40:26 exact, c'était pour le point.
00:40:28 - Ah oui, parce que vous avez été chroniqueuse au point,
00:40:30 très longtemps. - Quelques années, oui, jusqu'en 2018,
00:40:32 puis après... - Qu'est-ce qui s'est passé ?
00:40:34 - Moi, je ne sais pas. On a considéré
00:40:36 que, bon... - Un peu trop indépendant d'esprit.
00:40:38 - Ça suffisait, la galactérosse...
00:40:40 Voilà. Donc...
00:40:42 - Tiens, tiens. - Oui, mais ça,
00:40:44 je suis habituée. On me fait
00:40:46 beaucoup de mauvaises
00:40:48 choses. - Et oui, car on les bosse.
00:40:50 - Mais que voulez-vous ? C'est la rançon de la liberté.
00:40:52 - C'est la rançon de l'admiration qui vous a
00:40:54 inspirée à beaucoup de gens. - C'est gentil.
00:40:56 - Alors donc... - Oui, donc l'Ukraine,
00:40:58 la Russie, si vous voulez, c'est tout
00:41:00 simple. Moi, dans la vie,
00:41:02 ce qui me motive,
00:41:04 c'est servir. Bon.
00:41:06 Ça, c'est vrai. C'est vrai depuis petite.
00:41:08 C'est vrai. Servir. Servir à quelque chose.
00:41:10 - Bravo, colonel.
00:41:12 - Être utile et servir, bien sûr,
00:41:14 au pays. Bon. Je pars
00:41:16 du principe qu'un pays
00:41:18 comme le nôtre, pour
00:41:20 servir, pour être utile au monde,
00:41:22 puisqu'on prétend avoir en plus
00:41:24 un discours... - Il faut le prétendre.
00:41:26 - Universaliste... Non, mais on peut,
00:41:28 on peut, si on est utile.
00:41:30 Pour être utile,
00:41:32 il faut
00:41:34 assumer une forme de
00:41:36 liberté de pensée
00:41:38 et d'action et de manœuvre. Ça va
00:41:40 ensemble. Bon. Un peu militaire,
00:41:42 mais c'est un peu ça.
00:41:44 Il y a aussi l'économie des forces
00:41:46 et Dieu sait si on doit, au sens
00:41:48 propre et figuré, y veiller.
00:41:50 Mais, en tout cas, pour
00:41:52 faire cela, on ne
00:41:54 peut pas s'aligner.
00:41:56 Notre vocation, notre nature, notre
00:41:58 essence est
00:42:00 le non-alignement.
00:42:02 Si, aujourd'hui,
00:42:04 dans le conflit tel qu'il est,
00:42:06 dans lequel nous nous sommes laissés embarquer,
00:42:08 mais comme un bride
00:42:10 abattue... - En fait, d'ailleurs, parce qu'il a du coup
00:42:12 de très cher, cette guerre. - On a enlevé
00:42:14 les étriers, et puis hop, on est sur le cheval.
00:42:16 Très bien. On est accrochés à la
00:42:18 crinière et on ne sait plus très bien où ça va.
00:42:20 C'est dramatique.
00:42:22 Donc, oui.
00:42:24 Si on veut faire quelque chose, il faut
00:42:26 qu'on reprenne un peu de quant à soi,
00:42:28 un pas de côté,
00:42:30 et qu'on regarde les choses
00:42:32 en dehors de toute la passion,
00:42:34 de toute la folie,
00:42:36 et de toute l'intoxication, la propagande.
00:42:38 La propagande dans laquelle
00:42:40 nous,
00:42:42 non seulement nous entretenons les malheureux
00:42:44 Français et Européens,
00:42:46 mais nous-mêmes, nous nous
00:42:48 intoxiquons. Parce que ça n'est
00:42:50 pas seulement grave pour des
00:42:52 politiciens, c'est grave parce que c'est là.
00:42:54 C'est grave pour nous, c'est grave pour
00:42:56 nos concitoyens, et c'est grave
00:42:58 parce que, du coup,
00:43:00 il n'y a plus qu'un mode possible,
00:43:02 c'est la fuite en avant.
00:43:04 Et là, nous en sommes à un point de ce conflit
00:43:06 où,
00:43:08 militairement,
00:43:10 je dirais, c'est plié.
00:43:12 C'est clair.
00:43:14 Alors, dites-le quand même, parce que
00:43:16 c'est pas clair pour tout le monde.
00:43:18 Les Ukrainiens, l'armée ukrainienne,
00:43:20 est en piteux état,
00:43:22 elle est sous perfusion totale,
00:43:24 je parle même pas du pays lui-même,
00:43:26 et donc,
00:43:28 on devrait négocier.
00:43:30 Beaucoup de supplétifs, beaucoup de mercenaires payés par l'étranger.
00:43:32 Justement, on devrait négocier.
00:43:34 Mais, négocier, on voit bien
00:43:36 que Washington, encore moins
00:43:38 Londres presque, ne le souhaite.
00:43:40 Et les Ukrainiens,
00:43:42 eux, ils décident
00:43:44 ce que leurs
00:43:46 financiers
00:43:48 vont
00:43:50 leur permettre de faire,
00:43:52 ou pas. Pour négocier, il faut
00:43:54 négocier sur la base du réel.
00:43:56 Toutes les négociations se font
00:43:58 sur la base du rapport de force
00:44:00 militaire réel sur le terrain.
00:44:02 Or, ce rapport de force est évidemment
00:44:04 de manière...
00:44:06 C'est manifeste.
00:44:08 Et tout le monde
00:44:10 le sait bien.
00:44:12 Défavorable à l'Ukraine.
00:44:14 Donc, c'est là qu'on voit...
00:44:16 - À Kiev. Au gouvernement de Kiev.
00:44:18 - Oui, enfin, au gouvernement de Kiev,
00:44:20 qui lui-même, je trouve,
00:44:22 en prend très à son aise
00:44:24 avec la jeunesse
00:44:26 ukrainienne, en l'envoyant
00:44:28 aux casse-pipes et aux
00:44:30 hachoirs à viande russe
00:44:32 pour continuer, pour continuer, pour avoir des victoires,
00:44:34 pour continuer à pouvoir demander de l'argent,
00:44:36 pour continuer à pouvoir demander des armes, pour que ça dure,
00:44:38 pour ne pas mourir, pour que
00:44:40 la clique au pouvoir
00:44:42 reste en vie. - Et pour ne pas révéler certains
00:44:44 potos roses. Parce que
00:44:46 pour les Etats-Unis, vous disiez
00:44:48 que Londres
00:44:50 était plus intransigeant, mais aussi bien
00:44:52 Londres que Washington.
