Le fantôme de la clinique des tilleuls _ Pierre Bellemare, Histoires extraordina
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00:00 Comme vous le savez peut-être, le tilleul possède des vertus curatives et calmantes.
00:07 C'est également l'arbre qui symbolise l'amour conjugal.
00:10 Une légende l'atteste en tout cas, celle de Philemon et de Bocys,
00:14 les amants inséparables transformés en tilleul pour rester unis jusqu'à l'éternité.
00:21 Thérésa Alban se remémore-t-elle cette fable émouvante
00:25 en admirant les tilleuls du parc de la Clinique où elle accompagne son mari
00:28 qui doit subir une banale intervention chirurgicale.
00:31 Je le souhaite pour elle, car si elle présageait ce que lui réservent les heures à venir,
00:38 je peux vous garantir qu'elle s'enfuirait à toutes jambes.
00:43 Cela faisait un moment que Paul devait subir cette appendicectomie.
00:48 Il repoussait régulièrement la date de l'opération.
00:51 Pas par inquiétude, ce n'était pas son style.
00:54 Parce que son poste de PDG l'accaparait énormément.
00:59 Le reste de son temps, il préférait le passer avec moi.
01:03 Un jour, il s'est enfin décidé.
01:06 Et je l'accompagnais à la Clinique.
01:09 J'ai aidé Paul à défaire sa valise.
01:17 J'ai rangé dans le tiroir de sa chambre le livre qu'il était en train de lire.
01:21 Puis j'ai contemplé les tilleuls du parc.
01:24 Il m'a sourie.
01:34 Il m'a embrassée.
01:37 Et je suis partie.
01:39 Thérésa n'a aucune raison de s'alarmer.
01:45 Ne s'agit-il pas en effet d'une banale intervention chirurgicale, d'une simple formalité ?
01:49 C'est pourquoi, après avoir affectueusement embrassé son mari,
01:52 elle quitte la Clinique sans la moindre appréhension.
01:55 J'ai décidé de passer la fin de journée et la nuit chez mes parents.
01:58 Je ne les voyais pas beaucoup ces derniers temps.
02:01 J'ai brièvement pensé que je ne serais pas joignable au cas où la Clinique m'appellerait,
02:05 mais mon père m'a aussitôt rassurée.
02:08 Tu n'as aucune inquiétude à avoir, Thérésa.
02:11 Il ne s'agit que d'une banale appendicite.
02:14 Quand je pense que si j'étais restée auprès de Paul cette nuit-là,
02:18 tout cela ne serait probablement pas arrivé.
02:21 À quoi fait allusion Thérésa ?
02:25 Que ne se serait-il pas produit si elle avait passé la nuit à la Clinique des Tillon en compagnie de son mari ?
02:30 Nous allons le découvrir bientôt.
02:33 Le lendemain matin, alors qu'elle vient à peine de rentrer chez elle,
02:36 Mme Alban répond à un appel téléphonique de l'inspecteur Marc Sitter.
02:41 J'avais essayé de joindre Mme Alban toute la matinée,
02:46 et j'ai réussi à la joindre à 10h.
02:49 Voilà.
02:51 Bien évidemment, j'ai d'abord cru qu'il s'agissait d'une erreur.
02:56 L'inspecteur de police m'a demandé de venir au commissariat en m'affirmant que Paul s'y trouvait.
03:01 Je lui ai dit que c'était impossible, qu'en ce moment, il était sur un lit,
03:05 dans une clinique, et qu'il venait juste d'être opéré.
03:09 Quand j'ai demandé à Mme Alban si c'était pour une appendicite,
03:13 il y a eu un grand silence.
03:16 Donc j'ai bien compris que, bien qu'elle soit très surprise,
03:19 elle ne me croyait qu'à moitié.
03:22 Alors je lui ai dit qu'on avait retrouvé ses papiers dans son veston.
03:29 Tout cela n'avait aucun sens. Je ne pouvais pas y croire.
03:38 Vous savez comment ça se passe dans ces cas-là,
03:40 on trouve toutes sortes d'explications.
03:43 J'ai dit au lieutenant Citer qu'on lui avait probablement dérobé son portefeuille à la clinique.
03:49 J'avais peur.
03:52 Peur d'entendre ce que le lieutenant n'osait pas me dire.
