Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Quasiment 20 heures sur CNews, merci d'être avec nous pour Face à Beaucoter, avec Mathieu Beaucoter bien sûr.
00:05 Bonsoir, cher Mathieu.
00:06 Bonsoir.
00:07 Vous avez décidé de bousculer un peu votre émission ce soir au vu de l'actualité internationale et la rébellion du groupe Wagner,
00:14 qui n'en est plus une, qui est avancée en direction de Moscou avant de se rétracter.
00:19 Votre invité, qui devait venir en deuxième partie finalement, est déjà là pour qu'on revienne sur cette actualité-là.
00:24 Laurent Gaillard, bonsoir, merci d'être avec nous.
00:26 Bonsoir.
00:27 Vous êtes chercheur en sciences politiques, Arthur de Vatrigan complète ce plateau comme chaque samedi.
00:33 Je vous donne juste les toutes dernières informations, Mathieu, pour que tout soit clair.
00:37 Il est 19h21, très précisément, lorsque le président bélarusse Alexandre Loukachenko affirme avoir négocié avec Prigojin l'arrêt des mouvements de ses troupes.
00:47 14 minutes plus tard, toujours très précisément, donc il est 19h35, Prigojin annonce que ses hommes rentrent pour éviter un bain de sang.
00:56 Et puis deux heures plus tôt, dans le même temps, vous aviez le maire de Moscou qui annonçait une situation très difficile,
01:02 instaurait dans la capitale le régime d'opération antiterroriste et que lundi serait un jour chômé.
01:07 Et puis en France, le Quai d'Orsay recommande à ses ressortissants d'éviter les déplacements en Russie.
01:12 J'ai essayé d'être le plus clair possible en vous donnant les toutes dernières informations et revenir sur ce qui se passait,
01:17 c'est-à-dire qu'il y a encore une heure et demie, même pas, on se disait il y a un putsch en ce moment du côté de Moscou.
01:22 Oui, en fait, c'est assez fascinant. C'est une mise en garde contre tous ceux qui ont transformé l'analyse de cette guerre en téléréalité de la guerre ukrainienne,
01:31 qu'on peut peut-être le voir ailleurs, des gens qui commentent en temps réel comme si chaque fois le moment était définitif,
01:36 avec quelquefois une perte de contexte, une perte d'environnement.
01:39 Et ce qu'on va chercher à faire dans la prochaine heure, c'est prendre prétexte des derniers événements pour avoir une réflexion de fond,
01:46 à tout le moins on essaiera, sur la situation plus large de la Russie où en sommes-nous aujourd'hui.
01:52 Et pour en parler, je reçois avec grand plaisir Laurent Gaillard. Bonsoir.
01:55 Merci. Bonsoir.
01:56 Alors, question toute simple. Hier soir, ce matin, on a l'impression que la Russie est au moment de basculer dans une forme de guerre civile qui ne dit pas son nom.
02:06 On a l'impression qu'une bande de mercenaires qui font écho à d'autres périodes dans l'histoire sont en situation de prendre le pouvoir,
02:12 de déstabiliser le pays, d'attraper avec eux une partie de l'armée pour être capable de changer la donne complètement.
02:19 En fin de journée, la situation est tout à fait différente.
02:22 Mais il y a une chose néanmoins qui surprend, et c'est la première question que je vous poserai.
02:26 On avait l'impression que la Russie était tenue fermement par Vladimir Poutine, que c'était un autocrate qui tenait son pays,
02:34 qu'il y avait une absence de contestation, sauf dans les marches, sauf dans la société civile.
02:38 Et là, ce qu'on constate, c'est qu'au cœur même de son pouvoir, il peut être contesté.
02:42 Au cœur même des forces armées, son autorité semblait moins forte qu'on ne le croyait. Comment expliquer cela ?
02:48 Je voudrais demander, d'abord, qui avait cette impression ? Cette impression que la Russie était tenue de manière ferme, était un étaphore.
02:58 Qui a transmis, a diffusé cette idée ? Parce que cette idée repose sur une illusion, ou du moins une méconnaissance des rapports de force complexes et fragiles,
03:10 entre d'une part une bureaucratie qui en Russie est très ancienne, qu'on peut presque faire remonter au XVIe siècle, au tsarisme,
03:18 à la mise en place d'un vieux système de taxation reposant sur des chefs-logos, des boyards qu'on appelait à l'époque le corps millénaire,
03:25 qu'on pourrait presque traduire aujourd'hui littéralement par système d'alimentation.
03:30 Donc des rapports de force entre une bureaucratie ancienne, puissante, qui s'est renouvelée au fil de l'histoire,
03:37 qui a changé de visage, de nom, mais qui s'est aussi complexifiée.
03:41 Donc, rapport entre cette bureaucratie, mais également entre un système qu'on peut qualifier de système mafieux,
03:48 on dirait en anglais un mob state, reposant sur un entourage à plusieurs niveaux qui entoure le président russe,
03:55 qui existait déjà du temps de Vladimir Yeltsin.
03:57 Et puis, rapport troisième facteur de cet élément de ce jeu à plusieurs, des intérêts privés puissants,
04:13 représentés par ceux qu'on appelait toujours les oligarques, représentants du pouvoir privé,
04:22 et puis également ceux qu'on appelle depuis plus récemment les silovikis,
04:26 qui sont des anciens du FSB, des anciennes figures de l'administration russe,
04:32 qui forment le cercle restreint entourant Vladimir Poutine.
04:36 Donc, il n'y a pas d'autocratie. On peut qualifier la Russie d'autocratie,
04:42 mais il ne fallait pas perdre de vue que cette autocratie repose sur un équilibre fragile,
04:48 et que finalement, ce à quoi on assiste encore, c'est un acte supplémentaire auquel on assiste maintenant,
04:53 c'est quand même une guerre des clans, un rapport au summum de l'État russe,
05:01 pour savoir qui maintient son pouvoir sur la machine administrative, sur la machine militaire également.
05:09 Ce qui se passe avec Wagner, ça illustre aussi les rapports de force entre l'armée russe,
05:14 les services secrets de l'armée russe, le GRU, et aussi le FSB,
05:18 et Wagner qui est un peu, je dirais, la wild card, le joker,
05:22 que peut utiliser d'ailleurs aussi Vladimir Poutine pour renforcer son propre pouvoir.
05:28 Donc, on n'est pas, la Russie, pour plagier une célèbre citation à propos d'un tout autre sujet,
05:38 la Russie n'est pas un bloc, et la Russie de Vladimir Poutine n'a jamais été un bloc.
05:42 Elle est un État autoritaire, mais qui repose sur des rapports de force et des conflits internes
05:47 qui peuvent déboucher sur des événements très soudains, comme celui dont on vient d'être témoin.
05:53 Et on reviendra dans quelques instants sur la fragmentation possible de la Russie.
05:57 Est-ce un scénario, on l'évoquait depuis quelques mois, est-ce que c'est une possibilité ?
06:00 Mais pour l'instant, penchons-nous sur cet acteur qui a traversé l'histoire récente de la guerre en Ukraine
06:08 et avec lequel nous sommes presque familiers, et aujourd'hui, qui semblait vouloir marcher sur Moscou avant de faire demi-tour,
06:14 le groupe Wagner.
06:16 Alors, le groupe Wagner, groupe de mercenaires, dans l'esprit, on dit souvent aujourd'hui,
06:20 dans le journalisme militaire, on dit que les mercenaires sont presque l'avenir de la guerre.
06:24 Il y a de grandes compagnies privées qui s'imposent un peu partout dans le monde, aux États-Unis, ailleurs.
06:29 Est-ce que, pourriez-vous nous faire une présentation à la fois de Wagner, de son chef ?
