SMART TECH - Emission du lundi 9 octobre

  • l’année dernière
Lundi 9 octobre 2023, SMART TECH reçoit Estelle Prin (consultante et fondatrice, Observatoire des semi-conducteurs) , Gaël Duval (fondateur, Murena) , Flavio Restelli (consultant Blockchain Partners, KPMG) et Philippe Latombe (Député MODEM de la 1ère circonscription de Vendée)
Transcript
00:00 Bonjour à tous, cet été l'Europe a signé un nouvel accord avec les Etats-Unis pour
00:12 encadrer le transfert des données des Européens vers les Etats-Unis.
00:15 De quoi s'agit-il exactement ? Comment expliquer qu'il soit déjà attaqué ? Cet accord est-il
00:20 d'ores et déjà fragile ? On va répondre à toutes vos questions, vos questions que
00:23 vous nous avez posées sur les réseaux sociaux dans cette émission.
00:26 On va s'intéresser aussi à l'actu du côté des cryptos, on va parler de la tokenisation
00:30 d'actifs financiers notamment.
00:32 Mais d'abord je vous propose que l'on pose trois questions à mon invité Gaël Duval
00:37 déjà en plateau à propos de ces nouveaux smartphones dégooglisés.
00:41 Trois questions à Gaël Duval, le fondateur de Murena.
00:49 Bonjour Gaël.
00:50 Bonjour Nathalie, ça va ?
00:51 Alors on va parler d'un nouveau smartphone entièrement libre vous nous dites, c'est-à-dire
00:54 qu'il n'y a pas de Android made in Google dedans, pas non plus d'ailleurs d'iOS d'Apple.
01:00 Ce nouveau modèle est arrivé sur le marché à la fin de l'été, donc il y a quelques
01:05 semaines à travers un smartphone qu'on connaît déjà, le Fairphone 5.
01:10 Donc il a dégooglisé le Fairphone 5.
01:13 Qu'est-ce que ça veut dire dégoogliser un Android ?
01:15 Alors aujourd'hui il faut savoir que dans nos smartphones il y a une collecte permanente
01:21 de données personnelles.
01:22 C'est un petit peu comme si on ouvrait votre courrier avant de le distribuer pour regarder
01:25 le contenu, pour peut-être vous mettre une petite publicité contextuelle ou si on écoutait
01:29 toutes vos conversations téléphoniques pour mettre un petit jingle publicitaire.
01:32 Toutes ces choses qui sont interdites dans la vie réelle et tangible, il y a de la matière,
01:39 elles se déroulent dans nos poches avec les smartphones du quotidien, que ça soit sur
01:44 Apple ou sur tous les autres téléphones sur Android.
01:47 Pourtant ils nous disent l'inverse.
01:49 Enfin on entend quand même les discours d'intention assez marqués, notamment du côté de Tim Cook
01:55 chez Apple sur l'importance de la confidentialité des données.
01:58 Tout à fait.
01:59 Et par contre ce qu'il faut savoir quand même c'est que Apple reçoit un énorme chèque
02:07 de Google tous les ans de plusieurs milliards de dollars pour pouvoir avoir Google Search
02:12 installé par défaut sur les iPhones.
02:14 Donc voilà c'est des discours un petit peu contradictoires, c'est un peu du marketing.
02:17 Clairement on est dans des histoires de croyances, des choses comme ça.
02:21 Nous on prouve tout, on est open source, on est totalement transparent sur nos développements.
02:24 Qu'est-ce qui fait que c'est un smartphone plus pro-confidentialité que les autres ?
02:27 Eh bien il protège l'accès à nos données personnelles.
02:31 C'est-à-dire qu'aujourd'hui ma vie numérique elle est dans mon smartphone et nous on s'est
02:35 dit ma vie numérique elle ne concerne que moi.
02:37 Donc on met en oeuvre un certain nombre de mécanismes de protection à la fois logiciels
02:42 et maintenant matériels avec le Murena 2 qu'on vient de sortir qui permettent justement
02:46 de devenir étanche à cette collecte permanente des données personnelles.
02:50 Mais ça part d'un Android quand même ?
02:52 Alors à la base oui c'est un tout petit peu compliqué mais le projet Android c'est
02:56 un projet open source qui est très ancien et par-dessus ce projet open source Android
03:01 Google rajoute des couches propriétaires qui sont là justement pour venir capturer
03:05 un petit peu toute votre vie et toutes vos habitudes, pour vendre de la publicité plus
03:09 chère donc nous on garde que le noyau dur open source, on rajoute des logiciels qui
03:14 sont plus verteux et évidemment on ne met pas toute la "sauce" Google qu'on retrouve
03:19 sur les smartphones du marché.
