Samedi 4 novembre 2023, SMART @WORK reçoit Bénédicte Sanson (Cofondatrice et déléguée générale, Moovje) , Xavier Laurent (Directeur de Programme, Groupe Manutan) et Corinne Lejbowicz (Mentore, association Moovje)
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00:00 Smart at Work vous est présenté par Manu Tan.
00:03 Bonjour à tous, bienvenue dans Smart at Work, votre émission mensuelle autour du concept du bien travailler.
00:21 Alors ce mois-ci, je vous propose de nous intéresser de plus près au mentor, à comment devenir mentor, en quoi est-ce que ça consiste exactement,
00:29 qu'est-ce que ça apporte à une entreprise d'avoir dans ses équipes des mentors et pour les mentorer, est-ce que cela a vraiment une incidence,
00:37 est-ce que c'est vraiment un accélérateur de croissance, autant de questions auxquelles on va tenter de répondre dans un instant avec mes invités dans Smart at Work.
00:45 Et pour commencer cette émission, j'ai le plaisir de recevoir Bénédicte Samson, bonjour.
00:55 Bonjour, Valérie.
00:56 Bénédicte, vous êtes cofondatrice et déléguée générale du Mouv'J, association qui accompagne les jeunes de 18 à 30 ans dans leur développement personnel
01:02 et la croissance des entreprises par du mentorat.
01:05 Depuis 3 ans, je crois Bénédicte, vous avez accompagné 3500 jeunes entrepreneurs.
01:10 Moi j'aimerais d'abord peut-être qu'on redéfinisse le mentorat parce que je pense que c'est un mot que tout le monde connaît comme ça,
01:16 mais pas forcément précisément dans ce qu'il concerne finalement, dans son périmètre.
01:22 Tout à fait, effectivement, le mot mentorat est employé un peu dans tous les sens,
01:27 mais ce qui est très important quand on parle de mentorat, c'est première chose de savoir qu'on s'adresse à la personne,
01:33 dans un contexte professionnel, mais on va chercher profondément à aider l'être humain qui porte ce projet professionnel.
01:43 Ça c'est vraiment la première chose, on n'a pas un objectif à atteindre,
01:47 on veut faire en sorte que la personne se réalise au travers de son projet professionnel.
01:52 Et la deuxième chose, c'est qui de mieux placé que quelqu'un qui a déjà vécu ce que vous êtes en train de vivre,
01:56 qui peut vous aider justement sur ce développement.
01:59 Parce qu'un entrepreneur, par définition, il doit montrer qu'il est fort,
02:04 il doit montrer qu'il va développer sa boîte parce qu'il a toute la journée des personnes à convaincre.
02:08 En revanche, ça reste un être humain, un être humain qui a un certain nombre de phases à dépasser,
02:14 et ces phases ne sont pas toujours évidentes, parce que quand on démarre comme entrepreneur,
02:19 il n'y a aucun livre qui nous apprend ce qu'on va vivre.
02:21 Il faut beaucoup de résistance, voire beaucoup de résilience pour arriver à vivre ça.
02:25 Un autre entrepreneur a forcément vécu ce chemin-là,
02:27 et il va pouvoir aller chercher celui qui débute le parcours, parce qu'il sait ce qu'il ne dit pas.
02:35 Et il va pouvoir lui faire prendre conscience de tout ce qui va pouvoir arriver sur son chemin,
02:42 et l'aider à trouver en lui sa force, ses propres solutions,
02:46 et à savoir là où il aura besoin de se faire entourer,
02:50 et comment il pourra aller chercher le soutien dans son entourage.
02:53 Donc si je comprends bien, ce n'est pas juste des conseils sur la façon de mener son business,
02:56 c'est bien plus large que ça en fait ?
02:58 Ça n'est surtout pas des conseils.
03:00 Parce que justement, ce que n'est pas le mentor, c'est le sachant absolu.
03:03 Le mentor, sa première qualité, c'est l'humilité.
03:06 Il sait qu'il ne sait pas ce que fait l'autre, il sait que l'autre est différent de lui,
03:09 mais il sait que son expérience peut servir à l'autre.
03:13 Donc à aucun moment il ne va lui apporter un conseil, en revanche il va l'écouter,
03:16 il a une curiosité très forte et une envie que l'autre s'épanouisse au travers de ce projet qu'il a,
03:21 et il va aller le chercher, le questionner, éventuellement lui partager son expérience
03:26 face à des situations qui font écho à ce qu'il a vécu,
03:29 pour aider l'autre à trouver ses bonnes réponses.
03:32 Donc pas du conseil, jamais du conseil, jamais du coaching,
03:35 ce n'est pas "tu vas atteindre cet objectif-là parce que tu t'es fixé cet objectif-là",
03:40 c'est "je chemine à tes côtés et pendant ce cheminement,
03:44 je vais t'aider à identifier ce qui, pour toi, pourrait éventuellement poser une difficulté
03:50 et à trouver la solution pour la surmonter".