06:35 Que devons-nous comprendre sur cette mouvance, au-delà du commentaire ordinaire
06:39 comme quoi c'est la bande de mercenaires qui faisait la guerre en Ukraine ?
06:42 Il faudrait un roman pour faire une présentation d'Evgeny Prigojin, en fait,
06:45 parce que son parcours est à la fois complètement incroyable et paradoxal.
06:50 Mais pour parler tout d'abord de Wagner, pour évoquer le modèle Wagner,
06:54 on peut penser en effet d'abord au groupe, au modèle du mercenariat privé,
06:57 et on pense tout de suite à Blackwater, société de mercenaires qui a fait ses premières armes en Irak,
07:03 plutôt du côté américain, et qui, je dirais, était le premier grand modèle,
07:07 au début des années 2000, le premier modèle à ces groupes de mercenariats privés
07:12 qui vont prendre ensuite plus d'importance.
07:16 Le retour des mercenaires, ça date vraiment du début des années 2000 ?
07:19 Non, ça date...
07:20 L'essentiel du XXe siècle, on le traverse sans ce modèle ?
07:22 C'est bien plus ancien, et d'ailleurs, on peut voir que Wagner a des racines historiques
07:27 beaucoup plus anciennes.
07:29 Disons que Blackwater remet au goût du jour, médiatiquement,
07:34 un modèle qui existait depuis déjà assez longtemps.
07:37 Wagner semble marcher sur les mêmes traces,
07:39 c'est-à-dire un groupe de mercenariats privés dont on apprend l'existence
07:42 par le site russe fontank.ru en 2015,
07:47 on apprend son existence dans le contexte du conflit au Donbass,
07:51 et les soldats de Wagner, je dirais que le parallèle avec Blackwater,
07:55 dont j'ai parlé tout de suite, s'arrête là, dans le sens où Wagner
07:58 est à la fois un groupe de mercenariats privés, mais aussi un outil
08:02 qui reste placé sous la houlette, sous la supervision du GRU,
08:07 c'est-à-dire les services secrets de l'armée russe.
08:12 C'est un groupe qui va servir notamment, de manière très utile,
08:18 dans le cadre de la guerre au Donbass entre 2014 et 2022,
08:21 à maintenir une présence russe tout en pouvant nier cette présence russe.
08:27 Ça a des racines historiques très anciennes, parce que c'est déjà une tactique
08:32 qui est utilisée même jusqu'à Staline pendant la guerre civile espagnole,
08:36 qui va envoyer des soldats russes en Espagne, qui vont être des conseillers militaires.
08:43 Ce n'est pas une tactique utilisée dont la Russie ou l'Union soviétique
08:47 avaient l'apanage. On voit l'utiliser pendant les années 30 en Espagne.
08:51 C'est quelque chose qu'avant le coup d'État en Afghanistan, par exemple, en 1978,
08:56 on voit l'utiliser aussi par l'armée soviétique, qui va utiliser des groupes
09:00 qui lui sont liés, mais qui ne sont pas directement liés aux forces soviétiques.
09:04 Et Wagner, c'est un peu ça. C'est un groupe privé, mais qui est quand même
09:08 plus ou moins lâchement... - Un peu moins privé que les compagnies américaines.
09:13 - Un peu moins, oui. Ça reste quand même... Wagner garde un lien assez fort
09:19 avec notamment le GRU, et toléré par l'armée russe et par le FSB,
09:25 mais tout en restant une entité plus ou moins indépendante.
09:29 - Et on arrivera bientôt sur la figure de son fondateur, mais ces derniers temps,
09:33 on notait dans le discours public, mais qu'est-ce qui relève de la propagande,
09:37 qu'est-ce qui relève de la vérité des faits? On notait une tension, par exemple,
09:40 entre Wagner d'un côté et l'état-major russe, des tensions entre Wagner et l'armée russe.
09:46 Ces tensions n'étaient pas artificielles, elles ne relèveraient pas de la propagande,
09:49 elles étaient réelles? - Oui, je pense que ces tensions
09:52 étaient réelles. Elles sont dues à la fois à la personnalité d'Evgeny Prigojin,
09:55 elles sont dues aussi aux luttes d'influence entre des personnalités très fortes
10:02 et antagonistes au sein de l'état russe, c'est-à-dire entre Prigojin et par exemple
10:07 Sergei Shoigu, ministre de la Défense, qui est détesté par Prigojin.
10:11 Elles peuvent révéler aussi, elles peuvent être à un certain degré,
10:15 mais là je fais un peu plus de prospective, être instrumentalisées par Vladimir Poutine
10:18 dans le sens où Vladimir Poutine continue à le souci d'affermir son pouvoir
10:23 sur l'armée russe elle-même et le commandement russe, et que Wagner peut représenter
10:29 pour Vladimir Poutine justement un moyen de faire pression sur l'armée russe
10:35 en jouant la carte Wagner. Alors vous me direz pourquoi est-ce que Prigojin
10:39 du coup insulte, attaque la stratégie de Vladimir Poutine, voire attaque maintenant
10:46 personnellement Vladimir Poutine, parce qu'il n'a cessé de multiplier les provocations
10:50 et qu'on voit tolérée de manière assez surprenante par Vladimir Poutine
10:54 depuis plusieurs mois en fait. Je dupe entre le président russe je pense
11:03 et le patron de Wagner, qui reste je pense de par son parcours
11:08 quelqu'un de relativement incontrôlable. C'est quelqu'un aussi, j'ajouterais juste ça,
11:13 qui connaît très bien Vladimir Poutine parce qu'il est dans l'entourage du président russe
11:18 depuis les années 90, depuis qu'il dirige cette société qui s'appelle
11:24 Catherine Concorde, et une société de restauration en fait, qui a fait que
11:30 avant d'être le patron de Wagner, Evgeny Prigojin était le, en quelque sorte,
11:36 le cuisinier si on peut dire de Vladimir Poutine.
11:39 Alors revenons-en sur ça, je passe ensuite la parole à Arthur de Vatrigan,
11:42 mais une question sur la personnalité de cet homme tout à fait singulier.
11:46 Donc on dit le cuisinier de Poutine, je crois comprendre qu'il a eu un parcours,
11:49 on l'a déjà retrouvé en prison, on lui prête quelquefois une personnalité de voyou.
11:54 Pourriez-vous nous faire le portrait de cet homme qui aujourd'hui s'improvisait
11:57 peut-être, peut-être, lancé une charge, avant de faire demi-tour, sur Moscou.
12:02 Pourriez-vous nous faire son portrait et ensuite la parole à Arthur de Vatrigan.
12:05 Alors pour en tracer un portrait rapide, il est né en 1961 et connaît dans les années 80,
12:11 dans les années 70, dans les années 80, pardon, d'abord une carrière de petit délinquant,
12:17 de détrousseur de rue littéralement, qui l'amène en prison pendant 10 ans.
12:22 Et à sa sortie de prison, Prigojin va se lancer dans les affaires avec un certain nez,
12:29 qui l'amène à saisir les opportunités et qui l'amène notamment à fonder
12:37 Catherine Concorde, une société de restauration, qu'il va utiliser, qu'il va mettre au service
12:44 de différentes personnalités influentes et d'hommes d'influence au sein du pouvoir russe.
12:53 D'une certaine manière, la comparaison est peut-être osée, mais je le comparerais un petit peu
12:59 au Donald Trump des années 80, avec le même sens à la fois de l'outrance et un certain sens des affaires,
13:08 peut-être pas quand même le même parcours criminel.
