SMART IMPACT - Pollution lumineuse et éclairage nocturne

  • l’année dernière
Protéger notre ciel devient enfin une priorité. La pollution lumineuse touche tout le monde et pourtant peu de solutions sont mises en place. L'éclairage nocturne a une influence néfaste sur la population et notre santé. Il est nécessaire d'agir efficacement avec des outils simples mais surtout enseigner sur ce problème. Grâce au premier congrès de la Réserve Internationale de Ciel Étoilé (RICE), la prise de conscience est effective et la pollution lumineuse va être prise au sérieux.
Transcript
00:00 (Générique)
00:06 Comment lutter contre la pollution lumineuse ?
00:09 C'est le thème de notre débat avec Claire Fain.
00:12 Bonjour. - Bonjour.
00:13 - Bienvenue.
00:14 Vous représentez l'Association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturne.
00:18 Et puis avec nous en duplex, Héloïse Deutsch.
00:21 Bonjour et bienvenue.
00:22 Vous êtes chargée de mission éducation à l'environnement,
00:25 en charge de l'organisation du premier congrès
00:27 des RIS, les Réserves internationales de ciel étoilé.
00:32 Avant d'en parler et d'expliquer ce que c'est, peut-être le constat, Claire Fain.
00:36 On parle de quoi ? C'est quoi la pollution lumineuse ?
00:38 - La pollution lumineuse, c'est un excès de lumière artificielle la nuit.
00:43 Et force est de constater que depuis plus de 20 ans,
00:47 cette quantité de lumière a augmenté de façon exponentielle.
00:51 À la NPCUN, on a noté, pour le seul éclairage public,
00:54 plus de 94% de lumière émise en 20 ans.
00:57 Plus de 89% de nouveaux points d'éclairage public installés.
01:01 - Ça c'est la France ? - Ça c'est la France.
01:03 Et il y a une étude internationale qui est sortie en début d'année,
01:07 qui notait que la pollution lumineuse, on a commencé à parler du sujet quand même,
01:11 20 ans de plaidoyer, ça devrait porter.
01:13 Mais elle continue d'augmenter à raison de à peu près 2% par an.
01:17 D'après les observations satellitaires, on sait que ces observations sont sous-évaluées
01:21 et qu'on est plutôt de l'ordre de 10% par an.
01:23 - Héloïse Deutsch, quels sont les impacts de cette pollution lumineuse
01:27 sur la faune, la flore par exemple ?
01:30 - Alors déjà, il faut savoir que la plupart des animaux sont partiellement ou totalement nocturnes.
01:37 Donc ça représente 2/3 des invertébrés, à peu près 1/3 des vertébrés.
01:41 Donc forcément, quand on apporte de la lumière artificielle dans cet environnement nocturne,
01:46 ça va perturber les espèces au niveau de leur biologie,
01:49 au niveau de leur déplacement, au niveau de leur physiologie également.
01:54 Ça c'est pour les animaux.
01:56 Et pour la faune, ça va les désynchroniser, c'est-à-dire que l'arbre va reconnaître
02:01 la lumière artificielle comme la lumière du soleil.
02:04 Et du coup, va avoir des problématiques, notamment des feuilles qui tombent plus tard,
02:09 des bourgeonnements qui arrivent plus tôt, et éventuellement des apparitions de maladies
02:13 parce que ça les fragilise, et des désynchronisations avec des insectes pollinisateurs
02:17 qui arrivent à maturité, mais au moment où, par exemple, les fleurs des arbres sont déjà fanées.
02:22 Donc on a un grand nombre d'impacts qui sont répertoriés.
02:27 Alors c'est sûr que les études, elles sont émergentes, mais on en a de plus en plus.
02:33 Et on a aussi le critère du type de lumière qui peut impacter différemment les espèces.
02:39 Donc on a des espèces, par exemple, qui sont lucifuges, c'est-à-dire qu'elles ne vont surtout pas supporter la lumière.
02:46 C'est le cas d'une partie des chauves-souris, notamment.
02:49 Donc en fait, une rue avec des lampadaires, ça va constituer un barrage infranchissable pour certaines.
