Avec Augustin de Colnet, professionnel en intelligence économique, diplômé de l'École de guerre économique.
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00:00 sur Sud Radio, il est l'heure de se face à face avec André Bercoff qui reçoit aujourd'hui
00:03 Augustin De Colney, professionnel en intelligence économique, diplômé de l'école de guerre
00:09 économique.
00:10 Bonjour à vous.
00:11 - Augustin De Colney, alors je crois qu'au départ, justement, je le dis, vous m'avez
00:15 envoyé une lettre et Estéban vous a appelé ensuite.
00:21 C'est très simple, vous dites voilà, aujourd'hui, effectivement, septembre 23, vous avez fait
00:27 un nouveau travail de cartographie qui vise à référencer, je vous cite, et vulgariser
00:32 pour le grand public, la vente de nos principales entreprises stratégiques françaises à des
00:36 concurrents étrangers durant ces quinze dernières années.
00:39 C'est un vrai sujet, c'est un vrai sujet, parce que vous savez très bien, un pays tient
00:44 aussi, c'est très important, grâce à ces entreprises stratégiques, ça fait le corps
00:51 des choses, non seulement ça sert économiquement, mais ça sert pour la souveraineté du pays
00:56 et pour tout, et donc on a eu quand même une espèce de vente à la découpe qui nous
01:01 a tous légèrement estomaqués, si pour ne pas dire plus.
01:07 Alors de quoi s'agit-il, Augustin De Colney ?
01:10 - Alors je vous remercie pour votre invitation.
01:13 Il faut déjà que je revienne à la jeunesse de ce projet.
01:17 En fait, si vous voulez, dans le domaine de l'intelligence économique, vous n'avez que
01:20 deux choix possibles qui s'offrent à une entreprise.
01:23 Soit l'entreprise va adopter une posture défensive, donc auquel cas la protection deviendra son
01:29 axe de développement, je vous rappelle qu'on est dans un contexte guerre économique, ou
01:33 l'attaque, et ce de manière à conquérir des marchés.
01:35 Donc la partie offensive, j'étais venu vous la présenter en avril 2022, donc avec ce livre
01:43 qui s'appelle "Compétition mondiale d'intelligence économique, grille d'analyse des risques".
01:47 - J'ai fait.
01:48 - Donc l'idée c'était quoi ? C'était d'établir un panorama des risques généraux pour les
01:53 entreprises.
01:54 Par exemple, si on prend les vulnérabilités juridiques, les Etats-Unis ont infligé,
01:58 je parlerai plus précisément du département de la justice américaine, le DOJ, ont infligé
02:03 plus de 14 milliards de dollars d'amende à l'entreprise française, et ce depuis 2010.
02:08 - 14 milliards de dollars d'amende ?
02:11 - 14 milliards de dollars d'amende.
02:13 Donc vous avez BNP par et bas, 8,9 milliards de dollars, Alstom, 772 millions de dollars,
02:19 etc.
02:20 Donc on voit que c'est un risque récurrent.
02:21 Ça pourrait être le risque de dépendance, par exemple.
02:25 La Chine, là, selon le magazine Capital, menace de nous interdire l'accès aux terres
02:29 rares, puisque c'est eux qui sont les principaux extracteurs.
02:32 - Rappelez, rappelez, terres rares, lithium et autres.
02:34 - Voilà, alors les terres rares ce sont des éléments que vous allez retrouver dans tout
02:40 ce qui est technologique.
02:41 - Portables, ordinateurs, etc.
02:42 - Portables, ordinateurs, éoliennes, avions de chasse, etc.
02:45 Donc là on voit qu'on est dépendant d'un fournisseur.
02:49 Donc la liste, je pourrais la continuer éternellement.
02:51 - On va le faire, non mais sans faire toute la liste.
02:53 - Donc en fait, très brièvement, j'ai créé 7 grandes familles de risques.
02:57 Donc j'ai réparti 80 exemples pour illustrer, et ceux dans 39 familles de risques.
03:04 Donc ça c'était la partie offensive.
03:06 Donc durant 2 ans et demi, je me suis aperçu qu'il y a 3 pays qui sont hostiles, qui sont
03:11 les Etats-Unis, la Chine et l'Allemagne.
03:14 Et je me suis posé la question, c'est là où...
03:16 - On parle du couple franco-allemand.
03:18 Juste, Augustin Collenay, on va faire une petite pause et on va entrer dans le vif du
03:21 sujet.
03:22 Effectivement, quels sont les gens qui essayent d'attraper et comment nous nous défendons,
03:27 bien ou mal.
03:28 C'est très important aussi.
03:29 - Et puis bien sûr, on continue cet entretien avec vous au 0826 300 320, tout de suite.
03:34 - Et avec Augustin de Collenay, qui est professionnel en intelligence économique et diplômé de
03:38 l'école de guerre économique, et nous parlons de ces entreprises stratégiques qui, depuis
03:44 15 ans, ça existe depuis évidemment longtemps, mais là, Augustin de Collenay a fait une
03:47 étude en prenant une limite de temps.
03:51 Comment on "brade", comment on vend ou comment on protège ? Alors justement, vous parlez
03:58 de l'offensive et de la défensive.
03:59 - Alors, déjà, juste pour cette cartographie, les gens peuvent la retrouver sur le portail
04:06 de l'intelligence économique, donc ils tapent Augustin de Collenay, portail de l'intelligence
04:10 économique, ou le titre complet "Nos entreprises stratégiques françaises vendues à des concurrents
04:14 étrangers depuis 15 ans".
04:16 Donc très brièvement, la cartographie ressemble à ça.
04:19 Je vais essayer de la montrer à l'écran.
04:23 Voilà, très succinctement, je ne sais pas ce que ces gens verront bien.
04:27 - Ils pourront consulter justement sur votre portail, absolument.