00:44:54 Et les caciques
00:44:56 de ces deux capitales
00:44:58 sont mouillées jusqu'au cou. - Ah ben, absolument.
00:45:00 - En Ukraine. - Absolument.
00:45:02 - Avec des malversations, car c'est un gouvernement
00:45:04 un peu fantoche depuis l'origine. - Complètement.
00:45:06 - Donc, très facile à manipuler par l'Occident.
00:45:08 - Comme le précédent, d'ailleurs, depuis 2014.
00:45:10 - Oui, tous. Oui. C'est très étonnant,
00:45:12 d'ailleurs, la démographie parle. L'Ukraine,
00:45:14 qui n'a pas vraiment été un pays dans l'histoire,
00:45:16 enfin, deux fois
00:45:18 un Etat, une fois créé par
00:45:20 Lénine, qui a duré trois ans, et une fois créé par
00:45:22 Hitler, qui a duré trois ou quatre ans,
00:45:24 jusqu'à la reconquête
00:45:26 par les troupes prusses,
00:45:28 et le reflux du nazisme.
00:45:30 Enfin, le reflux du nazisme,
00:45:32 mais il reste pas mal de nazis en Ukraine,
00:45:34 justement, n'est-ce pas ?
00:45:36 Poutine n'a pas tort là-dessus.
00:45:38 Mais,
00:45:40 quand l'Ukraine a été recrée
00:45:44 en 1991, je crois,
00:45:46 elle comptait 42 millions d'habitants,
00:45:48 tellement artificiels, tellement
00:45:50 fantoches, tellement disparates,
00:45:52 faits de peuples qui ne
00:45:54 cohabitent pas bien ensemble,
00:45:56 que,
00:45:58 avant même l'intervention russe,
00:46:00 ces 42 millions n'étaient plus que 36 millions.
00:46:02 - Ah oui, voilà. - Et aujourd'hui,
00:46:04 on est à 31 ou 32 millions, c'est-à-dire que c'est un pays
00:46:06 - Je pense que c'est encore beaucoup. - où peut-être
00:46:08 pas à peine 30 millions, c'est-à-dire
00:46:10 12 millions de personnes sur 42
00:46:12 ont fui ce pays,
00:46:14 et dont la plupart, avant
00:46:16 l'intervention russe, c'est dire qu'il était très
00:46:18 bancal, et que justement, les prévarications
00:46:20 et les manipulations par les gouvernements
00:46:22 occidentaux, par Biden et sa
00:46:24 famille et son fils, aussi,
00:46:26 qui se sont beaucoup
00:46:28 enrichis en Ukraine, sans compter que
00:46:30 l'Ukraine était un terrain rêvé, sans contrôle
00:46:32 pour quelques alimentations
00:46:34 chimiques, biologiques, etc.
00:46:36 - Je n'ai rien à te dire, vous le dites très bien.
00:46:38 - Oui, mais je suis à l'école
00:46:40 Galactéros, moi je ne fais que répéter.
00:46:42 - Non, non, mais bien sûr, il y a des
00:46:44 dossiers extrêmement lourds, et ça, ça pousse
00:46:46 à la surenchère, - Eh oui, on ne peut pas
00:46:48 s'arrêter. - parce que le poteau rose
00:46:50 est gros, mais s'il se
00:46:52 casse, ça peut faire très mal.
00:46:54 Il y a des élections américaines dans
00:46:56 - 15 mois ? - Voilà, ça va aller
00:46:58 très très vite, donc...
00:47:00 - Tiens, voilà une question que je voulais vous poser.
00:47:02 Élection de...
00:47:04 Réélection, enfin, réélection
00:47:06 de Trump,
00:47:08 il a dit "en 8 jours, je règle la question
00:47:10 ukrainienne", c'est un peu ce que vous nous dites, c'est tout à fait
00:47:12 possible, et lui, il n'aura pas
00:47:14 les fils à la patte
00:47:16 qu'ont les... - Non, puis il s'est fait
00:47:18 avoir une fois, il a eu le
00:47:20 Russiagate une fois,
00:47:22 parce que dès qu'il a pris,
00:47:24 dès qu'il est arrivé
00:47:26 comme président en
00:47:28 début
00:47:30 2017,
00:47:32 immédiatement...
00:47:34 - Il a été élu en novembre 2016,
00:47:36 et a pris ses fonctions en janvier
00:47:38 2017. - Oui, janvier 2017.
00:47:40 Il a tout de suite
00:47:42 dû faire face
00:47:44 sous des prétextes complètement
00:47:46 fallacieux, et tout cela a été démonté
00:47:48 au fil des années, et vient d'être
00:47:50 démonté par un énorme rapport, là,
00:47:52 aux États-Unis, dont personne ne parle naturellement.
00:47:54 - L'ordinateur de
00:47:56 Biden Jr.
00:47:58 - Oui, il y a ça, non mais il y a...
00:48:00 En tout cas, le Russiagate, qui était
00:48:02 soi-disant
00:48:04 l'opprobre qui s'est abattu
00:48:06 sur lui parce qu'il aurait eu
00:48:08 des liens, des rapports, des dépendances
00:48:10 vis-à-vis de Moscou, etc.
00:48:12 Tout ça, ça visait
00:48:14 à empêcher un rapprochement.
00:48:16 - Avec Moscou. - En tout cas,
00:48:18 un dialogue, une capacité de parler
00:48:20 avec la Russie.
00:48:22 Or,
00:48:24 le résultat, on l'a aujourd'hui.
00:48:26 Le résultat, c'est le partenariat
00:48:28 no-limit, là, je ne sais plus comment
00:48:30 ils l'appellent, les Chinois,
00:48:32 entre Pékin et Moscou,
00:48:34 contre
00:48:36 l'Occident et contre
00:48:38 les États-Unis. - Pékin,
00:48:40 Moscou.
00:48:42 - Oui.
00:48:44 Trump était celui qui avait compris qu'il fallait
00:48:46 sortir la Russie et l'arrimer
00:48:48 comme elle l'avait d'ailleurs souhaité
00:48:50 elle-même depuis une bonne quinzaine d'années.
00:48:52 Et de manière
00:48:54 très explicite par Vladimir Poutine
00:48:56 quand il est arrivé au pouvoir.
00:48:58 L'arrimer à l'Europe, l'arrimer
00:49:00 au pôle de l'Occident
00:49:02 dont elle se considérait un morceau,
00:49:04 certes puissance sur asiatique
00:49:06 mais puissance aussi européenne. - Et Vladimir Poutine
00:49:08 se veut occidental. - Oui,
00:49:10 maintenant de moins en moins.
00:49:12 - A l'origine, il voulait ancrer la Russie en Europe.
