La crise climatique remet aujourd'hui en question la soutenabilité de notre modèle économique... et politique ? La démocratie, caractérisée par l'incitation courtermisme de l'élection et la recherche d'une majorité pour toute mesure vraiment courageuse est-elle taillée pour le XXIe siècle ?Retrouvez la question qui fâche de Marie Misset sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-question-qui-fache
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AmusantTranscription
00:00 Je vous pose donc notre question qui fâche du jour.
00:02 Gilles Finkelstein, n'aurait-on pas besoin d'une bonne petite dictature ?
00:12 Je ne sais pas si la question va fâcher les auditeurs, mais je dois dire que quand elle
00:17 m'a été posée, je me suis dit « mais quelle mouche les a donc piquées pour poser
00:22 une telle question ? ». Bon, ça c'était ma première réaction et puis…
00:26 C'était pas une mouche, c'était moi. Il n'y a pas eu rien qui…
00:30 La mouche s'appelle Maya. Et comme on sait que les Français sont quand même assez massivement
00:37 insatisfaits du fonctionnement de la démocratie, jusqu'à s'interroger sur la pertinence
00:43 de l'idée démocratique elle-même, enquête après enquête, depuis 10 ans, on voit qu'il
00:47 y a un tiers des Français qui disent « un autre système pourrait s'y substituer ».
00:51 Alors ça ne veut pas dire nécessairement qu'ils sont pour la dictature.
00:56 Pour le coup, l'idée que ce soit l'armée qui dirige le pays ou que ce soit un leader
01:02 politique qui n'ait pas de compte à rendre et qui ne soit pas élu, ça, ça rencontre
01:06 vraiment une petite poignée de Français.
01:09 Mais je me suis dit « allons-y, débattons ».
01:12 Alors Maya, la déesse de la mauvaise foi, ne sera pas d'accord avec vous, Gilles,
01:16 c'est sa mission.
01:17 Exactement. Moi, aujourd'hui, je pense que vraiment la dictature, c'est le meilleur
01:21 système jamais inventé pour dominer la France ou même le monde entier.
01:25 Non, peut-être en commençant tout simplement par la France, on est en pleine impuissance
01:28 démocratique, en ce moment on le voit avec le 12e 49-3, finalement, une bonne petite
01:33 dictature, est-ce qu'on n'y est pas déjà en fait ?
01:36 Non.
01:37 Alors on n'y est pas maintenant.
01:38 Oh bah si, quand même ! Entre l'état d'urgence, entre les contraintes dues au Covid, on voit
01:42 bien qu'on a un état qui est capable de nous mettre des limites, et des grosses limites,
01:47 qu'on est quasiment en dictature.
01:48 Elisabeth Borne is the new… non je ne peux pas finir cette phrase.
01:52 Que nos vieilles démocraties ne soient pas adaptées à ce que sont les nouveaux citoyens,
02:00 plus éduqués, plus instruits, qui veulent davantage participer, sans doute c'est le
02:05 cas.
02:06 Que a fortiori, la 5e république soit un système dont le pouvoir est beaucoup plus
02:11 concentré, beaucoup plus vertical, beaucoup plus autoritaire que dans les autres démocraties
02:15 parlementaires européennes, oui.
02:17 La question c'est, est-ce que nous souffrons, est-ce que la démocratie est un problème
02:22 ou est-ce que c'est une solution, est-ce que l'on souffre d'un excès ou d'un
02:25 défaut de démocratie ? Vous semblez défendre l'idée que… en défendant la dictature
02:30 chère Maya ! Que nous souffrons d'un excès de démocratie, je pense que nous souffrons
02:35 d'un défaut de démocratie.
02:36 Mais là par exemple, par rapport à l'urgence climatique, on voit bien que la démocratie
02:39 n'est pas du tout à la hauteur des enjeux.
02:41 Du coup, une dictature verte par exemple, ce serait bien, ça nous permettrait de survivre
02:45 par exemple.
02:47 La question c'est, est-ce qu'une dictature est plus courageuse ? Est-ce qu'elle prend
02:53 de meilleures décisions ?
02:54 Je trouve qu'on caricature beaucoup des dictatures.
02:57 Et que vraiment, c'est pas si mal la dictature, vous savez.
03:00 Faisons l'exercice concret, regardons comment, précisément sur cette question de la lutte
03:06 contre le changement climatique, comment réagissent les dictatures, comment réagissent
03:10 les démocraties ?
03:11 Ah non mais les dictatures, il y en a des bonnes, il y en a des mauvaises, moi je vous
03:13 parle d'une bonne dictature.
