SMART BOURSE - L'invité du lundi : Nadia Gharbi (Pictet Wealth Management)

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Lundi 23 octobre 2023, SMART BOURSE reçoit Nadia Gharbi (Économiste, Pictet Wealth Management)
Transcript
00:00 Une semaine économique qui sera chargée avec le retour des réunions de Banque Centrale
00:15 à commencer par la décision attendue de la BCE.
00:17 Ce jeudi pour la Réserve fédérale américaine, ce sera la semaine prochaine.
00:20 Nadia Garbi est avec nous en visioconférence depuis Genève, économiste chez Pictet Wealth
00:24 Management.
00:25 Bonjour et bienvenue Nadia.
00:26 Vous retrouvez un mot effectivement de cette réunion de la BCE devant nous.
00:31 Ce jeudi, tout le monde semble considérer que les planètes sont alignées pour une
00:35 pause en matière de décision de politique monétaire.
00:39 Quels vont être les éléments macroéconomiques qui seront à disposition du Conseil des Gouverneurs
00:45 ce jeudi pour cristalliser cette décision Nadia ?
00:47 Oui, alors c'est vrai que l'activité en zone euro reste faible conformément aux projections
00:53 du mois de septembre de la BCE.
00:56 La plupart des indicateurs continuent de montrer cette faiblesse marquée dans le secteur
01:01 manufacturier qui s'est étendue dans le secteur des services.
01:06 Au niveau de l'inflation, on a eu quelques données encourageantes mais on reste tout
01:10 de même à des niveaux très élevés.
01:13 Et je dirais que la BCE disposera de deux données assez importantes avant sa réunion
01:19 publiée demain.
01:20 On aura l'enquête PMI qui nous donnera une première idée de l'activité au quatrième
01:28 trimestre et l'enquête sur les prêts bancaires qui donnera un aperçu sur la transmission
01:33 de politiques monétaires.
01:35 Effectivement, on évoquait avec Alexandre Baradez, quand on regarde le niveau de l'euro/dollar,
01:42 quand on regarde le niveau des cours du pétrole aujourd'hui, un euro assez faible, un dollar
01:49 assez élevé.
01:50 On sait que pour l'inflation en zone euro, c'est un cocktail qui est assez mauvais, Nadia.
01:56 Est-ce que cette situation sur le front des matières premières et sur le front du change,
02:00 est-ce que c'est quelque chose qui peut faire trembler à nouveau la BCE ?
02:04 Oui, c'est vrai que le consensus est un statu quo jeudi mais la Garde devrait tout de même
02:11 garder la porte ouverte à plus de hausses de taux dans les prochains meetings.
02:16 Au fond, garder cette optionnalité, c'est la meilleure stratégie actuellement dans un
02:20 contexte très incertain.
02:22 On a la montée de ces prix du pétrole, c'est plus l'effet indirect et les effets de second
02:30 tour que craint la BCE, plus que l'effet direct.
02:34 Donc, je dirais que la BCE devrait réitérer que maintenir les taux suffisamment longtemps
02:40 à un niveau restrictif reste la meilleure stratégie pour que l'inflation revienne à
02:47 sa cible et garder cette optionnalité, potentiellement une hausse de taux, voire deux, dans les prochains
02:54 meetings, même si les données récentes diminuent la probabilité d'une hausse.
03:02 Mais vraiment garder cette optionnalité.
03:04 Est-ce que la BCE et Christine Lagarde peuvent alimenter l'idée que l'on voit sur les
03:12 taux longs aujourd'hui ? C'est très américain sans doute comme histoire, mais par effet
03:17 d'aspiration et de mimétisme, on voit également les taux longs européens se tendre assez
03:22 nettement, autour de 3% pour le 10 ans allemand aujourd'hui, avec également la question
03:27 que ça peut poser pour les spreads.
03:30 Je ne sais pas si Nadia nous entend encore.
03:32 On va essayer de voir si on peut reconnecter à Nadia.
03:37 Oui Nadia.
03:38 J'ai juste entendu le mot spread.
03:41 Oui, c'était la question autour des spreads Nadia.
03:44 Je disais, comment est-ce que Christine Lagarde va communiquer sur ce qu'on observe sur
03:49 les parties longues de courbes obligataires ? Je disais, l'histoire est très américaine
03:53 avec un taux de 10 ans américain à plus de 5% aujourd'hui, mais par effet d'aspiration,
03:57 on voit bien le 10 ans allemand à 3%, le 10 ans français à quasiment 3,60%.
