SMART SPACE - Emission du vendredi 29 septembre

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Vendredi 29 septembre 2023, SMART SPACE reçoit François Leproux (ingénieur en mécanismes spatiaux et auteur) , Charlotte Mathieu (responsable de la division Politique industrielle et économie spatiale, ESA) et Patrick Michel (directeur de recherche au CNRS à l’observatoire de la Côte d’Azur et membre de l’équipe Or-sirid Rex, CNRS)
Transcript
00:00 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Space. Dans votre émission aujourd'hui,
00:07 quatre actualités. Celle de la startup Dark qui signe un partenariat avec l'aéroport de Bordeaux,
00:13 Mérignac. L'astronaute européen Mogensen qui endosse le rôle de capitaine de l'ISS.
00:19 Le télescope James Webb qui fait une découverte fracassante et surtout ce retour d'échantillon
00:25 d'astéroïdes sur Terre sept ans après le lancement de la mission aux Iris Rex. Et puis
00:29 dans votre talk, on va challenger l'Europe et l'agence spatiale européenne est-elle en pole
00:35 position pour nourrir les opportunités commerciales qu'offre le secteur à notre économie ? Réponse
00:42 avec la responsable de la division politique industrielle et économie spatiale Alesa.
00:47 Voilà pour le programme, on démarre tout de suite avec l'actu direction Bordeaux.
00:51 L'aéroport de Bordeaux et la startup Dark ont signé un partenariat pour préparer l'implantation
01:01 des activités de l'entreprise. Fondée en 2021, la startup pour appel veut lancer une fusée depuis
01:07 un avion pour aller retirer les déchets qui menacent les infrastructures spatiales. Ce projet
01:14 d'implantation à Bordeaux engendrerait environ 500 emplois, regroupant la R&D, la production,
01:20 la maintenance et les opérations spatiales, tous localisés au sein de la concession aéroportuaire
01:25 de Bordeaux-Mérignac. Toujours selon le communiqué, l'accord permettrait de réunir les institutions
01:31 et les collectivités autour d'un planning commun. Dark prévoit également les premières embauches
01:36 sur Bordeaux d'ici l'été 2024 via des installations temporaires. L'astronaute européen de nationalité
01:44 danoise Andreas Mogensen est officiellement capitaine de l'ISS. Il est le sixième européen à occuper
01:51 ce poste mais aussi celui qui l'occupera le plus longtemps puisqu'il ne devrait passer le flambeau
01:56 qu'à la fin de sa mission en mars 2024. Le rôle du commandant de l'ISS est d'assurer le bien-être
02:01 des membres de l'équipage et la répartition des multiples tâches que les astronautes doivent
02:06 accomplir. C'est une haute distinction pour l'agence spatiale européenne. La NASA et James Webb font
02:14 une découverte majeure sur une lune de Jupiter. En scrutant la surface d'Europe, le satellite de
02:20 Jupiter, l'instrument intégré au télescope a précisément détecté du dioxyde de carbone à sa
02:26 surface. Alors même que les astronomes suggèrent qu'Europe abrite de l'eau sous sa surface de
02:31 glace, cette découverte indiquerait que cette lune pourrait contenir les éléments
02:37 essentiels de l'apparition de la vie. Dans un communiqué, la NASA déclare "Nous pensons maintenant
02:44 avoir la preuve par l'observation que le carbone que nous voyons à la surface d'Europe provient de
02:50 l'océan. Ce n'est pas anodin, le carbone est un élément biologiquement essentiel". Dernière
02:57 actualité, les échantillons de l'astéroïde Bénus sont de retour. La NASA a récupéré 250 g
03:04 d'échantillons prélevés sur l'astéroïde Bénus, le plus gros échantillon d'astéroïde jamais
03:09 collecté, le premier pour la NASA. La capsule a atterri dimanche dans le désert de l'Utah, aux
03:14 Etats-Unis, sept ans après le décollage de la sonde Osiris-Rex. Pour en parler avec nous, Patrick
03:20 Michel a répondu à notre collectu astrophysicien, directeur de recherche au CNRS, à l'observatoire
03:27 de la Côte d'Azur et membre de l'équipe Osiris-Rex. Patrick, sept ans plus tard, c'est la fin de la
03:32 mission ou simplement la fin du voyage spatial ? Bonjour, alors c'est la fin du voyage spatial
03:37 qui a été extraordinaire et jusqu'à maintenant tout a réussi. Et maintenant j'allais dire tout
03:42 commence puisque le but de cette mission était de ramener un échantillon pour l'analyser sur
03:47 Terre. Donc c'est le début d'une nouvelle aventure extraordinaire. Est-ce qu'on avait déjà ramené des
03:53 échantillons d'astéroïdes sur Terre ? Oui, alors on a deux missions japonaises, Ayabusa et Ayabusa 2,
04:00 qui ont chacune ramené des échantillons d'astéroïdes. En l'occurrence Ayabusa 2 a ramené
04:04 des échantillons d'un astéroïde du même type que l'astéroïde choisi par Osiris-Rex. Il s'appelle
04:09 Ryugu, il est carboné, riche en matières organiques, comme on l'espère Bennu qui est la cible d'Osiris-Rex.
