Anne Fulda reçoit Irène Frain pour son livre «Écrire est un roman» dans #HDLivres
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00:00 Bienvenue à l'heure des livres, Irene Fram.
00:02 Nul besoin de vous présenter, tout le monde vous connaît.
00:04 Il y a eu évidemment "Le Net Bab",
00:06 il y en a eu bien d'autres, une trentaine de livres,
00:08 de romans, de biographies, "Un crime sans importance",
00:11 il n'y a pas longtemps, un livre remarquant,
00:13 qui a eu l'interallié 2020.
00:15 Et là, vous venez de publier "Écrire est un roman",
00:18 un livre qui est paru au Seuil,
00:20 un livre qui, d'une certaine façon,
00:22 entend expliquer, relater les dessous de la fabrique d'un livre,
00:29 même si c'est une expérience
00:31 sur laquelle vous étiez un peu réticente,
00:33 vous avez hésité avant de vous-même donner des ateliers d'écriture.
00:37 Oui, j'ai beaucoup hésité, parce que je ne me voyais pas
00:40 dans la peau d'un professeur de trucs, de ficelles
00:43 et de secrets magiques, puisqu'il n'y en a pas,
00:47 mais d'un autre côté,
00:51 je me disais que ça pouvait être une expérience pour moi.
00:54 J'avais quand même la conviction
00:59 que les autres allaient m'apprendre aussi,
01:02 rien qu'à travers leurs demandes.
01:04 Et leurs demandes étaient celles-ci,
01:07 "J'ai peur, j'ai envie et je n'ai pas d'imagination."
01:11 Et ça se formulait souvent sous la forme d'une plainte.
01:16 Donc comment répondre à ça ?
01:17 Donc j'y suis allée, je dois dire, un peu la boule au ventre,
01:21 et puis je me suis dit, mais j'ai eu peur moi aussi,
01:24 j'ai douté que j'avais de l'imagination avant mon premier roman,
01:27 puisque j'étais universitaire,
01:29 je me croyais universitaire jusqu'à la fin des temps,
01:33 et j'avais un désir.
01:37 Donc c'est à travers l'empathie que finalement,
01:41 j'ai trouvé ce chemin.
01:43 Et j'ai conçu ça, bien sûr, avec des exercices,
01:45 mais un chemin vers la découverte extraordinaire
01:52 de ce que peuvent les mots.
01:55 Donc cet atelier s'est transformé en ça, en ce cheminement.
01:59 -Comment expliquez-vous qu'il y ait un tel essor
02:02 de ces ateliers d'écriture ?
02:03 On a l'impression que tout le monde a envie d'écrire.
02:06 Est-ce que c'est pas un lieu commun, de nouvelles thérapies ?
02:10 -Je ne suis pas sûre que l'écriture soit une thérapie,
02:13 mais elle nous aide à faire avec la réalité.
02:16 Il y a beaucoup d'angoisse de notre société,
02:18 et surtout, je crois que les Français,
02:22 parce que c'est quand même beaucoup une passion française,
02:25 ne se sentent pas nécessairement reconnus dans leur identité.
02:30 Il y a beaucoup de solitude.
02:32 Il y a la sensation d'être, comme disait Houellebecq,
02:35 des particules élémentaires.
02:36 Et il y a aussi...
02:38 La France a sacralisé l'écriture.
02:41 C'est ça qui crée autant de peur que de désir.
02:47 Donc ce que je fais avec ce livre,
02:49 qui ne contient quasiment pas de théorie,
02:52 c'est une interrogation.
02:54 Qu'est-ce que c'est l'écriture ? D'où ça vient ?
02:56 Quand on sait, par exemple, que les verbes écrit,
02:59 "scribere", par exemple, "egraphene",
03:02 d'où vient le mot "écrire" ou "graphie", "graphologie",
03:05 viennent d'une même idée indo-européenne très ancienne
03:08 qu'à Saint-Milan, qui veut dire "gratter",
03:11 "laisser une trace", "inciser".
03:14 Quand on réfléchit, avec moi, à la notion de trace,
03:18 nous avons tous envie de laisser une trace.
03:21 Pourquoi ? Parce que nous nous sentons
03:23 de plus en plus perdus dans cet univers
03:25 surchargé d'informations
03:27 et où on ne se sent plus exister.
03:31 Donc on écrit pour exister.
03:33 Mais il y a un moyen pour, justement,
03:35 trouver les phrases, les mots, etc.
03:38 C'est un moyen d'interrogation.
03:40 Et moi, ce que j'écris, c'est une libre flânerie
03:45 dans cette maison écrire fantasmatique.
03:47 -C'est ce que vous parlez.
03:49 Est-ce que le fait, on le voit,
03:50 vous parlez un peu comme l'ancienne prof de latin,
03:53 agrégée de lettres, c'est ça ?
03:55 -Oui, j'étais là. -Vous écrivez...
03:57 Ca vous a aidé d'être professeure ?
03:59 Il y a quelque chose qui ouvre vers les autres.
04:01 -Oui, parce que d'abord, pour être un bon professeur,
04:05 je crois pouvoir dire, quelques décennies plus tard,
04:08 que je l'ai été, j'ai même formé des professeurs
04:11 à partir de 22 ans, il faut de l'empathie.
04:14 C'est comme être médecin, être soignant en général,
04:19 et non pas qu'on soigne, mais on conduit.
04:22 On conduit, on accompagne, il faut s'effacer.
04:24 Mais il faut aller à la rencontre des peurs et des désirs.
04:27 Je reviens toujours.
04:28 Donc, je raconte...
04:31 -Il va parler de la chambre des peurs.
04:33 -Oui, il y a la chambre des peurs.
04:35 Et raconter l'expérience d'Annie Arnaud de la peur d'écrire,
04:38 quand elle écrivait "Les années", sur 20 ans de peur,
04:42 20 ans de livre abandonné refait,
04:44 la tapisserie de Pénélope, en quelque sorte.
04:47 C'est fascinant de pouvoir relater en quelques lignes
04:52 son expérience, parce que moi, quand j'ai lu ça,
04:55 je me suis dit "Ah ben oui, elle aussi."
04:57 Donc, j'ai supposé que les personnes
04:59 qui s'exéyaient à écrire dans mon atelier d'écriture,
05:04 elles l'éprouvaient aussi.
05:06 Mais on ne se sent plus seule à ce moment-là.
05:08 Ou pouvoir imaginer une histoire à partir d'une photo.
05:11 Et quand on s'aperçoit que surgissent
05:13 dans la pièce 25, version de la photo,
05:17 on se dit "J'ai de l'imagination, alors."
05:19 Et j'ai commencé par dire que je n'en avais pas.
05:21 -Oui. En tout cas, c'est vraiment très intéressant à lire,
05:24 parce que ce n'est pas des trucs que vous donnez,
05:27 comme vous disiez tout à l'heure, c'est le cheminement de l'écriture.
05:31 Et ça s'appelle donc "Écrire est un roman",
05:33 c'est paru au Seuil, merci beaucoup.
05:34 -Et ça peut être votre roman de vie à vous.
05:37 -Voilà. -Et un cri d'amour à la littérature,
05:39 bien sûr, parce que je me suis appuyée sur de très grands écrivains.
05:42 Je suis restée souvent très humble devant eux.
05:45 -Merci beaucoup. -À bientôt, Anne, merci.
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