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Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote

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00:00 discours historique. Mes chers Mathieu, je vous dis bonsoir.
00:03 - Bonsoir.
00:04 - J'espère que vous allez bien. Arthur de Vatréguin, bonsoir. Merci d'être avec nous.
00:07 Pas de saut de mer, puisqu'on avance, on va au plus vite.
00:11 Je le dis aux téléspectateurs, vous recevrez Pierre Vermeurenne en deuxième partie d'émission,
00:17 qui est un historien spécialiste du monde arabo-musulman, auteur de "La France qui déclasse"
00:22 et de "L'impasse de la métropolisation", entre autres.
00:26 Parlons du pape François Mathieu, qui, à Marseille, a déclaré que les migrants qui
00:30 arrivent en France et en Europe ne l'envahissent pas, mais cherchent l'hospitalité.
00:34 Et c'est sur cette déclaration que vous souhaitez revenir, évidemment.
00:37 - Oui, parce que le pape est une figure complexe. C'est-à-dire, d'un côté, il y a le message
00:42 spirituel, peut-on dire, de charité, qui en lui-même est même universel.
00:47 On peut rejoindre des hommes, des croyants, des gens qui ne sont pas croyants, des gens
00:50 de toutes les religions. Il y a une prétention écuménique.
00:52 En fait, le propre du catholicisme est un universalisme. Et ça, je pense que tout le
00:55 monde peut entendre ce message. Le problème, c'est que le pape prétend, je
01:00 dirais, trouve dans cette légitimité supérieure, une légitimité ensuite pour parler comme
01:05 un chef politique, comme un autre. Et je dirais peut-être même comme un chef d'école, comme
01:10 un autre. Et le pape, dans les circonstances, je reprendrai la formule de Philippe de Villiers
01:15 hier, se pose un peu comme le pape de Lampedusa. C'est-à-dire, il regarde les événements,
01:20 il contemple les événements et il fait de la migration, du droit à la migration, un
01:26 droit fondamental qui transcende tous les autres droits.
01:30 Pour le pape, j'ai souvent eu l'occasion de le dire sur ce plateau, Ratzinger, Benoît
01:35 XVI, était l'homme qui s'inquiétait de la déchristianisation de l'Europe.
01:39 On pourrait dire que le pape François est celui qui assume la déseuropéanisation du
01:43 christianisme. Autrement dit, un christianisme qui s'affranchit de son berceau historique,
01:49 donc pas son berceau spirituel, son berceau historique, l'Europe, la chrétienté, et
01:53 qui acte en fait le fait que l'Europe n'est plus le continent qui portera le destin du
01:58 christianisme. Mais plus encore, le pape se présente aussi comme celui qui dit l'Europe,
02:03 parce qu'il est dans un récit post-colonial, un récit décolonial. Si je ne me trompe pas,
02:08 aujourd'hui, des indigénistes ont célébré les paroles du pape. On dit, si je ne me trompe
02:12 pas, c'est Aurélien Boutelja qui a dit « Vive le pape François ». Donc, on pourrait dire
02:16 que c'est la convergence des luttes. Et ce qui est intéressant ici, c'est de dire que
02:20 l'Europe, finalement, est un continent qui est accusé d'avoir fait preuve de tant d'égoïsme,
02:24 d'avoir tant péché, de s'être étendu sans en avoir le droit. Donc, c'est une expansion
02:29 européenne qui est en fait une expansion coloniale, qui est en fait une expansion impériale.
02:33 À ce point coupable que l'Europe, aujourd'hui, devrait faire pénitence, devrait entrer dans
02:39 une logique de rédemption, de demander pardon. Et de quelle manière l'Europe pourrait-elle
02:43 vraiment effacer ses fautes? C'est en s'effaçant elle-même, en consentant finalement à accueillir
02:50 le monde entier chez elle, en sacrifiant les exigences de frontières, en sacrifiant les
02:55 exigences politiques, en sacrifiant la logique de l'État, en sacrifiant ses peuples et ses
02:59 nations pour enfin s'offrir, s'immoler symboliquement et démographiquement pour qu'un nouveau monde
03:05 puisse naître en elle. Donc, il y a un peu ce petit problème, si je peux me permettre.
03:09 Mais j'ajoute que dans le compos du pape, je le redis, sur le plan humain, tous en comprennent
03:14 la grandeur, je reviendrai, lorsqu'on nous dit qu'on doit tendre la main à celui qui
03:18 souffre dans nous, ça va de soi, c'est une exigence de charité élémentaire. Mais elle
03:23 ne saurait suffire à fonder une politique. Et je pense que la part manquante dans le compo
03:28 du pape, c'est la part manquante pour les peuples européens. C'est-à-dire, on ne cesse
03:31 de parler, puisque Laurent d'Andrieu avait écrit un livre remarquable sur l'Église et
03:34 l'immigration. Et on peut y revenir, puis il y en a écrit un autre ensuite sur l'enracinement
03:39 et l'universel dans l'Église. Puis ce qui est particulier avec ce pape en particulier,
03:44 c'est qu'il ne cesse de parler du droit des peuples à leur identité culturelle, sauf
03:48 des peuples européens et occidentaux. Donc, l'ensemble des peuples ont ce droit fondamental
03:52 à l'identité culturelle, à la continuité historique, à la continuité identitaire.
03:56 Mais lorsque ce sont les Européens et les Occidentaux qui réclament ce droit, ils sont
04:00 accusés de s'enfermer dans des barrières ethniques et des barrières culturelles. De
04:05 ce point de vue, figure admirable, assurément, sur le plan spirituel, figure généreuse
04:10 qui nous incite tous à la charité, et ça, tout le monde le comprend. Mais lorsqu'il
04:13 se veut théoricien de la politique des États, on peut confesser quelques réserves.
04:17 D'ailleurs, quand vous parlez du pape et de l'empereur Douzas, vous savez que c'était
04:20 son premier déplacement.
04:21 Oui, bien sûr, il avait choisi sa destination.
04:23 L'exigence de charité, en revanche, mise en avant par le pape, n'est tout de même
04:27 pas condamnable, Mathieu.