13:12 Ensuite, en 2013, Prigojin va fonder l'Internet Research Foundation,
13:18 qui est considéré comme une usine à troll basée à Saint-Pétersbourg, il me semble,
13:24 et qui mène une activité de propagande intensive sur les médias sociaux, notamment occidentaux.
13:32 Et c'est en 2015 que le site Fontanka, dont je parlais tout à l'heure, révèle,
13:37 et Prigojin lui-même le confirme, qu'il est le patron de Wagner, société de mercenariats supposément privés.
13:45 Alors toujours sur Wagner et Prigojin, Arthur de Vatrigan.
13:48 – Justement, si on enlève l'hypothèse que c'est une manipulation ou une carte à jouer pour Vladimir Poutine,
13:54 son offensive là, qui a priori s'est arrêtée, quel a été selon vous l'objectif ?
13:58 C'est de prendre le pouvoir militaire ou l'ambition de prendre le pouvoir même politique ?
14:04 – Je ne sais pas, parce que je ne suis pas dans la tête d'Evgeny Prigojin,
14:07 mais en tout cas, c'est certainement une démonstration de force.
14:11 Si on s'arrête aux dernières nouvelles qu'on a pu recevoir,
14:18 les troupes de Wagner se sont arrêtées à 200 km de Moscou, en quelques heures.
14:25 La rapidité de cette séquence est en elle-même époustouflante.
14:30 Donc c'est déjà une démonstration de force de la part d'Evgeny Prigojin,
14:35 c'est-à-dire le fait de pouvoir dire, je peux quand même, je dispose de 25 à 40 000 hommes
14:41 et je peux les mobiliser de manière très rapide pour donner une leçon à Moscou.
14:48 D'autant plus facilement, que ça peut paraître d'ailleurs très surprenant
14:51 de voir Wagner progresser aussi rapidement,
14:54 en fait les trois quarts de l'armée russe sont en Ukraine.
14:57 Donc quand Wagner s'est retourné vers Moscou,
14:59 j'imagine qu'il n'y a pas forcément beaucoup de monde pour arrêter Wagner,
15:02 qui représente quand même un état dans l'état en Russie.
15:06 Maintenant, Wagner cherchait-il à prendre le pouvoir s'il était arrivé ?
15:13 Alors là le problème c'est quoi ?
15:15 La rapidité des événements nous amène à mettre Paris en bouteille,
15:19 si je peux mettre l'expression…
15:21 – Mais est-ce que ce personnage a eu des ambitions politiques
15:25 dans ses déclarations, ses offenses, ses attaques envers Vladimir Poutine ou son armée,
15:29 ou il reste uniquement sur la stratégie militaire
15:32 et pas sur la stratégie plus globale du pays ?
15:35 – Le personnage je pense a sûrement des ambitions politiques,
15:37 parce qu'après tout il a eu de cesse de les affirmer,
15:40 en se rapprochant et en intégrant,
15:42 peut-être pas le premier entourage de Vladimir Poutine,
15:44 mais au moins le second entourage, jusqu'à jouer tout de même un rôle,
15:48 aujourd'hui déterminant dans la poursuite de l'offensive russe en Ukraine,
15:56 et jusqu'à s'imposer aujourd'hui,
15:59 quand on pense aujourd'hui,
16:01 quand on évoque la possible succession de Vladimir Poutine,
16:04 aujourd'hui Evgeny Prigojin apparaît comme le joker en fait,
16:08 mais son nom en tout cas peut être cité
16:12 aux côtés d'autres figures beaucoup plus technocratiques,
16:15 comme Mirail Mishustin par exemple l'actuel Premier ministre,
16:19 ou le maire de Moscou dont je remarque qu'on parle de plus en plus ces derniers temps,
16:23 Sergei Sobyanin, mais on évoque aussi Evgeny Prigojin.
16:27 Alors en même temps Evgeny Prigojin doit être tout à fait au courant
16:31 qu'une grande partie de l'établissement militaire russe le déteste,
16:36 ainsi que l'établissement politique,
16:38 ses soutiens politiques ne sont pas assez solides,
16:44 dans l'optique, mais là on fait vraiment des scies,
16:47 où il serait arrivé à Moscou, Vladimir Poutine aurait quitté Moscou,
16:51 et on voit l'écharpe de Wagner débarquer à Moscou,
16:53 qu'aurait fait Prigojin à partir de là en fait,
16:56 après ce coup de poker en fait.
16:59 Son rapprochement, c'est un personnage assez imprévisible,
17:03 son rapprochement avec Ramzan Gadyrov par exemple, récent,
17:06 est assez surprenant lui aussi.
17:09 – Et je reviens sur le paysage politique et politico-militaire russe,
17:13 alors encore une fois, vous nous l'avez dit dès le début,
17:16 si Poutine vu de l'extérieur était un homme qui contrôlait son pays,
17:19 et l'avait en main, ça ne correspondait pas à la réalité.
17:22 Est-ce que ou à tout le moins, c'est une réalité beaucoup plus complexe.
17:25 Mais là, on fait un espèce de portrait, j'aurais rajouté des éléments,
17:28 l'armée, les tensions dans l'armée, Gadyrov, Wagner,
17:33 est-ce que vu de loin, mais vu de près aussi,
17:35 est-ce que le pouvoir de Vladimir Poutine n'a jamais été aussi remis en question,
17:39 si autant de chefs de guerre, de chefs de clan,
17:42 sont capables de mener leur propre politique,
17:45 quitte à le défier, quitte à se défier les uns les autres.
17:48 Quand les féodaux se permettent de mener leur propre politique,
17:52 en ne tenant pas compte de la volonté de l'empereur ou du roi,
17:54 est-ce que ce n'est pas un moment où le roi semble déculotté ?
17:57 - Oui, d'autant plus que Vladimir Poutine a quand même fondé son accession au pouvoir,
18:01 en partie, d'une part sur ses capacités à se montrer utile auprès de Boris Yeltsin,
18:06 quand il a permis à Boris Yeltsin de se débarrasser de l'enquête embarrassante
18:14 qui pesait sur lui à la fin des années 90,
18:19 d'éviter d'être traduit en justice pour détournement de fonds
18:25 dans le chantier de restauration de l'ermitage.
18:27 C'est à ce moment-là que Vladimir Poutine va se révéler auprès de l'entourage de Yeltsin,
18:31 donc il démontre des qualités à la fois politiques et héritées du FSB,
18:35 mais par la suite, entre le moment où Yeltsin le nomme Premier ministre
18:40 et la campagne qui le voit abréguer la présidence en 2000,
18:43 Poutine va fonder sa popularité sur la guerre en Tchétchénie et sur l'armée.
18:50 C'est la première chose qu'il visite, le premier lieu qu'il visite
18:55 où il se rend quasiment au moment de la campagne présidentielle,
18:58 c'est la Tchétchénie pour soutenir l'armée russe là-bas.
19:01 Alors le paradoxe, c'est qu'arrivé au pouvoir, Vladimir Poutine va essayer,
19:08 va rencontrer peu à peu des difficultés pour maintenir une poigne ferme
19:20 sur l'administration et sur l'armée.
19:23 Mais je dirais qu'il est confronté en cela à une problématique
19:28 qui concerne finalement tous les chefs d'État qui ont défilé en Russie,
19:34 des tsars jusqu'aux autocrates en passant par les chefs d'État totalitaires,
19:38 comment maintenir son pouvoir sur une telle machine administrative,
19:44 une machine aussi complexe parce qu'elle administre un territoire aussi vaste.
19:49 Donc on voit progressivement, au fur et à mesure que les mandats de Poutine
19:53 se succèdent, les clans se reformaient, les clans qui entourent Vladimir Poutine,
20:00 tout d'abord les silovikis dont je parlais tout à l'heure.
