Dans son édito du 09/05/2023, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]
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00:00 Emmanuel Macron prétend que l'Europe, justement, protège,
00:03 et protège même comme jamais les Européens et les Français.
00:07 - Oui, oui, c'est ce qu'il dit, c'est ce qu'il dit.
00:09 Alors, je cite, hein.
00:11 "L'Europe nous a protégés des crises.
00:12 "Elle va aussi nous permettre de créer des emplois,
00:14 "de la sécurité, de l'ordre, dans un monde de péril."
00:18 Mais là, il donne une série d'exemples,
00:19 et il oublie de donner certains exemples, là.
00:21 C'est important de dire ce qu'on nommait.
00:23 Premier élément, dans la pandémie, il nous dit,
00:25 "Ce sont nos démocraties qui ont su prendre
00:27 "les dispositions nécessaires pour protéger
00:29 "nos compatriotes les plus fragiles."
00:31 Je devine qu'il parle ici avec poésie des confinements.
00:33 "Ce sont nos sociétés ouvertes qui ont pu faire appel
00:36 "à la science pour développer, produire et donner
00:39 "des vaccins au monde entier."
00:41 Je crois qu'il confond ici les sociétés ouvertes
00:43 et le dispositif technocratique nommé Europe.
00:45 C'est une confusion qu'on peut faire, je devine.
00:47 Mais à tout le moins, l'argument me semble moins convaincant
00:49 qu'il n'ait de le croire.
00:51 Il ajoute, "L'Europe porte aujourd'hui,
00:53 "dans la crise qu'on traverse, un plan de relance exceptionnel,
00:55 "qu'on pourrait présenter aussi comme un plan
00:57 "d'endettement exceptionnel à l'échelle de l'histoire."
00:59 Mais c'est encore une fois un argument.
01:01 Il nous dit aussi de l'Europe qu'elle a fait la preuve
01:03 de sa valeur dans sa défense de l'Ukraine,
01:05 dans la crise présente en ce moment.
01:07 Je dirais qu'il n'est pas certain que l'absence d'autonomie
01:09 stratégique et politique de l'Europe,
01:11 qui a eu tendance à s'aligner sur les ordres de Washington
01:13 en la matière, quoi qu'on pense des ordres de Washington,
01:15 soit la preuve d'une autonomie stratégique forte
01:17 qui permette à l'Europe d'exister.
01:19 Il nous dit aussi, l'Europe, c'est le laboratoire,
01:21 le continent qui va porter la transition énergétique.
01:24 Alors, on est tous ici, évidemment, pour la lutte,
01:26 pour s'assurer contre le changement climatique,
01:28 très bien, mais ce que l'on sait aussi,
01:30 c'est que la notion de transition énergétique
01:32 masque ou cache quelquefois une volonté de contrôle social
01:36 au nom de l'écologie.
01:38 L'Europe serait-elle le continent qui se prépare
01:40 à généraliser le contrôle social au nom de la transition énergétique?
01:43 Il m'arrive de le craindre, il m'arrive de le croire.
01:45 Peut-être Emmanuel Macron le souhaite-t-il.
01:47 Il nous donne aussi, ça, c'est mon préféré,
01:49 que l'Europe se distingue par le monde numérique aujourd'hui.
01:53 Par la protection des données personnelles,
01:55 par la modération des contenus en ligne,
01:57 par la lutte contre la désinformation.
01:59 On pourrait traduire, si on est un sceptique comme moi en la matière,
02:02 si on est un vieux libéral comme moi,
02:04 on voit surtout là-dedans contrôle de l'information,
02:06 contrôle du discours public,
02:08 sous prétexte de s'en prendre aux empires numériques,
02:10 ce qui est une très bonne chose,
02:12 c'est une volonté de contrôler comme jamais le discours public,
02:14 et effectivement, j'ai tendance à croire
02:16 que l'Europe est quelquefois liberticide.
02:18 Bon, je pourrais poursuivre l'examen,
02:20 mais je note un absence dans ce qui nous protège,
02:22 l'immigration massive.
02:24 Aucune mention de l'immigration
02:26 lorsqu'on parle de l'Europe qui nous protège.
02:28 Ce qui, de ce point de vue,
02:30 témoigne du souci de la vérité du président,
02:32 parce qu'effectivement, l'Europe ne protège d'aucune manière
02:34 de l'immigration massive, elle y est même favorable,
02:36 tant même à chercher à la normaliser,
02:38 de quelle manière, nous le savons,
02:40 en disant qu'il faut lutter contre l'immigration irrégulière.