04:28 Évidemment, ça va de soi. Et je penserais, là-dessus, c'est le cœur humain qui parle
04:31 tout simplement. Donc, la charité individuelle, ça va de soi. Sauver les naufragés en mer,
04:36 ça va de soi. Sauver ceux qui sont en danger, ça va de soi.
04:39 Ensuite, la politique de l'État ne saurait être d'accélérer les mouvements migratoires
04:44 en étant, finalement, le dernier relais d'une chaîne qui commence avec la détresse humaine
04:48 en Afrique, qui est prise en charge par les passeurs, qui est relayée par les associations
04:52 humanitaires. Et l'État viendrait, ou les États viendraient simplement compléter ce
04:56 mouvement. Donc, la charité est essentielle. On ne devrait pas, cela dit, considérer
04:59 que ça fait partie de la charité pour l'État que d'accélérer les mouvements migratoires.
05:04 Arthur de Vatrigan, quel regard vous portez sur le discours, somme toute très politique,
05:09 du pape François sur ces 24 dernières heures ?
05:11 Déjà, si on veut comprendre le message de l'Église sur l'immigration, il faut commencer
05:15 par se rappeler que l'Église, le christianisme, n'est pas un parti politique. Et que si son
05:19 domaine d'intervention est d'abord spirituel, il le concerne également tout ce qui a trait
05:24 au respect de la dignité de la personne humaine créée, comme ils disent, à l'image de
05:28 Dieu. Donc, quand le pape François pleure les victimes, les migrants, on ne peut rien
05:33 lui reprocher, et au contraire le féliciter de braquer des caméras sur ce drame de la
05:39 Méditerranée. Parce que partout où l'homme souffre, l'Église doit être présente.
05:42 Et moi, je ne peux que me réjouir, évidemment, que bon nombre d'éditorialistes, d'élites
05:46 ou de politiques qui passent plutôt leur temps à ricaner et à taper sur le christianisme,
05:50 aujourd'hui s'engagent à la suite du pape. Protéger le plus faible, protéger le plus
05:53 démeni, le s'écourir, évidemment, est la mission de tout chrétien. Que le pauvre
05:58 soit le migrant qui se noie, que le pauvre soit le clochard en bas de chez vous, que
06:01 le pauvre soit le bébé dans le ventre de sa mère qui ne sait pas qu'il va être
06:04 émulé, ou votre grand-mère qui va se faire buter avec le tampon moral de l'État,
06:08 ça s'appelle l'euthanasie. Mais bizarrement, les élites ne retiennent toujours que les
06:12 migrants et pas le reste. Alors, puisque le pape s'engage sur le terrain politique,
06:16 c'est-à-dire son discours de ce matin, ce n'était pas un discours adressé à
06:20 chacun d'entre nous, en tant que personne, mais à l'État, parce que par exemple,
06:23 il a parlé d'assimilation, du modèle d'assimilation qu'il dénonce. Il faut
06:27 prendre aussi en compte les circonstances, c'est-à-dire de ne pas raisonner in abstracto
06:31 au risque de rendre ce beau principe qu'il a expliqué hier et ce matin inapplicable.
06:36 Il le dit lui-même, la solution n'est pas de rejeter, mais d'assurer les possibilités
06:40 de chacun un grand nombre d'entrées légales et régulières. D'ailleurs, ce serait
06:44 lui faire un mauvais procès de l'accuser de vouloir ouvrir les vannes, lui qui vit
06:47 au Vatican entouré de murs et de gardes suisses. L'accueil ne peut être inconditionnel,
06:52 c'est ce que rappelle le catechisme de l'Eglise catholique, l'article 2241.
06:56 L'immigré est tenu de respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et spirituel de son
07:01 pays d'accueil, d'obéir à ses lois et de contribuer à ses charges. Reconnaissance,
07:05 obéissance et contribution, disons que même avec une loupe, il est quand même assez difficile
07:09 de voir chez certains de nos migrants, en tout cas les plus récents, le respect de
07:12 nos mœurs et de nos lois. Et de même, lorsqu'il affirme que ceux qui risquent leur vie en
07:17 mer n'envahissent pas, ils cherchent l'hospitalité, disons qu'entrer à coup de bélier n'est
07:21 pas tout à fait la même chose que de sonner un interphone. Mais parmi tout ce discours,
07:25 il y a quand même des choses que je n'ai pas très bien comprises. Peut-être est-ce
07:28 dû à un problème de sémantique, ça peut être aussi dû à un problème de traduction,
07:31 peut-être que lui n'a pas forcément pris conscience du problème et du contexte français,
07:36 comme ce qu'il déclare par exemple à propos de la ville de Marseille. "Une marée de
07:40 peuples a fait de cette ville une mosaïque d'espérance avec sa grande tradition multiethnique,
07:44 multiculturelle". Une ville qui fait plus parler d'elle pour ses checkpoints, pour
07:47 ses balles de kalachnikovs qui passent un peu partout, ses affrontements claniques,
07:51 c'est un peu compliqué. Et puis si on va un peu plus loin, rappelez-vous de cette
07:53 pauvre femme de 60 ans dans la basilique Saint-Denis, simplement munie d'un chapelet qui se fait
07:57 égorger par un migrant venu de Lompédouzard, c'est quelque chose qu'il faut également
08:01 prendre en compte parce que notre immigration est majoritairement subsaharienne. Donc faire
08:05 de la politique nécessite de ne pas fermer les yeux sur les circonstances, c'est-à-dire
08:08 comprendre l'époque, les particularités et articuler toutes les sphères de la vie
08:11 temporelle. "Je me permets juste de vous couper Arthur parce que le peuple justement a rendu
08:16 hommage aux victimes des attentats et notamment aux victimes..." Oui, c'est pourquoi je dis
08:21 qu'il faut aussi prendre en compte tout cela et je m'adresse notamment à nos politiques,
08:25 nos étudiants réalistes évidemment qui font de la récupération. C'est-à-dire que
08:27 ce gros principe il faut l'appliquer d'un point de vue temporel et non raisonner justement
08:31 en universalisme désincarné ou en économisme en évacuant toutes les questions immatérielles.