04:32 - Donc les gens peuvent la retrouver sur le portail de l'intelligence économique.
04:37 Peut-être juste aborder une minute la notion de souveraineté, avant de parler de toutes
04:43 ces boîtes qu'on a vendues.
04:44 Cet été, sur Radio France, vous avez eu un débat en lien avec la Ferratos sur la notion
04:49 de souveraineté.
04:50 Et donc moi j'ai retenu ce qu'a dit le sénateur, LR du territoire de Belfort, Cédric Perrin.
04:55 Voilà ce qu'il dit à propos de la notion de souveraineté.
04:58 "La définition de la souveraineté, c'est d'être capable de garantir la liberté de
05:03 décision et d'action sans dépendre de quiconque.
05:06 Par conséquent, la France a besoin de ne dépendre de personne."
05:10 Et on pourrait compléter avec ce qu'a dit Claude Revelle, l'ancienne déléguée intamistérielle
05:15 à l'intelligence économique, et qui dit elle, pour atténuer, la souveraineté c'est
05:20 le fait de réduire au maximum ses dépendances et surtout de les choisir.
05:23 Et c'est également ce que le même constat que fait Christian Arbulot, qui est le directeur
05:27 de l'école de garde économique, qui dit lui, il ne faut pas subir ses dépendances
05:31 mais les choisir.
05:32 - Tout ça c'est très beau mais c'est des mots.
05:35 Comment ça se passe dans le concret ? On va prendre l'exemple, moi je voudrais que
05:38 vous preniez des exemples.
05:39 Soyons concrets.
05:40 Atos, qu'est-ce qui s'est passé ? C'est quoi Atos ? Racontez-nous, Augustin le connaît,
05:44 ce qui s'est passé par exemple avec Atos.
05:46 - Alors Atos, il y a un projet de scission en deux entités, que j'ai cartographiées.
05:51 Donc d'une part, vous allez avoir...
05:53 - D'abord rappelez-nous ce que c'est qu'Atos, parce que vous le savez mais beaucoup de gens
05:56 ne le savent pas.
05:57 - Alors Atos c'est une entreprise plutôt du numérique qui a la particularité d'avoir
06:02 acheté Bull, qui fabrique les supercalculateurs.
06:05 Pourquoi c'est éminemment stratégique ? Parce que la dissuasion nucléaire aujourd'hui,
06:09 elle est faite de manière virtuelle avec l'aide de ces supercalculateurs.
06:14 On ne fait plus de tests grandeur nature.
06:15 Vous avez eu cet été une tribune dans le Figaro de la part de sénateurs, Les Républicains,
06:21 qui alertent sur le danger gravissime de laisser prendre une partie du contrôle de la partie
06:27 Eviden par le milliardaire Daniel Kretinsky, qui pourrait prendre 7,5% du capital d'Eviden.
06:37 - Eviden c'est quoi ?
06:38 - Eviden, ça fait partie de l'uncission, donc ils vont conserver les nouveaux métiers
06:42 ascendants et rentables, donc cybersécurité, supercalculateur, big data, quantique.
06:48 - Ce serait dans Eviden ça ?
06:49 - Ce serait dans Eviden.
06:50 - D'accord.
06:51 - Et ensuite, de l'autre côté, vous allez avoir Tech Foundation, donc cette entité
06:55 va être achetée.
06:56 - C'est une entité qui est divisée ?
06:57 - Voilà, c'est une scission qui se fait en deux.
07:00 Tech Foundation, c'est un leader dans les services d'infogérance, centré sur l'infrastructure
07:06 et le cloud hybride, et qui va regrouper des activités historiques et plutôt vieillissantes,
07:12 donc la gestion du parc informatique.
07:13 Tech Foundation, ça va être acheté à 100% par ce milliardaire tchèque Daniel Kretinsky.
07:20 Pourquoi ces problèmes ? Les deux sont problématiques.
07:22 De l'autre côté, on a nos supercalculateurs, dont Daniel Kretinsky pourrait prendre des
07:28 décisions on ne sait pas lesquelles, qui pourraient porter préjudice à notre souveraineté.
07:32 Je rappelle juste quelques faits.
07:34 Des responsables du CEA s'offusquent en se demandant comment l'exécutive peut perdre
07:47 la tête sur un tel dossier.
07:48 Et je prendrais également le signalement des militaires, qui sont à ne pas négliger.
07:52 A maintes reprises, des responsables militaires ont sonné l'alarme jusqu'au sommet de l'État
07:58 pour le presser de trouver une solution stable qui garantisse l'indépendance de toutes
08:02 les activités stratégiques.
08:03 Je rappelle que dans la partie vidaine, il n'y a pas que les supercalculateurs, il y
08:09 a également un grand nombre de logiciels qui sont présents au sein du ministère des
08:13 armées, dont les services de renseignement ont également des intérêts.
08:17 Et puis il faut savoir que Stec Foundation me dit que ce n'est pas stratégique.
08:21 En fait si ça l'est, j'ai regardé ce que disait Mediapart par exemple, en fait Atos
08:25 a un certain nombre de logiciels, donc ils sont présents dans les collectivités, dans
08:30 les ministères, les impôts, les papiers d'identité, carte vitale, France Connect,
08:36 caisse d'assurance maladie, caisse nationale d'allocation familiale.
08:39 Et ce qui inquiète les syndicats d'Atos, c'est qu'on ne sait pas quelles sont les intentions
08:45 de ce milliardaire qui est Daniel Kretinsky, on ne sait pas ce qu'il va en faire et qu'est-ce
08:49 qui se passe si ces activités-là sont dépecées ou sont stoppées pour nos activités régaliennes
08:55 de l'État.
08:56 - Aujourd'hui, à l'heure où nous parlons, Augustin de Colnay, Atos est vendu ou pas,
09:01 où ça en est exactement ?