00:49:14 Comme Gorbatchev d'ailleurs.
00:49:16 - Il a voulu, il a fait
00:49:18 d'innombrables... - Concessions.
00:49:20 - Concessions,
00:49:22 avances, propositions.
00:49:24 Donc, le plan
00:49:26 est clair. Le plan, c'est toujours le
00:49:28 vieux plan de containment et de
00:49:30 démembrement.
00:49:32 C'est en 2008, à peu près.
00:49:34 Là, il a commencé à dire "ça suffit,
00:49:36 la Géorgie, machin, ça commence à suffire".
00:49:38 Et c'était la première fois qu'on disait
00:49:40 à l'Ukraine et à la Géorgie "vous pourrez
00:49:42 entrer dans l'alliance". Là, il a dit "c'est
00:49:44 vraiment trop". On a
00:49:46 laissé faire 5 vagues d'élargissement.
00:49:48 Là, ça va s'arrêter, là, maintenant.
00:49:50 C'est la ligne rouge. - Surtout qu'on a laissé en ligne que l'Estonie,
00:49:52 la Lituanie n'entrerait jamais, etc.
00:49:54 - On a fait...
00:49:56 On s'est moqué quand même, très clairement
00:49:58 de la Russie.
00:50:00 De leur naïveté,
00:50:02 bonne foi, optimisme, je n'en sais rien.
00:50:04 - Alors là, on est peut-être dans le cœur
00:50:06 du sujet. - Absolument.
00:50:08 - Le livre. - "The book".
00:50:10 - Un grand livre.
00:50:12 Je ne savais même pas qu'il était paru en poche.
00:50:14 - Ah oui, oui, oui.
00:50:16 - Brzezinski,
00:50:18 Le Grand Échiquier, c'est ce que vous nous dites.
00:50:20 Et c'est ce qu'il disait.
00:50:22 1997, je crois que c'était ça, l'année d'édition.
00:50:24 Je l'avais lu
00:50:26 à l'époque, d'ailleurs. Je pense
00:50:28 que tous ceux qui s'intéressent
00:50:30 à la géopolitique n'ont pas pu ne pas le lire,
00:50:32 parce que tout est écrit. - Tout est écrit.
00:50:34 - L'idée, c'est que les États-Unis devaient absolument
00:50:36 faire main basse sur la Russie.
00:50:38 Non pas simplement
00:50:40 pour ses propres richesses,
00:50:42 c'était déjà un but de guerre.
00:50:44 Non pas simplement, mais c'est un autre but de guerre
00:50:46 contre la Russie, aux yeux des Américains
00:50:48 et des néoconservateurs, on les appelle comme ça.
00:50:50 Enfin, les faux cons, qui ont inspiré
00:50:52 la politique de beaucoup de présidents,
00:50:54 sauf celle de Trump.
00:50:56 Pour couper l'Europe en deux,
00:50:58 pour que l'Europe ne redevienne surtout pas
00:51:00 le centre du monde et que la Russie
00:51:02 ne coopère pas
00:51:04 avec l'Ouest du continent.
00:51:06 À ce moment-là, c'était
00:51:08 une perte d'influence pour les États-Unis, assurée.
00:51:10 Et surtout pour que la Chine,
00:51:12 en troisième lieu, troisième but de guerre,
00:51:14 ne s'installe pas en Sibérie
00:51:16 avec ses immenses ressources,
00:51:18 parce que c'était une carte
00:51:20 énorme donnée à la Chine,
00:51:22 qui en a déjà beaucoup. Alors vous êtes allée en Sibérie aussi.
00:51:24 Ah oui, c'est vrai.
00:51:26 Et vous dites "mais déjà la Chine est très installée".
00:51:28 J'ai lu ça dans "Géopragma".
00:51:30 Oui, mais je ne suis pas sûre
00:51:32 d'avoir parlé de la Sibérie, je ne me souviens plus.
00:51:34 C'est improbable.
00:51:36 C'est possible.
00:51:38 Les Anglais chinois étaient déjà très installés. Où êtes-vous allée ?
00:51:40 Non, mais on va...
00:51:42 Il faut comprendre,
00:51:44 en fait, le rêve géopolitique
00:51:46 de toutes les puissances
00:51:52 qui a été très bien exprimée
00:51:54 par Spike Man et par Mack Kinder
00:51:56 au tournant du fin 19e, début 20e,
00:51:58 c'est cette histoire de Hearthland,
00:52:02 c'est-à-dire l'Eurasie,
00:52:04 il faudrait qu'on ait une carte ici,
00:52:06 l'Eurasie qui va de la Chine
00:52:08 à Brest.
00:52:10 Voilà. De la Chine à Brest.
00:52:12 C'est le cœur du monde.
00:52:14 Celui qui domine cela
00:52:16 est maître du monde.
00:52:20 C'est aussi Hitler, d'ailleurs.
00:52:22 Mais tout le monde !
00:52:24 C'est une vieille idée.
00:52:26 Les Chinois sont en train de montrer
00:52:28 qu'ils vont pouvoir la dominer
00:52:30 de manière continentale.
00:52:32 C'est le projet des routes de la soie.
00:52:34 Pas ceux de l'Eure.
00:52:36 Même s'ils émaillent tout cela
00:52:38 de port, etc.
00:52:40 Ils essaient de contrer la domination
00:52:42 aussi maritime américaine.
00:52:44 Anglo-saxonne.
00:52:48 Ils ont toujours cette conquête.
00:52:50 Les Américains avaient ce qu'on appelle
00:52:52 ce que les géopoliticiens anglo-saxons
00:52:54 appellent le Rimland.
00:52:56 Et le Hearthland, c'est l'Eurasie.
00:52:58 Donc tout le monde
00:53:00 veut faire tout
00:53:02 pour exploser l'Eurasie.
00:53:04 Pour la fragmenter.
00:53:06 Couper l'Europe
00:53:08 de la Russie, couper la Russie
00:53:10 de la Chine, couper la Chine de l'Europe.
00:53:16 C'est le cerveau reptilien
00:53:18 anglo-saxon.
00:53:20 C'est le truc qui est là.
00:53:22 Comment faire ?
00:53:24 Ils arrivent très bien au Moyen-Orient.
00:53:26 Ils ont fragmenté.
00:53:28 Aujourd'hui, ils y arrivent moins.
00:53:30 Parce qu'un certain nombre d'États
00:53:32 commencent à se dire
00:53:34 "Nous avons intérêt à une stabilisation
00:53:36 pour nous développer.
00:53:38 Nous devons faire des choses
00:53:40 que personne n'attendait."
00:53:42 Les tabous sautent.
00:53:44 Donc...