03:21 Alors tout ça c'est grâce à un système d'exploitation que vous avez conçu qui s'appelle
03:26 EOS.
03:27 En anglais on pourrait dire EOS mais c'est un E en tout cas c'est important.
03:31 Donc il est commercialisé dans les smartphones Murena, dans le cloud aussi, vos services
03:39 en cloud Murena mais ça fait quand même, ça reste une petite niche sur le marché
03:44 aujourd'hui, on est loin des ventes de smartphones à la Samsung ou Apple.
03:48 Est-ce qu'il y a selon vous les conditions du marché nécessaires pour installer un
03:53 troisième système d'exploitation alors qu'on a vu déjà par exemple Microsoft jeter
03:57 l'éponge ?
03:58 Bien sûr et je pense que quand il y a deux gros acteurs on peut avoir d'autres petits
04:03 acteurs.
04:04 Le problème c'est que le marché aujourd'hui est un petit peu verrouillé donc il y a plein
04:07 de procédures qui sont en train de se dérouler un petit peu en coulisses au niveau de l'Union
04:09 Européenne, aux Etats-Unis également pour pouvoir redonner de l'air à tout ce marché
04:13 là, lui redonner de la vivacité.
04:14 Nous par contre on est effectivement une niche globale c'est-à-dire qu'on vend aussi bien
04:18 des smartphones en France, en Allemagne, aux Etats-Unis depuis deux ans et on voit bien
04:23 que ça adresse une partie de la population qui aujourd'hui est avertie de ces problèmes
04:27 là qui représentent quelques pourcents mais ça représente quand même un espace "commercial"
04:32 colossal donc cette niche globale aujourd'hui pour nous elle fonctionne très bien.
04:36 Et là vous allez pouvoir tester véritablement la pétance des gens qui s'intéressent à
04:41 la confidentialité des données sur smartphones puisque vous mettez le Murena 2 en crowdfunding
04:46 ?
04:47 Exactement, le Murena 2 il a ce petit kill switch qui permet de couper le téléphone,
04:51 de couper la caméra, de couper le micro d'un seul petit geste comme ça et on a lancé
04:57 la semaine dernière cette campagne de crowdfunding et en moins de...
05:01 Qu'est-ce que vous en attendez ?
05:02 Du financement pour pouvoir lancer les productions etc. et en moins de 24 heures on a fait deux
05:06 fois notre objectif déjà.
05:07 Et alors les contributeurs donc qui pourront avoir des réductions jusqu'à 50% sur le
05:12 prix final, un smartphone comme ça dégooglisé ça coûte ?
05:15 Alors on va le vendre, il sera vendu 500 euros TTC sur notre boutique en ligne sur murena.com
05:21 mais effectivement pour ceux qui participent à la campagne de crowdfunding sur Kickstarter
05:25 ils ont dérabé d'entre 40, 20, 10%.
05:29 Et c'est plutôt un smartphone grand public ou professionnel ?
05:32 C'est plutôt du grand public en fait, on est plutôt sur une cible B2C de gens assez
05:35 avertis sur toutes les questions de confidentialité et données personnelles.
05:39 Après ça on a beaucoup de demandes B2B parce qu'évidemment les données professionnelles
05:43 c'est aussi extrêmement précieux.
05:44 C'est ce que je voulais dire parce que là ça peut être le créneau qu'occupait Blackberry.
05:48 Exactement et on va y aller l'année prochaine.
05:51 Merci beaucoup, c'était 3 questions A et un peu plus à Gaëlle Duval fondateur de
05:56 Mirena EOS et puis on peut citer Mandrec Linux également.
06:00 C'est agréable.
06:01 Notamment.
06:02 Allez à suivre c'est notre talk sur le Data Privacy Shamework, un nouvel accord transatlantique
06:07 sur nos données personnelles.
06:08 Cet été l'Europe a validé un nouvel accord sur le transfert des données des Européens,
06:17 le transfert et le traitement des données des Européens vers les Etats-Unis.
06:21 On répond à vos questions sur ce Data Privacy Framework avec Philippe Latombe député Modem
06:27 de la première circonscription de Vendée.
06:29 Bonjour.
06:30 Bonjour.
06:31 Monsieur Latombe vous êtes membre de la commission des lois à l'Assemblée Nationale spécialisée
06:34 dans la transposition des directives européennes.