09:03 - Alors, aux dernières nouvelles, vous allez avoir une assemblée extraordinaire qui va
09:07 se réunir en fin d'année.
09:08 - En fin de cette année ?
09:09 - En fin de cette année, et donc on va voir ce qu'il en est.
09:13 L'actualité ne cesse de rebondir là-dessus.
09:15 Pour le moment, l'entreprise n'est pas encore vendue.
09:17 - Alors plus généralement, Augustin de Colnay, dites-nous, puisqu'on parle depuis 15 ans,
09:22 au fond, comment a été géré par les gouvernements successifs, qu'ils soient de droite ou de
09:27 gauche, on voit que ça n'a rien à faire.
09:29 Comment, effectivement, on décide, parce que c'est ça le fond de l'affaire, de dire
09:34 oui, telle chose est stratégique peut-être, mais enfin on peut la vendre au nom de l'économie,
09:40 nous avons besoin, nous avons des dettes énormes, il faut renflouer, c'est pas le shutdown comme
09:44 en Amérique, mais enfin, etc.
09:46 Comment la politique qui consiste à dire bon, on va céder à telle ou telle très grande
09:52 multinationale ou très grande multinationale américaine ou chinoise, ailleurs, comment
09:55 on fait ? Comment ça se passe ? Et sous quels critères ?
09:58 - Alors, moi j'ai rencontré un fonctionnaire qui m'a bien expliqué ce fonctionnement.
10:03 Vous savez ce qu'on appelle le contrôle des investissements étrangers, qui est piloté
10:08 par Bercy, qui formule, vous avez une liste, je crois, de 200 entreprises ou plus qui est
10:17 tenue secrète, et que Bercy et non Bercy a les noms.
10:20 - Ils sont considérés comme stratégiques et essentiels.
10:24 - Ils sont considérés comme stratégiques.
10:25 On peut supposer que le groupe Dassault, la société Thalès, ce sont des entreprises
10:29 qui, je l'espère, ne seront jamais vendues.
10:32 Donc vous avez après des ministères qui vont apporter leur savoir-faire, si c'est
10:38 un rachat d'une entreprise de santé, c'est le ministère de la Santé qui va donner son
10:44 expertise, pareil pour le ministère des Transports, etc.
10:47 Moi, si vous voulez, ce qui me pose problème, c'est qu'on a vendu certaines entreprises
10:51 comme, déjà juste pour un panorama général, sur les 16 entreprises que j'ai mentionnées
10:57 dans ma cartographie, vous en avez 11 qui sont passées sous la bannière américaine
11:01 et deux sous le drapeau chinois.
11:03 - Mais l'Amérique reste extrêmement majoritaire.
11:08 - Voilà, alors si je prends juste quelques remarques, à propos de l'ATCoR par exemple,
11:16 vous avez donc l'ATCoR, il fabrique des composants pour le missile balistique Mersol M51 et qui
11:26 est embarqué sur nos SNLE, nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engin.
11:30 Voilà ce que dit par exemple l'économiste Christian de Saint-Etienne.
11:34 Jamais le pentagone américain n'aurait permis une prise de contrôle d'une telle technologie
11:39 par un acteur étranger.
11:41 Si on prend les entreprises qui ont été vendues à des chinois, si je prends Lixence
11:46 par exemple, ce qui n'est pas n'importe quelle entreprise stratégique, c'est un pionnier
11:51 et un leader mondial de la conception et de la fabrication de connecteurs de cartes à
11:54 puces.
11:55 Ces composants, on les retrouve dans des applications régaliennes comme les passeports, les cartes
12:00 d'identité et autres.
12:01 Figurez-vous que André Loescroog-Pietri, qui est l'ancien conseiller spécial de la
12:07 ministre des armées de l'époque, il a dit "inimaginable que Bercy ait donné son aval".
12:12 On pourrait prendre également, si je reprends un entretien de La Gazette Normandie d'octobre
12:18 2022, un entretien avec Geoffrey Célestin-Urbain, qui est le chef du CICE, le service d'intelligence
12:23 économique de Bercy, donc service de l'information stratégique et de la sécurité économique.
12:27 Donc lui, il nous dit tout simplement "écoutez, la vente de Lixence est passée sous les radars,
12:33 désolé".
12:34 - Ah bon, on n'a pas su quoi.
12:35 - Je le cite, "lorsque je suis arrivé en octobre 2018, on m'a fixé un objectif, il
12:40 ne faut plus que certaines choses arrivent".
12:42 C'est délirant.
12:43 On pourrait prendre la vente d'Alstom par exemple.
12:49 On a dit qu'on allait racheter la branche d'Alstom Énergie, une partie, qui a été
12:54 vendue à Général Electric vers 2015, je crois à peu près.
12:58 L'État a dit en 2022, par le biais d'EDF, on va racheter Alstom Énergie.
13:03 - À beaucoup plus cher.
13:04 - Deux fois plus cher.
13:05 - Deux fois plus cher qu'on ne l'avait vendue.
13:06 - À 1 milliard d'euros, on l'avait vendue quelque chose comme 550 millions d'euros,
13:10 à peu près.
13:11 Et on parle là juste d'une partie d'Alstom Énergie.
13:13 Je précise juste qu'Alstom est un conglomérat.
13:16 Ce que j'ai vu dans le journal Marianne par exemple, je cite le journaliste Jean-Michel
13:22 Quatrepoint qui a fait un article récemment, et qui dit que...
13:26 - Dont l'actionnaire est Daniel Kretaski.
13:28 Je ne le dis pas.
13:29 - Voilà.
13:30 - C'est pas grave.
13:31 - Mais il faut quand même citer son article.
13:32 Il dit que depuis, les Américains ont mis des composants ITAR au sein des turbines Arabel.
