MARQUES & STRAT - Passagers clandestins du social media

  • l’année dernière
Les moins de 13 ans et leurs comportements en ligne ont été scruté par l’agence Heaven qui publie la 8e édition de son étude Born Social.
Et bonne nouvelle les pré-ados sont moins scotchés à leur écran que l’an dernier. Leur taux d’équipement est également en recul, tandis que la connaissance des applis de temps passé augmente.
Transcript
00:00 Et à la une cette semaine, Emmanuel Berne, directeur des études chez EVEN.
00:08 Bonjour Emmanuel.
00:09 Bonjour.
00:10 Alors vous venez me parler de votre huitième édition d'une étude qui m'intéresse
00:13 beaucoup qui s'appelle "Born Social" qui s'intéresse au comportement des moins
00:16 de 13 ans sur les réseaux sociaux parce que oui, spoiling alert, il y a des moins
00:21 de 13 ans sur les réseaux sociaux.
00:22 Et alors dans cette étude j'étais très très surprise qu'on avait parlé de l'étude
00:26 l'année dernière et on n'avait pas du tout les mêmes résultats.
00:28 Là il y a quand même une baisse du taux d'équipement des moins de 13 ans corrélée
00:33 à une baisse du temps passé sur le smartphone et en face on peut mettre une augmentation
00:38 de la connaissance des applications de temps passé.
00:41 Les baisses sont assez significatives pour qu'on en parle et qu'on passe un peu de
00:45 temps dessus.
00:46 Emmanuel, est-ce qu'il y a une prise de conscience, ça y est, au bout de huit ans
00:49 que oui, les téléphones chez les moins de 13 ans ça peut poser un certain nombre
00:54 de problèmes ?
00:55 Tout le monde le dit, les réseaux sociaux sont interdits aux moins de 13 ans et pourtant
01:00 depuis huit ans on fait le constat qu'ils sont majoritairement dessus.
01:03 Il y a huit ans ils n'étaient pas encore 50% dessus mais ça a progressé au fil du
01:07 temps et l'année dernière on est arrivé à un taux stratosphérique de 87%.
01:12 Aujourd'hui on a descendu de 15,5%.
01:14 Bref on arrive à 70-71%.
01:17 Ça reste quand même majoritaire.
01:20 C'est la première chose à rappeler quand même, la grande majorité des enfants reste
01:26 sur les réseaux sociaux.
01:27 La nouveauté cette année, effectivement, c'est qu'on constate une baisse et c'est
01:31 la première fois qu'on constate cette baisse.
01:33 Alors comment expliquer cette baisse ? Ça fait depuis huit ans que tout le monde est
01:38 d'accord pour dire "vous n'y allez pas, ça peut être dangereux, il y a des faits
01:44 divers dramatiques qui sont corrélés aux réseaux sociaux".
01:47 Le gouvernement, les institutions, tout le monde dit "faites attention, vous n'avez
01:52 pas forcément l'âge d'aller sur les réseaux sociaux, vous n'avez pas forcément besoin
01:55 d'un smartphone".
01:56 Aujourd'hui peut-être qu'enfin on voit les fruits de cet environnement qui incite
02:02 plutôt à prendre un peu de recul par rapport aux réseaux sociaux et au digital avec les
02:08 enfants.
02:09 En revanche l'éducation nationale, c'est un peu paradoxal, mais pousse aussi à l'utilisation
02:13 du digital dans les applis les plus cités et les plus utilisés par les enfants que
02:17 vous avez interrogé, on retrouve pro-notes.
02:19 Là aussi il y a peut-être une injonction contradictoire.
02:23 Totalement, je pense que c'est très compliqué.
02:26 A la fois on incite les enfants à ne pas aller sur les écrans parce qu'ils y passent
02:31 trop de temps, parce qu'il peut y avoir des problèmes de harcèlement etc. et d'un
02:34 autre côté, comme vous le dites très bien, on sait qu'il faut y aller parce qu'on
02:39 va avoir son emploi du temps, parce qu'on va avoir ses notes, parce qu'on va accéder.
02:42 Il y a une anecdote que je pense est assez significative, quand un professeur de maths
02:48 ou d'histoire-géo envoie une vidéo YouTube à regarder pour approfondir un cours.
02:52 Vous savez ce qui se passe ? En fait l'enfant est obligé d'avoir son téléphone pour
02:56 y accéder, pour accéder à YouTube, pour regarder la vidéo, et avant d'accéder à
02:59 son contenu pédagogique, il a une publicité pour les jeux vidéo.
03:02 Je ne sais pas si vous vous rendez compte, c'est un peu comme Pinocchio qui sur le chemin
03:06 de l'école va se faire récupérer par un chat pour aller dans la fête foraine.