00:53:46 Mais le cœur
00:53:48 de l'Eurasie, c'est l'Asie centrale.
00:53:50 Là, on voit bien
00:53:52 que l'alliance
00:53:54 que nous avons finalement
00:53:56 conduite à exister
00:53:58 par notre...
00:54:00 par notre bêtise
00:54:02 et notre agressivité
00:54:04 vis-à-vis de la Russie,
00:54:06 cette alliance, elle est aussi compliquée.
00:54:08 Parce que c'est un peu...
00:54:10 C'est deux géants
00:54:12 mais pas géants de la même manière,
00:54:14 si vous voulez, la Russie et la Chine.
00:54:16 Il y a quand même une disproportion,
00:54:18 d'abord, évidemment, démographique,
00:54:20 mais aussi dans les moyens,
00:54:22 mais aussi dans le potentiel, etc.
00:54:24 Mais on est en train de...
00:54:26 On a formé ce couple, en fait.
00:54:28 On les a mariés
00:54:30 en voulant, au départ,
00:54:32 finalement,
00:54:34 éclater l'ensemble.
00:54:36 Donc on se tire des balles
00:54:38 dans le pied sans arrêt.
00:54:40 - L'Inde, ou les autres puissances
00:54:42 qui sont coalisées. - L'Inde, je pense
00:54:44 que l'Inde, c'est en train de devenir
00:54:46 la Turquie de l'Asie.
00:54:48 Parce que je pense que les Indiens,
00:54:50 qui sont aujourd'hui... - C'est le pays le plus peuplé du monde.
00:54:52 - Voilà, désormais, désormais le plus peuplé.
00:54:54 - Vous allez me rendre dans la tête, parlez-nous de tous les pays,
00:54:56 parce que tous ces cas...
00:54:58 - Oui, alors ça va être à plusieurs heures.
00:55:00 Mais l'Inde, clairement,
00:55:02 elle a compris,
00:55:04 elle est aussi en train de sortir
00:55:06 sous la férule
00:55:08 de Modi,
00:55:10 d'un certain nombre
00:55:12 de difficultés
00:55:14 qu'elle a, dues à sa
00:55:16 multitude, dues à ses
00:55:18 modes, voilà,
00:55:20 dues à ses modes politiques et sociaux,
00:55:22 etc. Donc elle n'est pas du tout dans la même situation
00:55:24 que la Chine, mais c'est un géant
00:55:26 là, pour le coup, en émergence
00:55:28 accélérée, on va dire,
00:55:30 et qui a compris que
00:55:32 peut-être il avait intérêt, justement,
00:55:34 à choisir à la carte.
00:55:36 C'est-à-dire,
00:55:38 très forte relation avec la Russie.
00:55:40 - Ah oui, l'Inde est très libre de ses alliances, elle est alliée avec tout le monde, en fait.
00:55:42 - Comme les Turcs, les Turcs,
00:55:44 c'est ce que je veux dire, je fais ce parallèle
00:55:46 qui a ses limites, bien sûr,
00:55:48 ses comparaisons n'aient pas raison,
00:55:50 mais c'est un peu un espèce
00:55:52 d'état central, pivot,
00:55:54 important pour tout le monde,
00:55:56 et que tout le monde cherche
00:55:58 à séduire, à s'accaparer,
00:56:00 à... Bon, et qui va,
00:56:02 du coup, à mon avis, fort bien
00:56:04 tirer son épingle du jeu.
00:56:06 Donc ça va être très intéressant
00:56:08 de voir la politique indienne,
00:56:10 parce que les Américains font à peu près
00:56:12 la danse du ventre, pour essayer de séduire
00:56:14 les Indiens, mais enfin, en même temps,
00:56:16 Poutine, lui, et puis
00:56:18 la collaboration... - Il y a des traditions des coopérations
00:56:20 internes de la Russie. - Voilà, la collaboration est très très
00:56:22 ancienne. - Une tente gandive.
00:56:24 - Avec les Chinois, c'est encore
00:56:26 un autre sujet. Avec le Pakistan,
00:56:28 il y a aujourd'hui beaucoup
00:56:30 de liens entre les Indiens et les Pakistanais,
00:56:32 entre les Iraniens et les Pakistanais,
00:56:34 enfin, tout est en train
00:56:36 de changer. - On nous échappe.
00:56:38 - Et nous, ah ben complètement,
00:56:40 et nous, on continue
00:56:42 à être borgne, on ne veut pas
00:56:44 regarder à l'Est ce qui se passe,
00:56:46 on voue tout ça aux gémonies,
00:56:48 d'une manière générale, on s'imagine
00:56:50 que l'Europe, c'est la panacée,
00:56:52 c'est le...
00:56:54 ça va nous sauver de tout. - Les résultats.
00:56:56 - Voilà. Et
00:56:58 on ne... on ne
00:57:00 ne prend pas du tout la mesure à la fois des opportunités
00:57:02 et des dangers qui s'annoncent.
00:57:04 Et on est pris dans cette espèce
00:57:06 de conflit ukrainien, où franchement,
00:57:08 qu'on aurait pu
00:57:10 largement éviter, qu'on a tout fait
00:57:12 pour ne pas éviter.
00:57:14 - Oui, notamment en n'appliquant pas les accords
00:57:16 de Minsk. - Les accords de Minsk,
00:57:18 les négociations. - Avant de morceau, c'était pas
00:57:20 fait pour être appliqué, c'était fait pour neutraliser
00:57:22 la Russie et armer l'Ukraine, les accords de Minsk.
00:57:24 - Voilà. Et après
00:57:26 8 jours de guerre,
00:57:28 il y a eu aussi
00:57:30 un rang de négociations
00:57:32 quand même très productif,
00:57:34 jusqu'au moment où, comme par hasard,
00:57:36 les deux négociateurs ukrainiens qui s'entendaient
00:57:38 bien avec les Russes et qui étaient en train de
00:57:40 mettre en place vraiment les bases
00:57:42 d'un arrêt des combats, parce que l'opération
00:57:44 militaire spéciale russe, elle n'était pas faite
00:57:46 pour prendre l'Ukraine. Ça, c'est ce qu'on veut
00:57:48 faire croire. Et c'est faux. - Invasion de l'Ukraine.
00:57:50 Il y a 17% du pays. - Voilà. On le sait très bien
00:57:52 quand on voit le dimensionnement,
00:57:54 les forces... - Vous devez regarder la carte.
00:57:56 - Il s'agissait de faire pression,
00:57:58 il s'agissait de changer le pouvoir
00:58:00 à Kiev, ça c'est sûr,
00:58:02 et ça, ça a échoué.