13:37 Donc juste pour le préciser, les turbines Arabel, c'est ce qui permet de faire fonctionner
13:42 une cinquantaine de centrales nucléaires.
13:43 - C'est ça, oui.
13:45 C'est extrêmement important.
13:47 C'est même majeur et essentiel.
13:49 - C'est même majeur.
13:50 - C'est-à-dire que c'est grâce aux turbines Arabel qu'on peut faire fonctionner nos centrales
13:53 nucléaires.
13:54 - Voilà.
13:55 Ça s'est passé sur le contrôle américain.
13:56 Je rappelle juste la norme ITAR, donc ça veut dire International Traffic and Arm Regulation.
14:01 Ça permet aux États-Unis d'empêcher des sociétés françaises d'exporter leurs produits
14:06 finis à l'étranger.
14:07 Je rappelle qu'en 2016, quand Général Electric a pris le contrôle d'Alstom Énergie, ils
14:13 ont dit à EDF, son client, écoutez, nous, on voudrait que vous réduisiez notre responsabilité
14:21 juridique en cas d'incident.
14:22 D'une part...
14:23 - Ça me rappelle certains laboureux, ça, pour la commissarie.
14:26 - Et d'autre part, on voudrait vous faire payer plus cher le prix de pièces détachées.
14:31 Donc EDF a dit, écoutez, messieurs, non.
14:34 EDF a dit, très bien, vous ne voulez pas répondre à nos injonctions, on va faire une
14:39 grève de maintenance.
14:40 Et donc, pendant plusieurs jours, ou plusieurs semaines, je crois, ils ont tout simplement
14:44 cessé de fournir des pièces détachées, et donc ils ont mis en péril le bon fonctionnement
14:49 de nos centrales nucléaires.
14:50 Juste une citation de Jean-Bernard Lévy, le patron d'EDF.
14:52 À l'époque, il a écrit, je crois que c'est dans un article de l'Obs, "EDF a été forcé
14:57 de mettre en œuvre des mesures d'urgence dépassant notre plan de secours habituel.
15:02 Cette attitude venant d'un partenaire historique est inacceptable."
15:05 Vous imaginez la pression qu'on a mis ? Donc les États-Unis, demain, si on a un désaccord
15:08 politique, ils peuvent dire à la France, écoutez, on va vous mettre la pression.
15:12 - On ne vous donne pas les pièces, il est tard, débrouillez-vous.
15:13 - Mais il n'y a pas que ça.
15:14 En 2003, si je remonte plusieurs années avant, quand on a refusé d'aller faire la guerre
15:22 en Irak, en 2003, donc vous avez Dominique de Villepin à l'OMU qui a dit, écoutez,
15:28 messieurs les Américains, on n'y va pas.
15:31 L'administration Bush, qu'est-ce qu'elle a fait ? Elle a dit, très bien, vous ne voulez
15:33 pas venir, et bien écoutez, on va faire un embargo sur les pièces détachées à destination
15:37 de l'armée française.
15:38 Et donc ça a touché notamment le porte-avions Charles de Gaulle qui fonctionne avec une
15:41 catapulte qui est un brevet américain, il y a un savoir-faire, et pour la maintenance
15:45 de ces catapultes, il faut des pièces de rechange qui sont fabriquées aux États-Unis.
15:48 Et bien il n'y avait plus de pièces de rechange.
15:50 - Embargo, embargo.
15:51 On en parle tout de suite après cette petite pause au Cousin de Colnay, c'est passionnant,
15:55 c'est la guerre économique, c'est passionnant, et comment justement on nous défend ou on
16:00 nous laisse faire ?
16:01 - On continue de parler de ces peut-être faux amis avec Augustin de Colnay, et puis
16:06 on est avec vous au 0826 300 300 1 tout de suite sur ceux d'Orly.
16:10 - Comment on vend nos bijoux de famille et comment on les défend quelquefois aussi,
16:14 heureusement, et qu'Augustin de Colnay, professionnel en intelligence économique et diplômé de
16:18 l'école de guerre économique, alors Augustin de Colnay, vous allez nous donner des exemples,
16:22 mais il y a un exemple dont on parlait hors antenne et qui est assez extraordinaire,
16:28 je crois que c'est avec les Chinois.
16:29 - Alors, il faut juste que je reprenne d'abord en préambule la norme ITAR, donc on en a
16:34 déjà parlé.
16:35 Expliquez aussi, parce qu'il faut toujours revenir, qu'est-ce que c'est qu'ITAR et
16:38 la norme ITAR ?
16:39 - La norme ITAR, c'est une norme américaine qui vous permet d'empêcher, dès qu'une
16:43 société étrangère utilise vos composants, qu'elle exporte son produit fini à l'étranger.
16:47 Donc c'est par exemple la société Dassault Aviation qui a voulu en 2018 vendre des Rafales
16:53 avec, donc à l'Egypte, de l'ère égyptienne, et il se trouve que dans les missiles Scalp,
16:58 donc fabriqués par l'entreprise MBDA, il y avait des composants américains.
17:02 Et donc, comme par hasard, les Etats-Unis vendent des F-35, concurrent du Rafale.
17:06 Il y a un rapport qui est vraiment incroyable.
17:09 - Et les Etats-Unis ont empêché ?
17:10 - Empêché temporairement, parce que la vente s'est faite dans le futur, enfin peu de temps
17:14 après.
17:15 Donc je ne sais pas, après il a dû y avoir un échange entre les gouvernements.
17:17 - Oui, ils ont entendu.
17:18 - Moi, je voudrais juste citer un rapport de la Cour des comptes, qui est sorti en janvier
17:22 2023, qui s'appelle "Le soutien aux exportations de matériels militaires".
17:26 Voilà ce qu'ils disent.