03:55 J'ai fini par lui dire...
03:58 J'ai fini par lui dire "Madame Alban, votre mari est mort."
04:06 Cette phrase a comme explosé dans mon crâne.
04:10 Mon Paul, que j'aimais passionnément depuis dix ans,
04:14 et que j'avais quitté la veille en pleine forme,
04:17 mon Paul était mort.
04:20 Je ne me souviens même plus comment j'ai fait pour arriver au commissariat.
04:31 Quand je l'ai vue arriver dans mon bureau,
04:33 j'ai bien vu qu'elle faisait des efforts incroyables pour ne pas craquer.
04:38 Le plus dur restait à faire.
04:42 J'avais besoin qu'elle identifie formellement le corps.
04:46 J'étais prêt à lui laisser du temps,
04:48 mais elle pensait qu'il s'agissait d'une erreur encore.
04:52 À ce moment-là, je me souviens, je refusais encore d'y croire.
04:55 Vous quittez votre mari qui doit se faire opérer dans une clinique,
04:58 et le lendemain, on vous annonce qu'il est mort dans un commissariat.
05:03 Je ne pouvais pas le comprendre.
05:07 J'avais l'impression de faire un cauchemar.
05:10 Je me disais que j'allais me réveiller.
05:13 Quand on a soulevé la couverture,
05:17 quand j'ai vu Paul allongé sur ce banc...
05:21 ...
05:31 Elle a été très courageuse, Mme Alban, et surtout, très digne.
05:36 C'est vrai que son mari n'était pas beau à voir.
05:40 Il avait le visage tout convulsé,
05:44 comme s'il avait été en proie à une terreur folle.
05:48 C'était très étrange.
05:50 L'inspecteur m'a dit ce qu'il savait.
05:52 Le peu qu'il savait.
05:54 La nuit dernière, l'une de mes patrouilles
05:58 avait vu un homme qui était tubé, donc son mari.
06:02 L'un des agents a voulu l'interpeller.
06:06 Celui-ci s'est débattu. Il a frappé violemment.
06:10 Donc finalement, il a été maîtrisé et amené au poste.
06:13 Mes hommes ont pensé qu'il s'agissait d'un ivrogne.
06:17 Ils l'ont mis dans la cellule.
06:20 C'est juste au petit matin qu'on s'est aperçus qu'il était mort.
06:25 À part cette appendice,
06:29 cette cicatrice qu'il avait de l'appendicite,
06:33 rien. Aucune autre blessure.
06:36 Je ne comprenais rien.
06:39 De quoi était mort mon mari ? Personne ne le savait.
06:44 L'inspecteur de police m'a dit qu'un médecin avait été appelé
06:47 et qu'il allait examiner mon mari.
06:50 Et que faisait-il dans la rue alors qu'il venait juste d'être hospitalisé ?
06:54 Je ne pouvais pas croire non plus qu'il avait été violent.
06:57 Cela ne lui ressemblait pas. Il n'aurait pas fait de mal à une mouche.
07:01 Pour l'inspecteur, nous avions trouvé les réponses
07:04 à toutes nos questions à la clinique des Tilleuls.
07:07 Du moins, c'est ce qu'il pensait.
07:10 Nous sommes partis là-bas.
07:12 Le docteur Mouran, le patron de l'établissement, nous a reçus tout de suite.
07:16 J'ai dû calmer Mme Alban parce qu'à ce moment-là, elle a craqué.
07:20 Elle s'est mise à hurler, elle a demandé à Mouran,
07:23 "Vous pouvez me faire un petit coup de main ?"
07:26 "Vous pouvez me faire un petit coup de main ?"
07:29 "Vous pouvez me faire un petit coup de main ?"
07:32 "Vous pouvez me faire un petit coup de main ?"
07:35 "Vous pouvez me faire un petit coup de main ?"
07:38 "Vous pouvez me faire un petit coup de main ?"
07:41 Elle a demandé à Mouran, "Qu'est-ce que vous avez fait de mon mari ?"
07:44 Donc ça, ça a été affreux. Et puis elle a éclaté en sanglots.
07:48 Quand j'ai entendu ce qu'a dit le docteur Mouran,
07:51 c'est bien simple, j'ai cru devenir folle.