06:36 On peut citer le RGPD sur lequel vous avez beaucoup travaillé, membre de l'ACNIL depuis
06:41 août 2022 et puis à l'initiative de ce premier recours contre cet accord transatlantique
06:47 sur les données des Européens.
06:49 J'ai tout de suite envie de vous poser cette question.
06:51 Pourquoi ? Parce que cet accord n'est aujourd'hui pas protecteur comme le RGPD l'est et que
06:59 les données qui seront traitées aux Etats-Unis n'auront pas le niveau de protection que
07:02 nous avons en Europe et donc les données personnelles des Européens sont en danger.
07:06 Avec vous pour répondre aux questions de nos téléspectateurs, Estelle Prin qui est
07:12 diplômée de l'Institut de Sciences Politiques de Lyon, de l'Institut Français de Géopolitique
07:16 de l'Université Paris 1 Sorbonne, en économie, en sociologie, vous êtes la fondatrice de
07:20 l'Observatoire des Semi-conducteurs et consultante sur les questions touchant à la microélectronique,
07:25 spécialiste en géopolitique de la Chine et plus particulièrement sa politique étrangère
07:29 et ses relations de rivalité systémique avec les Etats-Unis.
07:35 Vous allez pouvoir nous apporter ce regard spécifique géopolitique et justement peut-être
07:41 une première question pour vous.
07:42 L'Europe n'est pas la seule à chercher un cadre pour le transfert de ces données d'État
07:47 à État.
07:48 Oui effectivement il y a d'autres grandes puissances et la Chine en fait partie qui
07:53 cherche à protéger les données tout simplement, les données personnelles de leurs citoyens
07:59 parce qu'il y a des enjeux économiques derrière de ces données.
08:03 Les grandes entreprises, les GAFAM ou TikTok vont les utiliser pour des utilisations commerciales,
08:12 les enjeux économiques derrière sont très très importants.
08:15 Oui c'est important de rappeler que ce n'est pas une exception européenne que d'essayer
08:20 d'encadrer ces transferts transatlantiques.
08:22 Tout le monde essaie aujourd'hui de se protéger parce que la data c'est une valeur très
08:27 précieuse.
08:28 On dit pour autant que cet accord est déjà fragile ou fragilisé, c'est votre perception ?
08:33 Oui je pense qu'il est fragilisé, effectivement mais ce sont des mots qui appartiennent au
08:37 président Biden quand il a fait son interview, quand il est venu en Europe et qu'il a fait
08:42 sa conférence de presse avec Ursula von der Leyen, il a quand même parlé des données
08:45 comme étant l'or noir de demain.
08:47 C'est vraiment aujourd'hui quelque chose de tellement important que c'est le président
08:51 des Etats-Unis lui-même qui vient en Europe dire qu'il a trouvé un accord avec l'Europe
08:56 et ça va donner le DPF quelques mois plus tard que je combats.
08:59 Oui il est fragilisé pour plein de raisons, la première c'est qu'il a été pris dans
09:04 l'urgence, il a été pris contre l'avis du Parlement européen donc il lui manque
09:09 une crédibilité démocratique, le Parlement européen a dit non au DPF et la Commission
09:14 a quand même validé le DPF.
09:16 Et puis il lui manque, il est fragilisé parce qu'intrinsèquement il a des grosses failles
09:22 notamment dans le cadre des recours possibles de la part des Européens vis-à-vis de l'utilisation
09:26 des données qui seraient faites sur le territoire américain.
09:28 On peut ajouter parce qu'il arrive aussi après deux accords précédents qui ont déjà
09:32 été invalidés.
09:33 Alors effectivement il est en plus le troisième d'une série où les deux premiers ont été
09:37 invalidés, je rappelle que l'invalidation ça veut dire que les accords n'existaient
09:41 pas, ils n'ont jamais existé donc toutes les données qui ont transité pendant la
09:45 période du cipherboard et du privacy shield n'auraient pas dû transiter.
09:50 Il y a vraiment un risque pour les entreprises donc je pense que là aujourd'hui elles vont
09:53 regarder un peu avec recul la question du DPF avant de s'engouffrer dans le DPF comme
09:59 ça dans les mois qui viennent.
10:01 Alors on a plein de questions de la part de Nicolas Guillaume qui est le patron de Netalys,
10:07 opérateur alternatif, on va dire un opérateur local et c'est peut-être des questions davantage
10:13 pour vous Estelle, je vais commencer avec celle-ci.
