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ÉducationTranscription
00:00 Une psychologue qui travaille dans les crèches nous a dit
00:02 "On s'occupe des enfants comme si c'était des petits gigots".
00:05 Nous avons enquêté sur les crèches privées pendant un an et demi.
00:08 On a été face à des témoignages choquants.
00:10 D'après la CAF, il y a une crèche sur deux en France qui manque de personnel.
00:15 Il y a eu un arrêté en août 2022 pris par l'État
00:18 pour permettre le recrutement dans les crèches
00:21 de salariés non diplômés de la petite enfance.
00:24 De nombreuses femmes nous ont fait part,
00:26 de conditions de travail très difficiles.
00:29 J'ai rencontré une femme, une salariée, qui s'appelle Marie.
00:32 Elle me raconte une crèche où tout était décidé à l'économie.
00:38 En termes de matériel, rien n'était remplacé.
00:41 Il y avait des chauves-biberons défectueux
00:43 qui, quand on les mettait en marche,
00:46 faisaient des projections sur les bras des enfants
00:48 et brûlaient les enfants qui se retrouvaient avec des taches rouges sur les bras.
00:52 Ce qui nous a été rapporté également,
00:54 il s'agit de demander aux professionnels de ne pas utiliser plus de trois couches par jour,
00:59 même si l'enfant est malade,
01:00 ou alors de sous-dimensionner les repas.
01:03 On va provisionner les repas comme si deux ou trois enfants allaient être absents.
01:07 Sauf que parfois, l'ensemble des enfants est là,
01:10 il n'y a pas assez à manger pour tout le monde.
01:12 Quand ils sortent de table, les enfants ont encore faim.
01:14 Des professionnels nous ont aussi rapporté des goûters qui manquaient,
01:18 donc à piocher dans les paquets de gâteaux de leurs propres enfants le matin
01:22 pour nourrir ceux de la crèche.
01:24 Une des salariés nous a aussi dit
01:25 « Parfois, j'en arrivais à couper une banane en trois pour le goûter. »
01:29 Marie nous a aussi rappelé que l'une de ses collègues,
01:32 faute de matériel pour distraire les enfants,
01:35 avait tenté elle-même de fabriquer un jouet.
01:37 Elle avait rempli une bouteille vide d'un produit ménager de couleur bleue.
01:43 Forcément, c'est un produit toxique.
01:45 Cette salarié a été remerciée assez rapidement.
01:48 Ce que nous dit Marie, c'est que dans ces cas-là, on fait aussi ce qu'on peut.
01:50 On essaye de faire avec les moyens du bord.
01:52 Cette salarié qui avait pourtant de bonnes intentions a été prise à son propre piège.
01:57 Le discours marketing qui est mis en avant par ces entreprises de crèche
02:02 fait état de nourriture préparée sur place, de plats bio.
02:06 Mais en réalité, ce que nous ont dit les salariés, certaines salariés,
02:10 c'est que le matin, parfois, elles étaient obligées d'aller acheter des petits pots
02:16 dans la supérette du coin parce que les plats n'étaient pas arrivés
02:20 ou en tout cas, le cuisinier n'était pas là.
02:21 Et ce qu'on demandait aux salariés, c'était de mentir aux parents le soir
02:25 sur la composition des repas.
02:27 Ce qu'il faut savoir, c'est que ce sont des entreprises
02:29 qui sont financées par des fonds d'investissement,
02:31 qui mettent en place des exigences de rentabilité.
02:35 Toutes ces petites économies faites au quotidien,
02:37 en fait, servent à rendre ces entreprises plus rentables
02:41 et ainsi, à satisfaire les fonds d'investissement.
02:43 Sylvrine, une mère du 18e arrondissement,
02:46 nous a raconté que dans la crèche privée de sa fille à Montmartre,
02:51 il y avait une directrice notamment qui mettait en place des formes de punition.
02:56 Lorsque les enfants pleuraient, on avait l'habitude de les enfermer
03:01 dans un dortoir à l'étage, où ils étaient laissés
03:04 pendant une durée importante pour se calmer.
03:06 On tient effectivement à rappeler que la maltraitance n'est pas systématique
03:12 dans les crèches privées en France.
03:13 Ce qui est plus courant, c'est ce qu'on appelle les douze violences.
03:17 Par exemple, on va entrer dans la salle sans dire bonjour aux enfants,
03:21 on va changer ou moucher le nez d'un enfant sans l'avoir prévenu en amont.
03:27 Une psychologue qui travaille dans les crèches nous a dit
03:29 finalement, on s'occupe des enfants comme si c'était des petits gigots.
03:33 Certains parents nous ont aussi fait part de leur indignation, en fait,
03:37 quand ils ont commencé à lire très concrètement les contrats
03:41 qui les liaient à ces entreprises.
03:42 Si la crèche peut, elle, renvoyer l'enfant finalement en trois semaines,
03:47 les parents, eux, doivent donner des préavis.
03:50 Il y a même un père de famille qui nous a raconté avoir inscrit sa fille.
03:55 Ce qui s'est passé, c'est que la fillette souffrait d'une légère malformation cardiaque.
03:59 Le médecin lui a très fortement déconseillé,
04:01 deux jours plus tard, d'inscrire sa fille en collectivité.
04:05 Et ce père, qui avait un contrat entreprise, a dû débourser 15 000 euros
04:11 pour le simple fait d'avoir signé ce contrat, finalement.
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