La culture dans tous ses états avec l'ancien spationaute Philippe Perrin

  • il y a 6 mois
Céline Alonzo et André Bercoff reçoivent Philippe Perrin qui publie "En apesanteur" aux éditions Michel Lafon. Il raconte comment il a réussi à réaliser son rêve, celui de devenir spationaute et de participer à la conquête spatiale.

Retrouvez La culture dans tous ses états tous les vendredis avec Céline Alonzo et André Bercoff à partir de 13h.

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##LA_CULTURE_DANS_TOUS_SES_ETATS-2024-04-05##

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Transcription
00:00 (Générique)
00:22 Et oui et bien aujourd'hui sur Sud Radio André Bercoff, c'est un voyage en apesanteur, autour de la Terre, que nous allons faire avec Philippe Perrin.
00:29 Il est le 9ème astronaute français à avoir effectué des missions en orbite autour de la Terre,
00:34 le 3ème André à avoir marché dans l'espace et le 1er à avoir utilisé le scaphandre américain.
00:41 Et voilà pourquoi nous lui accordons la bénédiction "Urbite et orbite".
00:45 Philippe Perrin c'est passionnant, je vous ai dit on va vous parler pendant une heure,
00:50 mais il faut lire le livre qui vient de paraître hier.
00:53 Ce livre "En apesanteur" où il raconte le quotidien de ce que c'est que nous ne connaissons pas, que 99,9% de nous ne connaissent pas.
01:01 Qu'est-ce que c'est que vivre au quotidien en apesanteur ? On va parler de tout ça.
01:06 Vous avez fait 14 jours à bord de la station spatiale internationale que vous avez contribué à assembler,
01:11 Philippe Perrin, vous êtes pilote de chasse et d'essai,
01:14 et puis vous êtes allé au bout de votre rêve, devenir astronaute et participer à la conquête spatiale en ouvrant la voie à beaucoup d'autres.
01:21 À un apesanteur, voilà. Et je dois dire qu'en lisant le livre Céline, on avait effectivement l'impression d'être en apesanteur, il faut le dire.
01:29 Tout à fait. Alors comment a-t-il vécu cette très belle odyssée autour de la Terre ?
01:33 Et bien il nous dira tout dans un instant en direct sur Sud Radio et ce jusqu'à 14h.
01:38 Alors restez avec nous, on revient dans un instant.
01:40 Sud Radio, votre avis fait la différence.
01:43 Les opinions sont diverses et variées, vous faites parler les auditeurs.
01:46 De mon point de vue, la liberté d'expression est beaucoup plus fiable et authentique que sur Sud Radio.
01:51 Sud Radio, parlons vrai.
01:53 Sud Radio, la culture dans tous ses états. André Bercoff, Céline Alonso.
02:10 Et oui, c'est sur cette chanson de Super Tramp qu'adolescent vous avez rêvé votre vie d'astronaute.
02:17 Philippe Perrin, bonjour à vous et merci d'être avec nous en direct sur Sud Radio jusqu'à 14h.
02:22 Alors vous venez de publier un livre qui est paru hier, donc chez Michel Laffont, un livre intitulé "En apesanteur".
02:28 Un livre passionnant dans lequel vous nous embarquez dans un voyage fascinant autour de la Terre.
02:33 Le 9 juin 2002, vous avez réalisé la première sortie en scaphandre d'un français sur un véhicule spatial américain.
02:40 Comment, 6 ans plus tôt, vous avez été sélectionné pour voler dans l'espace ? Racontez-nous.
02:45 Alors à l'époque, la France a de l'ambition, on veut faire la navette spatiale Hermès, si vous vous souvenez.
02:50 Donc je suis sélectionné comme pilote d'essai pour faire Hermès avec les anciens, avec Jean-Loup Chrétien, avec Jean-Pierre Aignuret.
02:56 Et finalement, Hermès ne se fait pas, le temps passe, je retourne dans l'armée de l'air, qui est ma famille d'origine.
03:02 Et un jour, on décide de faire quelque chose avec les américains, ça s'appelle le X-38.
03:05 C'est la dernière tentative de la NASA de refaire un véhicule autonome avant de passer à ce qu'on connaît avec Elon Musk les années suivantes.
03:12 Et donc je suis envoyé, j'ai pas la certitude à l'époque de devoir pouvoir voler dans l'espace, mais je pars en tout cas m'entraîner à Houston, c'est en 96.
03:19 - Et oui, 96, c'est ça. - 96.
03:21 - Alors comment vous avez su que vous alliez franchir le pas ?
03:25 - Au moment où on m'envoie en 96, j'ai quand même de bonnes chances parce que je pars m'entraîner, et puis je sais que ça va peut-être arriver.
03:32 Comment ça se passe ? Je suis à la maison, je suis tout seul, mon épouse est enceinte, elle est partie voir la famille.
03:36 Le téléphone sonne, c'est Jacques Rattier qui est à l'époque patron des astronautes français qui m'appelle et qui me dit "écoute Philippe, le temps a passé, mais on a une chance de t'envoyer à l'entraînement à Houston, c'est dans deux mois.
03:47 Si tu l'acceptes, tu pars."
03:50 Je lui dis "mais écoute, réfléchis, je pars, je viens d'embarquer, mon épouse qui est enceinte de 7 mois, et puis on part, on sait pas pourquoi on part, on part en fait pour 6 ans, et elle a la clé pour un vol dans l'espace."
04:04 - Et oui, et donc deux mois après ce coup de fil de Jacques Rattier, vous débarquez à Houston au Texas, en juillet 1993, pour vous entraîner à la NASA.
04:16 Et dès votre arrivée, vous dites avoir été pris d'un sentiment de panique à l'idée de ne pas faire l'affaire, sentiment étrange d'un imposteur, sur le point d'être démasqué, écrivez-vous.
04:27 Pourquoi éprouviez-vous ce lois?
04:29 - C'est le trac, Philippe Perrin comme au théâtre.
04:31 - Non, moi je crois, j'en parle souvent avec d'autres, et on est beaucoup à avoir ce sentiment de l'imposteur, et je pense que c'est bien d'avoir ce sentiment de l'imposteur.
04:39 Parce que finalement on se donne les moyens de ne pas être cet imposteur, mais il est légitime aussi, parce que pourquoi moi, moi je me souviens d'un très bon copain, Jean-Marc Gasparini,
04:48 qui était bien meilleur que moi en tout, qui aurait dû prendre ma place, et puis le hasard de la vie a fait que c'est moi qui suis parti, donc on sait qu'on est toujours l'imposteur de quelqu'un, donc c'est bien.
04:58 - Dans n'importe quel domaine d'ailleurs.
05:00 - Vous vous sentiez en quelque sorte démuni face aux défis qui vous attendent?
05:04 - Ah c'est colossal, vous arrivez à Houston, il y a une fusée Saturn V à l'entrée qui vous attend, et puis la porte s'ouvre et la première personne que je croise c'est John Young.
05:13 John Young qui est le marcheur lunaire, celui qui avait joué au golf si vous vous souvenez sur la Lune, premier pilote d'essai de la navette spatiale.
05:20 - Ah oui le premier qui avait amené son club de golf.
05:24 - Et John Young, pour l'image, un point symbolique.
05:27 - Et il était là quand vous êtes arrivé ?
05:28 - Il était là, il ouvre la porte, c'est le pilote d'essai de la navette spatiale, c'est un grand monsieur, et je suis accueilli par John, donc on se pose la question de savoir si on va faire l'affaire.