10:15 Quel est votre avis sur le transfert des données vers les clouds asiatiques, en particulier
10:20 chinois ? Pourquoi est-ce qu'on essaye d'encadrer en gros les transferts de data vers les Etats-Unis
10:27 mais qu'en est-il de la Chine ? Est-ce qu'on fait la même chose ? Est-ce qu'on devrait
10:30 le faire ? Alors en tout cas on devrait le faire puisque
10:34 effectivement le transfert de ces données vont être utilisées après à des fins commerciales
10:39 et on sait les data c'est quelque chose qui va nourrir les grands acteurs commerciaux
10:46 qui après proposent des produits et ces acteurs maintenant ils sont mondiaux et ils viennent
10:52 concurrencer des acteurs au sein de l'Union Européenne donc effectivement on peut légitimement
11:00 se poser la question et voir si la compétition avec des acteurs européens est-elle vraiment
11:07 à égalité là au niveau économique c'est peut-être loin d'être le cas.
11:11 L'Europe est-elle moins regardante sur la question des transferts avec la Chine ?
11:16 Non elle n'est pas moins regardante, elle est même plus stricte.
11:18 C'est-à-dire qu'il n'y a pas d'accord d'adéquation avec la Chine.
11:21 Les transferts de données via la Chine doivent se passer dans des conditions très strictes
11:24 de clause contractuelle type, de vérification et c'est d'ailleurs sur ces sujets-là que
11:29 l'ACNIL en France mais toutes les autorités de contrôle européenne se sont penchées
11:34 sur TikTok, sur toutes les applications chinoises et on l'a vu à l'occasion des Jeux Olympiques
11:40 le cloud d'Alibaba était le cloud qui était prévu comme étant celui de référence et
11:45 en France on a décidé qu'on allait un peu tout verrouiller donc on a mis des couches,
11:50 on a utilisé Thales pour mettre des couches de protection, toutes les données n'iront
11:53 pas sur le cloud d'Alibaba, toutes les données qui serviront à faire la vidéosurveillance
11:58 de Paris ne seront pas sur le cloud d'Alibaba parce qu'on n'a pas confiance dans le cloud
12:02 et il a une porosité certaine donc non on est peut-être même plus strict.
12:06 Bon parce que en fait Nicolas Guillaume dans ses questions a visiblement le sentiment qu'on
12:12 s'acharne contre les providers US, il nous dit cet acharnement sur les providers US qui
12:16 investissent comme jamais en Europe grâce à eux la France va devenir cinquième hub
12:20 numérique mondial à Marseille, quel est l'intérêt, on nous demande, quel est l'intérêt de
12:24 se tirer une balle dans le pied ?
12:25 Je ne sais pas si on se tire une balle dans le pied, il faut le regarder avec un peu de
12:31 perspective, pourquoi est-ce qu'aujourd'hui les Américains s'intéressent au marché
12:35 européen ? D'abord parce que ça leur fait de l'argent tout de suite à court terme,
12:40 les GAFAM prennent des parts de marché dans un marché qui explose et forcément ils font
12:44 du revenu.
12:45 La deuxième c'est qu'ils ont besoin de données pour pouvoir entraîner leur modèle
12:47 et leur réseau de neurones, intelligence artificielle, dont ils sont les principaux
12:52 promoteurs aujourd'hui, donc ils veulent préempter le marché à moyen terme et à
12:55 long terme ils savent qu'en étant propriétaires des données, ils vont pouvoir développer
13:00 des nouvelles technologies sur la base de l'IA sur des données par exemple de santé
13:03 pour pouvoir proposer des nouveaux produits, des nouveaux traitements mais aussi de l'assurance,
13:08 de la mutuelle et que donc ça va leur ouvrir des perspectives de marché.
13:11 C'est-à-dire qu'on n'a pas tout vu encore ?
13:12 On n'a encore rien vu même.
13:13 Et on peut bloquer peut-être certains domaines de croissance ou en tout cas essayer de les
13:20 préserver pour l'Europe ?
13:21 L'idée que moi j'ai, je ne suis pas anti-américain par principe, c'est simplement qu'on ne joue
13:26 pas à jeu égal.
13:27 Le marché américain nous est fermé pour une grosse partie de nos entreprises, le marché
13:31 européen leur est ouvert totalement et le DPF, le Data Privacy Framework, est une ouverture
13:36 du marché européen de la donnée alors que nous n'avons pas l'équivalent de leur côté
13:40 à eux.
13:41 Et les protections ne sont pas les mêmes des deux côtés de l'Atlantique.