04:16 Et cette mission a ramené 5,4 grammes d'échantillons dont les analyses ont commencé. On a découvert des
04:21 acides aminés, des molécules organiques, des tas de choses qu'on relie finalement à l'émergence
04:26 du vivant. La différence c'est que là le mécanisme de récolte d'Osiris-Rex était plus
04:31 sophistiqué et on espère avoir pris au moins 250 grammes. Évidemment avec plus de masse d'échantillons
04:39 on fait plus, sachant que 25% sont utilisés en analyse préliminaire et le reste est gardé pour
04:45 les générations futures qui bénéficieront d'instruments encore plus sophistiqués. Donc il y a
04:49 eu déjà des analyses faites et ça sera très intéressant d'ailleurs de comparer les compositions
04:56 de ces échantillons venant de deux objets différents qui sont peut-être du même type pour
05:00 voir s'il y a une diversité même dans un même type d'astéroïde. - Est-ce qu'il y a un composant en
05:04 particulier qu'on espère trouver lors de ces recherches ? Quel est l'objectif principal,
05:09 celui qui va animer les chercheurs pendant l'analyse ? - Alors l'objectif principal c'est de remonter le
05:14 temps, c'est-à-dire de comprendre comment le système solaire s'est formé, comment nos planètes se
05:18 sont formées et surtout comment la vie a émergé sur Terre. Donc répondre à la grande question de
05:22 l'origine de la vie. Et on sait qu'à la fin de la formation de la Terre, en tous les cas les modèles
05:25 disent qu'il y a eu beaucoup d'impact et ces impacts ont peut-être apporté tous les ingrédients
05:30 qui ont permis à la vie d'émerger sur Terre. Et ces ingrédients, ils sont dans le reste de ces
05:35 projectiles qu'on appelle la Terre, que sont les astéroïdes. Et donc ce qu'on espère c'est de
05:39 pouvoir identifier de la matière organique, la comparer à celle du vivant, comparer sa structure,
05:46 mesurer aussi les propriétés de l'eau contenue dans cet astéroïde. Est-ce que ce sont les mêmes
05:50 propriétés que les océans terrestres ? Puisqu'on pense que l'eau a été apportée par les astéroïdes.
05:55 Donc c'est finalement faire le lien avec les propriétés du vivant et les propriétés d'un
06:01 astéroïde qui est constitué finalement des mêmes composants, du carbone, des acides aminés, etc.