05:38 Et très vite je découvre qu'en fait les formations universitaires etc. françaises des grandes écoles françaises font qu'on est tout à fait à la hauteur.
05:46 - Alors comment s'est passé justement cet entraînement à la NASA qui a duré 6 ans ? Racontez-nous, quels étaient les exercices les plus difficiles ?
05:54 - Alors c'est 6 ans de travail d'arrache-pied, c'est 6 ans de médecine, de classe prépa, de ce que vous voulez.
06:00 - 6 ans quand même !
06:01 - 6 ans c'est un peu long !
06:02 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
06:03 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
06:04 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
06:05 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
06:06 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
06:07 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
06:08 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
06:09 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
06:35 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
06:42 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
06:45 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
06:48 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
06:51 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
06:54 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
06:57 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:00 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:03 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:06 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:09 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:12 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:15 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:18 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:21 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:24 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:27 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:30 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:33 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:36 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:39 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:42 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:45 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:48 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:51 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:54 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
07:57 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:00 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:03 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:06 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:09 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:12 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:15 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:18 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:21 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:24 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:27 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:30 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:33 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:36 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:39 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:42 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:45 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:48 - 6 ans c'est un peu long ! - 6 ans c'est un peu long !
08:51 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
08:54 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
08:57 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
09:00 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
09:03 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
09:06 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
09:09 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
09:12 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
09:15 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
09:18 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
09:21 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
09:24 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
09:27 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
09:30 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
09:33 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
09:36 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
09:39 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
09:42 - 7 ans c'est un peu long ! - 7 ans c'est un peu long !
09:45 - Oui, la scène au sens presque quasi religieux...
09:49 - C'est une E, comme c'est le dernier repas du Christ !
09:52 - Oui, alors pourquoi ? - Pourquoi la scène ?
09:54 - Parce que les astronautes, comme les pilotes d'ailleurs,
09:57 sont dans un monde de superstition.
10:00 Non pas qu'on soit superstitieux, mais quand même, il faut bien
10:03 jeter un sort au mauvais sort, parce que la probabilité n'est pas nulle
10:06 qu'on ne revienne pas de cette mission, on le sait tous.
10:09 Donc on prend grand soin de faire comme nos anciens.
10:12 Je crois que Thomas Pesquet l'avait bien expliqué en Russie,
10:15 on fait pipi sur la même roue du minibus qui vous emmène à la fusée,
10:19 là où s'était arrêté historiquement Gagarine,
10:22 on regarde le même film la veille du décollage...
10:26 - Le passé de sel... - Voilà, parce que...
10:29 - Et vous portez le casque du bras gauche, c'est ça ?
10:33 - Alors quand je vais à l'avion, ça c'est mon histoire de pilote,
10:35 je fais toujours le tour avion du même côté, je porte le casque toujours du même côté.
10:38 Alors, pourquoi cette superstition ?
10:41 Parce que quand on fait les choses dans le même ordre,
10:43 aussi on est plus robuste à tous les aléas.
10:46 C'est-à-dire que quand on fait un métier très technique,
10:48 je pense que vous le faites dans vos métiers,
10:50 avant d'arriver sur scène, j'imagine un comédien, un journaliste, etc.,
10:54 on a sa petite routine, parce qu'en passant par toutes les petites portes de la routine,
10:58 on est sûr de ne rien oublier, et c'est comme ça que ça marche.
11:01 - Ah oui, alors après la scène, vous le racontez dans votre livre,
11:04 et c'est passionnant, c'est le rituel de l'habillage en scaphandre,
11:07 et des thèses associées, et à 6h du décollage,
11:10 vous abandonnez toutes vos affaires personnelles dans une petite boîte,
11:12 à la manière d'un condamné qui arrive en prison, écrivez-nous,
11:15 racontez-nous comment ça se passe.
11:17 - Alors, je reviens sur la scène,
11:21 parce que la scène, en fait, c'est...
11:22 on mange un gâteau, comme on mangeait les anciens,
11:25 - Oui, parce que la scène, c'est pas bien, il y a un repas ensemble.
11:27 - Il y a un repas, mais en fait, personne n'a faim,
11:29 parce qu'on est à une heure du décollage,
11:31 et personne ne prend le café, personne ne boit, enfin bon...
11:34 - C'est-à-dire que vous êtes au pied de la...
11:36 - On est encore dans ce qu'on appelle le "crew quarter",
11:39 c'est-à-dire l'endroit où sont les équipages,
11:41 et on va prendre le minibus, le même bus qui a emmené les astronautes
11:44 sur les missions Apollo, parce que c'est le même pas de tir, en fait,
11:47 que pour les missions Apollo, et ensuite, donc, on s'équipe,
11:50 on s'habille, et là, on se défait de ses effets personnels,
11:53 c'est ce que vous mentionnez, et ça, c'est un moment difficile,
11:57 parce que c'est le moment où on abandonne, finalement,
11:59 sa notion de terrien, on se dépouille,
12:02 - Ah oui, du téléphone portable...
12:04 - Et du téléphone portable, alors, avant de laisser le téléphone portable,
12:07 j'appelle mon épouse une dernière fois, quand même,
12:09 et puis au dernier moment, je me dis "Ah, quand même,
12:12 je vais faire voler plus de choses dans l'espace",
12:14 et un peu comme les anciens des missions Apollo,
12:16 je récupère une petite médaille, un petit truc pour la famille,
12:19 une petite vierge que j'emmène avec moi, que je mets dans les poches,
12:21 personne ne sait, ça, elle vous redira que très peu...
12:24 - Un petit calissement, quand même...
12:26 - Voilà, on a besoin de toutes les aides...
12:27 - Juste un mot par rapport à ça, parce qu'on en a parlé plus tôt,
12:30 mais quelle était la réaction de votre femme qui était enceinte ?
12:33 Elle a tout de suite dit "Allez, vas-y..."
12:36 - Oui, alors, au départ, je crois savoir que le soir où je l'appelle,
12:39 elle est en Bretagne, chez son frère, et je lui dis "On part aux Etats-Unis,
12:42 je vais devenir astronaute", je crois qu'elle pleure, en fait.
12:45 Elle pleure parce que secrètement, elle a peut-être espéré
12:48 que tout ça, ça ne se fasse pas... - J'imagine...
12:50 - Et puis la pauvre, bon, elle a fait une école normale,
12:53 elle va se retrouver... - Donc elle est venue avec vous...
12:56 - Elle vient aux Etats-Unis, on va vivre tout ça ensemble,
12:59 on va élever en fait deux enfants, deux filles qui seront nées aux Etats-Unis,
13:03 et elle va vivre l'aventure vraiment avec moi,
13:06 c'est-à-dire qu'elle m'accompagne un peu comme un coach,
13:09 et alors c'est très marrant parce que, au moment où je vole dans l'espace,
13:12 tout est suivi en temps réel par des caméras,
13:15 renvoyées sur une chaîne télé qui s'appelle "Nostal Channel" en permanence,
13:18 donc elle vit l'aventure en même temps que moi.
13:21 Et ce qui est formidable, parce que dans ces métiers, ce qui peut se passer,
13:24 c'est un décalage entre celui qui vit, c'est vrai de tous les métiers extraordinaires,
13:27 et celui qui reste. Et si on ne partage pas,
13:30 il y en a un qui peut être transformé par l'expérience et pas l'autre.