13:43 Les données des Européens seront moins bien traitées que les données des Américains.
13:47 Nous n'avons pas les mêmes recours de prévu par le DPF que les procédures américaines.
13:51 Et clairement, il faut aussi qu'on se le dise, ce sont des alliés, ils ne sont pas forcément
13:56 toujours nos amis et de temps en temps ils nous écoutent, ils nous regardent et ils
13:59 font de l'intelligence économique à nos dépens.
14:01 Quelle est la perception en Chine de la position de l'Europe ?
14:06 Par rapport à ces contrôles de données ?
14:08 Oui, dans cette rivalité Etats-Unis-Chine ?
14:10 Alors en fait, les Chinois veulent absolument contrôler leurs propres données.
14:15 Eux ne souhaitent pas effectivement voir leurs données être utilisées par les acteurs
14:22 américains et maintenant il y a des tensions très importantes sur des questions de données,
14:26 sur les semi-conducteurs.
14:28 Donc il y a de plus en plus une tentative de cloisonnement d'un système qui serait
14:34 plutôt chinois avec des acteurs chinois et avec un Etat chinois qui est très regardant
14:39 et de plus en plus regardant sur le contrôle finalement de l'information qui sort de son
14:44 pays, les données personnelles, que ce soit des données financières, ils souhaitent les
14:50 contrôler un maximum et les contrôler encore plus si c'est des données qui vont vers...
14:57 Mais ils voient l'Europe comment ? Ils voient l'Europe comme un allié dans cette guerre
15:00 contre les Etats-Unis ? Avec les prises de position qui sont faites contre cet accord
15:04 notamment ?
15:05 Alors je pense que l'Europe est plutôt vue comme un marché que comme un allié dans
15:12 cette question-là. La vision chinoise elle est quand même très marché et conquête
15:18 de marchés comme les grands acteurs, les grandes compagnies, les grandes techs américaines
15:23 aussi le veulent. Il y a quand même des centaines de millions de consommateurs dans le marché
15:28 européen. C'est un marché très intéressant et les acteurs se battent aussi pour les parts
15:34 de marché en Europe.
15:36 Alors on a une question de Dini Lok qui nous dit, attention c'est une question assez technique,
15:41 elle nous est adressée directement, j'ai l'impression en tout cas. Donc c'est la Cour
15:46 de justice de l'Union Européenne qui a précisé dans un arrêt très spécifique qu'il incombait
15:52 aux législateurs de prévoir des voies de recours permettant à l'autorité nationale
15:55 de faire valoir les griefs qu'elle estime fondées afin que ces juridictions nationales
16:00 procèdent à un renvoi préjudiciel aux fins de l'examen de la validité de la décision.
16:05 Qu'est-ce que ça veut dire ? En gros il nous pose la question, est-ce que vous envisagez
16:09 en cas d'échec de votre procédure et en tant que membre du collège de la CNIL que
16:13 cette dernière, la CNIL donc, conteste la décision d'adéquation ?
16:17 Alors à titre personnel, d'abord j'ai fait un recours à titre individuel et pas comme
16:21 membre de la CNIL et clairement je me suis, pour toutes les décisions qui viendront devant
16:27 la CNIL et qui concerneront le transfert de données, je me déporterai parce que je ne
16:30 peux pas être à la fois dans les deux instances. Je pense que la CNIL, alors il est vraiment
16:37 prévu par les textes qu'il faut qu'il y ait des recours effectifs. Le DPF dit ce
16:42 que, et c'est ça qui pose un problème, c'est que le droit européen est supérieur
16:47 à notre droit national. Et le droit européen dans le DPF dit que ce sont les autorités,
16:51 donc la CNIL en France, qui recevront la plainte de chacun des individus et qui les transféreront
16:56 aux Etats-Unis pour examen. Donc la CNIL ne pourra pas s'opposer à cette réglementation
17:02 telle qu'elle. Il faut qu'on ait aujourd'hui une instance, c'est-à-dire qu'il faut qu'on
17:06 trouve un cas, qu'une personne trouve un cas, la présente à la CNIL, que la CNIL
17:10 dise "ben écoutez, moi, vu le DPF, je ne peux pas". Il faut donc ensuite aller au
17:13 Conseil d'Etat, parce que c'est le seul Conseil d'Etat qui peut invalider une décision
17:17 de la CNIL, et au Conseil d'Etat il faudra poser une question préjudicielle. C'est très
17:20 technique, ça prendra, si ça devait se faire, ça prend au moins un an, facilement. La solution,
17:26 c'est très clairement que Max Schrems, lui de son côté, va entamer cette procédure-là.
