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Thomas Porcher, membre des Economistes Atterrés et professeur à la Paris School of Business, et Dominique Seux, éditorialiste à France Inter et aux Echos s'interrogent ce matin sur la confusion politique actuelle... Peut-elle déclencher une crise financière en France ? Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-economique/le-debat-eco-du-vendredi-29-novembre-2024-6068587

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Transcription
00:00Le débat éco du vendredi avec Thomas Porchet et Dominique Seux, bonjour messieurs !
00:05Bonjour !
00:06Thomas Porchet, membre des économistes atterrés et professeur à la Paris School of Business
00:11et Dominique Seux, éditorialiste à France Inter et aux Echos, vous n'avez pas changé
00:15de profession et c'est une bonne nouvelle puisque vous allez pouvoir nous éclairer
00:20sur le sujet qui s'impose ce matin.
00:22Est-ce que la confusion, la crise politique actuelle peut déclencher une crise financière
00:28en France ?
00:29C'est ce risque-là qu'évoque le Premier ministre Michel Barnier pour repousser les
00:34assauts de ceux qui voudraient le censurer et ce risque, d'autres en revanche le récusent.
00:40Tout tourne bien sûr comme depuis maintenant deux mois autour du budget, mais j'aimerais
00:45qu'on démarre avec une explication, un peu de pédagogie, très simplement, qu'est-ce
00:50qu'on observe sur les marchés, et les marchés financiers notamment Dominique ?
00:56Oui, alors il y a les faits et il y a ce que ça veut dire.
00:59D'abord si on regarde les marchés actions, c'est-à-dire la bourse de Paris, la bourse
01:02de Paris depuis six mois a baissé de 10%, alors que les bourses européennes en moyenne
01:08ont baissé de 4%.
01:09Donc il y a un facteur, comme les résultats des entreprises françaises ne sont pas très
01:13différents des entreprises européennes, il y a un facteur français, ça c'est sur
01:17les marchés actions.
01:18Donc moins 5% pour le CAC ?
01:20Voilà, non, moins 10% pour le CAC, moins 5% en Europe.
01:24Ce qu'on regarde le plus en ce moment, c'est ce qu'on appelle les marchés, les
01:27taux d'intérêt.
01:29Alors, c'est les obligations d'État, c'est-à-dire le coût auquel l'État emprunte pour financer
01:37ses déficits.
01:38Et ce qu'on regarde c'est la différence entre le taux d'intérêt entre la France
01:42et l'Allemagne.
01:43Ce qu'on voit c'est que la prime de risque ces derniers mois a augmenté.
01:47Le 15 juin, les taux d'intérêt français à 10 ans ont dépassé les taux portugais.
01:52Le 26 juillet, les taux français ont dépassé les taux espagnols.
01:57Et le 27 novembre, les taux français ont atteint, touché, les taux grecs.
02:03Donc on voit qu'il y a quelque chose, il y a une lente dérive qui fait que les taux
02:08français sont plus élevés qu'auparavant, en tout cas qu'ils sont différenciés des autres.
02:13C'est très concret, ça ne concerne pas seulement l'État, ça veut dire que l'ensemble
02:16du financement de l'économie va être impacté par cela.
02:20Vous savez, la montée des taux c'est comme la montée des eaux, c'est-à-dire que c'est
02:24un mouvement puissant, ça monte, mais on ne sait pas très bien comment l'arrêter.
02:28Et ce qu'on entend de la part des investisseurs, et je finis là-dessus, ce qu'on entend
02:31de la part des investisseurs internationaux qui financent la dette française, c'est
02:37une chose très simple, c'est que nous avons compris que la France ne souhaite pas réellement
02:42contrôler ses déficits et ses dépenses.
02:45On pense que c'est vrai ou que ce n'est pas vrai, mais c'est ce qu'on entend sur
02:48les marchés financiers en ce moment.
02:49Thomas Porchet.
02:50Je suis d'accord avec ce que dit Dominique, sauf qu'il oublie de préciser une chose,
02:54c'est que, par exemple, la Grèce aujourd'hui, depuis 2023, selon les agences de notation,
02:58fait partie d'un des pays les plus sûrs au monde.
03:00Et nous sommes aussi un pays très sûr, parce que nous avons une high quality en termes
03:04de signatures.
03:05Et donc, nous faisons des comparaisons, nous avons une très belle signature, c'est-à-dire
03:11que les investisseurs demandent de notre dette, selon les agences de notation, il y a une
03:14autre qui va tomber ce soir, mais les deux dernières ne nous ont pas dégradé, nous
03:17ont laissé quand même sur des très bonnes notes.