20:04 - Les anciens du FSB ou du KGB.
20:06 - Voilà, et puis les silovikis, les technocrates, les anciens oligarques
20:11 qui sont placés à différents postes de responsabilité,
20:17 ainsi que les alliés, on va dire, un peu plus originaux,
20:22 comme Evgeny Prigojine ou encore Ramzan Kadyrov, l'allié tchétchène.
20:27 Donc on voit aujourd'hui des noms tout de même qui, autour de Vladimir Poutine,
20:33 émergent des noms de figures susceptibles de revendiquer le pouvoir
20:39 ou au moins de revendiquer une certaine influence politique
20:42 au sein même de l'appareil d'État russe, Dmitri Medvedev par exemple.
20:47 - Qui autrefois passait pour un modéré et qui, dans le cadre de la guerre,
20:51 s'est radicalisé considérablement.
20:53 - Oui, pas modéré, mais passé pour un modéré, parce que là encore,
20:57 c'est l'image que...
20:58 - Oui, une lecture très occidentale des politiques russes.
21:01 - Je ne pense pas que Medvedev, avant même l'Ukraine,
21:04 passait forcément pour quelqu'un d'aussi modéré en fait.
21:07 Cheville ouvrière de Russie-Uni.
21:09 - De Russie-Uni qui était le parti...
21:11 - De parti gouvernemental fondé au cours de Vladimir Poutine en 2004
21:17 et qui soutient l'action présidentielle.
21:21 Il y a en fait, dans le système politique russe,
21:24 il y a une mamise de l'exécutif sur les autres branches du pouvoir.
21:28 Il y a une mamise de l'exécutif sur la Douma, sur le Conseil des fédérations,
21:32 mais il y a une mamise aussi sur le jeu politique en lui-même
21:36 qui apparaît libre de premier abord.
21:39 - Encore aujourd'hui ?
21:40 - Encore aujourd'hui.
21:41 - Vous présentez que les Russes regardent leur vie politique
21:43 et ils voient une forme de pluralisme apparent ?
21:45 - Non, les Russes n'y croient pas en fait.
21:47 La majorité des Russes n'y croient pas.
21:49 - Est-ce qu'ils ne correspondent à rien ?
21:51 Il y a un véritable pluralisme politique à la Douma ?
21:53 - C'est ce qu'on appelle une opposition systémique.
21:56 Il y a une forme d'opposition de façade qui est entretenue,
22:01 mais à la fin, c'est comme les All Blacks en rugby.
22:05 C'est toujours Russie-Uni qui gagne.
22:07 - Il nous reste une minute quinze pour cette première partie.
22:13 Dernière question sur Wagner dans les circonstances.
22:17 Est-ce qu'on pourrait dire que depuis le début de la guerre en Ukraine,
22:20 Wagner a dévoilé quelque chose comme un agenda politique ?
22:24 Non seulement des ambitions de Prigogine,
22:27 mais on a sa propre stratégie sur le terrain,
22:29 une stratégie qui n'était pas nécessairement celle du commandement,
22:32 donc une armée privée se comportant comme armée privée
22:35 et ne s'inscrivant plus dans la structure militaire russe.
22:37 - En tout cas, ce qui est certain, c'est que Wagner a acquis une visibilité
22:41 et conséquemment un poids politique beaucoup plus important
22:46 avec le déclenchement de la guerre en Ukraine.
22:51 Et si on ajoute à cela la présence qui ne cesse d'augmenter de Wagner en Afrique,
22:56 notamment, on a ici un véritable état dans l'état,
23:02 en tout cas un acteur qui joue un rôle de plus en plus important en Russie.
23:07 Maintenant, ce qu'il reste pour Evgeny Prigogine,
23:10 ce qu'il reste à avoir pour justifier d'ambition politique,
23:13 ce serait les soutiens politiques eux-mêmes.
23:15 Or, je parlais tout à l'heure d'un clan technocrate au sein de l'appareil d'état russe
23:22 qui lui verrait plus sans doute des hommes comme Michoustine ou Sobyanin
23:27 ou peut-être, je pense que Sergei Shogout est beaucoup plus hors course.
23:37 La guerre en Ukraine ne l'a pas servi,
23:40 mais le ministre de l'agriculture actuel, Dmitri Patrushev,
23:44 des figures plus technocratiques que verrait d'un meilleur œil une partie des administrateurs,
23:49 enfin des, comment dire, de l'intelligentsia administrativo-politico-russien.
23:57 On reprend évidemment face à Bock.
23:59 Dans un instant après la publicité, cher Mathieu,
24:02 on avancera avec vos éditos, ou du moins on poursuit l'interview.
24:08 Et puis un peu plus tard, vous aviez prévu un édito politique,
24:11 mais là sur la droite, la gauche française, et on le fera en fin d'émission,
24:15 ce qui permettra de faire la transition sur la semaine 2.
24:19 Philippe Devilliers à 21h.
24:21 Restez avec nous, dans un instant.
24:23 20h30 sur CNews, la seconde partie de Face à Bocoté.
24:29 Mathieu Bocoté, bien sûr, Arthur Devat-Trigan,
24:31 et nous sommes avec Laurent Gaillard, chercheur en sciences politiques.
24:35 On reprend toute la réflexion et tout votre entretien, cher Mathieu,
24:39 autour de la question russe.
24:42 Et je rappelle cette information qui est tombée très précisément à 19h35.
24:47 Prigojin qui annonçait que ses hommes rentraient pour éviter un bain de sang.
24:52 Oui, étrange journée.
24:54 En début de journée, les tanks marchent vers Moscou.
24:56 En fin de journée, ils font demi-tour, ils rentrent pour ne pas avoir de bain de sang.
24:59 Étrange époque, étrange pays.
25:01 Retour, on parlait juste avant la pause,
25:04 on parlait de la succession possible de Poutine.
25:09 Prigojin, dans la presse occidentale, on lui prêtait des ambitions pour la suite.
25:13 Mais une question revient souvent.
25:15 Dans les années 90, il y a eu ce moment où on a cru que la Russie
25:18 allait devenir une extension de l'Europe, une extension ordinaire de l'Europe,
25:22 qu'elle allait devenir une démocratie libérale comme les autres,
25:24 une économie de marché comme les autres, un État social comme les autres.
25:27 Donc c'était cette idée que finalement, le communisme tombant,
25:30 la Russie allait finalement s'occidentaliser intégralement.
25:33 De l'autre côté, il y a un autre fantasme qui existe,
25:36 dans une certaine droite, mais aussi chez Zombie Denchon,
25:39 qui voit la Russie comme le pôle de résistance à l'ordre américain dans le monde,
25:43 au nouvel ordre mondial.
25:45 Et là, on prête à la Russie une vocation de résistance,
25:48 comme si c'était un immense Venezuela.
25:50 Vous pouvez trouver l'image qui nous plaît.
25:52 Fondamentalement, Poutine tombe demain.
25:54 Pas après-demain, mais aujourd'hui, la question s'est posée d'une manière ou de l'autre.
25:57 Est-ce qu'on peut s'attendre véritablement à ce que la Russie renoue
26:01 avec la... c'est le rêve de certains, hein...
26:04 renoue avec son élan démocrate-libéral des années 90,
26:07 ou est-ce qu'au pire, que plusieurs estiment la Poutine,
26:10 on peut rencontrer la figure de l'encore pire?
26:12 - Alors, il y a plusieurs questions dans la question que...
26:15 dans la question que vous me posez. - Oui, c'est tout vite environ.
26:18 - Je vais essayer d'y répondre un peu par... par strat.