17:27 "S'agissant des Etats-Unis, il apparaît judicieux de s'émanciper le plus possible
17:32 de la dépendance aux composants américains en développant des solutions industrielles
17:36 dites "E-tar free" et ce, dès la conception des matériels.
17:40 On estime que les entreprises françaises de défense les plus importantes formulent chaque
17:45 année environ de 800 à 1000 demandes de licences au DDTC, qui est la Direction des
17:51 Contrôles du Commerce de la Défense, un organisme américain.
17:53 Et dernière citation, pour parier à ces contraintes, la France cherche à mettre en
17:57 oeuvre des programmes d'équipement dites "E-tar free", dès leur conception, ce qu'a rappelé
18:02 Instruction 1618 de la DGA, relatif aux programmes d'armement.
18:05 Est-ce que vous savez ce qui s'est passé cet été André Bercoff ?
18:07 - Dites-nous.
18:08 - J'ai lu dans Le Parisien, après la presse en a reparlé, qu'on avait vendu Omic aux
18:13 Américains.
18:14 L'histoire d'Omic, c'est une entreprise qui est présente dans le milieu des semi-conducteurs
18:18 et qui fabrique des puces qui sont surpuissantes.
18:21 - Dans quels domaines ? Dans tous les domaines ?
18:24 - Alors notamment, qui sont présentes dans le domaine militaire.
18:28 - Omic, entreprise française ?
18:32 - Omic, entreprise française.
18:33 Ils sont rachetés à 95% par un homme d'affaires chinois, qui est lié à l'industrie d'armement
18:40 de la République Populaire de Chine, qui prend le contrôle de cette entreprise.
18:43 Donc ça c'est en janvier 2018.
18:45 Ensuite, histoire incroyable, en mars 2023, la DGSI procède à l'arrestation de quatre
18:52 dirigeants de la société Omic pour avoir vendu ces puces qui sont jugées stratégiques
18:58 et ultra-puissantes avec la technologie GAR.
19:00 - Donc quatre dirigeants français ont été arrêtés ?
19:02 - Je crois qu'il y a deux chinois et deux dirigeants français.
19:04 Donc ils sont arrêtés et mis en examen au niveau de la justice pour haute trahison.
19:09 Et l'État, chose rare, reprend le contrôle des parts de l'entreprise.
19:14 Donc l'entreprise Omic repasse sous le contrôle français.
19:17 Et qu'est-ce qu'on apprend ? Vous avez juste une toute petite ligne à la fin de cet article
19:21 du Parisien qui vous dit "en juin 2023, cette entreprise éminemment stratégique pour laquelle
19:26 la DGSI a lutté est revendue à l'américain Macom".
19:30 Qu'est-ce qui se passe ?
19:32 - C'est hallucinant.
19:33 Donc c'est l'État français qui a vendu Omic là ?
19:35 - Et alors le pire, j'ai creusé cette affaire, il y avait déjà un projet d'achat dès
19:40 février 2023.
19:41 Donc on a fait la police pour le compte des États-Unis et rien ne nous dit que eux les
19:46 États-Unis n'autoriseront pas la vente de ces puces surpuissantes à l'étranger.
19:51 Et je précise que ces puces sont présentes dans bon nombre d'équipements du mystère
19:55 des armées depuis 5 ans selon les différentes revues de presse que j'ai fait.
19:58 - C'est très grave ça.
19:59 C'est-à-dire qu'au fond, qui contrôle ? Est-ce qu'il y a un contrôle ? Il n'y a pas de contrôle.
20:04 Enfin on dit voilà, il faut qu'on rachète aux Chinois, on inculpe et on met un examen
20:08 et puis on revend aux Américains.
20:11 C'est assez hallucinant parce qu'on se dit mais où est le contre-pouvoir ? Enfin qui
20:17 contrôle, qui voit, qui fait des règles et qui est surtout sur des objets, sur tous
20:22 les produits aussi stratégiques que ceux que vous citez.
20:24 - Alors normalement au niveau étatique, vous avez en tête de liste le CICE, le service
20:28 d'intelligence économique de Bercy qui est chargé de coordonner les actions de l'État
20:33 entre les différents ministères.
20:34 Après vous avez deux grandes agences de renseignement.
20:36 La première, la DGSI et notamment sa sous-direction du patrimoine économique et scientifique
20:42 qui est chargée de protéger les entreprises plutôt civiles.
20:45 - Direction générale de la sécurité intérieure.
20:46 - Voilà, direction générale de la sécurité intérieure.
20:48 Et puis vous avez son pendant qui est la DRSD, donc la direction du renseignement et de la
20:53 sécurité et de la défense, qui est chargée de protéger à peu près les 4000 entreprises
20:57 de la BITD.
20:58 Donc c'est la base industrielle et technologique de défense.
21:01 Donc ce sont toutes les entreprises, que ce soit des PME, des grands groupes de type Thalès
21:05 par exemple, ou Nexter, qui travaillent de près ou de loin avec le ministère des armées.
21:10 Ça peut être dans le satellite aussi.
21:11 - Elles sont combien à peu près en France ?
21:13 - Selon ce qu'on dit dans la presse, il y en aurait environ 4000.
21:16 Donc la DRSD a ce qu'on appelle des assiets, des agents de contre-ingérence économique
21:21 qui ont des portefeuilles, chacun a un portefeuille d'entreprise à protéger, à aller visiter,
21:26 essayer d'anticiper les menaces, pour le risque de vol de brevets, etc.
21:30 Donc l'État, je pense qu'il est très bien armé.
21:32 Je suis convaincu que ces gens-là, de la DGSI, de la DRSD, font très bien leur boulot.
21:36 Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi au sommet de l'État, ça se passe à Bercy
21:41 ou à l'Élysée, pourquoi est-ce qu'on laisse partir ces entreprises qui sont éminemment
21:45 stratégiques ?