03:52 Alors parlons-en de ces mentors, quels profils ils ont ? Comment vous les sélectionnez ?
03:57 Vous avez donc bien compris que le mentorat pour entrepreneurs, c'est un entrepreneur,
04:02 donc le premier critère, c'est qu'il faut que ce soit un entrepreneur,
04:07 parce que seul un entrepreneur sait ce que vit un autre entrepreneur.
04:11 Ensuite, autant de bénéficiaires, autant de mentorés,
04:15 autant d'ambition, autant de personnalités différentes.
04:20 Donc un entrepreneur peut être mentor à partir du moment où il a une certaine expérience de l'entrepreneuriat,
04:27 où lui-même il a pu vivre de son entreprise,
04:29 mais ça peut aller jusqu'à être un entrepreneur qui a eu 20, 30, 40 000 collaborateurs.
04:36 Ce qui compte, c'est que le binôme se fasse bien.
04:39 Donc il nous faut des mentors qui soient essentiellement des entrepreneurs,
04:44 qui ont cette envie profonde en eux de faire en sorte que l'autre puisse s'épanouir dans son métier d'entrepreneur.
04:50 Donc c'est une conviction, ça s'adresse au cœur en fait,
04:54 c'est son intimité d'entrepreneur qu'on a envie de partager avec celle de quelqu'un qui débute.
05:01 Donc il faut cette ouverture, cette envie d'aider l'autre à grandir, ça c'est la première motivation.
05:07 Et ensuite à nous de savoir faire le bon match entre les niveaux d'ambition,
05:12 les niveaux d'enjeu qu'ont connus les mentors et que cherchent à atteindre les bénéficiaires.
05:21 Et donc n'importe qui qui est passé par ce parcours d'entrepreneur et qui a cette envie de redonner peut devenir un mentor.
05:29 Alors vous me disiez il n'y a pas d'objectif précis, mais est-ce qu'il y a une durée précise de l'accompagnement ?
05:34 Est-ce qu'on se dit bon allez ça dure je ne sais pas 6 mois, 18 mois, 3 ans ?
05:38 Alors c'est là où aussi toute la force du mentorat, et vous l'avez tout de suite identifié,
05:42 c'est que le mentorat ce n'est pas deux séquences, je viens te voir, je suis ton mentor là pour résoudre cette difficulté et puis c'est fini.
05:50 Le mentorat ça s'installe sur la durée.
05:52 Effectivement il faut qu'il y ait une relation de confiance très forte qui se passe entre ces deux personnes là.
05:57 Et quand je parle de confiance je ne parle pas simplement de je sais que tu ne vas pas aller répéter ce que je t'ai dit,
06:02 c'est j'ai confiance en toi pour réaliser ce que tu as envie de réaliser et moi je me mets à ta disposition.
06:09 Et effectivement ça, ça se passe sur un temps long.
06:12 Ce temps long, il va le dépendre de chaque mentoré en fait, mais il y a effectivement un cadre qui est très clair, qui est posé en fonction des programmes.
06:22 Ça peut être 6 mois, quand on en est en tout tout début de l'aventure, où il faut vraiment commencer à préciser de façon plus certaine en fait ce qu'on a envie de faire.
06:32 Mais dès qu'on a lancé l'entreprise c'est au minimum un an et ça peut être renouvelé pour autant.
06:39 Certains programmes c'est 24 mois, on agit dans l'agriculture et effectivement dans l'agriculture il y a aussi des temps très longs qui sont liés simplement au cycle des saisons.
06:48 Donc effectivement d'avoir deux ans devant soi c'est important.
06:52 Donc en fonction des différents programmes, des différents statuts de maturité des entreprises, ça va débarrer à 6 mois et ça peut aller jusqu'à 24 mois.
07:02 Mais ce qui est important c'est de savoir dès le début que ça va s'arrêter. Parce que le but du mentor c'est pas de mettre son bénéficiaire, son mentoré sous perfusion.
07:09 Le but du mentor c'est vraiment de lui faire acquérir son autonomie en tant qu'entrepreneur.
07:14 Donc de lui faire acquérir cette mécanique de questionnement permanent. J'ai envie de faire ça, pourquoi je veux faire ça ?
07:20 Est-ce que je suis inscrit dans la vision que j'ai de mon entreprise ? Est-ce que je me sens bien entouré pour pouvoir faire ça ?
07:28 Qu'est-ce qui pourrait éventuellement me manquer pour le faire ?
