Anne Fulda reçoit Metin Arditi pour son livre «L'île de la Française» dans #HDLivres
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00:00 Bienvenue à l'heure des livres, Metinarditi.
00:03 Nous sommes heureux de vous recevoir.
00:05 Vous avez déjà écrit de nombreux livres.
00:07 Tout le monde se souvient du Turquetto, mais il y en a eu bien d'autres.
00:10 Vous venez de publier "L'île de la Française",
00:13 un livre qui est paru chez Grassey, une espèce de polar un peu métaphysique
00:18 qui se déroule à l'été 1950 dans une île grecque de la mer Égée,
00:23 une île qui a été touchée par la guerre civile et par la famine.
00:28 C'est un livre assez saisissant avec des entrées diverses.
00:33 Alors, cette île imaginaire, Saint-Spyridon, c'est un élément important dans le livre
00:38 parce que dans une île, rien ne se passe comme sur le continent.
00:43 Est-ce que vous avez fait à dessein ce choix que l'action se déroule sur une île ?
00:48 C'est autre chose, c'est une autre atmosphère.
00:50 Moi, j'ai une maison sur une île grecque depuis longtemps.
00:53 Ça n'a rien à voir avec le continent.
00:56 C'est autre chose. Il y a des relations entre les gens de l'île qui sont fortes, voire violentes.
01:02 Oui, ce qu'on voit dans l'œuvre.
01:04 Alors, cette île, Saint-Spyridon, n'existe pas. C'est une île fictive.
01:08 Alors, s'y retrouve notamment une photographe française, Odile, sa fille, Pénélope.
01:15 Et puis aussi, il y a un élément important, il y a des jeunes filles qui sont dans un couvent démonial.
01:22 Et certaines, d'ailleurs, ce qui est intéressant, c'est que certaines vont dans ce couvent,
01:26 non pas parce qu'elles sont mues par la foi, mais parce que, en fait, tout simplement pour se nourrir.
01:30 - Elles ont faim. - Oui, elles ont faim.
01:32 Elles ont faim et aussi, ce qu'il faut ajouter, c'est qu'à cette époque,
01:36 il y avait beaucoup d'hommes qui étaient morts à la guerre,
01:39 puis d'autres qui étaient morts à la guerre civile,
01:42 et puis enfin d'autres qui étaient partis sur les bateaux,
01:44 parce que c'est la tradition des îliens grecs de travailler sur les bateaux.
01:48 Et donc, il y avait un manque de mari, un manque d'époux.
01:53 Et alors, il y a certaines de ces jeunes filles d'un peu partout en Grèce qui partaient en Australie,
02:00 certaines avec une photo d'un fiancé, d'autres sans photo de fiancé,
02:04 et puis d'autres allaient tout simplement au couvent.
02:07 Alors, on en suit quelques-unes en particulier, notamment une qui s'appelle Clio,
02:12 qui voulait être couturière, en fait, mais qui se retrouve au couvent.
02:17 Et alors, c'est un couvent où quand même il y a une drôle d'ambiance,
02:21 parce que ces jeunes filles, on leur recommande très fortement
02:26 de s'infliger des supplices corporels, en fait, pour mieux servir le Seigneur.
02:31 - Ça, c'est ce que dit Ligoumen. - C'est ce qu'on leur dit.
02:34 - C'est ce que dit Ligoumen. - Le chef du monastère a cette explication.
02:39 En réalité, ce qui s'est passé, c'est que quand elle a été nommée là-bas,
02:43 une femme de caractère, elle était encore jeune,
02:46 et puis elle avait trouvé cette façon de calmer en quelque sorte
02:50 ses fantasmes de jeune femme en se faisant du mal.
02:54 Et puis, elle a étendu cette façon de faire aumoniale
03:00 et elle s'est rendue compte que c'était également, pour elle,
03:03 une façon de dominer son monastère.