08:36 Et dernière chose, il a parlé de l'assimilation en expliquant que l'assimilation ne tient
08:40 pas compte des différences et reste rigide dans les paradigmes. Alors couille d'alors
08:43 du bien de Nero, Charles de Foucault, rappelez-vous cette fameuse lettre écrite à l'académicien
08:47 René Bazin pour répondre à cette question des musulmans peuvent-ils être vraiment français.
08:52 Charles de Foucault que le pape a cité lui-même dans son discours, il répond "exceptionnellement
08:57 oui, d'une manière générale non, ce changement de nationalité implique une sorte d'apostasie,
09:01 un renoncement à la foi ne médit". Alors disons que la conversion en quelle je crois
09:05 me semble un peu plus radicale que l'assimilation que le pape dénonce.
09:08 Vous avez quasiment réussi à faire fuir à tous les deux le pape du seul français
09:14 puisque dans un instant, et nous sommes toujours sur ces images, en direct le pape François
09:21 qui va quitter l'aéroport de Marseille pour rejoindre le Vatican. Ce qui nous permet d'avancer
09:26 dans notre émission chère Mathieu. Et c'est un sujet absolument passionnant. On apprenait
09:31 jeudi qu'une vaste coalition parlementaire transpartisane, excluant d'ailleurs toutefois
09:36 le Rassemblement National, en temps présentaire en janvier un projet de loi visant à bannir
09:42 le climato-scepticisme des médias. L'objectif de ce projet de loi est donc d'interdire
09:47 dans le débat public toute remise en question du dérèglement climatique tout comme de
09:51 leur cause anthropique. Et c'est à cette proposition que vous voulez consacrer votre
09:55 édito. Oui, c'est absolument majeur. Alors qu'est-ce qu'on nous dit fondamentalement
09:59 c'est une proposition qui est portée par plusieurs, c'est que la question non seulement
10:03 du réchauffement climatique mais de sa responsabilité humaine ne devrait plus être matière à
10:08 débat. Ça devrait échapper au débat contradictoire dans l'espace public. Donc imaginons que
10:13 vous ayez un livre tout à fait stimulant, inattendu, qui relativise une affirmation
10:17 ou une autre, vous ne devriez plus avoir le droit d'en parler dans le média. La condition
10:22 de barre du débat démocratique ce serait d'accepter certaines prémisses. Alors moi
10:26 je ne remets pas en question ici, on s'entend bien, la question des changements climatiques
10:29 ou la responsabilité humaine, je dis simplement que la santuarisation, enfin l'institutionnalisation
10:34 politique de ce qu'ils appellent le consensus scientifique, c'est la meilleure manière
10:40 de créer ce qu'on pourrait appeler une forme de judiciarisation du débat climatique et
10:44 une logique de censure dans le débat public. Je précise que Madame Jacinda Ardern, l'ancienne
10:49 première ministre de la Nouvelle-Zélande, avait dit « on doit quelquefois limiter la
10:52 liberté d'expression pour être capable de préserver des vérités fondamentales ».
10:56 Elle disait sur le changement climatique, si on le remet en question, comment peut-on
10:59 le combattre ? Et elle ajustait ça sur d'autres sujets aussi. Alors la question de base c'est
11:04 comment va-t-on définir le climato-scepticisme ici ? Ce n'est pas un détail. Est-ce que
11:08 le climato-scepticisme, donc c'est la responsabilité, les changements climatiques plus la responsabilité
11:13 humaine. Mais si j'ajoute que le rôle de la France, par exemple, dans les changements
11:18 climatiques est quand même relativement mineur, est-ce que je fais du climato-scepticisme
11:23 ? Si je dis que, parce qu'on l'entend souvent, notre modèle de développement économique
11:29 sera incompatible avec le climat. Si je dis « je veux néanmoins conserver ce modèle
11:34 de développement économique », est-ce que je bascule dans le climato-scepticisme ? Déjà
11:38 qu'on nous explique que certaines publicités devraient être interdites parce qu'elles
11:41 sont dites « éco-sidères », est-ce qu'à terme on va dire qu'on doit sans cesse étendre
11:45 le domaine de l'interdiction juridique de certains propos parce que ça remettrait en
11:50 question ce qu'ils appellent le consensus climatique ? Donc la notion de délit d'opinion,
11:54 c'est de cela dont on parle en ce moment et je pense que ça ne s'arrêtera pas justement
11:59 à la version la plus minimaliste de tel projet de loi.
12:01 Mais le consensus scientifique ne justifie-t-il pas de temps en temps de mettre fin à certains
12:07 débats ? Alors moi ça me frappe la notion de consensus
12:09 scientifique. Déjà la science, on nous avait appris que c'était le lieu du doute, le
12:13 lieu du questionnement, le lieu des grands revirements, mais aujourd'hui il y a une
12:16 forme de falsification de la référence à la science, d'instrumentalisation de la référence
12:20 à la science dans le débat public. Donc on va nous expliquer, il n'y a pas par exemple
12:24 de grands basculements démographiques en Occident aujourd'hui, le consensus scientifique
12:29 vous explique que rien ne se passe. On nous explique, on l'a vu au Canada cette semaine
12:33 dans les manifestations contre l'enseignement de la théorie du genre à l'école, que
12:37 la notion de fluidité de l'identité de genre, la fin du masculin et du féminin,
12:41 que la théorie du genre serait scientifique. Quel serait le nouveau consensus scientifique ?
12:47 Et plus encore, si vous la contestez, vous êtes accusé de propos haineux.
12:50 Est-ce qu'on devra interdire à terme, si on doit sanctuariser politiquement tous les
12:54 consensus scientifiques comme on dit, est-ce qu'on va devoir interdire à terme la remise
12:59 en question de la théorie du genre ? Tout ça me fait penser à ce qu'on avait autrefois,
13:03 le marxisme scientifique. Le marxisme se prenait pour l'énigme résolue de l'histoire,
13:07 le marxisme disait « je suis une science, je suis une science et je suis la seule science ».
13:11 Donc on peut débattre dans les paramètres du marxisme, mais on ne peut pas en sortir.
13:15 De ce point de vue, cette prétention à faire d'une forme de vérité idéologique,
13:19 vérité idéologico-scientifique, en faire un dogme politique, ça nous rappelle que
13:24 l'Occident aujourd'hui poursuit à sa manière l'histoire de l'URSS par d'autres moyens.