26:21 Pour revenir rapidement sur la Russie, l'image que...
26:25 un certain nombre d'acteurs intellectuels et politiques ou journalistiques
26:29 ont retenu de la Russie chez nous depuis quelques années,
26:32 je dirais que quand même, la propagande russe a été efficace à un certain degré.
26:37 Cette image d'une Russie forte qui défend les valeurs
26:41 que l'Occident n'est plus capable de défendre,
26:44 ça a été relayé par un certain nombre d'acteurs,
26:48 soit pour des raisons...
26:51 soit c'est du... le relais de la propagande du Kremlin
26:55 pour des raisons purement idéologiques, voire pour des raisons mercantiles,
26:59 ou par vraiment méconnaissances profondes de ce qu'est la Russie,
27:04 y compris la Russie juste après la guerre froide.
27:07 Et la reproduction, en fait, des erreurs d'interprétation des Occidentaux
27:12 vis-à-vis de la Russie de Yeltsin, en fait.
27:14 Parce qu'en effet, vous avez raison de le souligner,
27:17 en 1900... au début des années 1990,
27:22 une partie des Occidentaux se disent que la Russie,
27:28 finalement, va devenir une sorte de démocratie libérale, comme les autres.
27:32 Alors, vous avez un certain nombre d'intellectuels
27:34 qui critiquent déjà cette vision dès les années 1990.
27:37 Je pense au politologue américain Farid Zakaria,
27:41 qui invente à l'occasion de l'expression "démocratie illibérale"
27:44 en parlant notamment de la Russie de Boris Yeltsin,
27:48 et a raison, puisque l'installation de la Constitution russe de 1993
27:53 se fait dans le sang.
27:55 C'est l'occasion de heurts très violents à Moscou et dans les grandes villes russes,
28:01 qui font d'ailleurs beaucoup plus couler le sang
28:03 que la chute de l'Union soviétique en 1991.
28:07 Mais dès Yeltsin, en tout cas, s'installe un État
28:11 qu'on peut déjà qualifier de semi-autocratique,
28:14 en s'imposant à la fois sur une corruption endémique,
28:18 sur une administration qui reste à la fois extrêmement immobiliste,
28:24 nécrosée, mais néanmoins toute puissante,
28:26 enfin, dans la pure tradition d'Ostoyevskaya.
28:30 Et donc, cette image qu'on entretient de la Russie,
28:34 qui est une image relativement fausse,
28:36 elle va, comment dire, perdurer.
28:40 Et quand Vladimir Poutine arrive au pouvoir,
28:42 lui aussi renvoie, en fait, il change le narratif.
28:45 Et il change le narratif en imposant l'image d'une Russie,
28:49 soudainement dirigée par un homme fort,
28:52 qui est à la tête d'un État fort,
28:54 qui défend, c'est le discours qu'il développe régulièrement
29:00 lors des colloques organisés à côté du lac Valdaï,
29:07 où d'ailleurs vous avez des représentants français qui vont l'écouter,
29:12 je pense à François Fillon qui va l'applaudir en 2015, je crois, en 2014,
29:16 et des discours dans lesquels Poutine fustige la décadence de l'Occident
29:20 et oppose la vigueur traditionnaliste de l'État russe.
29:24 Pour un pays qui est un des pays qui, à ce moment-là,
29:27 pratique le plus la GPR dans le monde, par exemple,
29:30 le traditionnalisme supposé de l'État russe est sérieusement relativisé.
29:35 Donc l'image que nous entretenons de la Russie,
29:41 elle est déformée, aussi bien en France à droite qu'à gauche,
29:46 pour différentes raisons, qui sont surtout idéologiques
29:50 et qui nous amènent à assez mal interpréter ce qu'on a expliqué tout à l'heure,
29:54 c'est le fait que c'est un État autocratique
29:56 qui repose sur un équilibre interne des pouvoirs qui est extrêmement fragile.
30:00 Et là, Yevgeny Prigojin, le patron de Wagner,
30:03 a essayé, comme un chien dans un jeu de quilles,
30:06 de renverser cet équilibre, ou du moins de le faire légèrement, de le perturber.
30:14 Est-ce que Prigojin a des ambitions politiques ?
30:17 Je pense que oui. Lesquelles ? C'est difficile à dire.
30:21 En tout cas, il a mené une démonstration de force
30:25 pour démontrer tout simplement que le pouvoir russe, justement,
30:29 n'a pas forcément engagé dans la tentative d'hier d'invasion de l'Ukraine,
30:36 aujourd'hui au moins de sécurisation du Donbass,
30:40 n'a pas les moyens, finalement, d'assurer sa propre sécurité
30:44 et qu'il est nécessaire d'envisager un renouvellement politique.
30:49 Je pense que si Prigojin n'est pas allé jusqu'au bout,
30:51 c'est peut-être parce qu'il a conscience qu'il n'a pas les soutiens politiques
30:54 nécessaires pour aller jusqu'au bout.
30:56 Maintenant, qu'est-ce qui pourrait arriver ?
30:59 La question de la succession dans un État autocratique
31:02 est par définition chaotique.
31:04 Il y a des processus de reconduction du pouvoir qui ne sont pas là.
31:06 Tu repars la formule "Poutine le pire", mais est-ce que l'encore pire est possible ?
31:11 Il est toujours possible.
31:13 Poutine n'est pas forcément le pire de ce qu'on peut attendre, en fait,
31:20 d'un changement politique brutal en Russie.
31:27 Mais quels sont ces autres courants politiques qui seraient susceptibles ?
31:31 Je pèse mes mots, j'utilise tous les guillemets,
31:34 mais qui pourraient donner l'impression que dans l'équilibre russe,
31:37 Poutine n'est pas la figure la plus radicale.
31:39 Quels sont les courants plus radicaux ?
31:41 Par exemple, on parle souvent d'une figure,
31:43 une espèce de pape improbable de la géopolitique russe,
31:45 qui est Alexandre Dougin.
31:47 Mais quels sont ces autres courants qui considèrent que Poutine ne va pas assez loin
31:53 et qui pourraient peser dans sa succession ?
31:55 Alexandre Dougin, en fait, ce n'est pas un homme politique,
31:57 c'est un intellectuel.
31:59 Cela dit, il représente tout de même un courant intellectuel
32:03 qui a une influence qui est le racisme, en fait,
32:07 qui d'ailleurs ne milite pas forcément pour l'établissement de la Russie
32:15 en tant que nation, mais je dirais plutôt pour l'extension à la fois,
32:20 presque pour une forme d'extension à la fois impériale spirituelle
32:26 et civilisationnelle, en fait.
32:29 Et en ce sens, il incarne une frange assez radicale
32:35 par rapport au pouvoir russe.
32:40 On peut penser aussi en Russie à…
32:45 Tout à l'heure, j'évoquais la présence de plusieurs courants
32:47 au sein de l'été légé ancien russe.
32:51 Je dirais que ce sont plus des réseaux d'influence,
32:55 les proches de Poutine, les Silyovikis que j'évoquais tout à l'heure,
33:01 le courant technocrate qui miserait plutôt sur des personnalités
33:07 qui apparaîtraient plus consensuelles.
33:10 Je citais tout à l'heure le Premier ministre Mirai Michoustine
33:14 ou le maire de Moscou, Sergei Sobyanin.
33:18 On avait un temps la figure de Sergei Shoigu,
33:21 aussi proche de Vladimir Poutine,
33:24 dont le nationalisme pourrait inquiéter s'il arrivait au pouvoir.