03:06 Et ça a fait tâche d'huile.
03:09 Évidemment qu'à un moment donné, elle se rendra compte du péché.
03:14 Mais enfin, l'histoire démarre ainsi.
03:19 - Oui. Ce qui est intéressant, c'est qu'elle va se rendre compte du péché.
03:22 Il va y avoir un révélateur, et ce révélateur, effectivement,
03:24 est lié à la découverte de la photo par la jeune Clio.
03:29 Donc, elle l'a apprise, elle a eu un apprentissage grâce à la Française, Odile.
03:34 Et c'est vraiment le rôle, on dit, assez classique de la photo comme révélateur.
03:39 - Absolument. C'est ça. C'est l'apocalypse.
03:42 - Voilà. Et ça crée une révolution.
03:44 - L'apocalypse, en grec, ça veut dire le dévoilement.
03:47 - Voilà. C'est le dévoilement.
03:48 - Le dévoilement.
03:49 Et donc, effectivement, ces moniales, qui ne connaissaient pas leur corps,
03:55 qui ne se voyaient jamais, il n'y a pas au monastère un seul miroir,
04:01 qui, à l'époque, se lavaient très peu et rarement, peut-être une fois par mois,
04:07 d'un coup, prennent goût à découvrir leur corps.
04:12 Ce ne sont pas des corps parfaits.
04:14 Mais elles s'en amusent, elles s'en réjouissent, elles partagent.
04:21 Et bizarrement, cette découverte, ce dévoilement,
04:26 leur donne un souffle dans leur foi qu'elles ne connaissaient pas.
04:30 Voilà. Elles chantent les psaumes avec plus de chœur,
04:34 elles prient avec plus d'ardeur.
04:37 - Et c'est à ce moment-là, à peu près concomitamment, pardon,
04:42 que disparaît une jeune fille, Pénélope, la fille de la photographe française.
04:49 On ne va pas révéler comment se termine ce livre,
04:55 mais ce qui est intéressant, c'est effectivement le choc de deux mondes,
04:58 ce monde de l'après-guerre, la crise économique.
05:01 Juste, dernière question, comment avez-vous travaillé,
05:04 par exemple, pour reconstituer une vie dans un couvent ?
05:08 Et puis la vie dans les années 50 ?
05:10 - J'allais dire, j'ai eu une petite expérience de la vie de monastère,
05:15 puisque j'ai déjà écrit d'autres textes sur des monastères.
05:19 Et puis j'en visite régulièrement, que ce soit des monastères orthodoxes en Grèce
05:24 ou alors en Palestine, j'en ai vu beaucoup, d'ailleurs des monastères grecs.
05:30 Et bon, il y a des constantes dans ces vies.
05:35 Et puis la Grèce des années 50, bien, ma foi, c'est une Grèce...
05:41 Moi, j'ai commencé à connaître la Grèce à la fin des années 60, début des années 70.
05:46 C'était encore un pays très pauvre, très marqué.
05:50 A la fin des années 60, par exemple, en Grèce, il n'y avait pas la télévision,
05:57 il n'y avait pas de bananes, il n'y avait pas de Coca-Cola.
06:00 C'est très drôle. La Grèce a terriblement souffert des deux guerres,
06:06 puis de la guerre civile, et tout ça est venu en quelque sorte
06:10 après quatre siècles d'occupation turque.
06:12 Donc vraiment, le pays était exsangue.
06:14 - En tout cas, c'est à lire.
06:16 Alors il y a cette phrase en préambule qui résume bien le livre,
06:20 qui donne "le corps est l'un des noms de l'âme",
06:23 une phrase de Marcel Arlan.
06:25 Donc ça s'appelle "L'île de la Française",
06:27 et c'est un livre qui est paru chez Grasset.
06:29 Merci beaucoup, Metinarditi.
06:30 - Merci à vous, Mathilda.
06:32 - Merci.
06:33 (Générique)
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