07:30 Et donc on dit souvent qu'une relation mentorale s'arrête le jour où le mentoré arrive devant son mentor et lui dit
07:35 "En fait je me pose telle question et je sais que toi tu vas me poser cette question, cette question, cette question, cette question".
07:41 Mais pour ça il faut un petit peu de temps.
07:43 Merci Bénédicte Samson, vous restez avec moi, on va poursuivre cette discussion dans un instant avec nos deux autres invités.
07:54 On poursuit cette émission toujours en compagnie de Bénédicte Samson, cofondatrice et déléguée générale du Mouv'J.
07:59 Nous avons rejoint Corinne Lejbovitz, bonjour.
08:02 Bonjour.
08:03 Vous êtes mentor à l'association Mouv'J justement, et Xavier Laurent, bonjour.
08:06 Bonjour.
08:07 Directeur de programme au groupe Manutan, partenaire de cette émission.
08:11 Xavier, d'abord vous m'avez dit en préparant cette émission que vous ne vous considériez pas comme un mentor mais comme un coach.
08:17 Quelle différence faites-vous Xavier ?
08:19 Alors, pas mentor ça c'est sûr, parce que comme a dit Bénédicte, moi je ne suis pas entrepreneur.
08:23 Donc je ne peux pas être mentor au sens du Mouv'J, en tout cas je ne suis pas au même niveau que les mentorés du Mouv'J.
08:28 Coach, je fais très attention à coach parce que c'est une définition en général un peu précise, donc on ne peut pas non plus dire qu'on est coach.
08:34 Nous ce qu'on fournit avec Manutan, d'une part on aide le Mouv'J depuis l'origine je crois à peu près, 2009 ou 2010.
08:41 Parce qu'on croit beaucoup à ça, qu'on pense que c'est important d'aider les jeunes entrepreneurs.
08:46 Et après on s'est posé la question de qu'est-ce qu'on pouvait amener en plus.
08:49 Et du coup on ne voulait pas faire du mentorat puisque le Mouv'J le fait très bien.
08:53 Donc on amène plutôt du conseil.
08:54 Donc nous on a un concours, on va héberger pendant un an 3 start-up du Mouv'J.
09:00 Et là on va arriver avec une démarche, une position de conseil, d'experts.
09:05 Et pendant un an on va les amener de là où ils sont à là où ils voudront être dans un an.
09:10 Corinne, vous vous avez fait carrière dans le digital, vous avez dirigé des grandes entreprises du digital.
09:15 Quand est-ce que vous avez décidé de vous lancer dans le mentorat et pour quelle raison ?
09:20 Alors cette décision en fait elle vient de Bénédicte et de l'équipe du Mouv'J.
09:25 Puisque c'était au tout début quasiment ou un an après ou je ne sais plus, parmi les premières promotions.
09:30 Donc je n'avais aucune idée de ce que c'était.
09:33 Et ils m'ont convaincue en me présentant un jeune entrepreneur qui avait très envie d'être mentorée.
09:42 Donc ce n'était pas un "je veux être mentor", c'était la rencontre avec le Mouv'J, Bénédicte et l'équipe.
09:49 Et un jeune homme qui avait très envie d'être mentorée.
09:52 C'est très humain en fait Bénédicte, on en revient à ce que vous disiez tout à l'heure finalement.
09:55 Oui, c'est effectivement une histoire de rencontre.
09:58 Et c'est là tout le savoir-faire en fait de notre équipe, c'est de savoir identifier
10:02 qu'est-ce qui va faire qu'un jeune entrepreneur ou une jeune entrepreneuse va pouvoir créer un lien fort avec un mentor.
10:10 Donc il faut vraiment s'intéresser profondément à ce qu'ils sont chacun pour pouvoir proposer la paire.
10:15 Et c'est son envie qui m'a convaincue en fait, c'est sa volonté, sa motivation à lui et à ce jeune homme qui m'a convaincue.
10:21 Moi j'ai envie qu'on soulève le couvercle Bénédicte, comment vous faites le matching ?
10:25 Alors ça c'est une très longue histoire qui pourrait durer toute l'émission.
10:29 Mais en fait notre job c'est vraiment de bien connaître le mentoré, quelles sont ses ambitions et qui il est lui en tant que personne.
10:36 Qu'est-ce qui va l'intéresser dans la vie en général et qu'est-ce qui l'attend,
10:41 quels sont les types de personnes pas qu'il admire mais qui lui plaisent, avec qui il sait qu'il peut faire un bout de chemin.
10:49 Et c'est de faire la même chose du côté des mentors.
10:52 Et ensuite c'est de dire vous deux on pense que ça va bien fonctionner ensemble.
10:59 Et c'est pas que une question de t'as monté une magnifique entreprise et j'ai envie de t'exploiter, c'est pas du tout ça.