13:27 Alors pour vous, cette proposition de loi, elle est tout simplement autoritaire ?
13:30 Elle est tout simplement autoritaire pour ne pas dire totalitaire. Un régime à vérité
13:34 officielle est un régime idéocratique. Donc quand vous avez un dogme, il faut des gardiens
13:37 du dogme. Quand vous avez des gardiens du dogme, il faut une punition pour ceux qui ne
13:41 respectent pas le dogme. Ensuite, il faut être capable de traquer ceux qui contestent
13:44 le dogme ouvertement. Ceux qui s'en moquent, ceux qui font de l'humour, sera-t-il permis
13:48 de rire par rapport au changement climatique ? Est-ce que l'humour pourra se préoccuper
13:51 de tout cela ? Donc ce qu'on voit devant nous, c'est une radicalisation autoritaire
13:55 de nos sociétés et tout ça, paradoxalement, au nom de la liberté d'expression, du bon
13:59 débat public et de la démocratie, on appelle ça la falsification de la démocratie et
14:03 une fronde intellectuelle.
14:04 Espérons qu'il n'y ait pas un prochain Covid et qu'on ait cette situation-là.
14:09 On n'espère pas une nouvelle vague.
14:11 Arthur de Vatrigan.
14:12 Pas très rapidement, Mathieu a tout résumé de manière brillante comme toujours. Le risque
14:17 de ça, c'est qu'en effet, on va créer un délit d'opinion et qui ne va pas arranger
14:21 la défiance des Français envers la politique et je pense va accélérer même le désenchantement
14:27 de la démocratie. Parce que là, c'est quoi ? C'est la compétence scientifique et la
14:30 rationalité infaillible qui remplace le débat. Et qu'est-ce que le débat ? C'est le principe
14:35 de la démocratie. Donc je pense malheureusement qu'il faudrait plutôt miser dans le foi
14:40 dans le débat et dans l'intelligence des Français. Et je dis ça, moi, je serais plutôt
14:43 dans le camp des luttes contre les antivax et les luttes contre les climato-sceptiques.
14:48 Mais je veux croire au débat, je veux croire aux échanges. Et le faussé risque d'être
14:51 encore plus important si on instaure un délit d'opinion, c'est-à-dire que si on demande
14:54 simplement à des gens de la fermer.
14:55 Avec cette singularité, qu'en dernier instance, avec cela, on fait des climato-sceptiques
14:59 comme on les appelle, des gardiens et de l'esprit scientifique et de l'esprit et de la liberté
15:03 d'expression. Parce que ce sont eux qui sont dans le rôle de la pose du doute et de la
15:06 réflexion.
15:07 Et vous galvanisez les complotistes ?
15:09 Mais bien sûr.
15:10 Ça y est, vous leur donnez, c'est l'autoroute pour les complotistes.
15:13 Exactement.
15:14 La publicité, on revient dans un instant. Vous recevez Pierre Vermeren, dans quelques
15:18 minutes, historien spécialiste du monde arabo-musulman, auteur notamment de La France qui déclasse.
15:24 A tout de suite pour la suite de Face à vos côtés.
15:25 La suite de Face à vos côtés avec Mathieu, bien sûr, et Arthur de Vatrigan.
15:34 Mathieu Bocoté, vous recevez ce samedi Pierre Vermeren.
15:37 Merci d'être avec nous, monsieur Vermeren.
15:39 Je rappelle que vous êtes auteur de La France qui déclasse.
15:42 C'est l'impasse de la métropolisation.
15:44 Historien spécialiste du monde arabo-musulman.
15:47 Pourquoi avoir invité ce samedi Mathieu Pierre Vermeren ?
15:50 Parce que vous avez dit historien du monde arabo-musulman.
15:53 Mais on aurait aussi pu dire, historien de profession assurément, mais sociologue peut-être
15:57 de vocation, dans le bon sens du terme, il peut y avoir un bon sociologue par génération.
16:00 Si on prend la peine de lire ses livres sur La France et ses éditoriaux, ses textes qui
16:06 paraissent régulièrement dans le Figaro, je considère que Pierre Vermeren propose
16:09 une des sociologies les plus fines qui soit de ce qu'on pourrait appeler le malaise français.
16:13 Et c'est pour revenir sur ce malaise, pour le comprendre dans ses différentes dimensions
16:16 que nous le recevons.
16:17 Pierre Vermeren, bonsoir.
16:18 Bonsoir et merci pour votre invitation.
16:20 Ça fait plaisir.
16:21 Ma question première, tout simple, dans un texte assez récent, vous reveniez sur tous
16:25 les débats sur l'immigration, le basculement démographique français.
16:28 Et à la différence de plusieurs, vous affirmez que l'immigration n'est pas la réponse automatique
16:34 et inévitable à la crise démographique française telle qu'on la représente généralement
16:40 dans le débat public.
16:41 C'est une réponse qui tranche, comme je le dis, avec le consensus médiatique pour l'essentiel.
16:45 Qu'est-ce qui vous a amené à vous opposer à cette thèse ?
16:48 Alors il y a la question démographique d'une part et la question économique de l'autre.
16:52 La question démographique, c'est assez complexe et ce n'est pas ma spécialité.
16:58 Mais moi, ce qui m'intéresse, c'est plus la question de l'emploi.
17:00 Et je crois qu'il y a vraiment un problème français particulier dans le domaine de l'immigration
17:05 parce que souvent, on se compare à l'Allemagne et on dit, regardez les Allemands, ils sont
17:09 comme nous à peu près, ils ont une vingtaine de millions d'immigrés sur trois générations
17:14 et c'est une économie qui fonctionne très bien.
17:16 Et donc nous, d'après l'INSEE, sur trois générations, il y a à peu près 19 millions
17:20 sur trois générations aussi d'immigrés aujourd'hui.
17:23 Le problème, c'est qu'on a une économie qui fonctionne mal au sens où, dans une république
17:29 sociale qui porte beaucoup la question de l'égalité sur ces fonds bâtissmeaux d'ailleurs,
17:36 il y a un problème d'emploi.