06:06 Pour justement vérifier ces scénarios d'émergence de la vie par rapport extérieur. - Alors au-delà de
06:13 cet objectif de recherche et de connaissances temporelles et biologiques aussi des origines
06:19 de la vie, à l'heure où on parle d'exploiter les ressources en métaux des astéroïdes,
06:24 est-ce que les résultats de ces analyses peuvent jouer un rôle peut-être dans le développement de
06:31 cette nouvelle économie très prospective pour le moment ? - Oui, oui. Alors toute la mission en fait
06:36 joue un rôle parce que pour pouvoir exploiter les astéroïdes, il faut les comprendre, il faut
06:40 savoir interagir avec eux, sachant que ce qu'on a vu avec Osiris-Rex et les missions passées,
06:45 c'est qu'ils ont une réponse aux actions qu'on leur fait subir, c'est-à-dire récolter un échantillon
06:51 par exemple ou faire un cratère, qui est très contre-intuitive. En fait à partir des images,
06:56 il est très difficile de savoir si le sol va être mou, va être dur, comment va se comporter cette
07:01 matière qui est dans un environnement très différent de celui de la Terre, ce qui est
07:04 très excitant pour les scientifiques. Et donc en fait pour pouvoir les utiliser comme des ressources,
07:09 par exemple au lieu d'utiliser des ressources sur Terre pour explorer plus loin, on pourrait
07:14 en porter le minimum et utiliser les astéroïdes comme des sortes de stations de service. Mais pour
07:18 ça, il faut savoir comment interagir avec eux dans des conditions très différentes de celles
07:22 de la Terre, de quoi ils sont constitués, et effectivement toutes ces missions aident à
07:27 préparer cette nouvelle ère qui à mon avis se produira sur le long terme, ça parait de la science
07:32 fiction, mais se produira. Il y a déjà encore des compagnies, des pays qui s'y intéressent,
07:36 et à un moment donné ça sera malin de le faire plutôt que d'utiliser nos ressources terrestres,
07:39 mais voilà on est encore dans cette phase d'apprentissage, comprendre ce que sont ces
07:43 objets, comment surtout interagir avec eux pour pouvoir les exploiter. De la même manière,
07:47 cette mission aussi contribue à la défense planétaire puisque Bénoud a une probabilité
07:53 très faible mais non nulle de rentrer en collision avec la Terre dans un peu moins de 200 ans,
07:58 et donc savoir de quoi il est fait, savoir comment il réagit aux sollicitations externes est très
08:04 importante pour pouvoir affiner une méthode de déviation s'il fallait en arriver là. Merci
08:10 beaucoup Patrick Michel d'avoir pris le temps de nous éclairer sur ce retour d'échantillons
08:14 record de 150 grammes depuis l'astéroïde. Bénoud on suivra les premiers résultats avec attention,
08:20 il vous viendrait peut-être les décrypter pour nous dans Smartspace à nouveau. Voilà
08:25 pour l'actualité, on enchaîne quant à nous avec le talk sur Bismarck.
08:28 L'Europe spatiale est-elle à la hauteur des opportunités commerciales qu'offre
08:37 aujourd'hui le secteur ? New Space, Deep Space, connectivité, mobilité, autant d'enjeux qui ont
08:42 replacé ces dernières années l'économie spatiale sur le devant de la scène avec autant de promesses
08:47 d'une économie florissante. Mais l'Europe et en son sein l'agence spatiale européenne est-elle
08:52 bien positionnée ? Pour en parler nous avons en plateau avec nous Charlotte Mathieu, responsable
08:57 de la division politique industrielle et économie spatiale à l'ESA. Bonjour Charlotte, bienvenue
09:03 sur le plateau de Smartspace. Nous avons avec nous à distance également François Leproux, ingénieur
09:08 en mécanismes spatiaux et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet du secteur spatial notamment
09:14 le vol habité. Pour votre dernier ouvrage bienvenue François Leproux sur le plateau de Smartspace à
09:20 distance. Bonjour, merci beaucoup. Alors Charlotte, quelle est la stratégie de l'agence spatiale
09:26 européenne en matière de nouveaux marchés qu'on peut résumer aujourd'hui au New Space ? Donc
09:31 l'agence spatiale européenne a comme priorité le développement, une de ses priorités, le
09:38 développement des activités spatiales commerciales en Europe. Notre directeur général Joseph H.
