L'édito de Mathieu Bock-Côté : ««Un flic, une balle» : l'appel au meurtre non retenu»

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Dans son édito du 28/09/2023, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]

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00:00 côté le 23 septembre, une manifestante contre les violences policières brandissait une pancarte.
00:05 On a beaucoup entendu parler de cette pancarte. Un flic, une balle.
00:08 On aurait pu croire cet appel explicite, mais l'Est républicain nous apprend que le procureur
00:13 ne souhaite pas la poursuivre pour appel au meurtre, mais plutôt pour participation à une manifestation
00:19 ayant le visage dissimulé, c'est-à-dire une clémence totale. C'est surprenant ou pas ?
00:23 C'est le moins qu'on puisse dire.
00:25 Surprenant si on est dans un univers rationnel commandé par la raison.
00:30 Mais on a quitté ce monde-là depuis longtemps, ça va de soi.
00:33 Le procureur nous dit « Il s'agit d'abord d'un délit intellectuel.
00:38 Sur le plan moral, il faut pouvoir démontrer que cette jeune femme avait l'intention d'appeler au meurtre.
00:45 Certains ont eu cette lecture, d'autres ne sont pas de cet avis. »
00:48 Je comprends. Il comprend qu'on parle de balles de tennis, de ping-pong,
00:53 ou encore des balles de golf. C'est évident, c'est ce que voulait dire la jeune femme.
00:57 Dans une manifestation contre la violence policière, comme ils disent,
01:00 brandir un tel slogan, qui est un appel généralement compris par tous au meurtre,
01:05 cette jeune femme était subtile, elle était dans le deuxième degré.
01:07 Un flic, une balle de golf, un flic, une balle de ping-pong, tel était son message.
01:12 C'est comme ça que je le comprends.
01:13 Sinon, je croirais que le procureur se fout de notre gueule.
01:15 Mais je ne peux pas imaginer une telle chose.
01:17 Non.
01:18 C'est inconcevable. Moi je crois à la bonne foi.
01:20 Donc, en fait, il a compris « balle de ping-pong ».
01:23 Ça va plus loin. La jeune femme s'est défendue.
01:26 On a décidé de prendre au sérieux sa défense.
01:28 Son message, c'était qu'elle signifiait que les policiers armés
01:31 étaient susceptibles de représenter un danger pour la société.
01:35 Donc, ce que voulait dire la jeune femme, c'est que les policiers tirent des balles.
01:39 Une seule, j'en comprends.
01:40 Et dès lors, elle dénonçait la violence policière en disant « vous tirez une balle ».
01:45 Ça, c'est la défense de la jeune femme.
01:46 Encore une fois, encore une fois, je crois qu'on est ici devant un duo de comiques.
01:51 C'est-à-dire, le procureur et la jeune femme font le duo.
01:55 Et c'est le tango des comiques qui nous explique en fait que ce qu'on voit,
01:58 ce qui est clair, ce qui est devant nous, ce qui est clairement dit, on ne l'a pas vu.
02:02 Pour cette jeune femme qui nous explique qu'elle n'a pas dit ce qu'elle a dit,
02:05 je dirais comme Charlotte, pauvre bichette.
02:07 C'est-à-dire, on l'a mal compris. On l'a tous mal compris.
02:11 Alors, ce qui est intéressant à travers ça, c'est, prenons au sérieux
02:15 qu'elle aurait peut-être dit « un flic = une balle ».
02:17 En gros, vous voyez un flic, vous le descendez.
02:19 C'est comme ça que je le comprends, mais j'ai peut-être des défauts de compréhension.
02:22 On décompose l'affirmation.
02:25 La première, c'est que le flic est présenté ici comme un ennemi générique.
02:28 Ce n'est même pas l'idée que tel flic serait à tel point odieux, odieux, odieux,
02:32 qu'il faudrait le punir de telle, je ne sais quelle manière.
02:35 Le flic en lui-même est l'expression d'un système et ce système doit tomber.
02:40 De quelle manière le faire tomber ?
02:43 En descendant le flic parce que dans une guerre de libération,
02:47 dans une guerre de libération contre le système néocolonial
02:49 qui persécuterait différentes populations en France,