13:33 Et je crois qu'elle a été transformée par l'expérience,
13:36 et je suis un peu long, mais il faut que je cite quand même Neil Armstrong,
13:39 parce qu'un jour on a la visite... - Qui a été l'un de vos professeurs, c'est ça ?
13:42 - Oui, il vient un jour, Neil Armstrong vient, on ne sait pas pourquoi,
13:45 il sort de son ranch, il vient nous voir, et il nous dit un truc essentiel,
13:48 il nous dit ce qu'il fait un astronaute, c'est son époux ou son épouse.
13:51 Et là, c'est résumé.
13:54 - En fait, elle s'est imprégnée, elle a suivi, elle a été là.
13:57 - Elle a été là, parce que ce n'est pas une aventure qu'on peut mener tout seul.
14:00 - Et vous-même, effectivement, alors dans quel état émotionnel
14:03 étiez-vous quand vous étiez au pied de la fusée ?
14:06 Parce que vous racontez effectivement dans votre livre,
14:09 vous vous souvenez d'une de vos amies astronautes
14:12 qui, elle, a été prise d'effroi.
14:15 - Oui, on m'avait prévenue, on m'avait prévenue,
14:18 une amie astronaute américaine, je trouvais ça très sympa de sa part,
14:21 parce que les Américains en général sont un peu pudiques.
14:24 Et elle me dit, tu sais, quand je me suis retrouvé
14:27 pour mon premier vol au pied de la fusée,
14:30 on donne un nom à la fusée à ce moment-là, on l'appelle "la bête", en anglais,
14:33 "the beast", parce qu'elle fume, elle fait du bruit, elle est juste effrayante.
14:36 Elle me dit, j'avais plus envie d'y aller, mais j'étais obligé quand même,
14:39 parce que de toute façon... Et j'avais trouvé ça
14:42 de pensée intéressante, mais effectivement un peu effrayante.
14:45 C'est pas ce qui m'est arrivé, parce que j'ai un passé
14:48 de pilote de chasse, de pilote d'essai, donc c'était pour moi un peu la routine.
14:51 Et j'aime la gestion du risque.
14:54 - Oui, ça vous a déjà eu des années de pilotage.
14:57 - Par contre, je vis la scène deux fois.
15:00 Une fois pour un décollage qui va être interrompu à cause de conditions météo.
15:03 Et là, je suis peut-être trop concentré, c'est-à-dire que je suis dans mon travail,
15:06 mais tellement concentré qu'il y a un Philippe
15:09 qui va à la fusée, puis il y en a un autre derrière qui le regarde.
15:12 Et c'est pas la bonne façon de faire les choses.
15:15 Et le vrai décollage, là je suis plus décontracté,
15:18 et je vais à la fusée, en fait j'en profite.
15:21 Je profite de l'instant.
15:24 Et de la fraternité, de l'équipage qui part ensemble,
15:27 une fraternité qui est marquée par des gestes très symboliques.
15:30 Une seconde avant que ça décolle, on se serre tous les mains dans le cockpit.
15:33 On est quatre à ce moment-là, quatre en haut, ils sont trois en bas,
15:36 le cockpit fait deux niveaux, et on se prend tous par la main.
15:39 Parce qu'on part ensemble.
15:42 - Alors, vos premières heures dans l'espace, comment se sont-elles passées ?
15:45 Comment on s'acclimate facilement ou pas à la pesanteur ?
15:48 Qu'est-ce qu'il y a de plus difficile à affronter ?
15:51 - Ça prend du temps, d'ailleurs il y a un chapitre entier qui s'appelle "L'acclimation" dans le bouquin.
15:54 D'abord je suis surpris,
15:57 souvent je dis, il n'y a rien qui prépare l'homme à aller dans l'espace ou à vivre dans l'espace.
16:00 Des millions d'années d'évolution de notre espèce
16:03 font que l'espace, ça n'existe pas.
16:06 Et donc, la première chose, je suis pris d'un fourrir,
16:09 parce que je me détache, j'arrive en haut et j'ai une mission
16:12 en photo, le réservoir principal de la navette qui s'en va.
16:15 Et donc je fais ma taff, je prends le télescope,
16:18 l'appareil photo, je prends la photo,
16:21 une fois la photo prise, je regarde et je découvre la Terre.
16:24 Et c'est vrai qu'elle est là, je sais que je suis venu pour ça,
16:27 mais néanmoins je n'étais pas prêt à ça. Je vois cette Terre qui déroule,
16:30 parce que nous on va assez vite, on est à Mach 25.
16:33 - Elle est déjà boule ? - Oh, elle est déjà boule, parce qu'on est déjà
16:36 à 400 km de hauteur. En fait, en 8 minutes de temps,
16:39 on est déjà à 400 km de hauteur. - C'est ça qu'il faut rappeler.
16:42 - Et donc vous voyez la boule ? - Je vois la boule !
16:45 Et j'étais pas prêt à ça, parce qu'on a beau savoir, encore une fois,
16:48 qu'elle est ronde, mais le voir comme ça, perdu au milieu de nulle part,
16:51 dans un ciel noir obscur, c'est juste hallucinant.
16:54 Et à ce moment-là, je suis pris d'euphorie.
16:57 Le premier sentiment, c'est une euphorie.
17:00 - Alors la gestion du corps dans la pesanteur,
17:03 comment vous la gérez ? Il faut apprendre une nouvelle gestuelle
17:06 en permanence ? - Oui, là aussi, on sait pas.
17:09 Alors, c'est pas la peine trop de s'entraîner,
17:12 parce que très vite, on apprend qu'on a
17:15 accès à une troisième dimension,
17:18 puisque au lieu de marcher sur quelque chose de plat, il y a deux dimensions.
17:21 On peut voler, mais voler, c'est très compliqué,
17:24 parce que si, par exemple, vous essayez de visser quelque chose,
17:27 et que vous volez, c'est pas la chose que vous allez visser, c'est votre corps
17:30 qui va dévisser. Si vous essayez d'enfoncer un tiroir et qu'il résiste un peu,
17:33 c'est pas le tiroir qui va bouger, c'est votre corps qui va s'éloigner.
17:36 - Et oui, et ce propos vous dit justement que si les hommes
17:39 habitaient dans l'espace, on finirait à avoir les pieds crochus.
17:42 - Les pieds crochus, parce qu'à la manière
17:45 des singes, on trouve très vite le réflexe, et avec le pied,
17:48 on s'agrippe aux branches, on se retient aux branches.
17:51 Pour avoir les mains libres, la seule façon, c'est de bloquer les pieds.
17:54 - Et les gestes du quotidien, il faut
17:57 deux à trois fois plus de temps pour les exécuter.
18:00 - Oui, c'est l'euphorie, et très vite, ça devient compliqué.
18:03 Vous voulez vous raser, par exemple, il y a de l'eau,
18:06 mais si vous en mettez trop, elle s'évacue, elle va gêner les autres,
18:09 alors vous en mettez un petit peu, vous prenez la mousse,
18:12 vous n'avez pas quoi en faire, il n'y a pas de poubelle, et si il y a une poubelle,
18:15 ça ne va pas tomber par gravité, alors avec des lingettes,
18:18 tout prend du temps à faire en danger. - Et on ne craint pas de se saigner ?
18:21 - Non, mais tout pose problème.
18:24 Si vous saignez, le pire, ce serait d'être malade, par exemple,
18:27 de vomir dans l'espace, c'est arrivé dans l'histoire des vols habités.