17:39 Alors on nous dit, oui, le chômage est faible.
17:42 Mais ce qu'il faut, c'est regarder le taux d'emploi.
17:45 Et le nombre de personnes qui travaillent.
17:47 Le nombre de personnes qui travaillent en France est infiniment plus faible que celui
17:52 que l'on trouve en Allemagne.
17:53 La différence des gens employés réellement, c'est-à-dire qui vont le lundi matin au
17:59 travail et qui sont payés pour cela, dans le système tout à fait officiel, eh bien
18:06 en France, on est autour de 23, 22, 23, 24 millions d'emplois occupés réellement.
18:13 Après, on dit il y a 29 millions d'actifs, mais dans les millions d'actifs, il y a les
18:17 chômeurs, il y a les stagiaires, il y a tout un tas de gens qui ne sont pas en réalité
18:20 devant l'emploi.
18:21 Selon les mêmes critères, en Allemagne, il y a 20 millions d'emplois en plus.
18:25 Alors bien sûr, l'Allemagne est un grand pays.
18:27 Mais disons que si on rapporte notre population, qui est un peu plus jeune aussi que celle
18:32 de l'Allemagne et qui est moins nombreuse, il nous manque 10 millions d'emplois.
18:38 Alors 10 millions d'emplois, tout à l'heure, je voyais la Une du Monde qui disait, il y
18:41 a un déni en France eu égard à la question des emplois sous tension.
18:46 Mais en fait, on occulte le véritable déni.
18:49 Ce déni en cache un autre, c'est-à-dire le déni du fait que depuis 40 ans et de manière
18:54 croissante, on a une partie très importante de la population qui n'est pas employée,
18:59 qui n'est pas en emploi, qui n'a pas d'activité et qui vit non pas au proche de la société
19:04 parce que tout est organisé pour que cette population, bien sûr, ait des revenus de
19:07 substitution, mais c'est une population que l'on peut qualifier d'assistée sous tout
19:13 un tas de formes.
19:14 Les revenus de substitution, vous voulez dire une forme d'économie parallèle ?
19:16 Pas du tout.
19:17 Alors ça, ça existe, mais c'est une autre affaire.
19:19 Non, non, une économie de substitution avec des revenus de substitution qui sont versés
19:25 par l'État ou par l'économie sociale.
19:28 Parce que ce qui compte aujourd'hui pour nos employeurs, c'est d'avoir des consommateurs.
19:34 On a spécialisé notre pays sur la consommation.
19:38 D'ailleurs, souvent, c'est le critère principal que l'on observe quand on regarde notre économie.
19:42 On dit les Allemands, leur production, leurs exportations.
19:46 Nous, on pourrait dire notre consommation, nos déficits.
19:49 Et c'est là qu'il y a un problème.
19:50 C'est-à-dire que faire venir des travailleurs en grand nombre, en réalité, ce n'est pas
19:54 ce qui nous intéresse.
19:55 Marginalement, oui, mais on fait venir des consommateurs.
19:59 Et c'est là qu'il y a un malentendu.
20:01 Parce que dans l'imaginaire, l'immigration est liée au travail, elle est liée aussi
20:06 à l'asile, etc.
20:07 C'est une autre question.
20:08 Mais elle est liée au travail.
20:09 Et en réalité, non seulement on n'a pas de travail, il y a vraiment une carence très
20:14 importante.
20:15 Et cette carence, on va la retrouver dans ce qu'on appelle la France périphérique.
20:18 C'est pour ça que vous citiez mes livres.
20:19 Mais moi, ça a attiré… la question des Gilets jaunes, il y a maintenant 5 ans ou
20:25 6 ans, a été un événement majeur dans notre existence.
20:29 Parce qu'on pressentait qu'il y avait un énorme malaise.
20:31 Le malaise depuis s'est probablement aggravé.
20:33 Mais ça renvoie, si vous voulez, au fait qu'il nous manque 5, 6, 7 millions d'emplois
20:40 de production par rapport à l'après-guerre, plus.
20:42 Mais il y a vraiment… et donc ajouter à cette population sans emploi, très nombreuse,
20:48 si on considère comme moi que le travail, c'est ce qui construit l'existence et
20:52 le sens de la vie, entre autres, mais vraiment c'est très puissant, eh bien, rajouter
20:56 des non-travailleurs à une masse de non-travailleurs, c'est ce qui nous différencie de l'Allemagne
21:01 et c'est ce qui fait qu'il y a vraiment un problème.
21:03 Et que si on considère que l'immigration va résoudre la question de l'emploi en
21:07 France, on passe à côté de la réalité.
21:09 Vous défendiez, je ne sais pas si c'est une autre thèse, vous faisiez une observation
21:12 qui m'a marqué, vous dites qu'une bonne partie de nos élites, le peuple disparaît.
21:16 Ce qu'on voit, ce sont des courbes statistiques, une vision très juridique ou technocratique
21:21 ou économiciste du peuple.
21:22 Mais le peuple avec ses mœurs, avec sa culture, sa langue, ses traits, son histoire, n'est
21:27 pas une catégorie de référence dans l'esprit d'une partie de nos élites.
21:31 Est-ce que c'est bien le cas ?
21:32 Oui, je parlais du rapport de la Fondation Montserrat qui est sorti à la fin de l'été
21:38 et qui considérait que pour les 40 ans à venir, il fallait faire en gros la même
21:42 chose que dans les 40 dernières années, c'est-à-dire compenser la faiblesse démographique
21:46 française, qui est une réalité qui s'accentue manifestement ces dernières années, par
21:52 un filet migratoire constant et même peut-être renforcé.
21:57 Mais ils ne parlaient pas d'ailleurs de le renforcer, ils parlaient de le laisser au
21:59 niveau actuel, c'est-à-dire à peu près 1 000 immigrés par jour, puisque c'est à
22:04 peu près 300-350 000 par an par les divers canaux migratoires.
