L'édito de Mathieu Bock-Côté : «France : l'Europe interdit de refouler les migrants»

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Dans son édito du 30/09/2023, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]
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00:00 migrants traversent la frontière, dans ce cas-là c'est surtout la frontière italienne,
00:03 et on est en plus à l'heure de l'MP12A. Donc les migrants traversent la frontière
00:06 italienne, la France réclamait le droit, voulait reconduire automatiquement à la frontière
00:12 ceux qui la traversaient légalement, ce qui est le simple bon sens. Vous entrez sans en
00:17 avoir la permission, vous retournez avec notre permission. Vous n'êtes pas en droit de
00:22 violer cette frontière. C'est comme ça la vie théoriquement. Or, que nous disent en
00:28 fait les institutions européennes, eh bien non, ce n'est pas comme ça la vie. En fait,
00:32 il faut donner à la personne qui arrive, et ça c'est à partir d'une résolution de
00:34 2008 du Parlement et du Conseil européen, qui nous dit qu'il faut donner un temps de
00:40 réflexion en quelque sorte pour savoir si cette personne qui a traversé la frontière
00:44 illégalement, est-ce qu'elle va le faire par elle-même. Il y a quelque chose d'un
00:48 peu ubuesque là-dedans. C'est le droit qui déréalise la politique, qui déréalise la
00:52 société. Et c'est surtout l'Empire européen qui, encore une fois, piétine et neutralise
00:58 la souveraineté nationale. Je cite ici une association droite glomiste, qui soit dit
01:04 en passant, c'est à la demande du Conseil d'État qu'on a consulté la Cour européenne.
01:08 Je cite « La décision de la Cour vide de sa substance les effets des refus d'entrée.
01:14 » Poursuite, « Après huit ans de pratiques illégales du gouvernement français en matière
01:19 de contrôle et d'enfermement des personnes en migration aux frontières intérieures,
01:23 la Cour de justice de l'Union européenne confirme qu'elles sont contraires aux droits.
01:26 » Donc, on comprend ici qu'il y a un droit transcendant, un droit divin en quelque sorte.
01:31 Cette divinité s'appelle l'Union européenne. Et ce droit vient neutraliser ou même écraser
01:36 la souveraineté nationale et le droit qu'aurait chaque pays de décider de ses frontières.
01:40 Donc, il y a trois, je dirais, il y a trois leçons qu'on peut retenir de cela. La première,
01:45 c'est que le niveau national est neutralisé. Il faut simplement accepter l'idée que tant
01:48 qu'il n'y aura pas un défi qui se reposer, la Hongrie le fait, la Pologne le fait, le
01:53 Danemark le fait, mais tant qu'un rapport de force n'est pas engagé avec l'Union européenne
01:58 en disant « Désolé, c'est le droit national qui prime vos machins juridiques », eh bien,
02:03 il n'y aura pas… la question migratoire ne se réglera pas. On est dans une situation
02:07 où il faudrait la poser massivement. On est devant une migration massive et le droit
02:10 européen nous oblige à la traiter sur le mode du traitement individuel à chaque fois.
02:13 C'est insensé. Deuxièmement, tous les débats des dernières
02:17 années sur la fédéralité, est-ce que l'Union européenne est fédérale ou non, c'est
02:20 un débat purement théorique aujourd'hui. Dans les faits, l'Union européenne s'est
02:24 fédéralisée. C'est une fédération de faits avec un pouvoir impérial surplombant
02:28 qui se nomme la Commission européenne, qui se nomme les différents organes du pouvoir
02:31 européen, notamment cette Cour de justice, et les souverainetés nationales sont désormais
02:35 résiduelles dans cet empire. Et finalement, l'empire européen neutralise toute capacité
02:41 qu'ont les États d'assurer la défense de leur identité, de leur souveraineté.
02:45 Le régime européen s'est substitué au régime démocratique.
02:48 C'est intéressant. En qu'appellez-vous le régime européen?
02:50 Alors, vous savez, moi je suis très aristotélicien en politique. C'est toujours très, très,
02:55 très… ça paraît bien dire ça. Mais qu'est-ce que ça veut dire? Aristote nous disait, la
02:59 question du régime est la question première. La question du régime, c'est comment est
03:03 organisé le pouvoir dans une société, à qui gouverne, qui est gouverné, de quelle
03:07 manière ce gouvernement s'exerce-t-il et au nom de quoi gouverne-t-on?