18:32 Vous imaginez que ça part en trois dimensions, en apesanteur.
18:36 - D'où provient l'eau ?
18:39 - Dans ces vols-là, elle venait des piles à combustible,
18:43 à la manière des voitures qui roulent dans Paris,
18:47 à l'hydrogène, et qui font de l'eau,
18:50 les piles à combustible de la navette faisaient de l'eau, on la récupérait,
18:53 on pouvait la boire. - Pardon, on va être très trivial,
18:56 mais ça ne fait rien. Et les fonctions urinaires ?
18:59 - Alors ça, c'est à la fois simple et compliqué.
19:02 C'est simple, parce que c'est un aspirateur,
19:05 vous avez un petit embout, un embout par personne, question d'hygiène,
19:08 et puis vous arrivez, mais le réflexe d'uriner, par exemple,
19:11 n'est pas naturel, parce que vous n'avez pas la pesanteur.
19:14 Jean-François Clairvoy, qui était un bon ami, m'avait dit
19:17 qu'il fallait s'entraîner, parce qu'au décollage,
19:20 tu verras, tu auras les jambes en l'air, tu as des couches,
19:23 si tu dois faire pipi, il faut faire pipi dans des couches, c'est pas évident.
19:26 Il m'avait conseillé d'aller dans ma baignoire, de mettre des couches,
19:29 et de me mettre les pieds en l'air. Grand bien, il m'en a pris.
19:32 Merci Jean-François, si tu nous écoutes. Dans l'espace,
19:35 c'est pas évident, il est arrivé que des astronautes n'arrivent pas à uriner,
19:38 n'arrivent pas à retrouver le réflexe.
19:41 - Il a fallu les sonder, c'est ça ? - Il a fallu les sonder.
19:44 C'est arrivé à plusieurs reprises.
19:47 Alors moi, c'est assez simple. La première fois que j'essaye,
19:50 j'ai un peu de mal, et puis j'ai pensé à autre chose, notamment les impôts,
19:53 ce qui est assez lourd en France, et très rapidement,
19:56 j'y ai retrouvé les moyens. - Les impôts comme facilitateurs urinaires.
19:59 - A retenir. - Ca marche bien.
20:02 - Et vous racontez aussi, et ça c'est très intéressant,
20:05 que la remontée des fluides à la tête aussi,
20:08 entraîne des quelques soucis, notamment concernant la digestion,
20:12 concernant la transformation du visage.
20:15 - Vous pourriez presque en faire l'expérience,
20:18 c'est l'équivalent de quelqu'un qui se réalitait,
20:21 mais les pieds un peu en l'air. Prenez plusieurs bottins de téléphone,
20:24 je sais que ça n'existe plus, mais vous les mettez sur un lit,
20:27 et on nous conseillait de faire ça avant le décollage pour commencer à s'entraîner,
20:30 à la répartition des fluides vers la tête.
20:33 Ce que vous mentionnez est intéressant,
20:36 c'est que dès qu'on arrive en apesanteur,
20:39 les fluides quittent le bas du corps,
20:42 et se retrouvent dans la tête.
20:45 - Oui, et à partir de là, la tête est déformée,
20:48 donc je me retourne, j'arrive dans l'espace,
20:51 et je regarde mes collègues, ils ont tous des têtes mais pas possibles,
20:54 avec des pommettes saillantes, les yeux bridés, etc.
20:57 - Un peu de Picasso et Francis Bacon.
21:00 - Et là je me dis, mais ils sont habités, c'est pas possible,
21:03 alors très vite je vais chercher une glace, je me regarde, j'ai à peu près la même tête.
21:06 - Ah oui, c'est incroyable. Autre effet physiologique de l'apesanteur ?
21:09 - Est-ce que ça fait un sentiment de peur,
21:12 ou d'appréhension, ou pas du tout ?
21:15 - De voir les gens se transformer ?
21:18 - Oui, de vous voir vous-même les gens se transformer.
21:21 - C'est inquiétant, parce que là aussi on n'est pas prêt à ça,
21:24 on ne comprend pas que les gens se transforment.
21:27 C'est pareil si on les voit à l'envers, par exemple.
21:30 L'apesanteur, ça permet de vivre dans des verticales différentes,
21:33 chacun peut choisir sa verticale. Il m'arrive à un moment de voir quelqu'un,
21:36 je l'explique dans le bouquin "Le visage à l'envers",
21:39 et je me vois rejoindre ce soir sur un lit, et regarder un visage à l'envers,
21:42 c'est très moche, avec la bouche au-dessus qui bouge, ça n'a aucun sens.
21:45 - Ah oui, parce que vous voyez la tête en bas, vous vous voulez.
21:48 - Donc on s'habitue à toutes ces petites misères de l'apesanteur.
21:51 - En tout cas, le 7 juin 2002 a été un grand jour pour vous, Philippe Perrin,
21:56 vous avez pu commencer les grandes manœuvres et rejoindre la Station Spatiale Internationale.
22:00 En 14 jours, vous ferez 3 sorties extravéhiculaires très harassantes.
22:05 Comment vous les avez vécues ? Vous nous raconterez tout dans un instant, sur Sud Radio.
22:09 A tout de suite.
22:11 Sud Radio, la culture dans tous ses états. André Bercoff, Céline Alonso.
22:16 Sud Radio, la culture dans tous ses états. André Bercoff, Céline Alonso.
22:39 Ainsi parlait Zaratoustra, Richard Strauss.
22:43 - Eh oui, 2001, l'Odyssée de l'espace, ce film a bouleversé votre enfance, Philippe Perrin.
22:48 Que vous a-t-il appris précisément ce film ?
22:52 - Que l'espace donne du sens, en tout cas on peut chercher le sens de nos vies,
23:00 le sens de ce qu'on fait, etc. Dans l'espace gamin, on n'avait pas trop la télé à l'époque,
23:05 les vacances, je me souviens avec mes parents, on était allongés sur le sable et on regardait les étoiles.
23:09 Tous les soirs, on regardait les étoiles. Ça prenait 1h, 2h, et à l'époque ça se faisait.
23:14 Et on apprenait quelque chose de regarder les étoiles.
23:17 Je crois qu'aujourd'hui, le spatial, ça parle des choses essentielles,
23:20 d'ailleurs ça fait deux choses, ça regarde la Terre pour savoir comment la Terre évolue
23:23 et comment préserver la vie sur Terre, puis ça regarde l'espace pour savoir si la vie existe ailleurs que sur Terre.
23:28 On parle quand même bien de sens là.
23:30 - Alors 30 ans après avoir rêvé d'aventures futuristes, le 7 juin 2002,
23:35 vous voilà membre de conduite d'un vaisseau spatial américain, prêt à accoster à un vaisseau spatial international.
23:41 Ce rendez-vous spatial, comme vous le dites dans votre jargon, est un moment vraiment sacré pour un astronaute.
23:47 Que désigne-t-il précisément ? Racontez-nous, expliquez-nous.
23:51 - Je maîtrise très particulièrement dans l'espace, les choses ne volent pas tout droit.
23:56 Donc on a des arabais, ce qu'on fait un peu comme dans le film, on voit les véhicules qui se suivent et qui finissent par s'accoupler,
24:04 et tout ça est d'une grande technicité et en même temps d'une grande simplicité et d'une grande beauté.
24:09 Donc c'est aussi un rêve de gamin.