02:52 il faut donc aller jusqu'au bout.
02:53 Un flic = une balle.
02:55 À moins de croire qu'on le dise, imaginons même qu'on parle d'une vraie balle,
02:57 une balle de fusil, je devine qu'on ne veut pas y tirer dans le tibia ou dans la cuisse.
03:01 Il y a une intention meurtrière avec ça.
03:03 Donc, non seulement il faut, le flic devient l'ennemi générique à abattre,
03:07 mais plus encore, ça représente le système qu'il faut faire tomber.
03:12 Il y a une chose qui me semble assez centrale.
03:14 Je l'ai souvent dit ici, je ne suis pas du tout de l'école où on doit dénoncer,
03:18 vous savez les procès pour l'appel à la haine et tout ça.
03:21 Moi, je suis maximaliste de la liberté d'expression.
03:24 Je ferais tomber la plupart sinon toutes les lois sur le mode de l'appel à la haine.
03:28 Je pense que ça n'a pas sa place dans une société libre,
03:30 d'autant que le concept de haine ne cesse de s'étendre de manière insensée.
03:33 Mais il y a une chose qui me semble absolument insoutenable
03:36 et qui devrait être interdite, c'est l'appel à la violence et au meurtre.
03:39 Dire tabasser ce type, ça devrait être interdit en toutes circonstances.
03:42 Dire tabasser cette catégorie de la population, ça devrait être interdit en toutes circonstances.
03:47 Et dire descendre cette partie de la population, l'appel au meurtre,
03:50 à tout le moins tel que je le comprends, peut-être que je comprends mal,
03:52 ça devrait être interdit en toutes circonstances.
03:54 Mais là, ce n'est pas le cas.
03:56 Donc là où on devrait interdire des propos, l'appel au meurtre, on ne le fait pas.
04:00 Par ailleurs, on décide de multiplier les interdictions
04:02 pour des propos qui sont pourtant bien moins explicites.
04:05 - Qui plus est un représentant de l'État,
04:06 alors justement, comment comprendre cette soudaine clémence ?
04:08 Parce que comme vous dites, on a eu l'occasion de voir qu'il y a,
04:11 pour d'autres banderoles, qui n'avaient pas de cette clémence.
04:13 - Alors, pour avoir une hypothèse, c'est une question du sens des priorités.
04:18 Et on a compris dans l'État, on a compris chez les procureurs,
04:21 on a compris que le véritable danger, ceux qui piétinent la République,
04:25 ceux qui menacent les policiers, ceux qui en appellent à l'émeute,
04:28 ceux qui en appellent à la destruction de la France, ce sont les militants identitaires.
04:32 Il fallait le savoir, mais on le sait désormais.
04:34 Et c'est ce qui s'est passé à Cherbourg, on le sait.
04:36 On s'en souvient de la manifestation de quelques personnes par Argos,
04:40 une suite de la mouvance identitaire.
04:43 Les deux slogans étaient les suivants.
04:45 « L'État ne te défend pas, prépare-toi ».
04:48 - Et Cherbourg, c'était là où la femme avait été élevée de 29 ans, acte de tortueur.
04:52 - Avec Mégane, je l'ai évoqué, c'est Mégane qui était victime de Houmar.
04:55 Donc deux slogans, « L'État ne te défend pas, prépare-toi ».
04:58 Ce qui peut être compris de manière maximaliste,
05:00 sur le mode « Prends des cours d'autodéfense »
05:02 ou « Achète une bombe de poivre pour être capable de... »
05:05 ou l'autre option, « Mégane violée par Houmar, 17 mentions au casier et 5 condamnations ».
05:11 Ça, c'est formel. Ce sont des faits.
05:14 On s'en souvient, l'ensemble de la classe politique du coin dit
05:16 « Ce sont des propos haineux, inqualifiables, scandaleux, inacceptables.
05:20 Il est urgent que la République se mobilise pour les interdire, pour les empêcher ».
05:25 Alors on voit à quel moment on se mobilise.
05:28 Un flic = une balle secondaire.
05:30 De tels propos, il fallait que la République intervienne.
05:33 Et ça a été jugé comme une incitation à la haine.
05:35 À la haine, David. En ce cas-là, ils se sont pas trompés.
05:37 Fermeté.
05:38 [Générique]

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