03:11 Eh bien, quand on regarde l'Union européenne, ça a pris la forme aujourd'hui d'un régime,
03:15 on pourrait dire post-national, qui n'est pas sans faire penser, j'en ai déjà parlé
03:19 avec vous ici, à ce qu'était l'URSS de jadis. Évidemment, il n'y a pas de goulag,
03:22 évidemment les libertés sont davantage préservées, ça va de soi, mais je vais faire la parenthèse
03:26 suivante, j'y reviens parce que c'est, je crois, la comparaison interdite par l'époque
03:31 et qui est pourtant nécessaire. Dans les deux cas, vous êtes dans une entité supranationale
03:35 qui prétend incarner la prochaine étape de l'histoire de l'humanité. Dans les
03:39 deux cas, vous avez une idéologie officielle. L'idéologie officielle de l'URSS, c'est
03:43 évidemment le socialisme ou le communisme. L'idéologie officielle de l'Union européenne,
03:47 c'est le post-nationalisme, c'est le mondialisme, au service d'ailleurs, soit dit en passant,
03:51 d'une oligarchie qui se prend pour la proto-classe politique mondiale tôt ou tard. Vous avez
03:56 une bureaucratie qui a le vrai pouvoir. C'est-à-dire, à la rigueur, vous pouvez toujours avoir des
03:59 soviets ou des parlements, mais au moment où ça compte, le pouvoir est porté par
04:03 une bureaucratie et c'est une constante, soit dit en passant, dans l'histoire de
04:06 tous les empires. Les empires ont un pouvoir qui repose à la fois sur la figure de l'empereur,
04:10 justement, et de l'autocrate, quelquefois, et de la bureaucratie qui est le véritable
04:14 pouvoir, donc c'est la productrice de normes, cette bureaucratie qui ensert tous les domaines
04:18 de l'existence. Il y a une doctrine de la souveraineté limitée qu'on se rappelle,
04:22 soit dit en passant, au temps de l'URSS, des pays qui appartenaient au pacte de Varsovie,
04:26 on disait qu'ils avaient une souveraineté limitée. Donc, vous avez une souveraineté
04:29 dans le respect des principes du socialisme et de l'hégémonie russe sur ce coin du
04:32 monde. Aujourd'hui, quand une nation veut exercer sa liberté politique, sa souveraineté,
04:38 on dit « un instant, vous allez trop loin, vous sortez du périmètre du droit européen
04:42 tel qu'on l'entend aujourd'hui, et dès lors, votre souveraineté est limitée par
04:47 les traités ». Je crois que c'est Jacques Delors qui avait d'ailleurs dit qu'il
04:49 n'y a pas de démocratie ou de vie politique à l'extérieur des traités. On est dans
04:53 une reproduction de la doctrine de la souveraineté limitée. Et n'oublions pas Mme von der Leyen
04:57 qui avait dit « je respecte évidemment le résultat des élections, mais si ça tourne
05:00 mal, je sais quoi faire ». Le concept de tourner mal est passionnant, il faudrait y
05:04 aller. Absence d'identité substantielle, évidemment. Donc on est devant, comme je
05:08 dis, une entité politique qui ne se fonde pas sur une civilisation, bien que l'Europe
05:11 soit une civilisation de génie, mais l'Union européenne emprunte le nom d'Europe pour
05:16 faire toute autre chose que l'Europe. L'Union européenne devient, je le dis, le laboratoire
05:19 d'une gouvernance technoscientifique mondiale, technocratique mondiale, mais c'est certainement
05:24 pas une expérience politique démocratique. Et aussi c'est la grande expérimentation
05:28 sociale avec l'idée de fabriquer, l'Union soviétique voulait faire l'homo soviéticus,
05:32 et bien l'Union européenne veut faire l'homme post-national déconstruit avec l'horizon
05:37 de la fluidité identitaire et ainsi de suite. Donc on a tout ça, il y a une parenté à
05:41 penser. J'insiste, une parenté, ça ne veut pas dire que l'un, c'est l'autre. Ça ne
05:44 veut pas dire que, je ne dis pas que l'Union européenne aujourd'hui, c'est le RSS,
05:48 le jeu de mots est tentant. Ce que je dirais simplement, c'est qu'on doit penser les
05:53 temps présents à la lumière d'une expérience historique vers laquelle on se tourne peu,
05:57 mais qui nous informe beaucoup sur nous-mêmes.