00:58:04 Et il s'agissait de faire comprendre
00:58:06 aux Ukrainiens et surtout
00:58:08 à l'OTAN que la Ligue Rouge
00:58:10 avait été franchie.
00:58:12 Voilà. Et que donc, il fallait revenir
00:58:14 vite fait à la neutralité
00:58:16 stratégique de l'Ukraine.
00:58:18 Et c'est la base de n'importe quel
00:58:20 accord de paix. Si on n'a pas ça, il n'y aura pas de paix.
00:58:22 - Alors,
00:58:24 Karolin Galakteros, revenons un peu.
00:58:26 Colonel,
00:58:28 hors l'arrière,
00:58:30 colonel géostratège.
00:58:32 Il y a le scénario
00:58:34 que j'appelle le scénario Fignon,
00:58:36 qui est un scénario gaulliste,
00:58:38 de la multiplication
00:58:40 des relations avec la Russie
00:58:42 qui eut
00:58:44 réconcilié
00:58:46 ce qui était normal après la chute
00:58:48 du mur de Berlin et du rideau de fer,
00:58:50 l'Europe de l'Est et l'Europe de l'Ouest.
00:58:52 Ça passait aussi peut-être
00:58:54 d'ailleurs par une réconciliation des orthodoxes
00:58:56 et des catholiques
00:58:58 romains. On laisse
00:59:00 les protestants de côté dans l'Occident
00:59:02 en train de dériver.
00:59:04 C'était d'ailleurs
00:59:06 un souhait de Benoît XVI,
00:59:08 de Jean-Paul II et de Benoît XVI.
00:59:10 Réconciliation du continent,
00:59:12 la multiplication des coopérations
00:59:14 comme de Gaulle l'a voulu
00:59:16 après son voyage de 1966 en Russie.
00:59:18 Et là, le dessin
00:59:20 géopolitique du monde,
00:59:22 je reviens à l'Eurasie, aurait été
00:59:24 pas parfait parce que l'Eurasie
00:59:26 n'était pas complète, mais en tous les cas
00:59:28 elle se faisait au bénéfice de l'Europe
00:59:30 et non pas de la Chine.
00:59:32 - Oui, tout à fait.
00:59:34 - C'est ce que voulait
00:59:36 François Fillon, c'est pas ça qu'il a perdu.
00:59:38 - Je ne sais pas, peut-être, en partie.
00:59:40 - Attention, on va me dire
00:59:42 complotiste. Je crois qu'il y a...
00:59:44 - Je ne sais pas.
00:59:46 - Il avait touché une corde très sensible
00:59:48 pour l'ordre...
00:59:50 - Mais oui.
00:59:52 - Le nouvel homme...
00:59:54 - Le nouvel homme européen ?
00:59:56 - J'essaie de ne pas m'enmerduer.
00:59:58 - Non mais, il est certain
01:00:00 que ce projet
01:00:02 de division et de fragmentation
01:00:04 anglo-saxon
01:00:06 ne souffre pas, en fait,
01:00:08 de remise en cause
01:00:10 et de réconciliation.
01:00:12 Et d'ailleurs, dès les années 90,
01:00:14 le mouvement
01:00:16 auquel j'ai assisté,
01:00:18 à l'époque, parce que là, je travaillais dans les services du Premier ministre,
01:00:20 le mouvement...
01:00:22 - Ça vous a marqué, hein ?
01:00:24 - Ah ben oui, parce que c'est une vraie formation.
01:00:26 C'est comme un médecin qui ferait son internat.
01:00:28 Je compare toujours les deux.
01:00:30 - C'est-à-dire que vous avez...
01:00:32 - On met les mains dans le cambouis, là.
01:00:34 C'est pas théorique.
01:00:36 J'étais responsable du conflit yougoslave,
01:00:38 donc j'étais aux premières loges
01:00:40 dans ce conflit qui était
01:00:42 vraiment extrêmement
01:00:44 cardinal. C'était le premier grand
01:00:46 conflit en Europe
01:00:48 de l'après-guerre froide.
01:00:50 - Contre les orthodoxes, justement.
01:00:52 - Et contre, déjà,
01:00:54 ce lien,
01:00:56 ce lien
01:00:58 avec, effectivement,
01:01:00 la Russie et toute cette autre partie du monde.
01:01:02 Or...
01:01:04 - Je vous ai coupé, excusez-moi.
01:01:06 C'est une conversation, ce n'est pas une interview.
01:01:08 - Je sais, je sais.
01:01:10 - Je suis né au Grec, je suis né en 1926.
01:01:12 - Non, mais très bien, votre grain de sel.
01:01:14 Mais donc,
01:01:16 l'OTAN
01:01:18 et les Etats-Unis
01:01:20 sous d'innombrables formes
01:01:22 ont fait pression
01:01:24 pour l'élargissement
01:01:26 de l'Union européenne.
01:01:28 Et le discours qu'on entendait,
01:01:30 je me souviens très bien, parce que moi je le notais tellement c'était énorme,
01:01:32 chaque semaine,
01:01:34 vous aviez un responsable américain,
01:01:36 militaire,
01:01:38 diplomate, intellectuel, professeur,
01:01:40 économiste, banquier,
01:01:42 enfin, un américain,
01:01:44 qui trouvait le moyen de dire,
01:01:46 naturellement, maintenant que tous
01:01:48 ces pays ont quitté
01:01:50 le joug soviétique,
01:01:52 il est urgent
01:01:54 que l'Union européenne ne les laisse pas
01:01:56 seules et
01:01:58 les accueille dans ses bras
01:02:00 charnus et profères.
01:02:02 - Et sous contrôle anglo-saxon.
01:02:04 J'aime à nous anglo-saxons, c'est la même race.
01:02:06 - Et pour les questions de sécurité,
01:02:08 naturellement, le pendant de cet élargissement,
01:02:10 c'est celui de l'Alliance.
01:02:12 - Voilà.
01:02:14 Atlantique. - Atlantique.
01:02:16 Moi, j'ai été, je peux le dire,
01:02:18 invité
01:02:20 par le département d'État, quand j'étais
01:02:22 dans les services du Premier ministre, pendant un mois
01:02:24 aux États-Unis,
01:02:26 avec une quinzaine d'autres européens.
01:02:28 - Pour vous circonvenir.
01:02:30 - Exactement.
01:02:32 Dans un voyage, mais qui était tout à fait intéressant.
01:02:34 Là, sur le soft power,
01:02:36 c'était un cours pratique,
01:02:38 des travaux pratiques remarquables.
01:02:40 Où on découvre
01:02:42 tout le système américain. On nous explique
01:02:44 naturellement que c'est un savant
01:02:46 en brouillamie, que la politique
01:02:48 étrangère américaine n'a pas
01:02:50 du tout de constante.