24:13 Ce que j'essayais d'expliquer dans le bouquin, c'est qu'on a le droit de vivre ses rêves d'enfant.
24:16 Alors je ne dis pas que tout le monde deviendra astronaute, mais on a le droit de rêver et on a le droit un jour de réaliser ses rêves.
24:22 Et pour moi une société qui se respecte est une société qui donne aux enfants les chances de...
24:27 - On a presque envie de dire on a le devoir de rêver. - On a le devoir de rêver.
24:31 - Dans tous les domaines. - Oui, oui, oui.
24:33 - Mais ce que je voulais savoir c'est que dans l'approche et l'accouplement de ces deux engins spatiaux, est-ce que toute manœuvre peut être fatale ?
24:39 - Oui, oui, oui. Vous avez deux engins qui chacun pèsent une centaine de tonnes,
24:46 qui vont se rapprocher à quelques centimètres secondes de vitesse relative.
24:51 S'il y a trop de vitesse, on peut casser, on peut endommager les matériels.
24:54 D'ailleurs il y a tellement d'énergie qu'au moment où les deux engins s'accouplent, ils se mettent à vibrer.
25:01 C'est-à-dire qu'en fait toute l'énergie est évacuée par les panneaux solaires qui rentrent en vibration et qui dissipent comme ça l'énergie.
25:07 Il va falloir attendre que ces vibrations s'arrêtent pour finalement créer l'étanchéité et créer un passage entre les deux véhicules.
25:13 - Pour qu'elles s'accouplent, pour qu'elles se... - Voilà, voilà.
25:15 - Alors quel souvenir vous gardez effectivement quand vous avez réussi à pénétrer à bord de l'ISS ?
25:21 A bord, il y avait donc deux Américains et un Russe. Ils étaient à bord de cette station depuis six mois.
25:27 - Oui, et ce que je vois c'est un équipage en relative détresse.
25:31 Il faut, je crois par exemple, rendre hommage à Thomas qui a fait deux fois six mois dans l'espace.
25:36 C'est très difficile, c'est très dur de faire six mois dans l'espace. Très très long.
25:39 Là l'équipage que je rencontre... - Détresse pourquoi ? Vous allez devoir faire un fatigué ?
25:43 - Parce qu'ils veulent revenir. - Émotionnellement, oui.
25:45 - C'est pas leur maison. Ils veulent revenir sur Terre. Ils sont très pressés.
25:49 D'ailleurs c'est compliqué parce qu'on va faire la mission, puis après on va prendre du retard
25:53 parce que les conditions météo sont mauvaises en Floride.
25:58 Donc chaque jour qui passe les rend un peu plus nerveux, notamment ceux qui ont des enfants encore jeunes.
26:03 Je crois que c'est une grosse différence. - Oui, oui.
26:05 - J'ai dit à un moment, le mieux peut-être pour partir dans l'espace, faire un vol lointain, partir longtemps,
26:09 ou ne pas avoir d'enfants, ou d'avoir des enfants qui soient déjà partis quelque part.
26:14 - Oui. - Ou d'être un peu narcissique, dites-vous.
26:17 - Je dis que si on pense aux autres, mais c'est vrai de toutes les vies d'aviateur,
26:23 un aviateur c'est quelqu'un qui prend des risques. On prend des risques pour soi-même, c'est assez facile.
26:28 J'ai jamais eu de problème avec ça. En fait, même je dois l'avouer, j'aimais ça.
26:32 Mais les risques, on les prend pour ceux qui restent.
26:34 - Quand il y a change de famille, les enfants.
26:37 - Oui, si on vit pour soi, c'est beaucoup plus facile.
26:39 Mais si on vit pour les autres, à ce moment-là, on les met en péril.
26:43 Et c'est ça la difficulté du métier. C'est ça.
26:47 - Alors, 48 heures avant votre première sortie dans l'espace, vous avez été pris de nausées.
26:53 Est-ce que vous avez eu peur d'être malade dans l'espace ? Parce que là, ça aurait été terrible pour vous.
26:58 - Oui, alors, on revient au syndrome de l'imposteur, on a évoqué en début de mission.
27:03 Moi, je n'ai pas un physique au départ extraordinaire.
27:05 C'est-à-dire que je fais des études, ça a bien marché.
27:09 Je ne suis pas un grand sportif, donc je m'entraîne, je m'entraîne beaucoup.
27:13 Je développe toutes les qualités requises.
27:16 Et puis, il reste le mal de l'espace.
27:17 Et ça, ce n'est pas quelque chose pour lequel on peut s'entraîner.
27:19 On peut être malade.
27:20 - Ce n'est pas le mal de mer, ça n'a rien à voir.
27:22 - C'est un peu comme le mal de mer dans le sens où on part sur un bateau,
27:24 on ne sait pas avant si on va être malade ou pas.
27:26 Et on ne peut rien faire.
27:27 Et donc, moi, je me retrouve le premier jour dans l'espace, un peu malade.
27:30 Ce n'est pas grave, parce que le commandant, on est tous, tous les nouveaux à voler, on est malade.
27:34 - On vous dit, pardon, la première sortie, vous savez, on dit, voilà, c'est maintenant, dans une heure, demain, etc.
27:40 On vous l'annonce, enfin, comment ça se passe ?
27:42 - Oui, tout est programmé à la minute.
27:43 - Il y a une chronologie respectée.
27:44 - Une anecdote très importante.
27:46 J'arrive dans l'espace, on fait une piqûre de primpérant,
27:48 mais on le fait à tous les jeunes astronautes.
27:50 Et c'est le commandant de bord qui fait la piqûre.
27:52 Le commandant de bord, il n'est pas infirmier.
27:54 Donc, avant le décollage, on a tous sur les fesses une marque pour aller être piqué.
27:58 - Ah, les petits, d'accord.
28:00 - Et moi, au moment où on fait la marque, on me dit, mais tu veux rajouter quelque chose ?
28:02 Je dis, oui, s'il vous plaît, dessinez-moi un drapeau français, écrivez "Vive la France".
28:05 Donc, j'ai décollé avec un "Vive la France" sur la fesse droite, j'ai été piqué.
28:09 - Ah, c'est joli.
28:10 - Et ça, c'est le premier jour.
28:11 Et arrive, effectivement, ce que vous mentionnez,
28:13 ce qui est la veille ou l'avant-veille de la sortie extravéhiculaire.
28:15 Je suis à bord de la station, la station est grande, il y a beaucoup d'angles, je redeviens un peu nauséeux.
28:20 Et là, je me souviens qu'une fois, un astronaute est sorti nauséeux, a failli vomir dans le scaphandre.
28:25 Si vous vomissez dans le scaphandre, vous mourrez noyé.
28:27 - Eh oui.
28:28 - Et donc, je suis très inquiet, puis je suis un peu comme les équipes de foot françaises, un peu psychos.
28:32 Là, il faut y aller, mais on n'est pas sûr.
28:34 On n'a pas cette volonté qu'ont les Américains de faire les choses sans se poser de questions.
28:38 - Et vous dites, effectivement, que le médecin de l'équipe vous a bien rassuré, t'as compte.
28:42 - Et le commandant de bord me regarde dans les yeux, il me dit, écoute, Philippe, tu as été entraîné pour faire cette mission,
28:46 donc maintenant, tu vas la faire.
28:48 Et instantanément, je suis plus malade.
28:50 - Eh oui.
28:51 - Parce que j'avais un bon coach.