11:05 Si c'est basé là-dessus ça marchera pas, on en a qui nous disent moi je suis marathonien,
11:09 si je peux avoir un mentor ou un mentoré qui est marathonien je sais qu'on va s'entendre parce qu'on a des valeurs profondes communes.
11:16 Et souvent d'ailleurs la fin de la relation mentorale se traduit par le début d'une très longue amitié.
11:22 Xavier justement comment est-ce que vous faites vous la sélection ?
11:25 Parce que vous il y a un concours si je comprends bien sur trois entreprises que vous accompagnez ensuite.
11:30 Mais cette dimension humaine j'imagine qu'elle rentre aussi en ligne de compte à un moment.
11:34 Oui, on a plein de critères. Il y en a déjà un c'est que effectivement ce soit des entreprises qui viennent du MouvJ.
11:41 Du coup on les connaît parce qu'on participe aussi aux sélections du MouvJ, on participe au concours du MouvJ.
11:47 Ça c'est un premier critère. Ensuite il faut que ce soit des entreprises du B2B parce que moi au fur et à mesure où je participe au MouvJ,
11:54 je trouvais que là où on pouvait amener quelque chose en tant que manutence c'était sur cette expertise B2B par rapport au B2C.
12:00 Donc elles doivent être vraiment ancrées là-dessus. Et après il faut qu'on ait des valeurs communes parce que c'est pas du mentorat
12:07 mais on a besoin d'avoir des choses en commun. Donc on a besoin de ressentir les valeurs qu'on a chez Manutent dans cette entreprise là.
12:15 Et puis aussi on a besoin de sentir qu'on peut les aider parce qu'on va pas aider forcément le meilleur de l'équipe de la classe.
12:20 C'est un peu le principe du MouvJ. L'idée c'est pas d'accompagner le meilleur, c'est d'accompagner celui sur lequel on pense qu'on peut avoir le plus d'impact.
12:28 Comment est-ce qu'on peut l'aider le plus ? Donc ça fait partie de nos critères. Et puis il y a le plaisir d'être ensemble, d'avoir envie de passer un an ensemble.
12:36 Ils vont être chez nous, ils auront un badge, ils seront à la cantine, au centre sportif. Donc il faut quand même qu'on s'entende bien.
12:42 Xavier dit "je m'intéresse plutôt aux entreprises qui sont sur le B2B" parce que Manutent est positionné sur le B2B.
12:48 Est-ce que vous par exemple qui avez fait carrière dans le digital, Corinne, vous ne vous intéressez qu'aux entreprises du digital ?
12:54 Est-ce que vous avez une appétence plus particulière ? C'est plus facile ? Je sais pas comment ça se passe ?
12:57 J'avoue que c'est un secteur qui continue à me passionner et que donc j'ai eu la chance de mentorer des gens qui étaient à chaque fois dans le digital, B2B et B2C.
13:06 Et que si vous voulez, ça crée quand même, ça facilite le démarrage parce qu'ils nous racontent des trucs et on comprend de quoi ils parlent.
13:13 Surtout dans un secteur comme ça qui peut être un peu technique.
13:16 Un peu, un peu. Mais c'est vrai que cette passion commune pour ce secteur-là, elle crée aussi quelque chose de très fort.
13:23 Donc je n'ai mentoré que des gens qui ont monté des boîtes dans le digital.
13:28 Est-ce que c'est inné d'être mentor ?
13:30 Pas du tout. Alors pas du tout, pourquoi ? Parce que d'abord on signe une charte.
13:36 Alors on signe une charte du mentorat.
13:38 Je me souviens la première fois que je l'ai signée. Maintenant je ne la signe plus je crois.
13:41 À chaque fois, on se dit, on ne peut pas être conseil. On ne peut pas être advisor comme on dit dans le monde que je fréquente.
13:52 On doit être mentor. Alors, on se crotte la tête. On doit faire quoi ?
13:57 Et en fait, on doit aider l'entrepreneur à cheminer par le questionnement.
14:04 Donc on est un peu en fac de philo là, pas loin, voire très proche.
14:09 Donc aider l'autre à cheminer par le questionnement.
14:12 Business, mais quand même.
14:15 Et donc ce n'est pas inné du tout.
14:17 Et les premières séances, j'avoue, on se retient de ne pas dire "mais appelle ton comptable" ou "monte un board".
14:27 Enfin, on se retient.
14:29 Et puis petit à petit, on se rend compte que ce questionnement, on sait quand même où on veut les emmener, soyons clairs.
14:36 Finalement, une fois qu'on l'a pratiqué un an, six mois, peu importe, après, ça prend un peu de temps,
14:43 on devient assez puissant parce qu'on le fait de mieux en mieux.
14:48 Xavier, vous avez eu les mêmes interrogations que Corinne ?