01:02:52 Naturellement, non.
01:02:54 Mais enfin, quand vous posez une question,
01:02:56 day one à Washington,
01:02:58 on vous répond, dès 22,
01:03:00 au fin fond de l'Arizona.
01:03:02 Donc, quand même, c'est bien organisé.
01:03:04 - Day one et 22.
01:03:06 - Premier jour et 22ème jour.
01:03:08 Oh, je sais.
01:03:10 - J'avais pas compris.
01:03:12 - Donc, j'ai fait ce voyage
01:03:14 et le thème de ce voyage,
01:03:16 c'était l'élargissement de l'Alliance Atlantique.
01:03:18 Nous sommes en 1995.
01:03:20 Donc,
01:03:22 c'est une machine.
01:03:24 C'est une machine de guerre.
01:03:26 Et on sait très bien,
01:03:28 c'est une machine de guerre, d'une certaine façon,
01:03:30 de la puissance américaine contre l'Europe.
01:03:32 Pour qu'elle, justement,
01:03:34 qu'elle ne vienne pas s'agréger
01:03:36 à cet ensemble
01:03:38 eurasiatique auquel elle appartient.
01:03:40 Et dont la Russie était l'un des autres pôles.
01:03:42 Puis l'Asie centrale.
01:03:44 Et puis à la fin, la Chine.
01:03:46 Et toute l'Asie, derrière.
01:03:48 Donc, le projet, il est clair.
01:03:50 Mais on s'y est...
01:03:52 - Coulé.
01:03:54 - Oui, on s'est coulé dedans.
01:03:56 - Alors, ça, c'est bien.
01:03:58 Parce que vous êtes dans les services du Premier ministre,
01:04:00 et la France nationale,
01:04:02 c'est un service méconnu, mais très prestigieux.
01:04:04 - Surtout à l'époque.
01:04:06 - Oui, parce qu'il n'y a plus de politique française.
01:04:08 - C'est plus la même chose.
01:04:10 - La France, c'est un queuilleux pays
01:04:12 où la classe politique
01:04:14 et la foison administrative
01:04:16 est inversement proportionnelle
01:04:18 à la politique menée. Il n'y a plus de politique,
01:04:20 mais par contre, il y a des...
01:04:22 - C'est là que j'ai rencontré mon deuxième mentor.
01:04:24 Parce que j'ai un deuxième mentor.
01:04:26 Enfin, j'ai évidemment mon père.
01:04:28 J'ai eu Pierre Dabzy.
01:04:30 Et puis, j'ai eu,
01:04:32 justement, au SGDN,
01:04:34 un autre homme de gauche,
01:04:36 un autre patriote,
01:04:38 un autre grand serviteur de l'État,
01:04:40 un préfet,
01:04:42 qui est l'un des pères
01:04:44 de l'intelligence économique en France,
01:04:46 qui est le préfet Rémi Potrat.
01:04:48 - Rémi Potrat.
01:04:50 - Voilà. Et qui était à l'époque numéro 2,
01:04:52 et avec lequel j'ai beaucoup, beaucoup travaillé,
01:04:54 étroitement, sur plein de questions,
01:04:56 d'ailleurs, questions de renseignements aussi.
01:04:58 Et ça, c'est aussi
01:05:00 quelqu'un qui m'a beaucoup
01:05:02 confortée dans ce qui était important
01:05:04 pour moi, enfin, dans ce que je ressentais
01:05:06 à l'époque sans le... forcément
01:05:08 le... l'avoir encore
01:05:10 bien théorisé.
01:05:12 - Alors, là,
01:05:14 on se pose sur... revenons à la question
01:05:16 morale et à votre vie personnelle
01:05:18 et à votre caractère.
01:05:20 Parce que vous êtes un caractère.
01:05:22 Il y avait une foison
01:05:24 de hauts fonctionnaires français
01:05:26 qui savaient, qui voyaient,
01:05:28 qui ont bien compris les desseins de l'OTAN,
01:05:30 bon, et qui se sont tués,
01:05:32 qui ont abandonné tout esprit
01:05:34 national, tout esprit de défense.
01:05:36 Il a fallu que ce soit
01:05:38 une jeune femme
01:05:40 qui monte à l'assaut.
01:05:42 - Oui. - C'est formidable.
01:05:44 - Oui, mais... - D'où ça revient, ce courage ?
01:05:46 - Mais je... moi, je n'en sais rien.
01:05:48 Non, mais je suis comme ça. C'est ma...
01:05:50 c'est ma nature. - Parce que les hauts fonctionnaires ont suivi.
01:05:52 - C'est ma nature.
01:05:54 C'est ma nature, mais ce n'est pas
01:05:56 forcément très facile
01:05:58 à vivre. Enfin, c'est...
01:06:00 - Vous voyez bien... - On est seul.
01:06:02 - Quand je vous ai demandé de vous prendre pour ministre des Affaires étrangères,
01:06:04 je reviens à cet article
01:06:06 du numéro d'automne
01:06:08 de l'année dernière, 2022.
01:06:10 Alors, vous avez...
01:06:12 vous avez pris de la place, hein ? C'est très bien.
01:06:14 On a publié l'article sur le site. On y trouve toujours
01:06:16 le site du nouveau conservateur.
01:06:18 Vous commencez par
01:06:20 revoir l'instrument, c'est-à-dire le ministère des Affaires étrangères.
01:06:22 - Oui, oui.
01:06:24 - Et vous allez très loin. Vous dites qu'il y a
01:06:26 un État profond.
01:06:28 - Oui. - Et qu'il y a
01:06:30 des influences extérieures qui s'exercent
01:06:32 sur de très hauts fonctionnaires.
01:06:34 - Bien sûr. - Qui sont des collaborateurs, en somme.
01:06:36 - Bien sûr. - Et que donc, la première chose à faire
01:06:38 pour mener une politique étrangère,
01:06:40 c'est de restaurer l'instrument,
01:06:42 c'est-à-dire le ministre des Affaires étrangères.
01:06:44 Bien entendu, vous dites, il faut commencer par un président
01:06:46 de la République qui aime son pays et qui désire le servir.
01:06:48 Bon. - Et qui donne
01:06:50 pouvoir à ce ministre de faire
01:06:52 les choses. - Et voilà.
01:06:54 - Et ensuite, le ministre lui-même, il doit reprendre
01:06:56 le pouvoir sur son administration.
01:06:58 - Qui est composé de collaborateurs
01:07:00 ou de suivistes.
01:07:02 - Mais il y a des gens très, très bien. - C'est ce que j'écris.
01:07:04 - Non mais, il y a des gens, il y a des personnalités remarquables.