03:19Ce qui est le cas de tous les pays que Dominique a cités.
03:22Alors effectivement, sur les taux d'intérêt, à 10 ans, nous empruntons à 3%, l'Italie
03:27a un taux supérieur, les Etats-Unis, vous savez à combien ils empruntent les Etats-Unis ?
03:30A plus de 4%.
03:31Je ne pense pas que les Etats-Unis soient un pays qui ait une faible économie.
03:34Donc il faut faire très attention, nous faisons des comparaisons entre pays qui ont
03:38une belle signature.
03:39Maintenant, si les taux étaient à plus de 35%, comme ça a été le cas de la Grèce
03:42en 2012, ou à 15% comme ça a été le cas de la Grèce en 2015, je ne suis pas sûr
03:46qu'on y vienne, là je m'inquièterais.
03:49Mais ce n'est pas le cas.
03:50Et par contre, ce que je constate, et là, toute la semaine, on a vu un certain nombre
03:54de gens, politiques, éditorialistes, discuter de ça, c'est qu'il y a une volonté de
03:59créer un effet de sidération.
04:00Vous savez, un effet de sidération pour que les populations, et le sondage que M.
04:05Cohen a dit à la fin, le prouve, pour que les populations acceptent les coupes dans
04:10les dépenses publiques.
04:11Ce qu'on appelait la stratégie du choc.
04:12Tout à fait.
04:13Moi c'est ça que je constate.
04:14Alors qu'aujourd'hui, nous faisons des comparaisons, rappelons-le, entre pays sûrs, et ce n'est
04:17pas moi qui lis, c'est les agences de notation.
04:19On va y venir, mais la situation financière, Dominique, malgré tout, vous parlez donc
04:25des risques, vous parlez d'une situation qui peut être dangereuse pour les finances
04:29publiques, mais on peut aussi considérer qu'on a de la chance.
04:32La France emprunte à 3%.
04:34C'est très faible.
04:35Ça reste faible.
04:37Mais Ali et Thomas, vous avez raison, ça reste un taux qui reste modéré.
04:42Sauf que nous avons une perte de chance.
04:47Les taux d'intérêt sont en train de baisser partout pour une raison très simple, c'est
04:50que la crise inflationniste est terminée.
04:53Bonne nouvelle.
04:54Donc les taux d'intérêt baissent partout.
04:55Sauf que chez nous, ils baissent aussi, mais moins que les autres.
05:01Alors évidemment, la crise grecque, ça n'a rien à voir à ce stade, évidemment.
05:07La Grèce en 2010-2012 n'arrivait plus à se financer et à un moment, les investisseurs,
05:14ceux qui prêtaient de l'argent à la Grèce, disaient « le risque est tel qu'il nous
05:19faut être émunérés à 35%, c'est exactement ce qui s'est passé en 2012 ».
05:24Mais j'aimerais justement…
05:25À ce moment-là, tout le monde a arrêté.
05:26Oui, tout le monde a arrêté.
05:27Personne n'a prêté.
05:28Évidemment, la Grèce n'a pas emprunté à 35% et donc c'est le Fonds monétaire international
05:33et l'Europe, les mécanismes européens, qui ont prêté à la Grèce.
05:36On n'en est évidemment pas là.
05:37Mais quand on parle de scénario à la grecque, est-ce que c'est fondé ou non ? Ou est-ce
05:41que c'est d'abord désagréable pour les Grecs et ensuite faux parce qu'on ne
05:45nous sommes pas dans la situation qu'a dû subir la Grèce à l'époque ?
05:49C'est faux.
05:50C'est faux, il n'y a pas de scénario à la grecque.
05:55La crise financière, au sens propre, c'est qu'on ne trouve plus d'argent, plus personne
05:59ne prête de l'argent.
06:00La France a une réputation mondiale et j'allais dire même interstellaire, elle s'est levée
06:05des impôts.
06:06Interstellaire.
06:07Elle sait le faire.
06:08L'année prochaine, on doit émettre 300 milliards de dettes, donc c'est plutôt une
06:12bonne nouvelle.
06:13Oui, d'accord.
06:14Mais sauf que nos taux d'intérêt se sont rapprochés de ceux de la Grèce, tous ceux
06:19de la Grèce.
06:20Et donc, il y a un petit peu… Vous, vous avez la gentillesse de dire de sidération.