05:58 Vous parlez d'une démocratie, mais sous-tutelle le phénomène, dépasse-t-il les frontières
06:03 de l'Union européenne ?
06:04 C'est le problème. C'est-à-dire, on a, ces dernières années, Nicolas Baverez avait
06:09 fait un très bon livre sur ça, il disait « Il y a le choc entre les démocraties libérales
06:12 et les empires autoritaires ». Le seul amendement que j'aurais proposé à son livre, c'est
06:16 que nos démocraties libérales n'en sont plus vraiment. Nos démocraties libérales
06:20 n'ont plus de démocratie libérale que le non. Et je donne quelques exemples. Il y a
06:23 des procès politiques pour délit d'opinion qui se multiplient, en voulant c'est une
06:27 idée dans l'espace public, si ça choque un des lobbies, vous savez, des groupes protégés
06:32 qui aujourd'hui décident des nouvelles lois sur le blasphème. Si vous remettez en question
06:35 notre vision du monde, nos intérêts, notre identité, on va vous poursuivre et vous allez
06:39 devoir payer tel X millier d'euros parce que vous avez dit quelque chose qui choque
06:44 tel ou tel lobby. C'est quand même fascinant, le délit d'opinion est de retour dans notre
06:48 monde et c'est un délit de blasphème, parce que certains ont le droit de dire ce qui est
06:52 sacré et ce qui ne l'est pas.
06:53 Extension du domaine de la censure au nom de la lutte contre la haine. J'ai souvent
06:58 parlé de la loi écossaise sur la censure, j'en avais parlé ici, où dans le domaine
07:02 privé, ce qu'ils appellent les propos haineux seront interdits. Donc autrement dit, on peut
07:06 désormais pénétrer dans votre maison pour savoir ce qu'on va y dire et ce qu'on ne
07:10 peut pas y dire. En Irlande, nouvelle étape, ça s'est voté il y a quelques mois, une
07:15 loi la plus ambitieuse en matière de lutte contre la haine qui consiste à dire que si
07:19 vous remettez en question par exemple la théorie du genre, vous pouvez être accusé d'incitation
07:22 à la haine, ça peut aller loin quand même, et si vous possédez chez vous du matériel
07:26 qui peut inciter à la haine, c'est presque traité, je dis presque, comme du contenu
07:32 pédopornographique. Donc si vous avez un livre d'un auteur scandaleux qui est censé
07:36 appeler à la haine, théoriquement, en certaines circonstances, on pourra vous le reprocher.
07:40 Des partis, je poursuis mon analyse, qu'on est encore en démocratie, qui représentent
07:45 des grands pans de l'électorat mais qui ne sont plus invités, qu'on refuse d'imaginer
07:49 dans le périmètre de la conversation républicaine, comme on dit aujourd'hui. Le passage d'une
07:54 société de liberté à une société d'autorisation, et ça l'écologisme nous réserve de belles
07:58 surprises sur ça. L'instrumentalisation des enfants pour la mise en place de nouveaux
08:01 hommes nouveaux, et ça c'est la survalorisation, comme on l'a vu à Rennes, si je ne me trompe
08:06 pas, ces derniers jours, de l'enfant non-binaire qui est vu comme la nouvelle étape de l'émancipation.
08:10 L'enfant non-binaire donne plus de points quand vient le temps de monter la cagnotte
08:14 pour les associations sportives que si vous saviez qu'il y a des garçons ou des filles.
08:16 Donc le régime pousse à la non-binarité, c'est quand même culotté, et la réduction
08:22 à sa part minime de la souveraineté populaire, et un changement de peuple à travers la grande
08:25 révolution démographique de notre temps. Donc sommes-nous encore en démocratie libérale,
08:29 nous portons encore ce nom officiellement, mais ce n'est plus la réalité.
08:31 [Musique]
08:34 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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