02:56 Donc elles ne vont pas pouvoir se déplacer pour aller se reproduire, pour aller rechercher de la nourriture,
03:01 rechercher un partenaire. Donc du coup, ça va les cantonner dans un espace réduit.
03:07 Alors on va revenir vers vous un peu plus tard pour parler des ris.
03:12 C'est Louise Deutsch, mais Clairefin, on a bien compris qu'il y avait des impacts.
03:15 On aurait pu en détailler beaucoup d'autres qui sont assez vastes.
03:19 Je vais poser une question totalement cynique. En quoi ça nous concerne ?
03:24 Moi, je sais pourquoi c'est important, parce qu'évidemment, on est dépendant de la bonne santé de la faunée de la flore.
03:30 Mais on pourrait dire, si trois chauves-souris ne peuvent pas traverser une nationale ou un village, qu'est-ce que ça change ?
03:37 En fait, la pollution lumineuse a des incidences sur la biodiversité qui ont été très bien présentées,
03:42 mais aussi sur la santé humaine. Typiquement, ça modifie ce qu'on appelle les rythmes circadiens.
03:48 Comme tout être vivant en a besoin d'une alternance du jour et de la nuit,
03:51 et changer le rythme circadien a un impact sur la production d'hormones.
03:54 Ça va augmenter le stress, ça va proposer des problèmes de sommeil.
03:58 Il y a des tas de choses qui sont à l'étude actuellement. Il y a aussi certains types de lumières.
04:02 Et l'Anses l'a indiqué en 2010, renouvelé en 2019, qui ont une incidence sur la vision,
04:07 notamment des personnes âgées et des jeunes enfants, quand ce sont des LED.
04:10 Ça s'est avéré. Et puis, il y a des conséquences qui sont aussi économiques et de consommation énergétique.
04:17 Parce que plus on met de lumière, plus on consomme.
04:20 Même chose, on va nous dire qu'avec les LED, on consomme moins.
04:22 Mais comment on met plus de points lumineux ? On consomme toujours autant.
04:25 Donc finalement, on a des effets qui sont pluriels.
04:28 Quelles sont les solutions ? Parce qu'il y a des villes qui ont commencé à s'emparer de la question.
04:33 Ce sont des solutions de bon sens qu'on peut mettre en œuvre ?
04:35 Les premières solutions sont toujours des solutions de bon sens.
04:38 Il faut se poser la question de l'usage de la lumière.
04:40 C'est quelque chose qu'on a arrêté de se poser.
04:44 On a beaucoup réfléchi sur l'apport qu'avait la lumière pour notre quotidien.
04:50 On ne s'est pas posé la question de l'obscurité. Mais l'obscurité, on en a besoin.
04:53 Et parfois, on n'a pas besoin d'éclairer.
04:55 Donc l'idée est de revenir à des pratiques qui sont en accord avec les usages.
05:00 Donc c'est quoi ? C'est des capteurs qui permettent d'allumer une ruse seulement quand il y a quelqu'un ?
05:04 Si vous êtes sur des communes où vous avez très peu de mouvements la nuit,
05:08 ce que font les communes, elles éteignent entre 23h et 5h du matin.
05:12 L'éclairage public est là pour sécuriser les déplacements.
05:15 S'il n'y a pas de déplacement, vous n'avez pas besoin du même niveau d'éclairage.
05:18 Après, il y a des tas de... Vous pouvez avoir des systèmes plus sophistiqués,
05:22 mais ce n'est pas la première des mesures.
05:24 Parce que vous savez qu'en fonction du rythme des habitants ou dans certains quartiers,
05:28 il va y avoir besoin de sécuriser des déplacements.
05:31 Mais ce n'est pas l'intégralité de la nuit.
05:33 Ce n'est pas tous les quartiers, ce n'est pas l'intégralité de la nuit.
05:36 Il faut se poser la question de l'usage.
05:38 Est-ce qu'il y a des fausses bonnes idées ou des fausses bonnes mesures ?
05:41 La fausse bonne idée qui est très répandue en ce moment, notamment au niveau des communes,
05:46 c'est de remplacer l'intégralité de l'éclairage par des LED.