17:29 D'ici certainement la fin de l'année, il aura déposé soit un recours dans le cadre
17:33 encore de son litige avec Meta en Irlande, il espère pouvoir le faire dans les semaines
17:36 qui viennent, et si la Cour irlandaise ne lui permet pas, il le fera en Autriche, où
17:41 c'est plus rapide, ça veut dire que, quand je dis plus rapide, ça se compte encore en
17:45 mois pour que ça aille à la Cour de justice de l'Union, et que la Cour de justice statue
17:49 il y en a pour un an. Donc on est avec un an et demi. C'est pour ça que j'ai tenté
17:52 un recours direct auprès du Tribunal de l'Union.
17:54 - Pour ce que j'allais vous dire, parce que là vous évoquez Max Schrems, qui est à
17:56 l'origine de l'invalidation des deux premiers boucliers autour de nos données. Vous avez
18:03 tiré le premier coup, finalement. Est-ce que c'est une action que vous avez menée,
18:09 vous l'avez dit, en tant que citoyen européen, mais quand même de manière concertée avec
18:12 l'avocat Max Schrems ? Est-ce qu'il y a un risque que ça parasite éventuellement son
18:17 action ?
18:18 - Non, on est d'accord, Max Schrems et moi, que ça ne parasitera absolument aucune des
18:22 actions. Ce sont deux voies de procédure différentes, et on s'était mis d'accord,
18:26 enfin on s'était parlé avant. C'est une voie de procédure, celle que moi j'ai entamée,
18:31 qui n'est pas celle qu'il avait prévue d'entamer, parce qu'il lui trouve une fragilité juridique.
18:38 Et c'est vrai qu'il y a un point technique très particulier, c'est qu'il faut prouver
18:40 au tribunal de l'Union que, individuellement, le DPF m'impacte. Donc j'ai essayé de le
18:46 prouver au tribunal, on verra ce qu'il va dire, mais si jamais, par hasard, le tribunal
18:50 disait non, ça veut dire que seule la voie préjudicielle est la voie qui permet de contester
18:53 le DPF. C'est ce que Max Schrems va faire de toute façon. Et si jamais le tribunal
18:58 veuille accepter mon recours, à ce moment-là, de toute façon, on est en première instance
19:04 au niveau du tribunal de l'Union, la Cour de justice vient en deuxième instance, donc
19:08 elle sera saisie à peu près au même moment entre Max Schrems et moi, et donc dans ces
19:11 cas-là, on joindra nos efforts sans aucun souci.
19:14 Très bien. Alors la question centrale, c'est quand même de savoir comment est-ce qu'on
19:19 évite que les données des Européens soient traitées, espionnées, à des fins non conformes
19:27 à ce que l'on souhaite nous en Europe ? Est-ce qu'il y a un modèle intéressant à copier
19:32 dans le monde aujourd'hui sur ces accords de transfert de data entre États ?
19:39 Sur les accords d'adéquation, on n'en a pas beaucoup. On en a un avec Israël et il
19:44 devrait normalement, si la commission était cohérente, devrait être revu parce que l'organisation
19:49 juridique israélienne a changé, donc on devrait devoir le revoir. On avait un accord
19:53 avec les Anglais dans le cadre du Brexit, les Britanniques dans le cadre du Brexit qui
19:57 avait une échéance au 30 juin 2022 et donc là aussi on devrait normalement en faire
20:03 une revue annuelle. Ça n'a pas été fait. Dans le DPF, il est prévu qu'on ait une
20:07 revue annuelle avec les États-Unis. Je ne suis pas sûr qu'on fasse une revue si le
20:10 FISA repasse en fin d'année aux États-Unis comme il est. Je ne suis pas sûr que la commission
20:13 ait très envie de revoir son DPF. On n'a pas vraiment d'accord d'équivalence complète.
20:20 On en a ponctuellement avec quelques pays, avec la Suisse notamment, mais ce sont des
20:26 accords qui sont de l'Europe vers un petit pays. Ce n'est pas méchant quand je dis
20:30 ça pour la Suisse mais en termes de population et volume de données c'est un peu plus faible
20:35 que les États-Unis. En fait, il faudrait que les États-Unis acceptent d'avoir un
20:38 RGPD équivalent au nôtre ou alors qu'on ait un accord de non-espionnage entre les
20:44 citoyens des deux continents. Mais ce texte FISA qui permet aux agences de renseignement
20:50 d'exploiter les données numériques, il est fortement discuté aussi aux États-Unis.