06:24Moi, je dis, je ne suis pas certain que ce soit complètement ce qu'on souhaite quand
06:27on est un pays comme la France.
06:28Non.
06:29Comme un parchet.
06:30Non.
06:31Surtout que là, on parle de pays, encore une fois, qui n'ont pas de problème d'endettement.
06:33Mais le scénario à la grecque…
06:34Non.
06:35Le scénario à la grecque, ce n'était pas du tout le même.
06:36Parce que c'est devenu vraiment un lieu commun, du jour au lendemain, du commentaire.
06:39La Grèce n'a plus les déficits de ses finances publiques.
06:42C'est un épouvantail qui est agité, mais les causes ne sont pas du tout les mêmes.
06:46Vous savez, la crise de la dette grecque, c'était en réalité une crise de la dette
06:48privée.
06:49Ce n'est pas moi qui le dit, c'est Victor Constantiaux qui est le vice-président de
06:52la BCE, dans un discours, qui l'a avoué.
06:54Et l'argent qui était à la Grèce n'a pas permis aux Grecs de rembourser quoi que
06:58ce soit.
06:59Aux Grecs de rembourser les banques privées, notamment les banques françaises et les banques
07:04allemandes.
07:05Donc, ce n'est pas du tout le même contexte.
07:07Certes, il y a eu un petit peu de trucage sur les comptes, ce qui a été le cas aussi
07:12chez nous.
07:13Mais la Grèce a dû subir une cure d'austérité.
07:14Ça veut dire qu'on avait quasiment coupé les allocations au chômage, les retraites
07:18n'étaient plus versées, on a licencié des fonctionnaires.
07:21Oui, mais écoutez, la cure d'austérité…
07:22C'est ce qui pend au nez des Français ?
07:24Je ne l'espère pas, parce que vous savez que la Grèce a fermé ses chaînes publiques.
07:27Non, peut-être que vous voulez… Je ne sais pas, moi je pense que ce ne serait pas
07:30bien.
07:31Mais les radios, ils les ont rouverts ensuite ?
07:32Oui, tout à fait, mais ils les ont fermés pour faire des économies.
07:34Et les économies, c'est ça qui est problématique, c'est que le plan d'austérité qui a
07:37été imposé aujourd'hui par le gouvernement est de 2% du PIB, ce qui est le même montant
07:42que le premier plan d'austérité qui a été fait en Grèce.
07:44Même si les causes de la crise ne sont pas les mêmes, la solution qui est appelée des
07:47voeux d'un certain nombre de personnes sont toujours les mêmes.
07:50Donc, comparaison n'est pas raison, Dominique Seul.
07:52Bien sûr, il n'y a jamais de problème, donc tout va bien.
07:54Mais, ce qui s'est passé en Grèce en 2010-2012, c'est qu'on a découvert que le déficit
08:03public n'était pas de 4-5%, comme le disait le gouvernement à l'époque, il était
08:08de 11%.
08:09Nous, le déficit public n'est pas de 3-4%, comme on nous l'avait dit, mais il pourrait
08:14être enchanté à 6-7%.
08:15C'est différent, mais est-ce si différent que ça ? C'est-à-dire qu'il y a quelque
08:19chose qui ne va pas.
08:20Après, vous dites que c'est sur les dépenses publiques, vous voulez absolument sur les
08:25dépenses publiques.
08:26Non, sur la dette privée.
08:27Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le vice-président de la Banque Centrale Européenne.
08:29Non, non, sur la France, vous dites que c'est les dépenses publiques.
08:32Il ne faut pas toucher aux dépenses publiques, c'est la question des impôts qu'il faut
08:35remonter.
08:36Je vous résume à un grand trait.
08:37Oui.
08:38Ce que vous dites est exactement l'inverse, Dominique.
08:39Depuis 2012, chaque année, le taux de prélèvement obligatoire en France est plus élevé qu'il
08:45n'a jamais été auparavant.
08:46Après, il y a des fluctuations.
08:48Depuis 2017, le taux de prélèvement a baissé et on voit bien le résultat, le taux de
08:52prélèvement a baissé parce qu'il y a eu des baisses d'impôts massives.
08:54Et pareil, vous étiez plutôt d'accord avec ça.
08:56Et nous voyons bien aujourd'hui que la politique que vous avez finalement soutenue, qui était
08:59la politique d'offre, nous a amené à un plus fort déficit.
09:02Reconnaissez-le, Dominique.
09:03Je veux dire, qui était au pouvoir ? Qui est responsable de ces déficits ? C'est
09:07quand même quelqu'un dont la politique qu'il a appliquée, que vous avez soutenue.