22:11 Et ce rapport intéressant, qui s'appuie d'ailleurs sur beaucoup de rapports publics,
22:18 disait à peu près que pour maintenir notre taux de croissance, pour maintenir les conditions
22:26 actuelles, le rapport entre l'emploi, les non-employés, etc., on s'intéresse surtout
22:30 aux retraités en réalité, beaucoup plus qu'aux employés, qu'aux personnes actives
22:34 employées, il faut maintenir les choses telles qu'elles sont et notamment dans les 40 années
22:41 qui viennent, maintenir ce filet migratoire moyennant quoi on aura tel taux de croissance,
22:47 de réversion pour les retraites, etc.
22:49 C'est une manière qui est effectivement statistique de regarder les choses, c'est une manière
22:56 qui n'est pas factuelle, qui est mathématique, qui est statisticienne, mais qui oublie cette
23:01 détresse de millions de personnes en France qui soit ne peuvent pas gagner leur vie en
23:06 travaillant parce qu'il y a un manque d'emploi, soit qui ont des salaires faibles et qui sont
23:10 très nombreux.
23:11 Et ça concerne en premier lieu d'ailleurs les enfants d'immigrés, puisque le taux
23:14 d'emploi des personnes immigrées en France ou issues de l'immigration est presque deux
23:19 fois plus faible, voire plus dans certaines catégories de la population que chez les
23:23 Français qui sont là depuis longtemps.
23:25 Donc, si vous voulez, on va recourir à des techniques où on va reconduire l'existant
23:34 de manière indéfinie sans prendre en compte le réel.
23:37 Et le réel justement c'est ce chiffre très faible de travailleurs dans la production.
23:42 Donc, autrement dit, accepter une immigration pérenne, durable, pourquoi pas, mais à ce
23:47 moment-là il faut mettre en face l'exigence de l'industrialisation, de la production.
23:53 Pour l'instant on en parle beaucoup, mais on voit bien que ça n'arrive pas, parce qu'il
23:58 faut parler de millions d'emplois.
23:59 Ce sont des millions d'emplois qui manquent en France.
24:01 En Allemagne, le taux d'emploi dans l'industrie est double.
24:04 L'agriculture maintenant allemande produit davantage que la nôtre.
24:07 Donc, on voit que dans tous les secteurs, il y a un manque considérable de millions
24:12 d'emplois réels.
24:13 En fait, on s'intéresse aux personnes, on s'intéresse aux statistiques, on s'intéresse
24:20 à la consommation, on s'intéresse aux immigrants, mais on ne s'intéresse pas au fond à la
24:25 production et ce qui finalement produit des richesses, mais aussi rend la vie des gens
24:30 utiles et qui leur donne un sens et qui leur permet de construire leur vie.
24:33 - Alors, nous y arriverons en dernière partie.
24:36 Vous avez fait un texte tout à fait passionnant il y a quelques mois sur la crise du sens
24:39 en France.
24:40 On va voir un pont entre ces deux parties.
24:41 Il y a une considération très vive chez vous pour, on pourrait dire, les catégories
24:45 populaires, la France périphérique et ainsi de suite.
24:47 Et dans un texte récent sur, on pourrait appeler de manière un peu facile, l'écologie
24:51 punitive, vous disiez qu'une partie de la France populaire, aujourd'hui la France périphérique,
24:55 est peut-être la première à souffrir de certaines mesures propres à ce qu'on appelle
24:59 l'écologie punitive.
25:00 Pourriez-vous développer dans cette idée?
25:01 - Oui, c'est très simple.
25:03 Vous savez, en gros, les classes populaires françaises, du fait des industrialisations,
25:07 elles ont été bannies des métropoles.
25:09 Promenez-vous sur les Champs-Élysées, promenez-vous sur les grands boulevards à Paris.
25:14 Je ne suis pas encore tout à fait très âgé, mais enfin, j'ai connu dans mon enfance le
25:21 Paris populaire.
25:22 Il existait.
25:23 Ce Paris populaire, aujourd'hui, a cessé d'exister.
25:26 Et dans les grandes métropoles, on l'a vu à Bordeaux où j'habite ces dernières décennies,
25:31 les classes populaires ont, je ne dirais pas qu'elles ont déserté la ville, mais pour
25:36 des raisons immobilières, pour des raisons liées à l'emploi, liées à la faim de l'industrie
25:41 notamment, ces classes populaires sont parties.
25:44 Elles se sont installées dans la France périphérique, alors parfois à 40 km du Champs, parce que
25:49 certains continuent de travailler, je pense aux catégories moyennes, notamment aux infirmières
25:54 par exemple, ou aux petits fonctionnaires qui continuent de dépendre d'emplois qui
25:59 sont dans le centre des métropoles.
26:00 Mais pour les anciens ouvriers dont les usines ont fermé, ces gens-là sont partis, se sont
26:04 réinstallés dans des régions de la France périphérique où ils vivent par dizaines
26:07 de millions, on pourrait dire, dans la France pavillonnaire et au-delà.
26:11 Et c'est là que le bas blesse.
26:14 Et c'est bien pour ça qu'il y avait eu les Gilets jaunes.
26:15 C'est-à-dire qu'on sait très bien que dans cette France périphérique, 85, enfin,
26:20 plus encore dans la France périphérique, des personnes vont au travail en voiture.
26:24 Ils doivent tout faire en voiture.
26:27 Les services publics ont déserté en grande partie ces campagnes, nous sont remplacés
26:30 par des salariés en télétravail, souvent très lointains, avec des accents de pays
26:37 différents.
26:38 Et donc, aujourd'hui, quel est le grand service public des campagnes ou des petites
26:44 villes ? Ce sont les supermarchés.
26:46 Même pour aller faire ses courses au supermarché, et même parfois à la boulangerie, maintenant
26:50 de plus en plus, il faut prendre sa voiture.
26:52 Ces populations reléguées, qui n'ont pas accès à des emplois de production, c'est-à-dire
26:57 à des emplois rémunérateurs, qui ont de moins en moins accès à des emplois publics,
27:01 sauf dans le domaine social, où il y en a beaucoup, notamment pour s'occuper des personnes
27:04 âgées, ces personnes dépendent de leur voiture pour tout dans la vie.
27:08 Et aujourd'hui, on leur dit écoutez, ce n'est pas grave, vous polluez, mais l'essence
27:13 est de plus en plus chère.