09:43 Barreur a souligné ça dès son arrivée et a organisé l'agence pour que nous nous adaptions à cette
09:51 nouvelle réalité, que nous soyons là en soutien au développement de ces activités spatiales
09:55 commerciales et en particulier au service de la transition verte et la transition digitale.
10:00 Qui sont les gros focus pour vous en matière d'opportunités aussi ? Est-ce qu'on parle de
10:05 nécessité d'opportunités commerciales ? Nous parlons du rôle de l'agence pour soutenir le
10:10 développement d'un écosystème dans un monde qui évolue, dans une compétition qui est de plus en
10:14 plus importante au niveau international et donc avec beaucoup de défis à relever pour que notre
10:23 secteur s'adapte et soit compétitif et du succès sur les marchés commerciaux. Est-ce qu'on a des
10:30 exemples de secteurs dans lesquels vous pouvez jouer un rôle ? On reviendra un petit peu plus
10:33 tard sur ce rôle, à jouer les opportunités que vous pouvez créer ou générer. Vous parlez de
10:40 l'écologie par exemple, est-ce qu'on a des exemples assez concrets de focus pour vous ? Tout à fait,
10:45 le spatial a un rôle très important et irremplaçable dans le domaine du soutien au
10:53 changement du climat. Bien sûr avec des observations, le système Copernicus qui est
10:58 unique en Europe, d'observation de la Terre, la provision de données d'imagerie spatiale en cas
11:05 de catastrophe naturelle avec la charte entre différentes agences spatiales. On l'a vu encore
11:09 cet été avec les nombreux incendies, on a pu s'appuyer sur les images de l'agence spatiale
11:14 européenne. Tout à fait, c'est ce qui en fait une priorité pour notre agence et ce qui va être
11:19 discuté au début novembre au sommet spatial avec tous nos représentants des pays européens. Si je
11:24 comprends bien, aujourd'hui l'idée c'est aussi de se reposer sur les points forts de l'agence
11:29 spatiale européenne pour accompagner les marchés. Tout à fait et la faire évoluer pour qu'elle les
11:35 accompagne au mieux. Alors François, quel secteur vous identifiez de votre côté comme étant les
11:41 plus propices à l'émergence de cette économie spatiale, le secteur durable ? On en parle beaucoup
11:47 dans Smart Space, mais pas uniquement j'imagine. De manière générale, effectivement les 20 ans
11:56 d'exploitation de la Station Spatiale Internationale ont permis de montrer que la recherche qui était
12:01 faite en orbite pouvait avoir des débouchés commerciaux. Alors c'est dans des secteurs de
12:06 niche, ça peut être pour la production de certains matériaux, notamment des fibres optiques qui
12:12 seraient très difficiles à réaliser sur terre. C'est le cas pour certains médicaments, c'est le
12:17 cas pour de la recherche biomédicale. Donc la recherche à bord de l'ISS a permis de montrer
12:22 qu'il y avait potentiellement des débouchés commerciaux. Cependant l'ISS n'est pas une
12:28 infrastructure commerciale, c'est une infrastructure de recherche. C'est pour ça qu'aux États-Unis,
12:32 on a tout un tas de développements de stations spatiales qui vont prendre le relais de l'ISS
12:38 d'ici une dizaine d'années afin d'y mener justement des missions commerciales. L'objectif
12:43 ne sera pas d'y envoyer des astronautes pour faire du tourisme spatial, mais bien d'y envoyer des
12:48 astronautes mandatés soit par des agences spatiales, soit par des entreprises afin de réaliser certains
12:54 de ces matériaux, certains de ces produits qui pourraient par la suite être ramenés sur terre.
12:59 Ça c'est déjà une réalité, je vous coupe François, mais c'est un sujet sur lequel on peut s'arrêter
13:05 un instant. Vous parlez de la recherche et de l'exploration humaine aussi finalement, en tout
13:10 cas de l'occupation humaine de l'orbite terrestre et qui va passer au secteur privé après la fin
13:16 de l'ISS. Il n'y a pas encore de projet, la lunaire Gateway est un projet d'agence, mais on n'a plus
13:22 de projet a priori autour de l'orbite terrestre. Donc est-ce que ça fait partie des ambitions de
13:26 l'agence spatiale européenne d'aller sur cette économie-là et peut-être donc de former des
13:32 travailleurs qui seront dans ces stations comme celle d'Axiom par exemple ?