03:11 C'est exactement ça qui se passe et ça symbolise bien ce contexte dans lequel on
03:16 est.
03:17 Ces réseaux et ces plateformes qui sont à la fois facteurs de mieux en termes pédagogiques,
03:23 d'amélioration et en même temps une ouverture sur le divertissement et plein d'autres choses.
03:28 Mais c'est intéressant, vous mentionnez les jeux vidéo et ça fait partie des applis
03:33 les plus utilisés par les moins de trait d'angoisse, c'est-à-dire qu'ils utilisent
03:35 quand même beaucoup leur téléphone pour jouer en ligne.
03:39 Oui, d'ailleurs on leur a posé la question de savoir si vous voulez discuter avec vos
03:44 amis, qu'est-ce que vous allez utiliser le plus spontanément ?
03:48 La première des réponses qu'ils nous donnent, c'est les applications de messagerie.
03:52 WhatsApp, d'ailleurs qui cette année c'est une nouveauté, a dépassé Snapchat dans
03:56 les messageries.
03:57 Snapchat c'est plus que WhatsApp, on peut discuter là-dessus.
04:01 Et la deuxième réponse qu'ils donnent le plus fréquemment, c'est les plateformes
04:05 de jeux vidéo en ligne.
04:06 On parle de Roblox, on parle de Fortnite, on parle d'Apex, on parle de tous ces jeux
04:10 vidéo sur lesquels ils vont se socialiser.
04:12 Il y a beaucoup de garçons, mais il y a aussi des filles.
04:15 Et c'est une occasion de discuter, de s'amuser avec ses copains.
04:18 Vous avez demandé aux enfants ce qu'ils pensaient des réseaux sociaux.
04:22 C'est assez drôle, mais Facebook c'est vieux pour faire schématique, Twitter c'est méchant.
04:27 Quels sont les réseaux sociaux qu'ils trouvent grâce à leurs yeux aujourd'hui ?
04:30 À vrai dire, l'image est assez négative.
04:34 Parce que même sur un TikTok, ils vont se rendre compte de la vacuité du contenu qu'ils
04:40 vont consommer là-dessus et que ça va absorber beaucoup de temps de leur usage.
04:45 Snap ils aiment bien parce qu'il y a le côté jeu ludique.
04:49 Si Snapchat est aussi fort chez les enfants, c'est parce qu'il y a tous ces filtres.
04:52 Et finalement on va s'amuser, on va rigoler entre amis.
04:55 En ce moment il y a une application, c'est un signal fait, mais il y a une application
04:59 qui semble émerger et progresser chez les plus jeunes, qui je le rappelle n'ont pas
05:03 le droit d'aller sur les réseaux sociaux, c'est une application qui s'appelle Biril.
05:06 Et c'est français en plus.
05:08 C'est français, tout à fait, qui a connu un moment de focus en 2021 en France, après
05:16 a rencontré beaucoup de succès aux Etats-Unis.
05:20 Et là on se rend compte que chez les petits, Biril fonctionne.
05:23 Pourquoi ? Parce que c'est un petit peu un jeu, à un moment donné, paf, on va recevoir
05:26 une notification, il faut faire un Biril.
05:27 Et ça, ça correspond à leur usage authentique finalement qu'ils recherchent dans les réseaux sociaux.
05:31 Quelle est leur relation au marque et à la publicité sur les réseaux sociaux ?
05:35 Alors ça aussi c'est quelque chose qui a changé, qui a beaucoup évolué au fil des
05:39 trois dernières années on va dire.
05:40 Ils se rendent compte qu'il y a de plus en plus de pubs.
05:42 Et le taux, je crois que c'est 56% des enfants, trouvent qu'il y a trop de publicité sur
05:47 les réseaux sociaux.
05:48 Je pense que c'est à corréler avec l'augmentation du nombre de publicités, notamment sur TikTok.
05:52 Est-ce que c'est ça qui peut aussi expliquer la baisse du coup ?
05:55 Non, je ne pense pas.
05:58 Je ne pense pas qu'il y ait un lien direct.
06:01 La publicité, c'est un mal nécessaire finalement pour accéder à leur contenu.
06:05 Et puis ils ont vraiment envie d'aller voir leur contenu, donc en fait ils l'acceptent.
06:08 Et je ne pense pas que ça ait une implication directe.
06:11 Vous avez réalisé un focus sur l'IA.
06:13 Et Snapchat notamment utilise l'IA, donc c'est intéressant.
06:17 Mais parce qu'on a quand même l'impression que c'est assez loin de l'IA.
06:21 C'est ce qu'on peut penser.