14:51 Alors oui, déjà, je me suis aperçu que je ne serais peut-être pas un bon mentor.
14:56 J'ai quand même tendance à donner le conseil assez rapidement.
14:59 Donc le rôle qu'on s'est donné chez Manu Tan, ce n'est pas forcément un rôle de conseil.
15:02 Parce que l'idée, ce n'est pas d'avoir raison, mais c'est plutôt de nous apporter de l'expertise
15:07 et de ne pas venir en concurrence du MOUJI, puisqu'il y a déjà un mentor.
15:10 Donc ce ne serait pas une bonne idée d'être un deuxième mentor.
15:14 Le mentor, il va donner beaucoup de recul. Il va lui permettre de se questionner lui-même.
15:19 Nous, on va plutôt l'aider à passer des étapes dans la vie de l'entreprise.
15:22 Donc on est un peu l'inverse du mentor.
15:25 Mais c'est un peu le positionnement qu'on s'était donné en disant "qu'est-ce qu'on peut amener de plus que le mentorat ?".
15:30 Nous, ils sont chez nous pendant un an et donc on fait un bilan au début pour les lauréats.
15:34 Tu en es là, où est-ce que tu veux être dans un an ? Ok, on va t'aider à être là-bas dans un an.
15:38 Donc ce n'est pas du mentorat. Mais par contre, ça va derrière.
15:41 Aurélie, si je peux me permettre de tenir, cette posture de mentor, c'est quelque chose qui est extrêmement compliqué.
15:47 Aujourd'hui, il n'y a pas un mentor, un entrepreneur qui rentre pour être mentor sans être formé à cette posture.
15:52 Oui, c'était la question que j'allais vous poser, comment vous les accompagner.
15:55 Parce que j'imagine bien que si on dit que ça n'est pas inné, il faut un genre de formation.
15:59 Voilà, donc ça n'est pas inné, il y a une formation.
16:02 À l'issue des formations, on a régulièrement des entrepreneurs qui nous disent "non, vraiment, ça n'est pas fait pour moi".
16:08 Parce qu'on a envie effectivement de prendre le volant, de dire "mais il faut que tu fasses ça, il faut que tu fasses comme ci, il faut que tu fasses comme ça".
16:14 Et pour le mentor, il y a une très forte prise de conscience que c'est aussi un chemin de développement personnel.
16:20 Pour employer un mot qui est très à la mode, mais c'est effectivement apprendre à faire confiance à l'autre.
16:25 Quand je parlais de confiance tout à l'heure, ça fait vraiment partie de ça.
16:28 C'est "je te dis, je vais te poser des questions et j'ai confiance en toi pour comprendre ce qu'il y a derrière tout ce questionnement".
16:38 Et je sais que j'ai eu des mentors, je vais pas citer Corinne, mais qui nous ont appelés en nous disant "non, non, mais là il faut que je lui dise, il faut que je lui dise qu'il est en train d'aller dans le mur".
16:45 Non, s'il doit aller dans le mur, il faut le laisser aller dans le mur. Continue à questionner.
16:50 Ah c'est vrai ? Il faut le laisser aller dans le mur ?
16:52 Il faut le laisser aller dans le mur, il faut le laisser aller dans le mur.
16:55 Et il a besoin de ça pour comprendre qu'effectivement il faut changer parfois de direction.
16:59 Mais effectivement le rôle du mentor c'est de questionner, de questionner, de questionner.
17:03 Et s'il a décidé d'y aller, on rentrerait dans le conseil en lui disant "non, tu n'y vas pas".
17:09 Mais ça doit être super dur ça Corinne.
17:11 Oui, mais quand on se dit "là il y a peut-être un mur", effectivement.
17:18 C'est pas le plaisir du questionnement, ça n'a aucun intérêt, on est quand même dans le monde du business.
17:22 C'est un questionnement pour qu'il trouve la solution.
17:26 La solution peut être de mettre fin à une aventure entrepreneuriale, ou pivoter.
17:30 Parce qu'il est trop fatigué, parce qu'il n'a pas de marché, parce que l'associé s'est barré, parce que...
17:36 Des tas d'histoires d'entrepreneurs.
17:38 Mais c'est pas le plaisir du questionnement, c'est le questionnement pour les aider à trouver la solution qui leur convient.
17:46 Ce n'est pas forcément celle qui m'aurait convenu à moi, mais qui leur convient à eux.
17:50 Donc on sait quand même où on veut qu'ils trouvent la solution.
17:53 Et qu'à la fin ils se disent que le raisonnement les amène à la solution qui sera la meilleure pour eux.
17:58 Et pour leur business.
18:00 Ça suppose une vraie neutralité quoi.
18:02 Ça suppose...
18:04 Pas prendre partie sur telle ou telle option qui pourrait mettre en face de vous, finalement.