13:37 Donc tout à fait comme vous l'avez dit, la station spatiale internationale aujourd'hui,
13:43 ses différents partenaires incluant l'Europe se sont engagés jusqu'à 2030 et la réflexion est en
13:50 cours et c'est un des gros sujets de réflexion en cours sur l'avenir post-ISS. Nous voyons des
13:56 acteurs effectivement privés s'intéresser au marché aux Etats-Unis mais je voudrais aussi
14:00 mentionner des acteurs européens que ce soit pour des stations habitées ou des stations robotiques,
14:06 c'est aussi un marché important et donc le rôle de l'agence va être d'accompagner ces acteurs,
14:11 de leur donner les conditions pour pouvoir émerger et pour voir au mieux adresser les
14:16 besoins du marché. Donc c'est pas tant occuper une position sur place mais plutôt être le moteur
14:21 des acteurs ici sur terre qui pourront accompagner cette nouvelle économie. Il y a l'exemple de The
14:25 Exploration Company qu'on peut citer qui est la première société européenne à signer un accord
14:31 de précommande disons avec Axiom en l'occurrence pour son véhicule spatial. The Exploration Company
14:37 elle travaillait déjà avec l'agence spatiale européenne à son développement. Tout à fait,
14:40 le rôle de l'agence spatiale est très divers pour essayer d'aider à toutes les étapes de la vie
14:45 d'une entreprise et de ces nouvelles sociétés du New Space pour les faire grandir et se développer
14:51 sur les marchés à l'international. Alors de quoi on parle précisément ? Là on est allé tout de
14:55 suite dans un sujet très micro qui va être celui de ce marché en particulier d'occuper
15:00 l'orbite terrestre. Ici sur terre, votre rôle c'est donc d'être moteur des acteurs des industries,
15:06 est-ce que c'est aussi de leur offrir des opportunités commerciales ? Et si oui, lesquelles ?
15:11 Alors tout à fait, le rôle de l'agence spatiale européenne comme l'est le rôle d'autres agences
15:16 nationales en Europe va être en effet déjà d'être un client de ces sociétés-là sur des phases amonts
15:23 et également un client d'ancrage pour permettre de consolider des business models. Mais ce n'est
15:28 pas tout, on est aussi là en tant que facilitateur pour un soutien à la recherche et au développement
15:32 des technologies et ensuite d'essayer de continuer à les accompagner durant toutes les étapes,
15:39 que ce soit en incubation au départ de l'idée puis en accélérateur, les mettre en contact avec
15:46 des investisseurs et puis tout au long de la vie et de la croissance de la société, de les accompagner
15:51 en les rapprochant au fur et à mesure du marché. Donc on est là vraiment pour les soutenir à toutes
15:57 les étapes. François Le Proulx, un petit mot sur ce sujet, sur la nécessité de créer des
16:03 opportunités, quel est votre regard d'un point de vue extérieur sur ces dites opportunités ?