33:30 Evgeny Prigojin et Ramzan Gadyrov sont deux figures assez inquiétantes,
33:34 mais à ce jour, du moins,
33:37 il ne semble pas qu'elles aient assez de soutien politique,
33:40 qu'elles bénéficient d'assez de soutien politique
33:43 pour pouvoir arriver au pouvoir.
33:45 Ce qui peut être plus intéressant et inquiétant en Russie,
33:52 c'est la perspective de la fragmentation territoriale.
33:56 La Russie est un empire multinational.
33:58 Cet empire s'est un peu décomposé avec la chute de l'URSS.
34:02 Les Pays-Bas ont repris leur indépendance.
34:05 Est-ce qu'il pourrait y avoir une nouvelle vague de décomposition
34:08 ou de fragmentation de la Russie
34:10 si la succession ne se passait pas de manière normale
34:14 et sous signe d'une certaine inquiétude ?
34:16 La Russie n'est pas...
34:19 C'est Gleb Pavlovsky,
34:22 ancienne éminence grise de Vladimir Poutine,
34:26 du moins jusqu'en 2011,
34:28 qui est considéré comme l'un des théoriciens du poutinisme en politique,
34:32 mais qui a fini par quitter l'orbite de Poutine
34:36 et devenir un de ses opposants.
34:37 C'est Gleb Pavlovsky qui affirme,
34:40 au moment où il rompt avec Poutine,
34:42 que pour lui, la Russie n'est pas une nation
34:44 et que la malédiction des Russes
34:47 est de ne pas réussir à former une nation.
34:49 En effet, je pense qu'on peut considérer
34:51 que la Russie n'est pas une nation, c'est un empire.
34:53 Et comme tout empire...
34:54 - Multinational.
34:55 - Multinational, exactement.
34:57 Et elle est donc menacée par l'éclatement
35:00 en de multiples composantes et en de multiples fragments.
35:03 Alors ce qui menace, à mon sens, la Russie,
35:06 dans le processus de succession à Vladimir Poutine,
35:09 parce que même si Vladimir Poutine reste encore un certain temps au pouvoir,
35:12 il faut quand même envisager ce processus de succession.
35:15 Ce qui menace, c'est à la fois la fragmentation politique
35:18 entre différents groupes d'influence,
35:20 entre différentes figures,
35:22 j'en ai évoqué quelques-unes pour répondre à votre question,
35:25 Choygou, Medvedev, Michoustine, Sobyanin,
35:30 sans compter les vieux briscards du jeu politique russe,
35:35 ou les Silouheki de Oran, Victor Ivanov.
35:41 Donc une fragmentation, une lutte d'influence
35:44 sous un môme de l'appareil administratif
35:46 et de l'appareil d'État russe,
35:48 une lutte d'influence entre les instances militaires,
35:50 GRU, FSB, armées russes,
35:53 et puis une fragmentation, pas seulement politique,
35:55 mais une fragmentation territoriale.
35:57 La Sibérie, la Russie européenne, le Caucase,
36:01 autant d'éléments qui font de cet État pluriethnique un puzzle pluriethnique.
36:12 - Mais est-ce que certaines régions sont davantage susceptibles que d'autres
36:15 de s'arracher à la fédération de Russie,
36:17 enfin à la Russie, si demain l'Empire était en voie de dislocation généralisée?
36:22 Mais est-ce que les mouvements nationalistes plus forts que d'autres
36:25 pourraient demain profiter d'une crise pour s'en dégager
36:28 comme aucune fois d'autres pays s'en sont séparés?
36:30 - Disons que historiquement, la partie de la Russie
36:33 qui est plus proche du pouvoir et de la fédération de Russie,
36:35 du pouvoir centralisé de la fédération de Russie,
36:38 ça reste la Russie européenne, la région de Moscou à Saint-Pétersbourg.
36:42 Mais si on pense sécession, on va penser au Caucase
36:49 et à l'énorme bloc sibérien et aux régions autonomes
36:54 de la Russie septentrionale et la Russie sibérienne,
37:00 qui sont loin du pouvoir.
37:02 Et un pouvoir dont la principale, dans l'histoire russe,
37:06 des tsars jusqu'à nos jours, le principal souci,
37:09 c'est quand même contrôler cet immense territoire.
37:11 Et là, on voit encore, on a encore la démonstration
37:14 qu'en l'espace de quelques heures, un groupe rebelle
37:17 fait 200 km avec quelques centaines de véhicules
37:22 pour se rapprocher à 200 km de Moscou.
37:25 Évidemment, il y a une partie de l'armée russe
37:27 qui est les trois quarts sont en Ukraine.
37:29 Donc, il n'y a pas grand monde pour l'arrêter.
37:31 Mais une fois de plus, ça remet sur la table
37:33 cette problématique effrayante de tout temps pour le pouvoir russe,
37:36 c'est-à-dire comment contrôler, comment faire face
37:39 à des mouvements de sécession soudains sur un territoire aussi immense,
37:43 comment les contrôler et les empêcher.
37:47 Tout est une question de contrôle politique.
37:49 Et là, on voit, on peut se dire que ce contrôle politique
37:53 est en train d'échapper, de glisser des mains,
37:55 tout de même de Vladimir Poutine,
37:57 même si on ne peut pas parier sur son renversement prochain, évidemment.
38:01 - Arsene Vatrigan.
38:02 - Vladimir Poutine a reçu un soutien,
38:04 un seul soutien d'un pays extérieur, rapide et très clair,
38:08 c'est celui d'Erdogan.
38:10 Comment l'interpréter ce soutien d'Erdogan ?
38:12 On va le faire par l'opportunisme d'Erdogan, tout d'abord,
38:14 qui essaye de jouer à la fois, depuis le début du conflit,
38:16 à la fois la carte ukrainienne et la carte russe,
38:19 et puis peut-être par une certaine solidarité dans le coup d'État,
38:21 si j'osais l'expression.
38:22 Erdogan lui-même, en 2016, a été victime d'une tentative de coup d'État,
38:28 mais qu'il a parfaitement instrumentalisée pour reprendre en main,
38:32 de manière assez brutale d'ailleurs, l'administration et,
38:36 comment dire, l'armée turque et la Turquie.
38:39 Donc Erdogan, d'ailleurs, a clairement fait comprendre
38:45 à ses partenaires occidentaux à cette occasion,
38:48 qu'il avait très peu apprécié justement le manque de réaction
38:51 et de soutien des nations occidentales,
38:55 et notamment de ses partenaires de l'OTAN, à l'issue du coup d'État,
39:00 notamment les manifestations de joie timide,
39:03 c'est le moins qu'on puisse dire,
39:05 à l'annonce du maintien au pouvoir d'Erdogan.
39:08 Donc il y a une certaine solidarité,
39:11 et il y a la volonté chez Erdogan de jouer sur plusieurs tableaux, je pense.
39:17 Et puis il y a, je pense aussi, le fait qu'il n'est pas forcément rassurant
39:20 pour Erdogan d'avoir à ses portes une Russie qui soudain sombre dans le chaos politique.
39:27 - Et ça, c'est une question à laquelle nous sommes conduits presque inévitablement.
39:31 La grande question, je dirais, des 5, 6, 7, 10 dernières années,
39:35 on se demandait, presque un cycle historique,
39:37 est-ce que les démocraties occidentales sont épuisées?
39:40 Est-ce que les modèles dits autoritaires en Chine, en Russie,
39:43 dans le cas de la Turquie, n'avaient pas une capacité plus grande de manœuvrer
39:47 dans le monde qui est le nôtre aujourd'hui,
39:50 à la fois mondialisation, multipolaire, un monde chaotique, un monde tragique?
39:54 Il y avait plusieurs hommes politiques occidentaux
39:56 qui confessaient une sympathie très nette, par exemple, pour le modèle chinois.