09:12Le CICE, l'ISF, les lois de travail, tout ça, vous l'avez soutenue, Dominique.
09:16Soyez honnête.
09:17Et moi, en tant que commentateur, j'ai effectivement plutôt soutenu une politique qu'on appelle
09:21pro-business, qui considère que les entreprises sont globalement plutôt la source de la croissance
09:27dans un pays et de l'emploi.
09:28Et qui a amené à une grosse partie du déficit budgétaire.
09:31Non, je ne pense pas.
09:3250%, c'est reconnu par un certain nombre d'économistes.
09:34Maintenant qu'on est rentré dans le vif du sujet, j'aimerais savoir si on vit une
09:37crise financière ou est-ce qu'on va juste payer nos empreintes de plus en plus chères.
09:43Alors, la crise financière, c'est qu'on ne trouverait pas d'argent.
09:46Ça ne va pas se passer comme ça, a priori, très très forte probabilité.
09:51Ce qui est ennuyeux dans ces affaires-là, c'est que vous perdez, c'est un nœud coulant
09:56ce qui se passe.
09:57C'est-à-dire que vous perdez de l'autonomie et de l'indépendance.
10:00D'ailleurs, la preuve, c'est que le gouvernement est obligé, et la direction du Trésor à
10:04Bercy, est obligé d'aller voir les partenaires européens pour dire, écoutez, regardez les
10:07efforts que nous faisons.
10:08D'ailleurs, nous perdons.
10:09Je ne vous parle même pas de l'influence de la France en Europe vis-à-vis de nos partenaires
10:17allemands qui ont leurs propres difficultés.
10:18Mais on voit bien que notre crédibilité est plus difficile et d'ailleurs, il va falloir
10:23en permanence montrer que oui, les déficits, il faut les réduire.
10:27Donc, on va consacrer une énergie phénoménale sur ces questions de finances publiques alors
10:31que pendant ce temps-là, il y a des plans sociaux, il y a une crise immobilière qui
10:36n'est pas résolue.
10:37Et donc, c'est une perte de temps.
10:39Donc, c'est une crise économique ou une crise financière, Thomas Porchey ?
10:42Ce que décrient à l'instant Dominique les plans de licenciement, la crise sociale ?
10:46La première chose, c'est une crise politique qui a été décidée par le Président de
10:51la République.
10:52Parce qu'il y a un problème de stabilité politique, c'est ça le vrai problème.
10:54Ce n'est pas une crise économique puisque notre dette, les gens la veulent, notre déficit
10:58n'est pas un gros problème, il y a beaucoup de pays qui ont des déficits supérieurs et
11:01des pays riches.
11:02Non, mais l'augmentation du chômage, les plans de licenciement, c'est une crise économique,
11:07c'est un autre problème qui est dû à d'autres choses, aux prêts garantis et au fait justement
11:10qu'il y a une instabilité politique et aussi que la croissance économique qui avait été
11:15prévue n'est pas au rendez-vous.
11:17Maintenant, pour revenir à notre sujet sur la charge de la dette, la charge de la dette
11:21est à un peu plus de 2%.
11:22Il y a des années, effectivement, dans les années 90, on avait une charge de la dette
11:25à 3%.
11:26Avec une politique plutôt libérale de désinflation compétitive qui était appliquée, ça ne
11:31dérangeait absolument personne.
11:33Donc, vous voyez, la dette, elle a bon dos, elle est souvent utilisée quand il s'agit
11:36de faire des coupes dans les dépenses publiques.
11:38Par contre, si on fait un sujet demain sur la hausse des impôts, là, Dominique se racontre
11:41totalement et c'est toujours la même chose, donc c'est toujours sur les mêmes qu'on tape.
11:44Dominique, vous aurez le dernier mot puisque vous avez été pointé du doigt.
11:47Je suis pointé du doigt ? Non, non, je pense que oui, la situation politique a un coût
11:53et ce qui inquiète un peu tout le monde, c'est la confusion, la confusion politique.
11:59Si il y a une motion censure, ce sera la première fois depuis 1962, ce qui n'est pas complètement
12:04anodin et donc, si des compromis doivent être passés, je crois qu'ils le doivent.
12:07Si vous êtes d'accord, on va en rester là et on vous retrouve vendredi prochain pour
12:11un nouveau débat.
12:12Merci Thomas Porcher, merci Dominique Seux, c'était le Débat Éco.
12:16France Inter, il est 8h.

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