01:07:06 - Il y a des collaborateurs remarquables, vous savez.
01:07:08 - Oui, peut-être, je n'en sais rien.
01:07:10 Mais enfin, en tout cas, il y a des profils
01:07:12 merveilleux, il y a des gens très courageux.
01:07:14 J'en connais quelques-uns.
01:07:16 Mais, évidemment,
01:07:18 le sens du courant,
01:07:22 l'inertie administrative,
01:07:24 la facilité,
01:07:26 le jeu des carrières,
01:07:28 des espérances, des promotions,
01:07:30 font que
01:07:34 le courage
01:07:36 devient assez vite mal porté
01:07:38 ou en tout cas, c'est dangereux,
01:07:40 le courage. - C'est dangereux, le courage.
01:07:42 - Oui, parce que
01:07:44 soit vous arrivez à passer entre les lignes,
01:07:46 très bien,
01:07:48 soit... - Mais vous y arrivez.
01:07:50 - Oui, mais moi, je ne suis rien.
01:07:52 Je suis là,
01:07:54 j'écris,
01:07:56 j'essaie de parler. - En plus,
01:07:58 c'est-à-dire de redonner une intelligence
01:08:00 du monde à Paris
01:08:02 et à la France, qui est le but de Géopragma.
01:08:04 C'est plus que passer entre les gouttes.
01:08:06 - Ça, ce serait formidable. - C'est une grande ambition.
01:08:08 - Mais c'est pour ça, c'est pour ça que je veux nouer
01:08:10 des partenariats, c'est pour ça que je veux pouvoir
01:08:12 organiser des choses. - Avec Géopragma.
01:08:14 - Avec Géopragma, bien sûr.
01:08:16 - On peut y adhérer, qu'est-ce qu'on peut faire pour vous ?
01:08:18 - On peut y adhérer. - Dites-donc, tant que vous y êtes.
01:08:20 - Alors, on peut évidemment y adhérer.
01:08:22 - C'est une œuvre de salubrité publique.
01:08:24 - Absolument. - De salut public.
01:08:26 - Absolument, on peut y adhérer.
01:08:28 L'audition est modeste,
01:08:30 mais on peut être un donateur,
01:08:32 on peut être un mécène, on a besoin
01:08:34 essentiellement quand même d'argent.
01:08:36 Parce qu'il faut pouvoir
01:08:38 organiser des choses, il faut pouvoir faire venir
01:08:40 des étrangers, il faut pouvoir
01:08:42 faire des publications, il faudrait pouvoir
01:08:44 engager quelqu'un
01:08:46 de manière un peu permanente, au lieu d'avoir
01:08:48 juste un stagiaire
01:08:50 payé au lance-pierre.
01:08:52 Si vous voulez, on a une surface, et ça, ça me
01:08:54 réjouit, on a une surface, entre guillemets,
01:08:56 intellectuelle et peut-être d'influence
01:09:00 assez disproportionnée
01:09:02 par rapport à la réalité
01:09:04 de la structure.
01:09:06 Tout le monde est bénévole.
01:09:08 - Voilà. - Chers amis qui vous écoutez,
01:09:10 aidez... - Évidemment,
01:09:12 l'État ne m'aide pas. - TV Liberté,
01:09:14 bien entendu, et sachez aussi qu'il n'y a pas
01:09:16 de mission plus importante que de permettre
01:09:18 de nouveau à la France d'avoir
01:09:20 une intelligence du monde. - Oui, oui.
01:09:22 - Et que peut-être tout repasse par là, et que pour ça,
01:09:24 il faut avoir des intelligences
01:09:26 et qu'on les aide, et notamment
01:09:28 aller sur le site de Géopragma
01:09:30 et regarder ce que vous pouvez faire
01:09:32 pour Géopragma. Occasion de dire que vous avez
01:09:34 publié plusieurs livres.
01:09:36 - J'ai publié plusieurs livres.
01:09:38 - Alors, fruit d'une conférence à la Maison des Mecs latines,
01:09:40 je crois, un livre avec
01:09:42 Régis Debray et le général
01:09:44 Vincent Desportes,
01:09:46 je sais pas, avec le dos de la cuillère,
01:09:48 "Guerre, technologie et société",
01:09:50 parce qu'il y a chez vous aussi une grande réflexion
01:09:52 sur les liens entre la technologie
01:09:54 et la guerre. - Oui.
01:09:56 - On n'a pas pu tout traiter. - Et l'humanité.
01:09:58 Parce que là, il faudrait
01:10:00 reparler... - Qu'est-ce que vous voulez dire ?
01:10:02 - Il faudrait reparler... - De la chouette.
01:10:04 - Il faudrait reparler de mon
01:10:06 éducation philosophique
01:10:08 et de la
01:10:10 phénoménologie, de la différence que l'on
01:10:12 doit faire entre la vie avec un grand V
01:10:14 et l'existence.
01:10:16 On mène tous des existences,
01:10:18 on existe dans ce monde,
01:10:20 on est dans le monde. - Mais la vie, c'est autre chose.
01:10:22 - Mais la vie, c'est autre chose. Et se sentir vivre,
01:10:24 c'est autre chose. Et en matière internationale,
01:10:26 il y a beaucoup à faire. - Alors ?
01:10:28 - Justement, le dialogue et la relation avec les
01:10:30 autres, c'est ça. C'est d'arriver à trouver
01:10:32 quels que soient les
01:10:34 intérêts divergents,
01:10:36 les complications, même les conflits,
01:10:38 un
01:10:40 socle commun
01:10:42 qui est dans le socle d'humanité.
01:10:44 Voilà. Qui est dans notre
01:10:46 humanicité que nous avons avec n'importe
01:10:48 qui sur cette Terre.
01:10:50 - C'est ce que les anglo-saxons ne pensent pas, justement.
01:10:52 - Et voilà. Donc pour moi,
01:10:54 il y a d'abord la reconnaissance
01:10:56 de l'identité.
01:10:58 De l'identité,
01:11:00 le caractère identique
01:11:02 des êtres.
01:11:04 - Vers un nouveau
01:11:06 Yalta, autre
01:11:08 ouvrage qui est un recueil de
01:11:10 chroniques géopolitiques entre 2014 et
01:11:12 2019, notamment publié au Point.
01:11:14 - Oui.
01:11:16 - Et puis un autre livre... - Ça, c'est le tout premier.
01:11:18 - Qui était le premier. Je finis
01:11:20 par le début. Parce que je n'ai même pas
01:11:22 compris le titre. "Manière du monde".
01:11:24 - "Manière de guerre". - "Manière de guerre",
01:11:26 c'est un peu en lien avec ce que vous venez de dire.
01:11:28 - C'est un livre de philosophie.