28:52 - Basta, vas-y.
28:53 - En tout cas, le 8 juillet 2002, la veille de votre sortie dans l'espace, vous effectuez les derniers rituels,
28:58 notamment préparer les scaphandres.
29:00 Vous racontez que c'est une tâche très délicate.
29:03 Votre vie ne dépendra que du fonctionnement du scaphandre.
29:07 Tout peut s'enflammer à la moindre étincelle.
29:10 - Pour ceux qui ont fait de la projet sous-marine, c'est un peu équivalent.
29:13 On part avec du matériel, si le matériel n'est pas bon...
29:16 Mais ce qui est propre aussi à un scaphandre, c'est qu'on va respirer de l'oxygène pur.
29:20 Pourquoi ? Parce que le scaphandre, il est pressurisé à un tiers d'atmosphère, pour ne pas être trop rigide,
29:24 et un tiers d'atmosphère, pour survivre, il faut de l'oxygène pur.
29:27 L'oxygène pur, c'est inflammable.
29:29 Donc le risque, en fait, c'est de prendre feu.
29:31 Et pour l'anecdote, par exemple, je ne peux pas voler avec mon alliance,
29:34 parce que l'alliance, ce serait le risque de créer une étincelle dans le scaphandre,
29:38 et donc de prendre feu.
29:39 - C'est entièrement oxygène pur.
29:41 - Oxygène pur. Et ça rappelle, si vous voulez, l'accident malheureux d'Apollo 1,
29:45 où les astronautes étaient à l'oxygène pur sur le pas de tir, avaient pris feu, étaient décédés.
29:50 Donc il faut être très précautionneux avec ce scaphandre.
29:53 - Et oui, d'autant plus que vous racontez qu'effectivement, si cette armure est mal réglée, ça peut meurtrir vos chairs.
30:00 - Alors de toute façon, ça va meurtrir les chairs.
30:02 Ce qui est très marrant, c'est que vous la réglez un peu comme vous voulez.
30:05 Alors si vous la réglez trop serrée, trop lâche, par exemple, vous allez flotter,
30:09 vos mains vont flotter dans les gants, c'est un peu comme des moufles au ski, vous pourrez rien attraper.
30:14 Si vous voulez être précis, vous allez serrer les gants,
30:17 et à ce moment-là, vous allez appuyer sur les ongles,
30:19 et typiquement, les astronautes perdent leurs ongles après une sortie extraordinaire.
30:22 Ils deviennent noirs, et vous les perdez.
30:24 Alors, la façon de ne pas les perdre, c'est de les couper très rarement,
30:27 une première fois, une deuxième fois, jusqu'au sang, jusqu'à la chair.
30:30 Et là, vous avez une chance de garder vos ongles.
30:32 - Ah oui.
30:33 - Donc c'est, voilà.
30:34 - Oui. Alors il y a une chose dont le scaphandre ne vous protège pas,
30:37 c'est la multitude de protons et de rayonnements alpha qui polluent en orbite autour de la Terre,
30:41 en orbite basse plutôt, et qui vont irradier donc votre corps au travers des tissus, écrivez-vous.
30:46 Quels sont les risques pour vous ?
30:48 - Alors, bon, s'il y a vraiment un espèce de vent solaire très fort,
30:52 lié à une éruption solaire, c'est très grave,
30:54 ce n'était pas le cas, on nous met un dosimètre pour savoir à peu près quelle est la dose qu'on a pu prendre.
30:58 Sur une sortie extravehiculaire de 7 heures, ça ne va pas être énorme.
31:02 Le risque, ce serait effectivement sur des missions lointaines,
31:05 sur des missions martiennes, où là on se rend compte que,
31:08 dans mon cas, on est encore protégé, on n'est plus protégé de l'atmosphère,
31:11 mais on est protégé de la ceinture de vent haleine, la ceinture magnétique terrestre.
31:15 Pour les missions lointaines, on sera hors de la ceinture magnétique terrestre.
31:18 - Excusez-moi, Philippe Perrin, dans la mission que vous avez faite,
31:21 vous êtes resté à l'intérieur de la ceinture de vent haleine ?
31:24 - De la ceinture de vent haleine.
31:25 - Et ça, vous ne la dépassez pas ?
31:26 - Non, on est au-delà de l'atmosphère.
31:27 Alors l'atmosphère, c'est une grosse protection.
31:29 Il faut quand même se souvenir que ce qui nous protège principalement,
31:32 c'est notre atmosphère.
31:33 C'est pour ça qu'elle est précieuse.
31:34 Pas uniquement pour ce qu'on respire,
31:36 mais aussi parce qu'elle nous protège des UV,
31:38 elle nous protège des micrométéorites,
31:39 elle nous protège...
31:40 C'est comme un bouclier.
31:41 Donc ce bouclier, on ne l'a plus.
31:43 Et on a ce rayonnement, ce vent solaire, ce rayonnement cosmique,
31:47 qui nous pénètre, parce que rien ne l'arrête.
31:53 - Mais vous parliez de risque.
31:54 Le risque, c'est quoi ? De développer un cancer ?
31:56 - Ah ben oui, c'est ça.
31:57 Oui, c'est ça.
31:58 - Et aujourd'hui, par exemple, sur Mars,
32:00 est-ce qu'on est protégé ?
32:02 On sait protéger les astronautes ?
32:04 - Non, c'est la grande limite d'un voyage martien.
32:07 Et c'est pour ça que si on fait un voyage martien,
32:09 il faudra le faire de façon très courte, très rapide.
32:11 Parce qu'aujourd'hui, entre la Terre et Mars,
32:14 on est hors de la ceinture de vent haleine,
32:16 on ne sait pas protéger les astronautes.
32:18 Et même dans un véhicule qui plus est en sortie extravéhiculaire.
32:22 Et donc on sait que ces gens-là sont condamnés à moyen long terme,
32:24 après le vol, à développer des cancers assez lourds.
32:27 - La seule façon d'aller sur Mars...
32:29 J'ai un camarade qui a volé avec moi sur la navette,
32:31 j'en parle dans le bouquin, c'est un type extraordinaire,
32:33 qui a développé un moteur qui permettrait d'aller sur Mars en 3 mois,
32:36 ou même peut-être en 1 mois et demi,
32:38 en résumant finalement la mission totale à 3 mois aller-retour,
32:42 qui serait à mon sens la seule façon d'aller sur Mars.
32:46 Aujourd'hui, vous l'avez vu dans des films comme...
32:49 Enfin, tous les films qui parlent des missions martiennes,
32:53 on part pour 6 mois de voyage,
32:57 on arrive sur place, les orbites sont déphasées,
32:59 la Terre est loin de Mars,
33:01 donc il faut attendre que les orbites se resynchronisent.
33:04 Et donc le voyage va durer 1 an et demi,
33:06 c'est beaucoup trop long.
33:08 - Alors votre première sortie dans l'espace a duré 7h30,
33:13 comme les deux autres.
33:15 Dehors, en quelque sorte, le plus grand risque,
33:18 c'est de tomber en panne de force physique, en quelque sorte.
33:21 - Je vais vous dire, le plus grand risque,
33:23 c'est d'échouer la mission.
33:25 On ne pense pas aux autres risques.
33:27 Quand on est là-haut, on a été envoyé, on a été sélectionné,
33:30 la mission coûte une fortune.
33:32 Dans ma mission, il y avait la réparation du bras robotique,
33:34 si j'échouais, il n'y avait plus de bras robotique,
33:36 il n'y avait plus de station.