20:56 Et puis il se base sur la notion de sécurité nationale. C'est-à-dire qu'en fait dans
21:03 cette affaire, le point qui est un peu litigieux, c'est que dans cet accord de transfert de
21:09 données, l'idée c'est que les services de renseignement américains puissent accéder
21:13 à certaines données d'Européens pour des questions de sécurité nationale. Et ce qui
21:19 peut aussi poser problème c'est qu'est-ce qu'on met dans cette notion effectivement
21:22 de sécurité nationale américaine. Les Américains disent "nous on veut pouvoir nous protéger
21:28 s'il y a des informations qui sont primordiales et qui sont dans les données personnelles
21:36 de certains citoyens européens". Et c'est cette notion qui est utilisée de plus en
21:41 plus au niveau international dans ces questions de transfert de données personnelles. Et
21:46 puis pour d'autres choses, pour essayer de limiter les exportations de technologies par
21:50 exemple des États-Unis. Donc on voit cette notion de sécurité nationale utilisée également
21:55 par la Chine dernièrement pour essayer de limiter la vente et l'exportation de métaux
22:01 rares. Donc on voit bien qu'il y a des tensions, il y a un recroquevillement des acteurs de
22:07 ces États par rapport à ces données qui circulent, ces données digitales qui circulent
22:13 et qui circulent au niveau mondial. Et donc reste à l'Europe d'adopter un discours identique ?
22:20 Mais en fait c'est la vraie difficulté, c'est qu'aujourd'hui l'espace européen a voulu
22:26 rester ouvert et on lui a dit qu'il fallait qu'il reste ouvert. Les Américains nous
22:29 ont gentiment expliqué quand même depuis des années qu'il fallait qu'on reste ouvert.
22:32 Et dès qu'on prend des mesures qui pourraient leur sembler un tout petit peu protectionnistes,
22:35 les Américains crient en disant "mais vous n'avez pas le droit, le marché doit être
22:38 libre, ouvert etc.". Sauf que quand on regarde ce qui se passe aux États-Unis, c'est l'inverse
22:43 qu'ils font. Leur fameux IRA, leur loi sur la relance pour lutter contre l'inflation
22:50 est protectionniste. Elle vise uniquement à la production sur le territoire américain
22:55 par des entreprises américaines pour des Américains. Donc la notion de sécurité
23:00 des États-Unis est effectivement une notion extensive qu'ils utilisent et ils l'ont
23:04 déjà fait avec le dollar. Des entreprises européennes, dont françaises, des grandes
23:07 banques françaises en ont souffert et c'est en train de se passer sur les données.
23:11 On va s'excuser auprès de Nicolas Guillaume pour ne pas avoir pris toutes ces questions.
23:14 Je lui répondrai si il a besoin.
23:16 Vous lui répondrez directement. Mais en plus il aborde un autre sujet qui est quand même
23:19 celui de la stratégie cloud européenne face à celle des Américains. Évidemment, ça
23:24 c'est des sujets qu'on aborde et qu'on continuera d'aborder dans Smartech.
23:27 Merci beaucoup Philippe Platon, député modem de la première circonscription de Vendée,
23:30 Stelle Preyn, consultante et fondatrice de l'Observatoire des semi-conducteurs.
23:34 A suivre, c'est le rendez-vous des cryptos.
23:36 Le rendez-vous des cryptos, c'est avec Flavio Restelli aujourd'hui. Bonjour Flavio.
23:46 Bonjour.
23:47 Je rappelle que vous êtes consultant chez Blockchain Partners, chez KPMG. On va faire
23:52 un tour des news, de l'actualité autour des cryptos, en particulier sur le sujet de la
23:56 tokenisation des actifs financiers.
23:59 Exactement.
24:00 C'est une grande tendance en ce moment. Pourquoi ? Mais peut-être déjà expliquer quelques
24:03 notions de base.
24:04 Tout à fait. Le mot de tokenisation peut faire peur, il peut paraître barbare. En
24:09 réalité, le concept est plutôt simple. Quand on parle de tokenisation ou jetonisation en
24:14 français, on parle de représenter des actifs sur blockchain. Il se trouve que quand on
24:19 représente quelque chose sur blockchain, l'actif prend la forme d'un jeton ou d'un
24:23 token en anglais. C'est pour ça qu'on parle de tokenisation. Évidemment, quand on parle
24:28 de blockchain public, on parle de cryptoactifs, donc des actifs qui se fondent sur la cryptographie.