21:46 C'est quelque chose qu'on pourrait prendre...
21:48 Il n'y a pas que les Américains qui représentent une menace.
21:50 On peut prendre les Chinois aussi.
21:53 Vous avez l'entreprise Senexi, qui est un sous-traitant de l'industrie pharmaceutique
22:01 et qui est spécialisé dans la formulation, le développement, la fabrication et le remplissage
22:05 de produits pharmaceutiques.
22:06 Vous avez parlé un peu des vaccins.
22:08 On a vu durant la crise du Covid les déboires qu'on avait par rapport à notre dépendance
22:14 médicale envers les...
22:15 - Absolument.
22:16 Les paracétamol d'olive-printeuse, c'était fabriqué en Chine, comme on sait.
22:19 On a tout enlevé.
22:20 - L'État a laissé partir Senexi.
22:22 - Il y a combien de temps, ça ?
22:25 - Je n'ai plus la date, les gens le retrouveront sur ma cartographie.
22:30 J'en ai 16.
22:32 Après, je suis allé à un colloque sur la souveraineté à Saint-Malo, organisé par
22:39 le site Souverain Tech.
22:41 Vous aviez des gens comme Frédéric Perucci, Claude Ravel, Nicolas Moinet, des acteurs
22:46 de la Tech.
22:47 On s'était réunis pour discuter ensemble de comment on peut protéger nos entreprises
22:53 stratégiques, comment l'État peut nous aider avec la commande publique.
22:56 Il y avait un acheteur, un responsable des achats du ministère de l'Intérieur qui nous
22:59 expliquait aussi son point de vue.
23:02 Parfois, on peut réduire les coûts.
23:07 Je prends l'exemple de la gendarmerie qui a...
23:10 - Attendez, je voudrais qu'on reste encore une fois, parce que vous avez fait très bien
23:15 les colloques.
23:16 Encore une fois, qui prend la décision ? Vous l'avez dit vous-même.
23:19 Vous dites, c'est Bercy ou c'est l'Élysée ou c'est Matignon, je ne sais pas.
23:25 Donc ce que vous dites, Augustin Decollet, il y a une décision politique à un moment
23:30 donné.
23:31 Par le politique, je ne dis pas...
23:33 Ce n'est pas une décision politique, mais une décision par les représentants, les élus,
23:39 les politiques.
23:40 - De toute façon, pour avoir une volonté d'intelligence économique, de protection
23:45 de nos intérêts stratégiques, ça passe par le politique.
23:47 Les entreprises privées peuvent faire de leur mieux.
23:50 Tous les grands groupes, comme Total par exemple, Thalès, ils sont tous équipés de départements
23:54 d'intelligence économique, de manière à pouvoir lutter contre des prédations étrangères,
24:01 des vols de brevets, etc.
24:02 En revanche, moi, sur une échelle de temps, je me suis basé à peu près sur ces 15 dernières
24:08 années, approximativement.
24:10 Donc je ne peux pas parler que du gouvernement actuel, je parle aussi des précédents gouvernements.
24:14 - Non, mais on est d'accord.
24:15 - Si on revient juste aux années 2000, vous avez le français Thermodyne qui fabrique les
24:19 centrales vapeur pour nos sous-marins nucléaires d'attaque, qui a été vendu à Général
24:22 Électrique.
24:23 Donc vous voyez que ça remonte il y a longtemps.
24:24 Après, on pourrait prendre JM+ qui avait des savoir-faire notamment pour nos cartes
24:32 de crédit et autres applications régaliennes, qui a été pillée par un fonds d'investissement
24:36 soutenu par la CIA.
24:38 Nicolas Moinet a très bien illustré ce cas-là.
24:40 Et là, on est à peu près en 2002 par le fonds Apollo.
24:44 Vous voyez que c'est ancien.
24:48 Je me souviens que Nicolas Sarkozy, je crois que c'était en 2008, avait investi dans Alstom
24:54 dans le conglomérat, quand Alstom n'allait pas bien.
24:55 L'État a quand même sauvé, il ne faut pas prendre à défaut tout le temps l'État,
25:01 des entreprises stratégiques.
25:03 On peut prendre par exemple l'entreprise Sego.
25:06 Sego, c'est une PME qui est détenue par le Canadien Velland.
25:11 Et Velland voulait se vendre à l'américain Flower, quelque chose comme ça.
25:19 Sauf que du coup, vous tombez sur la norme ITAR.
25:21 Et donc l'État français, le ministère des armées a mis son veto, parce que Sego fabrique
25:26 de la tuyauterie pour nos sous-marins nucléaires et qu'ils ont un quasi-monopole en France.
25:30 Imaginez si demain les américains possèdent une entreprise de tuyauterie, qu'elle est
25:34 dépecée, que ça ait la déchange.
25:37 Après, il y a quand même des entreprises privées aussi qui jouent un rôle de souveraineté.
25:42 On pourrait prendre Aubert et Duval.
25:45 Aubert et Duval, je crois qu'ils sont possédés par le groupe Ramet et qui fabriquent des
25:49 aciers haute performance, qui sont nécessaires pour les sous-marins nucléaires d'attaque,
25:54 pour les sous-marins nucléaires tout court, et pour les Rafales du groupe Dassault.
25:58 Vous avez un consortium de mémoire, vous aviez Airbus, Tickeo Capital et je me demande
26:04 s'il n'y avait pas Thales, qui ont racheté cette entreprise au grand soulagement de la
26:08 DGA, la Direction Générale de l'Armement.
26:11 Et juste pour terminer, on pourrait prendre Photonis, par exemple.
26:15 Tout le monde lui dit, Photonis qui devait être racheté par un américain, qui est
26:20 un spécialiste de la vision nocturne pour les armées.
26:23 - Oui, on a parlé pas mal de Photonis.