33:38 Donc on s'oublie.
33:40 Le premier risque, c'est de dire "je ne vais pas être capable
33:42 de réparer ce truc-là".
33:44 Une fois qu'on a réparé, les autres risques, effectivement,
33:46 il y en a, il y aurait par exemple le risque de lâcher prise,
33:50 de partir dans l'espace.
33:52 On est toujours accrochés avec un filin,
33:54 mais imaginez que le filin casse, par exemple.
33:56 - Le fil de vie. - Le fil de vie, là vous partez dans l'espace.
33:58 - Philippe, j'ai une question à poser.
34:01 Le livre, et là vous êtes dans l'espace.
34:04 - Cette photo n'est pas un montage.
34:07 C'est la sortie.
34:09 Elle est prise par Vancan-Handeborg à travers le bleu de la navette.
34:11 - Il est sorti. Je voulais savoir,
34:13 il y a les risques, et vous êtes là pour faire un certain nombre de choses,
34:16 mais vous, alors, l'homme que vous êtes,
34:19 l'être humain que vous êtes, qu'est-ce qu'on sent
34:21 quand pour la première fois, on sort.
34:23 On sort de la navette. On est "in the space".
34:27 Est-ce qu'il y a un sentiment où vous ne pensez pas du tout à ça,
34:30 vous dites "attendez, j'ai des choses à faire et puis le reste..."
34:32 - Il y a les deux, mais toute ma vie, j'ai été confronté à ça,
34:35 puisque pilote de chasse, on avait des missions,
34:38 c'était très serré au niveau du temps, des réflexes, des choses à faire,
34:41 mais je savais prendre le temps de regarder aussi.
34:44 Pilote de chasse, on est à 800 km/h, on est près du sol,
34:47 mais à un moment donné, il y a un lever de soleil, il y a quelque chose, on regarde,
34:50 alors ça va durer quelques secondes, mais on sait regarder.
34:52 - Et là, vous avez regardé ? - Et là, je regarde.
34:54 Et donc, toute ma sortie, c'est d'arriver à faire les choses,
34:57 et en même temps, de regarder la Terre, parce que je suis comme obsédé,
35:00 en fait, par la présence de la planète Terre.
35:02 - Et qu'est-ce qui vous a le plus impressionné, justement,
35:05 en contemplant la Terre ?
35:07 - Il y a des tas de phénomènes. Alors, d'abord, il y a des choses incongrues.
35:10 Vous regardez les éclairs, le front intertropical au niveau de l'Afrique,
35:13 et vous croyez, de votre connaissance terrestre, qu'un éclair, c'est vertical.
35:17 En fait, non. L'éclair va zébrer, mais complètement, la surface de la carte africaine,
35:21 d'un bord à l'autre du continent.
35:23 - Et vous voyez ? - Et on voit qu'en fait, les phénomènes se répercutent.
35:27 Donc, on travaille, je dirais, à une autre échelle.
35:29 Le plus saisissant, et ça, les astronautes le disent toujours,
35:32 c'est la fragilité de la Terre, parce que ce petit liseré à 200 km,
35:37 au regard de la taille de la Terre, c'est absolument rien.
35:40 Et comme on est soi-même dans un vaisseau spatial, je le disais,
35:43 on regarde la Terre comme un vaisseau spatial, en disant,
35:45 la petite protection, c'est vraiment pas grand-chose.
35:47 Ça, c'est ce qui anime, je dirais, tous les astronautes.
35:50 Moi, j'ai eu un sentiment, un autre sentiment, qui est partagé par certains, mais pas tous,
35:54 c'est de voir, en fait, un être vivant.
35:56 C'est-à-dire que je regarde la Terre, et je me dis, mais ça, c'est la cellule,
35:59 en fait, c'est un être vivant, je ne suis qu'un habitant de quelque chose qui est plus grand...
36:03 - De cette cellule, oui. - De cette cellule, qui d'ailleurs se protège.
36:06 Je lisais récemment un auteur de science-fiction,
36:10 fan-fiction, on va dire, Jean-Pierre Gou, qui dit,
36:13 "La Terre est habitée, regarde, elle se protège."
36:15 Avec Elon Musk, on sera capable, un jour, si par exemple, il y a un astéroïde qui vient,
36:19 d'envoyer une fusée, de se protéger.
36:21 - De se protéger. - Donc, c'est bien une cellule,
36:23 c'est bien un corps qui est en train de se défendre,
36:25 - C'est vrai. - contre... et l'homme fait partie de cette défense.
36:27 - Il est vivant. - Il aura ses anti-immunités, enfin, l'immunité, quoi.
36:30 - Exactement, exactement.
36:32 Donc, l'image est très intéressante.
36:34 Elle reprend un peu la pensée du philosophe Teilhard de Chardin,
36:37 qui avait pas mal de résolutions.
36:39 - Et juste un mot, en parlant de la poésie, mais,
36:42 vous savez qu'il y a ce verre très célèbre des Loires,
36:44 "La Terre est bleue comme une orange",
36:46 - Oui. - et est-ce qu'on sent,
36:48 mais même n'eût-fût-ce qu'une fraction de seconde,
36:51 un sentiment de poésie ou de beauté ou d'esthétique ?
36:54 Est-ce que ça se joue à ce moment-là ou pas du tout ?
36:56 - D'abord, je crois beaucoup aux poètes et aux auteurs de fiction,
36:59 qui arrivent à avoir des espèces de flashs, comme ça, de compréhension.
37:03 C'est vrai qu'elle est bleue comme une orange,
37:04 parce que d'abord, elle est ronde comme une orange,
37:06 et cette rondeur n'a pas de sens.
37:08 Très honnêtement, quand vous regardez une photo de la Terre,
37:11 vous la voyez ronde, mais c'est une photo,
37:12 une photo c'est toujours plat, c'est toujours en deux dimensions.
37:15 Quand vous la voyez ronde, c'est comme un ballon de football, quoi.
37:17 Et ça, il n'y a que le poète pour l'exprimer,
37:20 donc ça c'est important.
37:23 - Et avez-vous songé à ne pas revenir sur Terre une fois là-haut ?
37:26 - Un peu, un peu, mais heureusement, j'ai une femme,
37:29 j'ai deux enfants à l'époque, qui m'attendent,
37:31 donc je sais qu'ils vont revenir.
37:32 - Pas leur dire bye-bye ?
37:34 - Mais il y a une pensée, je pense, un peu celle du "dans le grand bleu",
37:39 du plongeur qui part et qui est attiré par les profondeurs,
37:43 et qui se dit "mais c'est tellement beau, j'aimerais rester là".
37:46 En fait, on aimerait que sa vie s'arrête là.
37:48 - Alors comment s'est passé votre retour sur Terre ?
37:50 Vous nous raconterez tout dans un instant sur Sud Radio.
37:52 A tout de suite.
37:53 Sud Radio, la culture dans tous ses états.
37:57 André Bercoff, Céline Alonso.
38:01 On ne sait pas qui il est
38:03 On ne sait pas d'où il vient
38:09 Il est né avec la rosée du matin
38:17 Une rose entre ses mains
38:22 - Eh oui, le petit prince, Gérard-Lenormand-Philippe Perrin,
38:25 vous êtes le premier astronaute à avoir été enceint.
38:28 Gérard-Lenormand-Philippe Perrin, vous êtes le premier astronaute
38:31 à avoir amené une édition du "Petit Prince" de Saint-Exupéry dans l'espace.