05:49 Tout simplement parce qu'ils vont avoir un impact sur la facture d'électricité.
05:55 Ce sont des systèmes électroniques d'éclairage qui consomment beaucoup moins.
05:59 Mais ce sont des types d'éclairage qui ont aussi des incidences plus dommageables
06:05 sur la biodiversité et sur la santé humaine.
06:08 Donc, où vous gagnez sur un plan, vous perdez sur les deux autres.
06:11 Donc, en fait, il faut arriver à trouver un bon équilibre.
06:13 C'est-à-dire que des éclairages à LED sont intéressants à certains endroits pour certains usages,
06:18 mais pas forcément partout et comme principe général.
06:21 Ok, intéressant, effectivement.
06:23 Et Eloïse Deutsch, parlons des risques et réserves internationales de ciel étoilé.
06:28 Pourquoi ont-elles été créées ? C'est quoi le principe ?
06:31 Alors déjà, c'est un label, donc réserve internationale de ciel étoilé,
06:36 qui est décerné par une association américaine.
06:40 Il y en a cinq aujourd'hui qui ont été créées en France.
06:43 L'objectif, c'est vraiment déjà de reconnaître la qualité du ciel étoilé
06:48 dans la zone-cœur de la réserve internationale étoilée,
06:50 c'est-à-dire que ce sont des zones-cœurs avec très peu de pollution lumineuse.
06:54 Donc pour s'en assurer, on prend des mesures de ciel étoilé, de la pollution lumineuse.
06:59 Et au-delà de cette zone-cœur, on met en place, avec les syndicats d'énergie qui gèrent l'éclairage
07:06 ou les villes qui gèrent leur éclairage en direct,
07:08 on met en place un programme de conversion de l'éclairage et de sensibilisation des élus et des habitants
07:14 pour expliquer effectivement ce qui vient d'être dit,
07:16 c'est-à-dire que l'éclairage, c'est de la consommation d'énergie,
07:19 que c'est des impacts sur la santé et la biodiversité
07:22 et qu'il faut se re-questionner sur où est-ce qu'on éclaire,
07:25 pourquoi on éclaire et est-ce qu'on a besoin d'éclairer tout le temps et partout.
07:30 Voilà, donc ça c'est le principe de base.
07:33 Et aujourd'hui, ça donne une dynamique territoriale très importante
07:37 et on se rend compte même qu'agir sur la pollution lumineuse
07:40 et préserver le ciel étoilé, ça peut amener des retombées économiques,
07:43 c'est-à-dire que derrière, on a une économie du tourisme qui se met en place
07:47 en proposant une expérience nuit,
07:50 c'est-à-dire finalement vous connaissez telle réserve ou tel parc le jour,
07:56 découvrez-le la nuit en fait.
07:58 Et c'est des choses qu'on a peu l'habitude de faire,
08:01 par exemple passer une nuit à la Belle-Étoile
08:03 ou ne serait-ce que se balader et puis regarder, observer le ciel étoilé.
08:08 Aujourd'hui, il faut savoir que 80% de la population mondiale
08:12 vit sous un ciel pollué et qu'il y a un tiers de la population
08:15 qui ne peut plus voir la Voie Lactée.
08:17 Il y a même les jeunes générations qui ont coupé complètement
08:20 de ce patrimoine qui est universel
08:22 et c'est aussi une façon de nous couper une fois de plus de la nature.
08:25 Donc ne serait-ce que faire l'effort de sortir la nuit
08:28 et d'être sous un ciel qui est préservé comme celui des réserves,
08:32 c'est déjà un pas pour se reconnecter à la nature.
08:35 - Alors moi j'avais, pardon de vous interrompre,
08:37 ces réserves internationales, j'en avais 4, moi Pique-du-Midi,
08:40 Sévène, Alpazur, Mercantour et Millevaches.
08:43 Donc il m'en manque une, vous avez bien dit 5.
08:46 - Oui, la petite dernière qui a été annoncée la semaine dernière,
08:51 c'est celle du Vercors, donc elle est toute nouvelle.
08:54 C'est une info de première main.