18:08 Ça suppose beaucoup de recul, beaucoup d'objectivité.
18:12 Et ça je peux vous dire qu'au bout de 3-4 heures, parce que les séances durent 3-4 heures,
18:16 parce qu'on a des vrais sujets de la matière, le travail c'est l'entreprise.
18:20 J'embauche, j'embauche pas, je fais un BP, je renvoie, etc.
18:24 Au bout de 3-4 heures on est lessivé des deux côtés.
18:27 Je viens de croire.
18:28 Des deux côtés.
18:29 Donc ça demande du recul, de la lucidité et puis beaucoup d'écoute.
18:33 Parce qu'en fait souvent ils l'ont la solution.
18:36 Mais il faut les aider à la révéler.
18:38 À l'exprimer.
18:40 À la creuser, après on les aide à creuser.
18:42 Si on dit "oui il faut que je lève des fonds", etc.
18:44 On va creuser, pourquoi est-ce que c'est le bon moment, qu'est-ce que t'as vu, etc.
18:49 Mais les aider à révéler puis à approfondir pour être sûr que c'est la solution qui leur convient.
18:55 Xavier, j'entends ce que dit Corinne avec des séances de 3-4 heures.
18:58 Alors je ne sais pas comment ça se passe chez Manutan,
19:00 mais quel est l'avantage pour une entreprise comme Manutan
19:04 de vous mettre, vous ou d'autres équipes, à disposition de ces startups
19:08 pendant des temps qui peuvent être assez longs ?
19:11 L'avantage, il est vraiment...
19:13 Déjà le premier avantage c'est qu'on a très envie de les aider.
19:16 On pense que c'est un peu notre rôle aussi.
19:19 C'est un engagement.
19:20 C'est un engagement, c'est un peu le rôle de Manutan.
19:22 C'est un petit peu ce qu'avait demandé le positionnement de Manutan
19:25 et celui de Jean-Pierre Guichard qui a fondé ça et qui a démarré avec nous aujourd'hui.
19:29 Ça c'est un premier point.
19:30 Le deuxième c'est que c'est un super enrichissement de l'autre côté.
19:32 C'est-à-dire qu'aider des gens qui démarrent
19:35 pour une vieille startup comme nous qui avons 60 ans.
19:38 Ça nous rappelle, ça leur rappelle à ceux qui étaient là au départ.
19:41 Comment on faisait ? Non mais c'est super enrichissant.
19:44 Chez nous, les experts et les sponsors chez nous se battent
19:48 pour être sponsor l'année d'après et quand ils ne le sont plus,
19:50 ils sont horriblement déçus.
19:51 Donc c'est bien qu'ils y trouvent un intérêt.
19:54 Ça nous aide aussi à nous poser des questions finalement
19:58 parce que plus on pose de questions, plus on s'en pose à soi-même.
20:01 Mais en fait, lui il veut aller très vite.
20:03 Et pourquoi nous on est aussi long que ça ?
20:05 Et peut-être qu'on pourrait avoir les mêmes short-cuts que lui,
20:07 qu'on ne s'applique pas à nous-mêmes.
20:08 Donc ça c'est super enrichissant.
20:10 Pour revenir sur les pourquoi, sans être forcément mentor,
20:14 c'est aussi nous ce qu'on fait à travers le processus
20:16 qui s'appelle le "Lean Management"
20:18 où on explore tout le temps les problèmes en posant les 5 pourquoi.
20:22 Pourquoi ça ? Ah oui d'accord.
20:23 Et donc pourquoi ça ? Ah oui d'accord.
20:24 Et normalement au bout de 5 pourquoi, on a la réponse.
20:27 Donc c'est aussi une méthode en dehors du mentorat.
20:30 Je retiens.
20:32 Bénédicte, pour les jeunes entrepreneurs,
20:35 parce qu'on a beaucoup parlé des mentors,
20:36 mais je voudrais qu'on parle un peu des mentorés,
20:38 c'est vraiment un accélérateur de croissance dans la plupart des cas ?
20:43 Ce qui est important déjà, c'est qu'on ne cherche pas forcément
20:46 pour tout, à accélérer la croissance.
20:48 D'accord.
20:49 C'est un accélérateur de sérénité pour l'entrepreneur.
20:54 Et la sérénité, ça passe par l'atteinte de ses objectifs
20:58 en diminuant le nombre de nuits blanches, tout simplement.
21:00 Ce qui est déjà pas mal.
21:03 Donc pour un grand nombre, ça peut être un accélérateur de croissance,
21:07 parce qu'effectivement, quand ils viennent nous voir,
21:09 ils ont ce projet, ils ont envie d'avancer.