04:02 La question des écarts de taux évidemment qui revient sur le devant de la scène en
04:07 zone euro, est-ce que cette correction du marché obligataire, est-ce que c'est quelque
04:12 chose que la BCE va saluer d'une certaine manière dans cette idée qu'elle a besoin
04:18 de lutter encore contre l'inflation ? Ou est-ce que ça devient un risque pour la stabilité
04:24 financière et la stabilité de la zone euro ?
04:25 Oui, alors sur ce point, je pense que la BCE vraiment va éviter, je dirais, toute fragmentation.
04:33 Au fond, ce que craint la BCE, plus que cette remontée des taux qui resserre les conditions
04:38 de crédit, c'est vraiment une fragmentation dans la zone euro.
04:42 Donc, je pense que Lagarde aura à mon avis des questions sur le sujet.
04:47 Elle dira vraisemblablement que les réinvestissements du PEP sont la première option.
04:53 La BCE a d'autres outils.
04:56 Mais ce contexte actuel, je dirais, favorise plutôt une décision sur le bilan qui au
05:01 fond va être le focus ces prochains mois, plutôt en décembre, voire en début d'année
05:07 prochaine, plus que cette semaine.
05:09 Donc, toutes les questions liées au bilan, à l'accélération de la réduction du bilan,
05:15 dans ce contexte de resserrement, devraient plutôt intervenir en décembre, voire même
05:20 au début de l'année.
05:21 C'est quoi, selon vous, la philosophie d'une décision sur le bilan pour la BCE à ce stade,
05:28 Nadia ?
05:29 La BCE a deux options pour réduire son bilan.
05:32 Soit elle vend les obligations dans la PP, soit elle arrête les réinvestissements dans
05:36 le PEP.
05:37 Entre les deux options, on favorise plutôt, selon nous, celle du PEP avec un arrêt des
05:44 réinvestissements.
05:45 Ça paraît encore trop prématuré à ce stade, étant donné ce qu'on voit dans le
05:50 marché européen obligataire, notamment avec ces spreads italiens.
05:55 À mon avis, la BCE va vraiment agir avec prudence.
05:59 On le sait qu'une partie du Conseil des gouverneurs commence à parler de cette réduction des
06:05 bilans, de ces réinvestissements du PEP, mais à ce stade, c'est encore trop prématuré.
06:12 Donc, voilà, la gare d'Irak, c'est une discussion qui est en cours, mais que les conditions
06:15 ne sont pas encore réunies pour avoir une décision formelle sur une accélération de
06:22 la réduction du bilan à ce stade.
06:24 Est-ce que la BCE tient compte de manière implicite des programmes de financement des
06:29 Etats prévus pour l'an prochain ?
06:31 Il n'y a pas un appétit délirant pour de la consolidation budgétaire, notamment autour
06:38 du semi-coeur ou du début de périphérie en zone euro.
06:42 La France n'a pas une trajectoire de finance publique pour l'an prochain qu'on pourrait
06:47 juger de rigoriste, l'Italie non plus.
06:50 En revanche, on peut signaler quand même que des pays à la périphérie, Portugal,
06:54 Espagne, Grèce, continuent de faire des efforts de consolidation budgétaire importants l'un
06:59 dans l'autre.
07:00 Est-ce que la question du financement des Etats l'an prochain en zone euro est un caillou,
07:05 un gros caillou dans la chaussure de la BCE ?
07:08 Tout à fait, c'est un élément à mon avis qu'elle prend en compte dans son équation.
07:13 C'est vrai que quand on regarde les plans budgétaires pour 2024, on voit que dans la
07:18 majorité des cas, la réduction du déficit se fait soit en arrêtant les mesures exceptionnelles
07:24 liées à la pandémie, soit à celles de la crise énergétique, plus qu'une volonté
07:29 vraiment de consolidation.
07:31 Maintenant, je dirais que l'année 2024 sera tout de même une année un peu de transition.
07:35 Ça fait trois ans qu'on avait un arrêt des règles fiscales et maintenant, on ne sait
07:41 pas vraiment quel va être encore le cadre.
07:43 Il y a beaucoup d'incertitudes sur le fait de, est-ce que oui ou non, les Etats membres
07:49 arriveront à un accord sur les règles fiscales.
07:51 Donc, je dirais que dans ce contexte un peu d'incertitude, la BCE va éviter de mettre
07:56 de l'huile sur le feu dans le contexte actuel.
08:00 Si on dit un mot de la partie américaine, Nadia, alors évidemment, l'événement du
08:05 jour, c'est ce monde des taux longs américains à 10 ans à 5%.
08:10 Qu'est-ce que ça inspire comme commentaire sur le plan économique ? Nadia, est-ce que
08:17 l'économie américaine justifie un monde de taux longs à 5% aujourd'hui ?
08:22 5% c'était un peu la moyenne avant la pandémie, avant la crise financière.