03:14 Il y a eu des dictatures bienveillantes par exemple.
03:16 Ben, citez-moi aujourd'hui une dictature dans laquelle la lutte contre le changement
03:21 climatique est prise davantage au sérieux avec des mesures qui sont plus volontaires
03:28 que ce qui se passe dans nos vieilles démocraties européennes.
03:31 Allez-y, je vous attends.
03:32 Non, non, mais il n'y a aucun problème.
03:34 Je vous réponds en vous citant Roger Hallam, le co-fondateur d'Extinction Rébellion
03:38 qui dit « Quand une société se comporte de manière si immorale, la démocratie n'est
03:42 plus compétente.
03:43 » Par exemple, si aujourd'hui on avait une dictature d'Extinction Rébellion, eh
03:46 ben peut-être que ça sauverait la planète.
03:48 Ça, ça suppose quelque chose.
03:52 Que les décisions qui seraient prises par une dictature seraient de meilleures décisions
04:00 parce qu'elles seraient prises plus rapidement.
04:03 Est-ce que nous souffrons ? Est-ce que nos démocraties…
04:05 Ben là, vous jouez un petit peu dans votre camp parce que là vous arrivez, Fondation
04:08 Jean Jaurès, effectivement vous ne venez pas de la Fondation Charles Maurras, donc
04:11 vous venez défendre vos idées de gauchistes.
04:13 On s'y attend de votre part.
04:14 Est-ce que les dictatures, parce qu'elles agissent plus rapidement, et de fait, le fait
04:21 de ne pas avoir de longues procédures de discussion, de procédures parlementaires…
04:26 Exactement, des gens en providentiel qui prennent les bonnes décisions avec fermeté.
04:29 Ça permet d'aller plus vite.
04:30 Est-ce que les décisions sont meilleures ? Je pense que non.
04:33 Regardez par exemple Atatürk.
04:34 Atatürk c'est merveilleux, il a donné le droit de vote aux femmes, il a amené la
04:37 laïcité en Turquie.
04:38 Il y a des bons dictateurs quand même.
04:40 Et est-ce qu'elles sont appliquées ? Parce qu'il ne suffit pas de prendre des mesures,
04:45 y compris contre le changement climatique.
04:47 Après qu'elles rentrent en application, il faut qu'elles soient absorbées par la
04:50 société.
04:51 Il y a la police, il y a l'armée, ça nous oblige à faire les choses.
04:53 Regardez ce qui se passe, regardez les débats qui ont lieu en ce moment même.
04:56 La Convention citoyenne pour le climat.
04:59 Les citoyens se réunissent, ils ont pris du temps, ils ont fait évoluer eux-mêmes
05:04 leurs positions.
05:05 Il y a 140 propositions de la Convention citoyenne.
05:09 Un certain nombre d'entre elles, sans doute pas suffisamment, ont été mises en œuvre.
05:12 Par exemple le zéro artificialisation net des sols, objet d'un débat d'il y a quelques
05:18 jours.
05:19 Ou l'interdiction de louer des passoires thermiques.
05:21 Quelle est la réaction de la société ? Quel est le risque ? Ce n'est pas que ça aille
05:24 trop vite, c'est que ça n'aille pas assez vite.
05:28 Les gens disent « laissez-nous un peu plus de temps ».
05:31 Donc penser qu'une dictature permet de se passer de la société, je pense que c'est
05:35 une erreur et que c'est exactement l'inverse qu'il faut faire.
05:38 Il faut que dans la décision elle-même, la société soit davantage intégrée qu'elle
05:42 ne l'est aujourd'hui.
05:43 Je vous repose donc la question qui fasse Gilles Finkelstein n'a-t-on pas besoin d'une
05:47 bonne petite dictature ?
05:48 Je vous avais répondu non tout à l'heure, je vous réponds non avec encore plus de conviction
05:53 quelques minutes après.
05:54 N'aurait-on pas besoin d'une bonne petite dictature ? Maya dit que oui, vous dites que
05:58 non.
05:59 Moi je fais comme Emmanuel Macron avec l'écologie, je propose une dictature plus compétitive,
06:03 plus accessible et plus juste, une sorte de dictature à la française qui respecterait
06:06 les lois des êtres humains et dans laquelle on pourrait voter pour nos dirigeants…
06:10 Non pardon, ça ne marchera jamais.
06:11 Merci Gilles Finkelstein d'être venu.
06:14 Je rappelle que vous êtes le secrétaire de la fondation Georges Ress et que vous défendez
06:17 avec ardeur la démocratie même quand on n'a pas le temps.