26:25 - Photonis a été sauvé grâce à l'action de l'État, grâce à un veto de l'État.
26:29 Aujourd'hui, je crois qu'il se porte très bien.
26:31 Donc vous voyez, quand l'État veut, il peut.
26:34 - Voilà, c'est important.
26:35 Je crois que nous avons des auditeurs.
26:37 - On va marquer une courte pause et après on prend vos auditeurs.
26:39 Vous êtes nombreux à nous attendre au standard.
26:40 0826 300 300, à tout de suite.
26:42 13h48 sur Sud Radio.
26:44 On est ensemble jusqu'à 14h avec André Bercoff, Augustin Decolnet et puis Emmanuel
26:48 De Pessac qui nous appelle au 0826 300 300.
26:51 Bonjour Emmanuel.
26:52 - Bonjour Emmanuel.
26:53 - Bonjour André.
26:54 Bonjour à votre invité et à toute l'équipe.
26:55 Merci de lever les lièvres, comme on dit.
26:58 Parce qu'en fait, je ne pense pas qu'on vende simplement nos entreprises stratégiques,
27:02 mais on vend aussi nos ressources.
27:04 Ça a commencé avec Sarkozy, qui a quand même vendu 600 tonnes d'or en dessous du
27:07 prix du marché et qui a supprimé opportunément le crime de haute trahison.
27:10 Bon, c'était original.
27:12 On a vendu 4 milliards de mètres cubes à l'Arabie Saoudite de flotte pendant qu'on
27:16 nous disait que c'était la sécheresse en France.
27:17 L'automobile va disparaître si ça continue parce que ce sera les Chinois, les terres
27:20 rares, vous l'avez abordé tout à l'heure.
27:22 Le bois part en Chine des forêts françaises pour nous en vendre sous meubles.
27:25 Et dans la liste à l'après-verre de toutes les usines vendues, on nous dit qu'on a trois
27:31 jours de munitions pour les militaires.
27:33 Bah, Manurhin a été mis en faillite par manque de commande de l'État et il a été
27:38 vendu au Qatar.
27:39 C'était quand même le premier fabricant de munitions françaises.
27:41 C'est vrai que quand on dit qu'il va falloir pleurer chez les Qataris parce que quand ce
27:46 n'est pas les Chinois, c'est les...
27:48 Enfin bref, ce que je me demande...
27:50 On a vendu aussi une boîte, je n'ai plus le nom, qui faisait des vannes, qui font toujours
27:54 d'ailleurs des vannes pour les sous-marins et les centrales nucléaires, indispensables
27:57 évidemment au fonctionnement de tout ça.
27:59 Donc moi, j'ai l'impression de me retrouver en 91 en Russie.
28:02 La différence, c'est que la Russie, c'est le plus grand pays géographique du monde avec
28:06 des ressources.
28:07 Nous, on n'en a pas.
28:08 Qu'est-ce qu'on va faire pour redresser le pays ? Parce que moi, ce que je me demande
28:10 c'est ce que je vous répondrais à cette question, puisqu'il a fait un tour complet
28:13 de...
28:14 Enfin, complet, oui, qui ne va pas être abordé en totalité dans votre émission, c'est trop
28:18 long.
28:19 Mais pour qui travaillent ces gens ? C'est ça qu'il faut se dire.
28:21 Parce que pour moi, ce sont des traîtres.
28:23 Il n'y a pas d'autre mot.
28:24 C'est comme disait Camus, il faut nommer les choses.
28:26 Quand on vend le pays à la découpe, comme vous le dites, et qu'on supprime absolument
28:30 toutes nos indépendances, pas nos dépendances justement, nos indépendances, pour qui travaillent
28:36 ces gens ?
28:37 Alors, Augustin Decolde, c'est vert mais juste, Emmanuel.
28:40 Alors, moi, vous imaginez bien qu'en tant que professionnel en intelligence économique,
28:44 je ne peux pas m'attaquer ou citer des hommes politiques.
28:47 Parce que j'ai, pour la simple et bonne raison qu'en tant que professionnel en intelligence
28:50 économique, j'ai besoin d'avoir des sources en permanence, de rencontrer des gens en permanence,
28:54 et donc par conséquent de tous bords politiques.
28:56 Juste, si je rebondis sur Manurhin, vous savez qu'il y a un conflit en Ukraine qui se poursuit.
29:02 On nous parle, le chef d'état-major des armées, nous parle de conflits de haute intensité.
29:07 Manurhin, alors, vous parlez d'absence de commande publique.
29:10 Manurhin, il fabriquait, entre autres, des machines-outils pour la production de munitions.
29:15 Aujourd'hui, nos fusils d'assaut, donc les FAMAS, ont été remplacés par des HK416,
29:21 donc les fusils d'assaut sont allemands.
29:23 Nos armes de poing, donc les pistolets, c'est des Glock 17, qui sont de mémoire autrichien.
29:29 Nos fusils de précision, une partie, je crois qu'ils sont belges.
29:33 Et si vous voulez...
29:36 - Notre armée est équipée d'instruments qui ne sont pas français, ou presque.
29:40 - En tout cas, je parle pour des munitions de petit calibre.
29:43 Alors, moi, je suis un civil, je ne connais pas bien le monde militaire,
29:47 mais je me pose des questions.
29:48 Quand je vois qu'entre les Russes et les Ukrainiens, chacun essaye de détruire les stocks logistiques de l'autre,
29:53 ça veut dire qu'il faut des énormes capacités de munitions, tout simplement, de petit calibre et de gros calibre.
29:59 Alors, les gros calibres, je crois qu'on arrive à les faire, notamment avec Nexter.
30:03 Qu'est-ce qui se passe si demain...