06:24 Et quand on regarde vraiment ce qu'il y a dans les applications qui sont utilisées
06:28 par les plus jeunes, on se rend compte que c'est peut-être eux qui ont l'accès le
06:31 plus direct et facilité à l'intelligence artificielle, notamment via Snapchat, avec
06:35 leur chat qui utilise une IA générative et qui est accessible dans leur messagerie
06:41 directement.
06:42 Quels adultes ont aujourd'hui accès à chat GPT sur leur téléphone portable directement
06:47 ? En fait, il y en a probablement moins que des enfants via Snapchat.
06:50 Ils en ont conscience de ça ou pas ?
06:52 Non.
06:53 Après, ils l'ont tous testé, ceux qui ont Snapchat, une bonne partie d'entre eux l'ont
06:59 testé.
07:00 Ils ont tout à fait conscience que c'est un robot et ils l'ont tous testé pour une
07:02 seule chose, c'est pour voir s'ils pouvaient générer des devoirs automatiquement.
07:07 C'est ça qu'ils ont fait.
07:08 C'est malin.
07:09 Il y en a un qui m'a dit qu'il avait généré son poème à rédiger via Snapchat et il a
07:15 eu une bonne note.
07:16 Globalement, on n'a pas assez peu parlé de TikTok, mais ça reste quand même...
07:23 Le réseau social le plus utilisé par les enfants de moins de 13 ans ?
07:26 La plateforme numéro un qui, elle, ne baisse pas du tout, c'est YouTube.
07:30 Il ne faut pas oublier YouTube qui est vraiment la plateforme qui les suit depuis l'enfance
07:35 et qui va les suivre probablement pendant toute leur adolescence aussi.
07:38 Et sinon TikTok...
07:39 C'est vrai, mais alors dans ma tête, pardon, mais YouTube, j'ai du mal à l'assimiler à
07:43 un réseau social.
07:44 Non, on leur pose la question de toutes les applications et c'est comme ça qu'après
07:48 on fait le filtre sur les applications sociales.
07:51 Mais on essaie d'étudier quelle est la consommation finalement des contenus sur les téléphones
07:58 portables des enfants.
07:59 Et sur TikTok du coup ?
08:00 Et sur TikTok, c'est vrai que c'est la première année où peut-être il y a moins d'enthousiasme
08:03 par rapport à TikTok, moins de nouveautés.
08:05 On observe toujours une très grande diversité des contenus qu'ils vont consommer en fonction
08:09 de leurs besoins.
08:10 Et la nouveauté cette année, c'est les films qui sont un peu coupés en toutes petites
08:16 vignettes et qui vont regarder, soit pour regarder en entier sur TikTok, soit plutôt
08:19 ceux qui ont accès à Disney+, Netflix et compagnie vont prendre connaissance d'un
08:25 film, d'une série et puis après vont aller la regarder sur la plateforme.
08:27 Oui, j'ai l'impression que c'est une tendance qui monte là, ces espèces de formats séquencés.
08:31 Oui, tout à fait.
08:32 Il y a les documentaires aussi pour les adultes, moi j'ai ça, mais pour les enfants, il y
08:36 a des films pour enfants qui sont découpés.
08:38 Qu'est-ce que ça change pour vous pour l'année prochaine ? Est-ce que vous envisagez
08:43 de changer la cible de votre étude au regard de ces résultats qui montrent quand même
08:48 que ça baisse chez les moins de 13 ? C'est sans doute du signal faible encore, mais c'est
08:53 intéressant de savoir.
08:54 L'année prochaine, on a hâte de voir si cette baisse continue, s'il y a au contraire
08:58 une réaugmentation, qu'est-ce qui va se passer l'année prochaine.
09:02 Et puis il y a aussi quelque chose qui est important, c'est qu'il y a quand même une
09:06 incitation de plus en plus forte à faire attention à l'usage des réseaux sociaux
09:09 de ces enfants et notamment les plateformes ont l'obligation de demander l'accord parental
09:15 pour faire en sorte qu'un enfant puisse accéder aux réseaux sociaux quand il a entre 13
09:19 et 15 ans.
09:20 Donc la question qu'on se pose, c'est est-ce qu'il ne faudrait pas qu'on élargisse un
09:23 peu notre panel et jusqu'aux enfants de 15 ans pour voir quels sont les usages de ces
09:28 enfants.
09:29 Là, nous, ce qu'on observe, c'est un recul de l'âge où ils commencent à utiliser
09:33 les réseaux sociaux.
09:34 Quand ils ont 15 ans, 16 ans, on pense qu'il n'y a pas encore de changement.
09:37 Oui, j'imagine bien.
09:38 Merci beaucoup Emmanuel Berne, directeur des études chez l'agence EVEN.

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