08:30 C'est vrai qu'on a deux éléments.
08:31 On a cette résilience de l'économie US qui surprend et on a aussi les questions budgétaires
08:38 de déficit avec ce déficit américain qui se creuse très fortement.
08:43 Donc, dans ce contexte, un 5% peut paraître, je dirais, en guillemets, raisonnable.
08:49 Mais c'est vrai que la résilience de l'économie américaine surprend.
08:54 Et si on regarde au-delà des chiffres du troisième trimestre, ce sera une des publications
08:59 attendues cette semaine, alors tous les indicateurs de nowcasting qui mesurent en temps réel
09:04 la performance de l'économie américaine nous prédisent que la croissance trimestrielle
09:08 sera sans doute spectaculaire, si j'ose le mot, Nadia.
09:12 La question c'est, et ensuite, est-ce que c'est un chiffre un peu one-off ou est-ce
09:17 que les facteurs de solidité encore de l'économie américaine à ce stade sont des facteurs
09:22 de résilience qu'on peut encore retrouver devant nous pour quelques mois ?
09:25 Comme vous le savez, ce scénario un peu d'atterrissage en douceur gagne du terrain et c'est vrai
09:31 que le consensus a plutôt shifté, je dirais, sur ce scénario.
09:36 Selon nous, on va avoir, c'est vrai, comme vous le disiez, un T3, enfin un troisième
09:42 trimestre très fort, ensuite un ralentissement au quatrième trimestre et on a maintenu
09:46 ce scénario de récession au premier semestre, donc une récession qu'on attend plutôt modérée
09:54 aux Etats-Unis.
09:55 Mais voilà, les effets de ce resserrement de politique monétaire, de cette hausse des
09:59 taux réels, devraient tout de même avoir un impact sur l'économie américaine.
10:03 Vous dites 5% de taux nominal à 10 ans, enfin 2,5% de taux réels, on a des taux mortgage
10:08 à 8% et plus.
10:10 Alors, effectivement, personne n'emprunte aujourd'hui à 8% sans doute aux Etats-Unis
10:15 pour l'immobilier, mais il y a bien quand même ce chiffre-là aujourd'hui.
10:18 Ça ne peut pas ne pas avoir d'effet plus que ce qu'on a déjà observé ?
10:23 Tout à fait, je pense vraiment que les effets vont se faire sentir, peut-être avec un délai
10:30 plus important qu'initialement ce qu'on attend, mais selon nous, vraiment, on va avoir cet
10:36 effet du resserrement.
10:37 On voit déjà quelques petits éléments, mais voilà, le premier semestre, selon nous,
10:44 va marquer un peu le début de ce fort ralentissement de cette récession aux Etats-Unis.
10:48 Contexte là, Nadia, si on conclut là-dessus, quelle sera la manière que trouvera la réserve
10:54 fédérale américaine de réagir à cette situation de dégradation macroéconomique
11:00 qu'on peut avoir en tête pour le premier semestre 2024 ?
11:02 Alors, c'est une dégradation qui reste tout de même relativement faible ou mineure par
11:09 rapport au resserrement, mais je pense que la variable clé sera bien sûr l'inflation,
11:13 mais aussi le marché du travail et à quel point ce marché du travail restera résilient,
11:20 je dirais, ou s'affaiblira.
11:22 Donc, selon nous, on aura plutôt une réserve fédérale qui devrait maintenir un statu quo,
11:28 donc des taux d'intérêt inchangés et un début de baisse de taux, mais vraiment très
11:32 graduel à partir de juin de l'année prochaine.
11:35 Merci beaucoup, Nadia, pour ces éléments d'éclairage macro sur la situation européenne.
11:41 On s'attarde à quelques jours de la décision de la BCE qui sera ce jeudi et sur la partie
11:46 américaine, on aura cette semaine la publication de la première estimation de la croissance
11:50 américaine pour le troisième trimestre et la semaine prochaine, la réunion et la décision
11:53 de politique monétaire de la réserve fédérale américaine qui sera rendue le 1er novembre.
11:58 Nadia Garbi qui était avec nous en visioconférence depuis Genève, économiste chez Piquet Wealth
12:03 Management.
12:04 Voilà pour cette demi-heure d'émission, le supplément du lundi, vous le savez, à
12:07 partir de 13h30 en direct avec le plan de trading de Smartbourg, je le rappelle, et
12:11 Alexandre Baradez chez IG qui nous accompagnait pendant cette demi-heure.
12:15 On se retrouve bien sûr à 17h pour l'autre édition de Smartbourse en ce début de semaine
12:21 en direct.
12:21 Merci.
12:22 [Musique]

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