08:57 Donc on est 5 aujourd'hui et du coup l'idée justement du congrès
09:01 qui a lieu la semaine dernière, c'était la première fois
09:05 qu'on se rencontrait officiellement.
09:07 On a eu des échanges chacun de notre côté,
09:09 mais là c'était vraiment une rencontre fédératrice
09:12 pour échanger sur ce qu'on a mis en place,
09:14 pour échanger aussi sur ce qu'on veut pour les réserves
09:17 pour les prochaines années, qu'est-ce qu'on peut mener en commun,
09:20 qu'est-ce qu'on peut mutualiser et être force de proposition aussi.
09:23 On est des territoires d'expérimentation sur la technique
09:26 des conversions d'éclairage, sur les études qui sont menées
09:29 sur l'impact de la lumière sur la biodiversité,
09:32 sur les actions qu'on peut mettre en place sur la sensibilisation.
09:35 Donc tout ça c'est des actions innovantes qu'on met en place
09:38 parce qu'il y a une dynamique spécifique sur les réserves.
09:41 Et donc du coup l'idée c'est comment on mutualise
09:43 et comment aussi on la transmet à d'autres territoires
09:46 qui ne sont pas forcément riches, mais qui peuvent avoir envie
09:49 de mettre en place une politique de réduction de la pollution.
09:52 - S'inspirer de ce que vous avez pu faire.
09:54 Est-ce qu'il y a, là on parle d'un label,
09:56 est-ce qu'il y a d'autres labels qui existent,
09:58 notamment pour les villes et les villages ?
10:00 - Alors la NPCEN a lancé un label en 2009
10:02 qui s'appelle "Villes et villages étoilés".
10:04 Tout le monde connaît les villes et villages fleuris.
10:06 Maintenant vous ferez attention quand vous rentrez dans certaines communes,
10:09 vous avez des panneaux avec des villes et villages étoilés
10:12 de 1 à 5 étoiles.
10:14 Ce label vient récompenser des communes
10:17 qui font des efforts en matière de préservation
10:20 de leur ciel étoilé et de lutte contre les pollutions lumineuses.
10:24 Et nuisances lumineuses.
10:26 - Ce n'est pas réservé aux villages, aux zones rurales ce label ?
10:29 - Pas du tout. La plus grande ville qui ait eu une étoile,
10:32 pour le moment c'est Strasbourg.
10:34 Donc on n'est pas dans la dimension du village.
10:36 Et ce label concerne 722 communes actuellement en France.
10:41 Ça constitue une sorte de trame étoilé.
10:44 On se dit qu'avec ça, on peut retrouver un ciel étoilé
10:48 pas uniquement dans des milieux protégés, préservés,
10:51 mais que tous les Français ont la possibilité de renouer avec cette observation.
10:55 - Est-ce que ça peut devenir un argument touristique ?
11:01 - Ça peut devenir un argument touristique.
11:03 - Ça ne l'est pas encore tout à fait, mais ça peut le devenir.
11:05 - Ça l'est. On l'a vu.
11:07 Je l'ai vu sur des dépliants touristiques de certaines régions
11:10 où on vous dit "allez découvrir telle et telle commune,
11:12 allez-y le soir et vous observerez le ciel".
11:15 - C'est une demande des touristes de plus en plus ?
11:19 - Je ne sais pas si c'est une demande des touristes.
11:21 En tout cas, une chose est certaine, c'est que les Français
11:24 sont de plus en plus sensibles à la question
11:26 et tout à fait à l'écoute et en attente d'actions contre ce type de pollution.
11:32 Un sondage qu'on a réalisé il y a un an avec OpinionOuet
11:36 montrait que 70% des Français trouvaient qu'il n'y avait pas assez d'actions
11:40 menées contre la pollution lumineuse et 94% attendent des mesures
11:45 de réduction de la durée d'éclairement, notamment des éclairages privés.
11:49 Et 92% pour les éclairages publics.
11:51 Il y a une dizaine d'années, on était à 48%.
11:55 Donc il y a une vraie prise de conscience. On est sur la bonne voie.
11:57 - Merci beaucoup. Merci à vous deux et à bientôt sur Bismarck.
12:01 On passe à notre rubrique "Start-up".
12:04 tout de suite.

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