24:33 Cependant, quand on représente des actifs autres que les cryptos, pas besoin de parler
24:39 de crypto, c'est un terme qui parfois fait peur, on peut tokeniser des actifs qu'on
24:43 connaît déjà très bien. Ça peut être des obligations. Avec la vague des NFT, on
24:47 avait parlé de tokeniser de l'art, par exemple. Cette fois-ci, le sujet de la rentrée est
24:51 vraiment financier parce que les institutions financières, comme les banques, mais pas
24:55 que, on le verra, les places de marché, s'intéressent de plus en plus au potentiel de la tokenisation
25:01 des actifs qu'ils traitent déjà depuis un certain temps sur blockchain.
25:05 Alors, par exemple, qu'est-ce qu'on a comme actualité intéressante dans ce domaine ?
25:08 L'actualité est très vaste. Il y a par exemple la banque suisse, UBS, qui a tokenisé
25:15 des parts de Money Market Fund, un titre déjà plutôt connu et qui est presque équivalent
25:20 à du cash, pour voir éventuellement si on peut le distribuer de manière plus rapide,
25:25 plus efficace, avec moins d'intermédiaires, avec moins de coûts. C'est un sujet qui
25:30 intéresse, on le disait, de nombreuses banques. Cependant, pour pouvoir accéder au potentiel
25:35 de la tokenisation, forcément, on a besoin de certaines briques technologiques. C'est
25:39 pourquoi les institutions financières font le choix de partenariats avec des fournisseurs
25:45 de technologies. Parmi les nouvelles récentes, il y a le choix de Deutsche Bank, qui en Allemagne
25:52 a signé un partenariat avec le fournisseur de technologies Taurus, qui est parmi tant
25:56 d'autres. Il en existe en France, en Allégeur, il y a Fireblocks, il y en a d'autres. Ce
26:00 sont des fournisseurs de technologies qui permettent à la fois de gérer des cryptoactifs,
26:05 des actifs financiers tokenisés, mais aussi d'ancrer, de faire de la tokenisation. C'est
26:10 le choix que Deutsche Bank a fait. De l'autre côté, ce qu'on observe, c'est que toutes
26:14 les institutions financières sur la chaîne de valeur s'intéressent à ce sujet, non
26:18 pas seulement les banques. Par exemple, le London Stock Exchange, la place financière
26:23 de Londres, a également annoncé de travailler à la construction d'une place de marché,
26:28 cette fois-ci sur blockchain, pour pouvoir permettre d'échanger ces titres tokenisés.
26:34 Donc non seulement on va les créer, mais évidemment après il va falloir les acheter, les échanger,
26:37 etc. Il y a un autre sujet sur lequel il va falloir
26:39 nous faire un peu de pédagogie, ce sont les ETF Bitcoin.
26:42 Effectivement, l'autre grand sujet de la rentrée, plus côté crypto, cette fois-ci, ce sont
26:48 les ETF. Là aussi, ETF, c'est un terme qui est déjà plutôt connu, Exchange Traded
26:54 Fund, c'est un produit financier échangé en bourse, coté, qui permet d'accéder indirectement
27:00 à un actif sous-jacent. Dans le cas de Bitcoin, par exemple, acheter un ETF en bourse, Euronext,
27:06 la bourse de Paris, offre déjà des ETP, des Exchange Traded Product, c'est pratiquement
27:11 la même chose, ça permet de s'exposer indirectement à Bitcoin, en gros d'en acheter sans en
27:15 acheter directement. La grande nouvelle de la rentrée, c'est qu'apparemment, on est
27:18 très très proche de voir finalement la validation de ce même produit qui existe déjà chez
27:23 nous, mais qui chez nous a un marché encore limité, aux États-Unis.
27:26 Pourquoi c'est important ? C'est important parce que si jamais cela
27:28 arrivera, il se peut qu'un nouveau marché haussier soit enclenché par cette dynamique,
27:34 sachant qu'aux États-Unis, il y a beaucoup de demandes pour ce type de produit.
27:37 Merci beaucoup, Flavieur et Célie, pour vos explications très claires. Consultants Blockchain
27:43 Partners chez KPMG, merci à vous de nous suivre avec attention sur la chaîne BeSmart,
27:48 sur nos réseaux sociaux et également en podcast. C'était Smartech, on se retrouve
27:51 très vite. Bonne journée à tous.
27:52 [Musique]

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