27:14 C'est ce qui avait déclenché les Gilets jaunes à un niveau de prix qui était très
27:18 inférieur à celui d'aujourd'hui.
27:19 Entre-temps, il y a eu un choc inflationniste sur l'alimentation, de l'ordre de plus
27:23 de 20 %, mais ce n'est pas grave, vous pourrez acheter une voiture électrique.
27:26 Le parc automobile en France s'approche de 10 ans, c'est-à-dire qu'il a augmenté
27:31 je crois de 4 ou 5 années depuis 20 ans, depuis 2000, c'est-à-dire que les gens n'ont
27:36 plus déjà les moyens d'acheter une voiture diesel, et on leur dit mais ce n'est pas
27:39 grave, vous pourrez acheter une voiture encore plus chère.
27:41 Il y a vraiment un malaise très profond, très grave, et que seul pourrait contrarier
27:48 soit une politique spécifique d'aide avec une baisse du prix des taxes notamment sur
27:54 l'énergie et sur l'essence.
27:55 Or, on voit bien que même l'électricité aujourd'hui augmente et va continuer d'augmenter.
28:00 Donc, ce n'est pas seulement le transport, c'est aussi le chauffage.
28:03 Quand vous habitez dans des maisons à la campagne, le coût du chauffage, et surtout
28:07 dans le nord, dans l'est, le coût du chauffage est bien plus élevé que dans un appartement
28:12 à Paris ou dans une grande métropole où les maisons sont collées les unes aux autres,
28:16 c'est des appartements plus petits et la température extérieure plus élevée.
28:19 Donc, il y a un problème massif qui pèse très fortement sur ces classes populaires
28:24 sans emploi et soumises à des chocs inflationnistes dont elles n'ont pas de moyens de se sortir
28:28 si vous voulez, malgré toutes les bonnes paroles.
28:30 Arthur de Matrigan.
28:31 Donc, face à ce constat, on comprend que l'immigration n'est pas une chance pour
28:36 la France, mais est-ce que la baisse de natalité serait une chance pour la France ?
28:40 La baisse de la natalité, c'est le choix d'une partie importante des Français et
28:47 là aussi, c'est un choix démocratique.
28:49 La France s'est caractérisée au XXe siècle par l'invention des politiques natalistes
28:55 qui ont été inventées d'une manière conjointe par les gouvernements du Front Populaire,
29:00 de Vichy et de la Libération.
29:02 Ils ont fait la même politique et ils ont débouché sur ce qu'on a appelé le baby
29:08 boom en France.
29:09 C'est très simple, s'il n'y avait pas eu le baby boom en France, on serait tombé
29:11 à 20 ou 25 millions d'habitants.
29:13 Ça a permis de tenir la ligne parce qu'on était déjà le pays le plus vieux du monde
29:17 à sortir de la guerre de 1914, plus encore en 1945.
29:20 Et grâce à ces politiques, donc, on a… bon, ça c'est un choix des pouvoirs publics.
29:24 Entre temps, cette politique nataliste, elle a été pratiquement abandonnée et elle est
29:28 plutôt critiquée, voire regardée de haut par une grande partie aujourd'hui des élites
29:32 françaises qui considèrent que c'est autoritaire, que c'est dépassé comme type de politique.
29:36 Donc, les politiques aujourd'hui se désintéressent de la question puisqu'ils ont trouvé un
29:40 autre moyen d'augmenter la population et d'avoir des consommateurs.
29:44 Les Français aujourd'hui, pour les raisons qu'on vient de dire, c'est-à-dire leur
29:49 baisse de pouvoir d'achat massive, le fait qu'aujourd'hui un salarié a beaucoup
29:53 de mal à faire vivre sa famille, a fortiori s'il n'a pas d'emploi.
29:57 Donc, faire vivre une famille quand on est dépendant des aides publiques, c'est étrange,
30:02 non seulement en termes de fierté, mais aussi en termes de sécurité pour l'avenir.
30:07 Et puis, il y a la question des jeunes femmes aujourd'hui qui sont soumises à beaucoup
30:12 de pression et à qui on explique dans certains mouvements politiques ou idéologiques que
30:16 si elles ont des enfants, ce sera évidemment, d'abord ce serait une folie pure dans le
30:22 monde qui nous attend en termes d'écologie.
30:24 Je note que ce n'est pas le cas du tout ni en Afrique ni en Asie, que c'est une
30:28 névrose spécifiquement occidentale.
30:30 Et d'autre part, que si elles veulent l'égalité absolue avec les garçons, il faut qu'elles
30:37 n'aient pas d'enfants.
30:38 Ce mouvement a déjà existé en Allemagne et en Angleterre.
30:41 Un tiers des femmes en Allemagne et en Angleterre n'ont pas d'enfants depuis 40 ans.
30:45 Nous, on découvre ce phénomène.
30:46 Est-ce qu'il sera durable ? On ne sait pas.
30:48 Aujourd'hui, c'est ce que disent les sondages.
30:49 Donc, de deux choses l'une, ou bien on est une démocratie dans laquelle les individus
30:54 ont une liberté d'action.
30:56 Et si les Français veulent être moins nombreux, avoir moins d'enfants, parce qu'ils considèrent
31:01 que ce serait folie d'en avoir beaucoup, est-ce que le fait de les réintroduire par
31:05 l'extérieur, c'est justifié ? Le problème, c'est qu'il n'y a pas de débat en France.
31:11 On n'en parle pas.
31:12 Est-ce que par ailleurs, les pouvoirs publics sont fondés à donner des conditions favorables
31:20 pour que les gens aient à la fois un métier et la possibilité d'avoir des enfants et
31:24 les élever correctement ? Ça aussi, c'est une politique publique, c'est un choix démocratique.
31:29 Donc, on est au cœur de la démocratie, du pacte social, du contrat social, mais tout
31:35 le monde tourne la tête et finalement, on laisse les économistes et les grandes entreprises
31:40 se dire qu'au fond, ce qui compte, c'est que la population augmente légèrement chaque
31:43 année pour qu'il y ait un taux de croissance résiduel qui profite à certains secteurs.
31:48 Un autre exemple, je lisais des articles très intéressants cette semaine sur le problème
31:52 du logement.