21:11 Mais pour certains, c'est un accélérateur de prise de conscience
21:15 qu'effectivement il faut arrêter l'entreprise,
21:17 ou qu'il faut faire différemment, ou que l'on n'ait pas fait
21:19 justement pour être dans cette croissance.
21:22 Donc ça va être un accélérateur de prise de conscience
21:26 de ce que l'on est et de quelle est l'entreprise
21:29 que l'on a envie de porter.
21:32 Donc moi je le qualifierais plutôt comme ça.
21:36 Mais je suis sûre que Corinne a des exemples extrêmement puissants
21:41 de jeunes entrepreneurs qu'elle a pu accompagner
21:45 et qui ont pris conscience de certaines choses
21:48 et qui ne sont pas forcément que de la croissance en fait.
21:50 Oui, alors moi j'aimerais bien avoir des exemples Corinne.
21:53 D'accélérateurs de croissance ?
21:55 Ou de belles histoires comme vient de le dire Bénédicte ?
21:59 Alors tous les gens que j'ai pu accompagner,
22:02 ils sont quand même dans la croissance et dans l'hyper croissance.
22:06 En même temps en secteur du digital potentiellement.
22:09 Oui potentiellement c'est un secteur qui s'y prête.
22:13 Qu'est-ce que je peux vous dire ?
22:14 Je peux vous dire que dans la charte du Mentora,
22:17 je crois que c'est important de le rappeler,
22:19 on fait ça bénévolement,
22:21 et ce qui joue énormément c'est qu'il n'y a justement
22:23 pas d'intérêt financier.
22:25 Donc un mentoré, un jeune entrepreneur qui a un truc à dire,
22:28 il ne sait pas comment le dire à son investisseur,
22:30 ça m'est arrivé une paire de fois,
22:32 on va y travailler ensemble.
22:34 Parce qu'effectivement il ne peut pas le dire comme ça,
22:37 ni à son client, ni à son investisseur.
22:40 Donc voilà, il y a des phases comme ça où il s'arrive,
22:43 parce qu'il s'arrive qu'il n'y a qu'à son mentor
22:46 qu'on peut dire certaines choses.
22:48 Parce qu'il n'y a pas de lien financier.
22:49 Donc l'intérêt il est complètement aligné.
22:51 Donc j'ai eu quelques séances de préparation
22:55 à comment annoncer des nouvelles à des investisseurs.
22:59 Et puis sinon moi ce qui me fait le plus plaisir,
23:03 c'est que pendant deux ans il n'y a pas d'intérêt financier,
23:07 et pendant deux ans après on n'a pas le droit
23:09 d'avoir de relations commerciales, investisseurs,
23:13 pendant les deux ans qui suivent.
23:15 Et dans trois cas sur quatre,
23:18 moi j'ai eu le plaisir qu'ils m'appellent
23:21 et qu'ils me demandent ensuite de faire partie de leur aventure
23:24 dans Notweiser, en Bornemoude, à Zarg.
23:27 Ils me demandent deux ans après de rester,
23:30 de les accompagner pour la suite de l'aventure.
23:33 Et ça je peux vous dire, c'est à chaque fois
23:35 des super belles histoires.
23:37 C'est des temps très très longs finalement, on en revient à ça.
23:39 Alors c'est un an, puis c'est deux ans
23:41 où ils donnent quand même des nouvelles.
23:43 Puis on décroche, on coupe pas comme ça le cordon.
23:46 Ils ont un peu du mal à arrêter.
23:48 Et puis au bout de deux ans,
23:50 ben tiens les deux ans sont passés,
23:52 est-ce que tu peux donc joindre ?
23:54 Et j'ai eu le cas une fois, le plus récent,
23:57 un des plus récents, au début ils voulaient pas.
24:00 Ils ont gagné un an de mentora, ça leur parle pas.
24:03 Et c'est moi qui dis à cette boîte-là,
24:05 les deux entrepreneurs, etc.
24:08 Je mets deux mois à obtenir le rendez-vous avec eux
24:10 pour la première séance de mentora,
24:12 et je les vois toujours.
24:14 Et on est quelques années plus tard.
24:16 Super.
24:18 Et vous alors Xavier, des anecdotes à nous raconter
24:20 sur les boîtes que vous avez accompagnées ?
24:22 Ah ouais, on en a...
24:24 Ce qui est très sympa aussi, c'est que
24:26 on arrive à n'importe quel stade de l'entreprise.
24:31 La première session de Mouv'Use Ben du Temps,
24:34 on avait Nora qui avait créé sa boîte
24:36 peut-être une semaine avant d'avoir intégré le Mouv'Use.
24:39 Ah oui, c'est short.
24:40 Donc ils sont arrivés chez nous,
24:41 elle était très contente d'être chez nous
24:43 parce qu'elle avait un bureau et un téléphone,
24:45 ce qu'elle n'avait pas à part chez elle dans sa maison,
24:47 mais pour leur entreprise.