30:05 Ou tout simplement, qu'est-ce qui se passe si l'Allemagne arrête de vous fournir des fusils d'assaut ASK 416,
30:11 ou des pièces de rechange ?
30:12 Parce que dans tout fusil d'assaut, pour avoir fait un peu de réserve à l'armée de terre,
30:16 je sais très bien que vous avez des pièces qui finissent par être défectueuses.
30:19 - Emmanuel disait au président de Colnay, et il rappelait en tout cas les déclarations de certains chefs militaires,
30:28 ou experts militaires, qui disaient "s'il y avait une guerre avec nous, on tiendrait deux semaines",
30:33 disaient certains, quelques jours disaient l'autre.
30:35 Je parle du point de vue, justement, de munitions et compagnie.
30:39 Est-ce que, d'après vous, c'est exact ?
30:42 - Après, si vous voulez, moi je ne suis pas expert dans ce domaine-là, je ne suis pas un militaire,
30:47 je n'ai pas de connaissances dans le milieu de l'armement, je reste un généraliste sur ces sujets.
30:52 - Et quand on dit, alors on le voit, on ne dit pas, évidemment, il n'est pas question de vous demander une idée non,
30:57 et puis on n'est pas là pour, effectivement, faire des inventaires de non.
31:01 Mais, effectivement, on peut se poser la question, encore une fois, droite et gauche confondies,
31:06 comme vous disiez très bien, ça date de 2020 et avant, tous les gouvernements ont été concernés.
31:12 Mais, effectivement, et on avait posé la question en rentaine, pour qui travaillent, effectivement,
31:17 un certain nombre de personnes ? Est-ce qu'ils travaillent pour la nation, pour la France ?
31:21 Est-ce qu'ils travaillent pour leurs intérêts ? Est-ce qu'ils travaillent pour les vicissitudes du marché ?
31:26 On peut quand même se poser la question, hein, que ce soit dans l'intelligence économique ou autre.
31:33 - Alors, ce que je sais, en tout cas, c'est que je rencontre régulièrement des directeurs sur T de grands groupes du CAC 40,
31:40 je sais que ces gens-là, ils aiment profondément la France, et vous en avez surtout une grande partie qui viennent des milieux des services de renseignement,
31:47 des forces spéciales ou du ministère des armées.
31:49 C'est des gens qui sont humbles, qui... en fait, tout simplement, qui aiment la France.
31:54 Après, au niveau politique, je dirais que je pense qu'il y a une idéologie qui vise à relativiser la vente des entreprises stratégiques.
32:05 - Qui joue l'Europe plus que la France, peut-être.
32:09 - Voilà, si vous voulez, quand on parle de couple franco-allemand, faut pas oublier, regardez, dans l'actualité, l'Allemagne nous empêche parfois de vendre des A400M.
32:17 Donc, c'est un avion de transport... - C'est un avion de transport civil ?
32:21 - Non, militaire. - Un militaire, pardon.
32:23 - C'est un avion de transport militaire, donc c'est un consortium de pays européens qui ont travaillé dessus pour le produire.
32:26 - Oui. - Pareil, dans le spatial, vous avez un fournisseur, là, pour Ariane-Espace,
32:31 qui dit, tout simplement, dans la presse, qu'on préférait favoriser un peu SpaceX, enfin, les Américains.
32:37 Donc, quand on parle de couple franco-allemand, je l'ai vu encore une fois au colloque souveraintech,
32:42 je suis pas sûr que les Allemands, eux, parlent de couple.
32:45 - Oui. - Ils ont la notion de couple.
32:47 Je pense que c'est à chaque pays de défendre sa souveraineté, sans que ce soit un mot vulgaire.
32:53 Pour ceux avec qui ça ferait peur, on pourrait parler, tout simplement, d'autonomie stratégique.
32:57 Si le mot souveraineté vous fait peur, je pense qu'on peut parler d'autonomie.
33:02 Et si on revient sur le conflit qui se passe en Ukraine,
33:06 je pense qu'il est bon qu'on ait une armée puissante, qui soit capable de fabriquer ses propres fusils d'assaut,
33:10 même si j'ai entendu certains militaires qui relativisent.
33:13 Non, mais vous inquiétez. Alors, fait très intéressant,
33:16 vous aviez un ministre socialiste qui était à deux doigts de relancer une production de munitions petit calibre,
33:25 avec un consortium... - En France. - En France.
33:27 C'était Jean-Yves Le Drian.
33:29 Je crois qu'à l'époque, il a changé à plusieurs reprises de ministère.
33:33 Enfin bref, sous sa direction, je crois qu'il y avait un consortium qui regroupait Thalès,
33:40 un fabricant de cartouches de chasse.
33:42 Ils étaient à deux doigts de relancer la filière de petit calibre.
33:45 Et puis, quand le nouveau quinquennat a démarré sous Emmanuel Macron,
33:49 avec la ministre des armées Florence Parly, le projet a été abandonné.
33:53 Ce qui est vraiment dommage.
33:54 Peut-être qu'il y a-t-il un réveil maintenant, avec ce conflit,
33:58 et peut-être qu'on va retrouver plus de souveraineté sans que ce soit vu comme un mot vulgaire.
34:03 - On espère, je crois qu'on n'aura pas le temps malheureusement de recevoir notre dernier Mastipsom,
34:08 mais on la recevra bientôt.
34:10 Merci en tout cas. C'est vraiment intéressant de voir qui sont les gens qui aiment,
34:15 qui veulent, qui sont souverainistes au bon sens du terme, au sens politique du terme,
34:19 et qui sont vraiment autonomistes stratégiques.
34:21 Donc, je pense que l'intelligence économique, ça reste un très bon instrument.
34:25 - Merci Augustin de Colnay d'avoir été avec nous.
34:27 Je rappelle que vous êtes professionnel en intelligence économique et diplômé de l'école de guerre économique.