39:59 Est-ce qu'au terme de cette année et demie à peu près de guerre en Russie,
40:03 est-ce qu'à certains égards, en Ukraine, pardonnez-moi,
40:06 est-ce qu'on n'est pas en droit de se dire que le contre-modèle autoritaire
40:09 fantasmé par certains est sérieusement affaibli devant nous aujourd'hui?
40:13 Je vous poserai ensuite une question sur les pays frontaliers de la Russie
40:17 qui ont peut-être un peu moins peur d'elle aujourd'hui qu'hier,
40:19 mais d'abord cette question sur la fragilisation des régimes autoritaires.
40:22 Je pense que la fragilisation des régimes autoritaires met en lumière
40:28 le fait que l'on peut se laisser illusionner par la force.
40:33 Les régimes autoritaires impressionnent, donnent l'illusion de la force
40:40 parce qu'ils semblent mener d'une main de fer leur population et les dissensions internes,
40:51 mais cette illusion de force est une illusion parce qu'elle masque finalement,
40:56 sous des dehors autoritaires, les tensions internes
41:01 qui peuvent soudain éclater de manière complètement imprévisible
41:05 et emporter en un temps très court des régimes qui se sont maintenus
41:14 pendant 20, 25 ou 30 ans.
41:17 Anna Arendt a des pages fantastiques sur le devenir des régimes totalitaires
41:21 et sur leur capacité aussi bien à durer qu'à chuter très rapidement.
41:26 Donc ces régimes donnent l'illusion de la force
41:28 parce qu'ils donnent l'illusion qu'ils maîtrisent toutes les tensions internes.
41:33 Au contraire, les démocraties libérales semblent donner l'illusion
41:37 de régimes qui seraient finalement assez faibles, chaotiques, anarchiques
41:44 parce qu'ils ont la faiblesse de reposer sur le consensus.
41:49 Mais je pense personnellement que la culture du compromis et du consensus
41:55 est une force des démocraties libérales qui leur permet d'ancrer finalement
42:01 l'unité de leur société de manière bien plus solide que les sociétés autocratiques.
42:12 Je reprendrai les mots de Raymond Aron, c'est la foi ou la terreur.
42:19 Dans le cas des démocraties libérales, c'est la recherche du compromis et du consensus
42:26 qui finalement donne foi que le système peut fonctionner.
42:29 Alors on est dans une crise de la représentation
42:31 qui fait qu'on se demande si les citoyens ont encore foi en leur système.
42:34 Mais je pense que dans les moments de crise historique
42:36 et confrontés au retour du balancier de l'histoire,
42:40 les gens ont peut-être tendance à se dire que finalement ça a plein de défauts
42:43 d'être dans une démocratie libérale qui paraît toujours bavarde et faible,
42:52 mais finalement ce n'est pas si mal par rapport à l'exemple que peuvent donner la Chine ou la Russie.
42:59 - Il nous reste une dizaine de minutes environ.
43:01 J'aimerais vous poser la question des voisins de la Russie.
43:04 Je vais être très précis, rien ne me semble plus angoissant sur terre,
43:08 sur le plan politique, que d'être un balte ou un polonais.
43:11 C'est-à-dire pris à côté d'un État beaucoup plus puissant
43:15 qui, à l'échelle de l'histoire, peut considérer que l'indépendance de ses pays est relative
43:20 parce qu'elle doit toujours s'inscrire d'une manière ou de l'autre dans la zone d'influence russe.
43:24 Un an et demi, un peu moins d'un an et demi après le début de cette guerre,
43:28 on affirme souvent que la Pologne aujourd'hui est un État qui a gagné une autonomie,
43:32 une vigueur, une force inattendue dans son coin de l'Europe
43:37 et plus largement à la grandeur de l'Europe.
43:39 Est-ce qu'on peut dire que cette fragilisation de la Russie
43:43 que l'on voit aujourd'hui, qui se révèle devant nous,
43:45 on ignore de quoi sera fait demain, mais on sent que le régime n'a pas la force
43:48 et la vigueur que l'on lui prêtait hier, est-ce que devant cela,
43:51 un pays comme la Pologne et des pays qui craignaient la Russie
43:54 peuvent se sentir en plus grande sécurité aujourd'hui qu'hier ?
43:57 Vous savez, c'est Milan Kundera qui est un grand romancier
44:04 mais qui était aussi un grand essayiste, écrit dans son essai "Le Rideau" notamment,
44:08 que ces petites nations ont toujours à l'esprit qu'elles peuvent disparaître.
44:15 Parce qu'elles ont déjà disparu, elles ont été avalées par le grand frère soviétique
44:19 avant de renaître et il rappelle d'ailleurs que, je crois que c'est là,
44:23 si je ne me trompe pas, qu'il rappelle que l'hymne polonais contient ces phrases troublantes,
44:27 c'est-à-dire "la Pologne n'a pas encore péri".
44:30 C'est tout de même un rappel assez incroyable,
44:34 enfin, quand vous considérez que dans votre propre hymne, on vous rappelle d'abord que vous n'avez pas encore péri.
44:39 Donc il y a cette conscience en effet du constant danger frontalier
44:44 et du constant danger de périr et de disparaître qui anime historiquement ces nations.
44:51 Néanmoins, elles peuvent sur la Pologne ou ses petits États,
44:55 si on peut les appeler petits parce que la Pologne n'est pas si petite que ça,
44:58 peuvent avoir aussi la conscience historique que la Russie elle-même a failli disparaître à côté,
45:05 historiquement a été menacée même à un moment par le royaume de Suède,
45:09 par la Pologne elle-même ou par le grand duché de Lettonie.
45:13 Donc la Russie elle-même a été à un moment menacée de s'abîmer dans ses propres contradictions et de disparaître
45:20 et les Polonais aujourd'hui peuvent se dire qu'ils ont tout intérêt à renforcer
45:30 les à la fois fermement nationaux et démocratiques de leur pays,
45:37 en quelque sorte leur homogénéité politique, pour exister face à la Russie,
45:46 aussi bien face à une Russie impérialiste que face à une Russie qui pourrait les entraîner aussi dans le chaos,
45:52 en sombrant elle-même dans le chaos à leurs frontières.
45:55 – Arthur de Matrigan.
45:56 – S'il y en a un qui doit se frotter les mains en ce moment c'est Zelensky,
45:59 quelles sont justement à votre avis les conséquences pour la guerre en Ukraine ?
46:03 Est-ce que cette contre-offensive va avoir un réel impact ou rien ne va changer finalement ?
46:10 – Alors ça je ne pourrais pas dire quel va être l'impact de la contre-offensive ukrainienne à long terme.
46:18 Les Ukrainiens enregistrent visiblement un certain nombre de succès sur le terrain
46:21 mais le début de leur contre-offensive n'a pas été couronné au départ de succès,
46:26 mais ils profitent quand même d'un certain épuisement des troupes russes,
46:31 en même temps qu'ils sont confrontés, ils attaquent des positions qui sont quand même défensives
46:36 et qui sont renforcées depuis même le début de la guerre du Donbass.
46:39 Alors maintenant l'impact de ce qui vient de se passer avec l'affaire Wagner,
46:43 si on peut l'appeler comme ça, déjà c'est un impact sur, je pense, les troupes russes en elles-mêmes.
46:49 L'exemple donné là par ce qui vient de se passer en l'espace d'une journée
46:54 pour les troupes russes est plutôt inquiétant.
46:57 On a quand même un des éléments du dispositif militaire russe en Ukraine
47:02 qui se retourne contre la Russie, menace le pouvoir central de sécession,
47:08 de rébellion et puis finalement règle la question en disant "bon non, finalement,
47:13 on s'arrête là, on arrête les frais et ce sera pour plus tard".