01:11:30 C'est le livre le plus important. - Oui, pour moi,
01:11:32 c'est le plus important. - Aux éditions d'Uvis,
01:11:34 alors ?
01:11:36 "Manière de guerre", préface
01:11:38 de Védrine. - Oui.
01:11:40 Nous faisons la guerre comme nous nous
01:11:42 comportons en société
01:11:44 dans les évolutions auxquelles nous accordons
01:11:46 des vertus de modernité,
01:11:50 de supériorité.
01:11:52 Donc malheureusement,
01:11:54 nos guerres, ce qui est assez
01:11:56 logique d'ailleurs, ressemblent
01:11:58 à nos sociétés. Je parle
01:12:00 là de l'Occident. Je parle
01:12:02 bien sûr de notre monde à nous, notre
01:12:04 partie du monde à nous.
01:12:06 Et ce faisant, on se coupe
01:12:08 non seulement de l'appréhension
01:12:10 mais de la compréhension et encore plus
01:12:12 évidemment du lien avec
01:12:14 d'autres parties du monde. - De l'amitié.
01:12:16 - Voilà. De la filia, enfin on peut
01:12:18 l'appeler comme on veut. - Oui.
01:12:20 La filia, la rastote.
01:12:22 Je comprends bien, je commence
01:12:24 à mieux vous comprendre. - Ah ça !
01:12:26 - Je devine qu'il y a beaucoup de choses derrière vous.
01:12:28 Pour avoir le courage
01:12:30 de dire ce que vous avez dit, la lucidité
01:12:32 pour comprendre le monde, il faut
01:12:34 bien entendu avoir une tête
01:12:36 bien organisée et certainement avec
01:12:38 des règles morales et des
01:12:40 visions
01:12:42 philosophiques
01:12:44 bien ancrées. Est-ce que je peux vous demander
01:12:46 si vous êtes catholique et romaine ?
01:12:48 - Oui. - Catholique à la quai Rose.
01:12:50 - Oui, d'éducation. Mon père était orthodoxe.
01:12:52 - Oui. - Mais bien peu pratiquant.
01:12:54 Même si finalement
01:12:56 il était très proche d'un philosophe
01:12:58 qui s'appelait Michel-Henri, qui était son maître
01:13:00 en phénoménologie. - Ah oui ?
01:13:02 - Et... - Mais c'est assez corsé.
01:13:04 - Oui, ah oui c'est très corsé, ça c'est sûr.
01:13:06 - Ah bon ? - Et
01:13:08 donc plus il
01:13:10 est monté en âge
01:13:12 si j'ose dire, et en sagesse,
01:13:14 plus il s'est
01:13:16 finalement, il retrouvait
01:13:18 à travers la pensée,
01:13:20 l'oeuvre et le contact avec Michel-Henri
01:13:22 quelque chose
01:13:24 de très... oui, de l'ordre,
01:13:26 de la transcendance. Mais en phénoménologie,
01:13:28 tous les mots
01:13:30 ont un autre sens. - Oui, et puis...
01:13:32 - Donc ça mérite...
01:13:34 C'est un peu... je faisais un peu ce
01:13:36 cours-là à l'école de guerre d'ailleurs, puisque
01:13:38 l'un de mes séminaires s'appelait "Morale,
01:13:40 éthique et conflit". Et donc
01:13:42 pour faire très simple,
01:13:44 entre la morale et l'éthique, il y a un monde.
01:13:46 Certes, il y a peut-être une étymologie commune.
01:13:48 - C'est ce que font les théologues. - Oui, mais justement,
01:13:50 la morale, elle est contingente.
01:13:52 - Intéchangeable, oui. - Oui, elle est contingente.
01:13:54 Tandis que l'éthique,
01:13:56 elle est immanente. Donc l'éthique, elle porte le lien,
01:13:58 la morale, elle porte le conflit. Pour faire simple.
01:14:00 Bon. Mais on pourra en reparler.
01:14:02 - C'est perspective, comme vous disiez le général.
01:14:04 Est-ce que... En fait,
01:14:06 vos parents étaient des intellectuels.
01:14:08 J'ai dit "été", votre mère est toujours de ce monde.
01:14:10 - Maman est là, toujours. - Elle était professeure d'université.
01:14:12 - Oui, d'histoire de l'art. - On la voit en tolge,
01:14:14 histoire de l'art. Donc vous avez vraiment
01:14:16 baigné dans un...
01:14:18 un univers très élevé, en réalité.
01:14:20 Oui.
01:14:22 - Oui, j'ai des parents assez particuliers.
01:14:24 - On est le produit de sa famille, disons-le.
01:14:26 - C'est vrai, c'est vrai. - Et de sa formation.
01:14:28 Et je n'ai toujours pas compris ce que faisait
01:14:30 cette chouette qui est...
01:14:32 - Cette chouette ? - Parmi les objets que vous avez choisis.
01:14:34 - Cette chouette était dans le cabinet
01:14:36 de mon père à Lyon, pendant très très longtemps.
01:14:38 Elle me regardait,
01:14:40 elle m'impressionnait. Un jour,
01:14:42 j'ai compris, il m'a dit "mais c'est Minerve".
01:14:44 Elle voit, elle regarde,
01:14:46 elle comprend la nuit, le jour.
01:14:48 - Elle comprend. - Elle est là
01:14:50 toujours et...
01:14:52 et voilà. Et donc,
01:14:54 dans la vie avec un grand V,
01:14:56 il faut aimer, mais il faut aussi
01:14:58 comprendre, chercher à comprendre.
01:15:00 - Regarder. - Voilà. Donc,
01:15:02 un jour, j'ai eu ainsi
01:15:04 le privilège de la voir.
01:15:06 Et donc, elle ne me quitte pas.
01:15:08 Et d'ailleurs, j'ai au pragma, il y a une chouette.
01:15:10 C'est une chouette, le symbole est une chouette.
01:15:12 - J'adore des chouettes, j'aime les chouettes.
01:15:14 - Quand j'ai vu cette chouette, mais je n'avais pas le sens.
01:15:16 Minerve. - Voilà.
01:15:18 - Voir, comprendre, aimer.
01:15:20 - Même dans la nuit. - Aimer.
01:15:22 - Aimer, bien sûr, aimer tout
01:15:24 ce qui est humain.
01:15:26 Plot qui disait rien de ce qui est humain,
01:15:28 mais d'indifférent, mais d'étranger.
01:15:30 - Voilà.
01:15:32 Une bonne manière de faire de la géopolitique
01:15:34 et de la diplomatie et de servir la France.
01:15:36 - Pour la diplomatie, oui.
01:15:38 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
01:15:41 [Musique]

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