16:08 Effectivement, c'est la demande de la plupart des entreprises. La demande des entreprises,
16:18 c'est vraiment de stimuler la demande en Europe. Ce qu'on voit, c'est qu'un certain nombre
16:22 d'industriels européens sont déjà bien placés sur le domaine de la commercialisation en orbite
16:27 basse. Pour reprendre juste l'exemple du vol habité, vous l'avez cité, avec Axiom,
16:33 on a tout un tas d'entreprises européennes, notamment Telenia Space et The Exploration Company
16:38 qui gravitent autour. C'est également le cas pour la station spatiale privée américaine Starlab,
16:43 à laquelle Airbus participe. Donc le secteur privé n'a pas attendu finalement le secteur
16:49 institutionnel pour se placer sur certains marchés, mais à l'heure actuelle, ces industriels
16:55 européens se sont plutôt positionnés sur des marchés américains. Je pense que la demande
16:59 des industriels européens maintenant, c'est davantage d'avoir des contrats en Europe et c'est
17:04 la demande qui est faite auprès de l'agence spatiale européenne. Ce sera le cas par exemple
17:08 pour The Exploration Company qui a obtenu des contrats avec Axiom Space à l'avenir pour
17:15 consolider et pour ancrer ses activités en Europe. Évidemment qu'il faudra davantage de contrats
17:21 institutionnels. On a vu avec l'exemple américain que ça a très bien marché. La capsule Crew Dragon
17:28 de SpaceX a été développée dans le cadre d'un partenariat public-privé qui était des programmes
17:33 COTS puis DD-DEV. Donc certainement de tels programmes vont être implémentés en Europe
17:39 dans les années à venir. On se rend bien compte que l'Europe a actuellement toutes les cartes en main
17:45 pour réaliser à des coûts tout à fait raisonnables un programme de maîtrise complète de l'orbite
17:51 basse terrestre avec un lanceur lourd en développement, Ariane 6, avec une présence sur des stations
17:57 spatiales commerciales essentiellement américaines et avec potentiellement des vecteurs d'accès pour
18:05 du cargo puis peut-être pour des astronautes. Alors vous avez mentionné la question du coût,
18:12 elle est importante. Est-ce que budgétairement on a les reins suffisamment solides pour accompagner
18:17 notre secteur spatial en Europe et pour prendre ce virage là ? Alors tout à fait la question des
18:22 coûts est importante mais je voudrais juste élargir un peu à d'autres domaines puisque là
18:26 on a parlé de l'exploration mais le soutien se fait dans les domaines des télécommunications,
18:32 très porteurs, le domaine de l'observation de la Terre, le domaine de l'accès à l'espace,
18:37 le développement des micro lanceurs donc juste pour dire que le spectre est extrêmement large
18:42 et nous cherchons à couvrir tous ces domaines. Les demandes varient bien sûr d'une société à
18:48 l'autre mais bien sûr il y a une question d'investissement d'argent. L'investissement
18:54 est assez important suivant les domaines mais je pense qu'on est quand même à la hauteur et il
19:00 y a quand même une volonté de la part de nos états membres de soutenir avec des nouveaux programmes
19:06 ces activités commerciales. Après la demande n'est pas que en termes d'investissement, elle
19:13 est en termes aussi de support, d'accès à des infrastructures pour des tests, d'expertise
19:17 technique. Tout ce cadre nous permet de les aider au mieux et je pense que nous sommes sur la bonne
19:24 voie. Effectivement comme il a été mentionné, nous avons tous les morceaux pour essayer d'avoir
19:30 un écosystème dynamique dans le new space aussi en Europe et on le voit avec l'attraction des
19:37 investisseurs privés. Alors vous avez raison d'élargir par exemple vous avez cité le sujet
19:42 des entreprises qui s'attaquent aux micro lanceurs. On en compte dans chaque pays fort de l'agence
19:48 spatiale européenne, c'est à dire les pays qui investissent le plus d'argent, qui ont déjà un
19:52 secteur spatial fort au niveau national. L'Espagne est en train de vencer un petit peu les autres à
20:00 titre d'exemple. Là encore il y a une question de répartition du budget, c'est à dire est-ce que la
20:06 structure même de l'agence spatiale européenne qui est obligée d'agir en fonction des volontés
20:12 de chaque état peut être un point faible dans cet écosystème européen financier ? Alors juste sur
20:20 la question des lanceurs, comme vous le savez l'agence spatiale européenne a en charge des
20:26 activités sur des lanceurs Vega et Ariane, donc Vega 6 et Ariane 6 à venir. Sur les exemples que
20:34 vous avez cités de micro lanceurs, on parle de sociétés avec surtout de l'investissement privé,
20:38 donc notre rôle va essayer de les accompagner aussi à pouvoir faciliter cet accès au capitaux privés
20:45 de ces sociétés. Donc l'effort est différent par rapport à un effort de développement sur des
20:51 nouveaux lanceurs. Donc on a un travail au niveau de l'agence spatiale européenne pour soutenir ces
20:58 différentes initiatives, mais il y a quand même beaucoup de choses qui sont faites par elles-mêmes
21:03 au sein de ces sociétés. Et François, est-ce qu'on peut s'imaginer que sur le long terme, un des
21:11 risques c'est le morcelage de cette réunion financière, s'il vous plaît, faites ça comme ça,
21:16 mais il y a ce concept d'ajouter au pot comment, est-ce que ça peut se morceler ? C'est déjà la
21:22 crainte qu'on avait avant la dernière réunion ministérielle qui parlait de budget. Finalement,
21:26 on a quand même eu la surprise de voir que ce budget de 17 millions avait tenu ses promesses.