47:18 Alors ça va peut-être aussi, on peut imaginer que ça peut pousser également le pouvoir russe
47:22 à déplacer tout de même des unités militaires qui sont localisées en Ukraine,
47:27 pour les relocaliser sur les zones au moins frontalières avec l'Ukraine,
47:34 ce qui déjà est le cas depuis quelques temps à cause des attaques ukrainiennes
47:38 dans les régions frontalières russes.
47:41 Donc ça peut amener les Russes à affaiblir leur système défensif
47:45 en reprélevant des unités qu'ils avaient consacrées à la défense,
47:51 notamment des régions du Donbass face à la contre-offensive ukrainienne.
47:55 Et je dirais que là, psychologiquement, on va dire l'avantage est revenu du côté ukrainien.
48:06 Là encore vous m'excuserez une expression facile, mais enfin qui sortent le popcorn
48:12 et regardent aujourd'hui, qui ont dû observer, peut-être avec un certain effarement aussi,
48:20 je ne sais pas quel était le deux.
48:22 Je pense que les services ukrainiens étaient peut-être plus au fait des tensions encore internes,
48:26 mais quand même la rapidité des événements qui se sont déroulés dans la journée
48:30 a dû un petit peu les effarer quand même.
48:32 Vous disiez en début d'émission qu'il y a un pluralisme politique apparent en Russie,
48:37 mais le commun des mortels n'y croit pas.
48:39 Globalement, ils ne se laissent pas bluffer par les prétentions démocratiques du système.
48:43 On a des événements comme on les voit aujourd'hui.
48:45 Wagner qui s'improvise sur la mode poutchiste avant de rentrer dans sa caserne,
48:49 un carteron de généraux en retraite finalement, décide de ne pas passer à l'acte.
48:53 La question que je me pose à cette lumière, c'est est-ce que le commun des mortels
48:58 est conscient de ce que l'on voit nous en Occident aujourd'hui,
49:01 c'est-à-dire est-ce que l'information circule à un point en Russie aujourd'hui
49:06 où le commun des mortels peut néanmoins suivre cette actualité
49:09 et en avoir un récit aussi « libre » qu'on peut l'avoir ici,
49:13 même s'il y a un biais de propagande occidentale aussi, sans le moindre doute.
49:16 Est-ce que les Russes comprennent ou savent en temps réel ce qui leur arrive
49:19 ou est-ce que le pouvoir finalement bouche la possibilité d'un accès à l'information ?
49:23 – Oui, donc du côté russe, enfin du côté de la population russe.
49:26 Bon, le terme clé pour répondre à cette question, c'est le pluralisme en fait,
49:31 le pluralisme des sources d'informations.
49:35 Ce pluralisme a été quand même grandement remis en question en Russie
49:38 depuis le début de l'opération russe en Ukraine.
49:45 Selon, comment dire, d'après les Russes qui vivent en Russie,
49:51 ce qu'ils ont pu me rapporter, c'est que l'accès aux médias
49:57 a été quand même progressivement grandement restreint, mais il reste Internet.
50:03 Cela dit, l'accès à Internet lui-même est compliqué et restreint,
50:08 néanmoins vous avez quand même beaucoup de Russes qui utilisent des VPN ou TOR
50:12 pour contourner les… – Donc l'information circule finalement.
50:16 Le russe de la rue sait à peu près ce qui arrive dans son pays.
50:19 – Non, elle ne circule pas aussi bien, on n'a pas accès quand même en Russie
50:22 à un pluralisme de l'information aussi important qu'on peut y avoir accès en Occident.
50:27 Je ne parle pas seulement d'ailleurs quand je dis pluralisme de l'information
50:30 des médias français, des chaînes de télévision française,
50:35 je parle tout simplement de l'accès à Internet et de l'accès que ça donne
50:42 aux médias mondiaux en général et à une multiplicité de sources d'information,
50:48 y compris les médias sociaux.
50:50 En Russie c'est plus compliqué, mais c'est possible pour ceux qui veulent
50:57 tout de même préserver un certain pluralisme de l'information.
51:01 On n'est pas tout à fait en Chine, il n'y a pas de parfeu,
51:05 de grand parfeu national comme en Chine, il y a néanmoins un accès
51:08 qui est plus limité à l'information, il y a des termes,
51:11 notamment les termes de guerre tout simplement,
51:13 que les médias russes n'ont pas le droit d'utiliser,
51:16 des médias contrôlés, beaucoup plus contrôlés par le pouvoir,
51:20 cela dit l'accès à Internet est toujours possible via l'usage
51:25 d'un certain nombre d'outils, VPN notamment,
51:28 c'est-à-dire un outil qui permet de contourner les restrictions
51:35 d'accès à Internet pour faire croire que vous êtes localisé
51:38 dans un autre pays et ainsi avoir accès au site auquel vous souhaitez accéder.
51:43 - Il nous reste une minute trente sur la question sur le rapport
51:46 France-Russie inévitablement, il y a une vieille fascination française
51:49 pour la Russie, pays de grande culture, pays de grande littérature,
51:53 mais aussi on le sait, pays des Tsars, pays autocratiques,
51:56 ainsi de suite, est-ce qu'au terme d'un an et demi de guerre
51:58 et avec les événements d'aujourd'hui évidemment,
52:00 est-ce que vous croyez que le rapport français à la Russie
52:02 va changer ou cette fascination quasiment mystique que certains
52:05 ont pour la Russie comme le tout autre qui est quelquefois
52:07 un tout autre rédempteur, est-ce que cela va demeurer,
52:09 est-ce que c'est si profondément inscrit dans la culture française,
52:12 la culture politique française que cela va demeurer
52:14 ou est-ce que le désenchantement est durable selon vous ?
52:17 - Cela dépend des groupes politiques, mais je pense tout de même
52:22 que la fascination pour la Russie va demeurer, on ne peut pas faire
52:27 autrement qu'être fasciné par cet immense état avec ses contradictions.
52:31 Il y a peut-être quelque chose qui va évoluer en France,
52:35 ce n'est pas tellement la fascination pour la culture russe
52:38 et pour la Russie en elle-même qui va malgré tout demeurer,
52:41 c'est peut-être une espèce de nostalgie qui est souvent mise en avant
52:45 politiquement de l'époque gaullienne qui faisait de la France
52:48 cette ambition de la France de servir de pont constamment
52:51 entre l'Occident et la Russie, mais qui oublie souvent que De Gaulle
52:54 voulait tendre la main aux Russes, mais n'oubliez jamais que la France
52:58 faisait partie du bloc occidental. Il y a cette ambition que d'une certaine
53:05 manière Emmanuel Macron voudrait, cette ambition à la fois de cette politique
53:13 d'indépendance et de neutralité. L'évolution actuelle de la guerre
53:17 en Ukraine et de la situation en Russie va certainement faire évoluer
53:21 le rapport politique d'État et diplomatique.
53:24 Merci à tous les trois pour ce temps de réflexion, de prudence,
53:29 et également dans les discussions, c'est peut-être un terme qu'il faut
53:32 qu'on garde, la prudence pour parler de la guerre en Ukraine.
53:35 J'ai bien appris de votre cour édito, cher Mathieu Bocoté.
53:39 Merci à tous les trois, l'info se poursuit sur CNews.
53:42 Dans un instant, c'est la semaine de Philippe de Villiers,
53:45 qui était sur le plateau, avec lequel on va revenir sur l'actualité politique,
53:51 économique, sociale, également accompagné de Geoffroy Lejeune.
53:54 A tout de suite.
53:55 [musique]