24:48 Donc on les a vraiment hébergés pour le coup chez nous.
24:50 Ils faisaient leur rendez-vous client chez nous.
24:52 Donc ça, c'était super.
24:54 Et on a accompagné Nora après pendant un an,
24:56 pendant cette année-là, mais on continue de la voir.
24:58 Et on a le kick-off la semaine prochaine,
25:00 et c'est elle qui vient faire l'ouverture.
25:02 Donc pareil, on a des alumnis,
25:04 ou je ne sais pas comment on peut appeler ça.
25:05 On s'est créé un réseau d'amis.
25:07 Ça, c'est intéressant.
25:08 On a eu aussi des...
25:10 On a eu deux entrepreneurs qui ont levé des fonds
25:13 à l'issue de leur passage chez 28 ans.
25:16 Donc on les a aidés à structurer leur entreprise.
25:19 Et ensuite, cette structuration d'entreprise
25:21 leur a permis de faire un deck qu'on a revu ensemble.
25:24 Et ils ont été levés des fonds.
25:25 Donc on en a deux.
25:26 Merci à Anis qui est levé.
25:27 Et puis à Manon qui vient également de lever.
25:29 Donc ça, on est hyper fiers parce que...
25:32 En tout cas, on les a aidés.
25:34 Je ne dis pas du tout que c'est grâce à nous,
25:36 mais en tout cas, on les a aidés à passer ça.
25:38 Et ça rejoint un peu cette idée de croissance
25:40 parce que c'est des entreprises qui se sont posées la question
25:42 de comment elles allaient accélérer.
25:44 Donc ça, c'est des super bonnes nouvelles.
25:47 Et puis cette année, on en a trois nouveaux.
25:48 Donc on viendra les présenter bientôt.
25:50 Avec plaisir.
25:51 Bénédicte, moi, j'ai l'impression que tout ça
25:53 est quand même assez vertueux,
25:55 en tout cas, ce qu'on en raconte ici aujourd'hui.
25:57 Est-ce qu'on ne pourrait pas dupliquer ce modèle,
26:00 par exemple, pour des jeunes qui débutent en entreprise
26:03 ou pour...
26:04 Voilà, ça se fait un petit peu dans certains cas,
26:06 mais qui n'est quand même pas très développé encore ?
26:08 Alors, merci Aurélie pour cette question
26:10 parce qu'effectivement, c'est notre sujet très chaud du moment
26:13 puisqu'on travaille depuis deux ans et demi maintenant
26:17 pour lancer ce même type d'accompagnement
26:20 pour les jeunes dans leur prise de poste
26:22 parce que le monde de l'entreprise
26:25 ne correspond pas du tout à l'idée qu'on s'en fait
26:27 quand on démarre.
26:29 Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'échecs.
26:31 Le taux de rupture des CDI dans la première année
26:34 est de 80% chez les jeunes
26:36 et ils partent avec une idée terrible, en fait,
26:39 de ce qu'est le monde de l'entreprise
26:41 et qui vient souvent d'une incompréhension mutuelle,
26:44 chacun étant arc-bouté sur ce qu'il croit être la vérité.
26:48 Et l'idée d'apporter justement un mentor,
26:51 d'apporter ce questionnement,
26:53 permet à chacun de développer l'empathie pour l'autre.
26:56 Donc, les mentorés voient leurs managers
26:59 d'une façon différente
27:00 et les mentors voient leurs collaborateurs
27:04 d'une façon différente.
27:05 Donc, ce qui est très important,
27:06 c'est que le mentor et le mentoré
27:07 ne sont pas de la même entreprise
27:09 pour que justement on garde cette idée de
27:12 "je peux tout dire et je peux m'adresser à mon mentor
27:15 pour qu'il m'aide à m'adresser à mon manager",
27:18 comme on le fait dans le cas d'une levée de fonds, par exemple,
27:19 ou avec ses investisseurs.
27:21 Et ça permet de reconstruire une relation au travail
27:25 beaucoup plus saine et effectivement très vertueuse.
27:28 Donc ça, c'est un programme qui devrait être lancé
27:30 d'ici la fin de l'année maintenant.
27:32 Merci beaucoup à tous les trois.
27:34 Bénédicte Sanson, cofondatrice et déléguée générale du MOUVJ,
27:37 Corinne Lejbovitz, mentor de l'association du MOUVJ,
27:40 Xavier Lohan, directeur de programme du groupe Manutan.
27:44 On se retrouve bien sûr le mois prochain
27:45 pour un nouveau numéro de Smart at Work.
27:47 Smart at Work. Vous a été présenté par Manutan.
27:51 Sous-titrage Société Radio-Canada
27:53 Sous-titrage Société Radio-Canada