21:32 Est-ce que, vous faites bien de le préciser, 17 milliards, François Leproux, est-ce qu'il y a un
21:40 risque qu'on se morcelle ? Est-ce que ça peut affaiblir la position de l'Europe aujourd'hui,
21:45 la structure de ces ambitions nationales vs les ambitions de l'agence spatiale européenne ?
21:50 Alors on voit bien qu'il y a un certain nombre de pays, notamment l'Allemagne et l'Italie,
21:55 qui commencent à avoir des ambitions beaucoup plus individuelles, notamment dans le cadre des
22:00 micro-lanceurs. Après, il faut bien voir qu'il y a encore un gap entre les capacités des
22:06 micro-lanceurs, même les plus puissants comme ceux qui sont développés par RFA ou ISAR en
22:11 Allemagne, et un lanceur comme Ariane 6 qui sera de toute façon nécessaire pour tout un tas de
22:17 missions de souveraineté, que ce soit des satellites géostationnaires pour les communications ou pour
22:22 des satellites militaires. Mais effectivement, plus Ariane 6 tardera à être mise sur le marché,
22:27 plus certains États auront peut-être cette volonté d'agir seul. Après, il y a un adage qui est assez
22:35 applicable à l'Europe spatiale, c'est que seul on va plus vite mais on va moins loin, et c'est
22:42 certainement ce qu'on va voir dans le cadre des micro-lanceurs. Après, c'est bienvenu qu'il y ait
22:46 de la concurrence dans ce domaine-là. La concurrence est toujours saine, elle permet de développer de
22:51 nouvelles technologies. Cependant, je pense que même s'il y a encore beaucoup de critiques envers
22:56 la filière Ariane, et si certains choix de conception pour Ariane 6 peuvent légitimement
23:02 être discutés, personne ne prendra le risque de tuer cette filière qui est notre garantie de
23:12 souveraineté dans le domaine de l'espace, et pour tout le reste, pour le domaine commercial, à l'heure
23:17 actuelle, malgré tous les efforts qui sont mis en oeuvre, le marché du spatial en Europe est,
23:25 à mon sens, encore d'une taille trop faible pour qu'on ne puisse pas résonner au niveau
23:33 européen et que l'on résonne au niveau national. Le marché spatial européen est déjà relativement
23:41 faible, il n'y a pas une énorme demande en termes de lancement, donc si on résonne à l'échelle
23:46 nationale, ce sera encore moins le cas. Les ambitions nationales, on va certainement davantage
23:52 les voir dans les domaines d'accès à l'espace pour le domaine militaire, et je pense que les
23:57 micro-lanceurs, qu'ils soient français, allemands, espagnols ou italiens, auront essentiellement
24:02 comme client les forces armées de ces pays. Vous rejoignez cette analyse Charlotte Mathieu ?