31:53 Vous savez qu'en France, le coût du logement est très élevé et c'est d'ailleurs ce
31:57 qui fait que les salariés en France sont beaucoup plus pauvres qu'en Allemagne parce
32:01 qu'ils ont un coût de logement très élevé.
32:03 Pour des raisons diverses, là aussi, notamment liées à la crise écologique, on a décidé
32:08 d'arrêter la construction de logements.
32:09 Mais si on arrête la construction de logements, il faut arrêter aussi l'augmentation de
32:14 la population parce que là, il y a une contradiction.
32:16 Si on bloque la production de logements comme c'est actuellement le cas et qu'on laisse
32:21 l'immigration se poursuivre au rythme actuel, on va vers une augmentation des prix du logement
32:28 et donc vers une aggravation de la crise et des conditions socio-économiques des pauvres.
32:32 Tout ça n'est pas pensé, n'est pas débattu et c'est très étonnant.
32:37 Vous avez développé dans un autre texte, je me permets de passer d'un texte à l'autre
32:40 parce que vous avez développé une vision assez complète qui posait la question du
32:45 vide de sens.
32:46 La crise de sens dans la société française, ça touchait tout à fois la consommation
32:50 de drogue, des psychotropes, la régulation pharmaceutique des émotions, la régulation
32:54 chimique des émotions pourrait-on dire.
32:56 Lorsque vous utilisez l'expression crise de sens, qu'entendez-vous par là et de quelle
33:00 manière les Français y répondent-ils?
33:02 Il y a beaucoup de niveaux en réalité.
33:05 Il y a beaucoup de niveaux mais on vit dans une société très anxiogène parce que moi,
33:10 vu mon âge, ça fait 40 ans que j'entends parler de la crise de l'école.
33:16 Au début on disait que ce n'était pas sérieux, que le niveau montait, etc.
33:19 Et puis on a commencé à prendre conscience qu'il y a une telle crise de l'école aujourd'hui
33:23 qu'on est parmi les derniers au classement PISA et qu'on découvre cette semaine qu'un
33:29 enfant qui rentre en sixième ne sait pas que dans trois quarts il y a trois.
33:35 Donc la crise est très grave et on voit qu'il n'y a pas de débat, de prise de conscience,
33:42 de volonté.
33:43 C'est une des politiques publiques les plus importantes pour les Français depuis toujours.
33:47 C'est le fondement de la République en France, l'école.
33:50 Et l'école coule.
33:51 C'est un problème qui est angoissant quand on veut avoir des enfants.
33:56 Mais il y en a bien d'autres.
33:57 Les Français étaient très attachés aux services publics.
33:59 On leur a dit que la libéralisation des services publics allait aboutir à un mieux pour eux,
34:06 notamment en faisant baisser les coûts.
34:07 Vous savez, cet été j'étais en Bretagne, j'ai voulu essayer de faire poser une boxe
34:13 chez moi.
34:14 Moralité, au bout de deux mois, il n'y a toujours pas de boxe.
34:18 Il n'y a toujours pas de boxe parce que les personnes qui sont chargées de le faire sont
34:22 très très loin.
34:23 Elles agissent par téléphone uniquement et elles n'ont aucun contact avec le réel.
34:28 Et on peut prendre cet exemple.
34:29 Hier j'ai pris le TGV entre Bordeaux et Paris.
34:32 Vous savez, on nous a dit c'est formidable, maintenant il va mettre deux heures.
34:35 J'ai pris un train qui faisait deux heures et demie, il est arrivé avec une heure et
34:37 quart de retard.
34:38 C'est ça le quotidien, tous les jours dans la vie des Français.
34:41 Les services publics ne sont plus publics, ce sont des services plus ou moins privatisés
34:46 qui dysfonctionnent très profondément dans tous les domaines.
34:50 La poste, les bureaux qui ferment, les télécoms en général, la SNCF, etc.
34:57 Donc les Français vivaient dans un certain confort.
34:59 Ils vivaient dans un confort matériel très grand lié à ces services publics.
35:04 Ces services publics se sont effilochés.
35:05 Il n'y a plus d'interlocuteurs, il n'y a plus de personnes présentes.
35:09 Donc si vous voulez, la crise de sens, elle a ce niveau-là.
35:11 Elle a le niveau où les Français sont habitués à attendre beaucoup de l'État.
35:15 L'État ne répond plus.
35:16 Et puis il y a bien sûr la question des croyances, il y a la question spirituelle.
35:20 On voit très bien que cette surconsommation de drogue et de psychotropes en France, elle
35:25 reflète un grand malaise.
35:27 Et quand vous êtes dans un grand malaise, vous savez, on reparlait de la démographie,
35:30 donc faire des enfants, par exemple, c'est avoir foi en l'avenir.
35:34 Si vous n'avez foi en rien, vous ne faites pas d'enfant, puisque c'est une croyance.
35:38 Vous croyez que vos enfants vivront bien.
35:39 Si vous pensez être sûr que ça va mal se terminer, effectivement, et que vous êtes
35:43 un peu désespéré, vous n'en faites pas.
35:45 C'est là où on en est.
35:46 Donc oui, il y a un problème de sens, mais avec plusieurs exceptions.
35:51 Eh bien, c'est terminé.
35:53 Un grand merci Pierre Vermeren.
35:54 Merci à tous les deux, Arthur de Vatrigan et Mathieu Bocquete.
35:58 Je rappelle les deux livres, entre autres, que vous avez pu écrire, "La France qui
36:03 déclasse" et "L'impasse de la métropolisation".
36:07 Dans un instant, l'heure des pro 2, avec énormément de séquences, notamment, on va
36:13 revenir en longueur sur le discours du pape François, "Les images fortes".
36:18 On reviendra aussi sur cette manifestation contre les violences policières, contre le
36:22 racisme systémique.
36:23 Je vais vous proposer deux séquences qui témoignent de ce racisme systémique et des
36:28 violences policières, bien évidemment, puisque vous avez des policiers qui ont été pris
36:31 à partie et des policiers qui ont été insultés.
36:34 "Sale race", on a dit aux policiers dans les rues parisiennes cet après-midi.
36:38 Vous verrez ça dans un instant.
36:40 ...

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