38:35 - S'il te plaît, dessine-moi un mouton.
38:38 Mais un mouton spatial, bien sûr.
38:40 - Saint-Exupéry a fait preuve de vision
38:43 quand il décrit ce "Petit Prince" trop grand sur une planète trop petite.
38:46 C'est un peu ce qu'on est aujourd'hui,
38:48 nous, une population trop grande sur une planète trop petite.
38:51 Et Saint-Exupéry avait des phrases étonnantes.
38:55 Comme aviateur, il avait compris qu'on était sur une planète dans l'univers.
38:58 Il dit à un moment, "Pourquoi nous haïr ?
39:01 Nous sommes tous solidaires, emportés par une même planète,
39:04 équipage d'un même navire, il aurait pu dire d'un même vaisseau."
39:07 Donc là aussi, encore une fois, le poète, l'écrivain,
39:11 arrive à imaginer un futur qu'on a parfois du mal à comprendre.
39:15 - Parlons à présent de votre retour sur Terre, Philippe Perrin.
39:19 Qu'avez-vous ressenti en vous posant sur cette planète ?
39:22 - Alors, je la découvre, mais comme un alien,
39:26 je reviendrai sur une nouvelle planète.
39:29 La Terre m'apparaît comme une planète, encore une fois,
39:32 elle est étrangement ronde, elle est habitée,
39:35 il y a des gens, il y a pléthore d'oxygène.
39:38 Il faut imaginer qu'on est, nous, depuis 14 jours, en manque de tout,
39:41 en apesanteur, et on mesure ce qu'on mange, ce qu'on boit, ce qu'on respire,
39:46 à tel point qu'à la fin, il fait mauvais en Floride,
39:49 on n'a plus qu'une journée de réserve et d'oxygène à respirer,
39:53 et on se retrouve sur Terre, et là, c'est...
39:56 - Il y a pléthore, on respire. - Voilà, on respire.
39:58 Donc l'idée, c'est bien ici, il faut peut-être s'en occuper.
40:02 Et donc ça devient, pour moi, une évidence,
40:04 et c'est là que je rentre dans une démarche de protection de l'environnement,
40:08 comme conférencier, et puis aujourd'hui, petitement,
40:11 à Toulouse, comme élu local.
40:13 - Et oui, effectivement, après votre vol, vous êtes retourné chez vous,
40:17 à Toulouse, auprès de votre famille,
40:19 vous quittez le programme spatial et abandonnez donc toute idée d'aller un jour sur la ligne,
40:24 mais comment vous vous êtes, comment dire, désintoxiqué ?
40:27 C'est une drogue dure, vous le racontez dans votre livre.
40:30 - Dès le début. - Comment avez-vous fait ?
40:31 - Dès le début, je comprends que ça va être une drogue dure,
40:33 et on me prévient, on me dit la difficulté, c'est pas de voler, c'est de retomber, en fait.
40:38 Et je décide de pas revoler à nouveau, c'est-à-dire de pas rester accro à cette drogue,
40:43 je me dis plutôt tu te désintoxiques, et une façon de me désintoxiquer,
40:47 c'est de me redonner un nouveau défi,
40:49 et ce défi, ça va être de rentrer dans l'industrie,
40:52 parce que je veux participer à la souveraineté de la France,
40:54 je veux pas voler sur des matériels étrangers,
40:56 moi ce que je veux, c'est développer des technos françaises,
40:59 et donc je vais rentrer chez la grande Airbus,
41:01 où je vais travailler 17 ans de ma vie,
41:03 pour essayer de trouver des nouveaux moteurs, des nouvelles énergies,
41:06 de meilleures façons de consommer,
41:08 et puis jusqu'à l'avion électrique,
41:10 Vahana, qui était un avion électrique d'Airbus,
41:13 et puis je quitte Airbus, pour rentrer dans le monde de l'hydrogène,
41:16 où je travaille aujourd'hui.
41:17 - Oui, sur un avion à hydrogène.
41:19 - Je travaille pour une start-up toulousaine,
41:21 qui s'appelle Blue Spirit Aéros,
41:23 et je pense qu'on a la bonne formule pour faire voler un 6 places à l'hydrogène gazeux d'ici 2 ans.
41:27 - Ok, mais si demain on vous propose de partir sur la Lune,
41:31 vous refuseriez d'y aller ?
41:33 - Alors, la Lune non.
41:35 La Lune non. Si j'ai quitté, en fait,
41:38 assez tôt, parce que finalement j'ai quitté,
41:40 ce qui a permis à Thomas de venir, et c'est très bien,
41:42 c'est parce que je pensais que je n'avais aucune chance d'aller sur la Lune.
41:45 Et je me disais, le temps qu'on fasse des missions lunaires, tu seras trop vieux.
41:49 En fait, là, il y a une mission qui s'appelle Artemis II,
41:51 qui part bientôt sur la Lune,
41:53 j'aurais eu l'âge de voler, j'aurais pu voler à bord,
41:55 il y a un astronaute canadien qui va voler,
41:58 donc j'aurais pu être à sa place.
42:00 Donc, quelque part, je suis peut-être parti un peu trop tôt,
42:03 mais sans regret.
42:05 - Sans regret, c'est l'essentiel.
42:07 - Juste un mot, c'est vrai qu'il y a eu 14 jours,
42:09 ce n'est pas que 6 mois, etc.
42:11 Mais est-ce qu'il y a eu des choses,
42:13 quand vous êtes revenu sur Terre, etc.,
42:15 qui vous ont semblé un peu, pas bizarres,
42:17 mais un peu étranges ?
42:19 Est-ce qu'il y a eu une adaptation ? Pas du tout.
42:21 - Je reviens à la phrase de Saint-Ex,
42:24 on n'est pas fait pour se haïr,
42:27 le premier truc, en revenant,
42:29 alors, il faut imaginer ce qu'est le vol habité.
42:31 Le vol habité, c'est une initiative de tous, pour tous.
42:34 On voit une humanité qui travaille ensemble,
42:37 il n'y a plus de frontières.
42:39 Vous regardez la Terre, il n'y a pas de frontières.
42:41 Elles ne sont pas dessinées, comme sur Google,
42:43 ici, c'est la frontière.
42:45 On est russe, on est américain, on est ukrainien,
42:47 on est argentin, etc.
42:49 On vole ensemble, et on forme cette humanité.
42:51 Quand on revient sur Terre,
42:53 ce qui m'a vraiment frappé, c'était les guerres.
42:55 C'était les guerres, c'était les conflits.
42:57 J'étais dans un monde sans conflits,
42:59 et j'ai voulu ouvrir un monde avec conflits.
43:01 - Oui, c'est sûr.
43:03 Et puis, de là-bas, vous voyez la Terre,
43:05 pourquoi ils se battent ?
43:07 - Oui, c'est ça, pourquoi ils se battent ?
43:09 C'est la même.
43:11 - Philippe Herrin, merci d'être venu sur Sud Radio.
43:13 Votre vie est un véritable roman.
43:15 Je rappelle que votre livre en apesanteur,
43:17 qui a été préfacé par Sophie Adenau,
43:19 est sorti hier, chez Michel Laffont.
43:21 Tout de suite, sur Sud Radio,
43:23 vous retrouvez Brigitte Lahaie.
43:25 la culture dans tous ses états. André Bercoff, Céline Alonso.

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