24:08 Alors je dirais vous parler de la question de l'éparpillement, je pense que les ambitions
24:13 nationales ont toujours existé, et ce en complément d'ambitions européennes, et je pense que c'est
24:19 au bénéfice de toute la communauté européenne. Si on parle des activités commerciales,
24:25 notre point de départ, il y a des efforts qui sont faits dans certains pays au niveau national
24:32 pour avoir un vrai support et un soutien de ces activités commerciales, exemple de la France,
24:37 avec un milliard et demi d'investissements sous France 2030, lié en particulier à l'émergence
24:44 de nouveaux acteurs spatiaux, et tout ça vient consolider un écosystème et un paysage industriel
24:52 qui se renforce au fur et à mesure. Donc je pense que, comme vous l'avez rappelé, il y a quand même
24:57 une confiance de nos États membres dans le mécanisme de l'Agence spatiale européenne, comme
25:03 le montre le niveau d'investissement. On a encore ces dernières semaines des États membres qui ont
25:07 continué à rajouter de l'argent par rapport à l'argent qu'ils avaient mis au pot commun en
25:13 novembre dernier. Donc je pense que le secteur spatial est un secteur où le national et
25:20 l'européen se renforcent et cohabitent. Cette diversité fait vraiment la force de notre secteur.
25:28 Alors peut-être qu'on peut se dire un mot sur la collaboration de l'Agence spatiale avec l'Europe
25:34 elle-même et dans ses structures, avec la Commission européenne par exemple, dans le cadre de ce
25:38 développement industriel et économique ? Tout à fait. Donc l'Agence spatiale européenne travaille
25:44 en forte collaboration avec l'Union européenne, avec la Commission européenne et avec EUSPA,
25:51 l'Agence des programmes spatiaux européens. Donc c'est une relation de longue date. Sur ce dossier
25:58 de développement des activités commerciales, nous avons des partenariats assez proches, en
26:02 particulier sur les activités de financement, d'accès au capitaux, des partenariats avec notamment
26:08 la Banque européenne d'investissement et avec les outils qui sont liés à Cassini, donc qui
26:13 permettent d'avoir un accès plus facile à des capitaux privés pour nos acteurs spatiaux
26:20 commerciaux. François, le point dernier mot sur cette collaboration indispensable avec l'Union
26:25 européenne ? Oui, elle est indispensable à plus d'un titre. Déjà comme vous l'avez rappelé,
26:33 l'Union européenne c'est l'un des principaux clients institutionnels en ce qui concerne les
26:38 lancements de satellites. Avant avec les concentrations Galiléo et Copernicus, à l'avenir
26:43 avec la communication télécommunications IRIS III. Ce sont des lancements institutionnels qui
26:48 peuvent être dévoués soit aux lanceurs de la filière aérienne, soit aux futurs lanceurs privés.
26:54 Donc à ce niveau-là, ce soutien est vraiment important. On peut saluer en ce sens l'action
27:01 du commissaire Thierry Breton qui a beaucoup insisté sur cette nécessité au cours de son
27:07 mandat et notamment en lançant le développement de cette concentration IRIS III. On peut d'ailleurs
27:13 noter qu'il y a eu une tentative il y a quelques années de la Commission européenne de se mêler
27:19 quelque part du développement des lanceurs. Voyant dans un financement direct par la Commission du
27:25 développement des lanceurs un moyen de court-circuiter en quelque sens le retour géographique, c'est
27:31 quelque chose qui n'a pas abouti mais certainement à l'avenir on verra de plus en plus de
27:37 liens et peut-être de financement direct par l'Union européenne d'activité de l'Agence spatiale européenne.
27:43 Qui ouvrira peut-être un autre sujet de conversation sur cet aspect-là et la question aussi du
27:49 retour géographique qui est un vrai sujet épineux depuis quelques semaines. Merci beaucoup Charlotte
27:55 Mathieu d'avoir pris le temps de venir en plateau. Je rappelle que vous êtes responsable de la
27:58 division politique industrielle et économie spatiale à l'ESA. Merci à vous François Leproux, ingénieur
28:03 en mécanismes spatiaux et auteur et merci à tous de nous avoir suivis dans cette émission à la
28:09 production Lili Zalkine. On se retrouve dès la semaine prochaine sur Bismarck.
28:14 [Musique]