02:42 Comment? En faisant en sorte qu'elle devienne régulière,
02:44 en créant les conditions d'un pont aérien
02:47 et naval généralisé entre l'Afrique et l'Europe,
02:50 pour faire en sorte que l'immigration irrégulière
02:52 devienne régulière. Mais le président de la République
02:54 n'a pas présenté l'Europe comme protégeant
02:56 les Européens et les Français de l'immigration massive.
02:58 Il n'a pas tort, c'est juste, et c'est une bonne nouvelle.
03:01 - Alors, si l'Europe ne protège pas,
03:03 que fait-elle, Mathieu Bocoté?
03:05 - De mon simple point de vue,
03:07 c'est une forme d'expérimentation idéologique
03:09 assez inédite dans l'histoire.
03:11 C'est-à-dire que l'Europe se présente
03:13 comme un continent de rééducation des peuples qui la composent.
03:15 Qu'est-ce qu'on dit aux peuples?
03:17 Globalement, on veut déstabiliser leur identité
03:19 avec leur souveraineté de trop. Elle est résiduelle.
03:21 Sacrifier-la pour la transférer au nouveau modèle,
03:23 dis-je, von der Leyen-esque,
03:25 à la souveraineté technocratique impériale post-nationale
03:28 de madame von der Leyen. Ça fait rêver.
03:30 Ensuite, c'est un lieu qui cherche à déstabiliser
03:33 l'identité des peuples. Pourquoi?
03:35 Parce qu'on voit comme c'est une identité qui est réfractaire,
03:38 qui n'accepte pas, justement, de se sacrifier
03:40 pour le modèle du citoyen du monde européiste
03:42 qu'on nous propose.
03:44 Et de ce point de vue,
03:46 je pense que c'est un peu l'ouverture de l'Union européenne
03:49 à l'immigration massive et plus particulièrement à l'islam
03:52 et même l'islamisme, parce qu'on se dit
03:54 voilà des gens qui seront européens
03:56 sans passer par la médiation d'une nation.
03:58 Si vous êtes italien, danois, français, norvégien,
04:01 vous risquez d'avoir une résistance à l'idée
04:03 d'être européen d'abord et français ensuite.
04:05 Si vous arrivez de l'extérieur, vous avez plus de chances
04:07 d'être d'abord européen et ensuite
04:09 l'identité nationale résiduelle.
04:11 Ensuite, je pourrais aussi parler de toutes les entreprises
04:13 qui nous viennent de Bruxelles
04:15 et de l'arrivée des différents conseils européens
04:17 qui font la promotion d'un homme nouveau, déraciné, post-national,
04:20 sans genre, sans identité,
04:22 qui apprend l'écriture inclusive et qui parle même le langage inclusif.
04:25 Pourquoi? Pour lutter contre les discriminations.
04:27 L'Europe se présente alors comme le laboratoire
04:29 d'un monde déraciné.
04:31 C'est l'homme post-national qui pourrait enfin naître ici.
04:34 En dernière réflexion, toute simple,
04:36 on a beaucoup dit de mal de l'élargissement de l'Europe
04:38 il y a quelques années. On disait que l'élargissement vers l'est
04:40 c'est une mauvaise nouvelle parce que ça empêche
04:42 l'Europe de se fédéraliser à partir de l'ouest.
04:44 Moi, je dirais exactement le contraire.
04:46 L'élargissement vers l'est, premièrement,
04:48 c'est la réunification de l'Europe avec la part d'elle-même
04:50 qui avait été occupée par les soviétiques.
04:52 C'est l'Europe qui se rassemble.
04:54 Et les pays d'Europe de l'est aujourd'hui sont souvent plus soucieux
04:56 de la défense de l'identité européenne,
04:58 de la souveraineté des nations européennes,
05:00 des frontières européennes, de la protection de l'Europe
05:02 que des nations d'Europe occidentale qui, quelques fois,
05:04 elles, ont peut-être fait le choix d'une forme de suicide spirituel,
05:06 démographique et politique.
05:08 De ce point de vue, se pourrait-il qu'aujourd'hui,
05:10 l'est défende l'ouest en Europe?
05:12 C'est mon hypothèse.
05:14 (Générique)
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