07:54 Je n'y comprenais plus rien du tout.
07:57 Mouran m'affirmait qu'il n'avait jamais entendu parler de Paul Alban.
08:00 Il voulait même nous montrer les registres.
08:03 Et...
08:06 Mme Alban, pendant un petit moment, pendant un instant,
08:09 elle a eu du mal à respirer.
08:12 Et d'un seul coup, elle a traité Mouran de menteur.
08:19 Elle a dit qu'elle se souvenait de son nom,
08:22 que c'était lui qui devait l'opérer.
08:25 Et elle a voulu voir sa chambre.
08:28 La 25 Pavillon B, c'était.
08:31 Et elle est partie, mais alors comme une flèche.
08:36 Et je l'ai suivie, moi, en courant dans les couloirs de la clinique.
08:39 En arrivant dans la chambre, celle que j'avais quittée la veille,
09:01 elle était vide.
09:04 Complètement vide.
09:07 J'ai ouvert la penderie, rien.
09:10 Dans le tiroir de la table de nuit, le roman que j'avais rangé la veille n'y était plus.
09:13 Rien.
09:16 Il n'y avait absolument plus rien dans cette chambre.
09:19 Là, j'ai commencé à douter de ma santé mentale.
09:22 Mais une chose était sûre, c'est que Mme Alban ne pouvait pas se tromper sur la clinique.
09:27 On ne peut pas se tromper sur des choses comme ça.
09:31 Donc j'ai continué mon investigation
09:34 et je n'ai rien trouvé.
09:37 Le registre de la clinique ne mentionnait pas l'entrée de Paul Alban.
09:41 L'infirmière de garde a été très claire.
09:46 La chambre était inoccupée depuis trois jours.
09:50 Elle n'avait jamais entendu parler de Paul Alban.
09:53 J'ai été voir dans les chambres voisines, espérant que quelqu'un ait vu mon mari.
09:57 Elle s'était vide.
10:00 D'après l'infirmière de garde, elle s'était inoccupée la nuit dernière.
10:03 Donc c'est dans ces conditions que j'ai débuté mon enquête.
10:11 Pour être une sacrée affaire, c'est une sacrée affaire.
10:15 J'ai pris trois hommes avec moi et on a contacté tous les hôpitaux de Paris.
10:21 Ce qu'il y a, c'est que Paul Alban n'avait pas été opéré dans aucun d'entre eux.
10:28 Rien. On n'avait rien trouvé.
10:31 Donc, ça c'était la première fois que j'avais affaire à un cas si inexplicable.
10:39 Plus tard, j'ai reçu les résultats de l'autopsie.
10:42 Paul Alban est décédé d'une crise cardiaque consécutive à des chocs nerveux intenses.
10:46 Quant à l'opération qu'il a subie, elle ne peut pas être mise en cause.
10:50 Pas d'erreur chirurgicale ni d'anesthésique.
10:52 Une histoire de fou.
10:54 Pendant les jours qui ont suivi, je ne dormais plus.
10:57 J'étais torturée par toutes ces questions sans réponse.
11:00 Comment était mort mon mari ? Qui était responsable ?
11:03 Que s'était-il passé cette nuit-là ?
11:06 Bientôt, les journaux s'en parlent de cette incroyable affaire.
11:12 Les hypothèses les plus folles circulent.
11:15 Paul Alban a-t-il ou non séjourné à la clinique des Tilleuls ?
11:19 Y a-t-il seulement été admis ?
11:21 Pourquoi errait-il seul dans les rues ?
11:24 Que s'est-il réellement passé dans la nuit du 16 mars 2001 ?
11:28 Le lieutenant Citer est bien incapable de fournir une explication aux journalistes.
11:32 Quelques jours plus tard, alors que faute du moindre indice,
11:36 il est sur le point de clore le dossier,
11:39 un homme se présente au commissariat et demande à lui parler.
11:42 Il affirme détenir une information au sujet de l'affaire Alban.
11:47 J'ai reçu Jean Maréchet dans mon bureau,
11:51 un homme d'une quarantaine d'années, pâle, maigre.
11:56 Il a commencé son histoire en s'excusant.
12:00 Depuis une semaine, il n'avait pas lu les journaux, il était hospitalisé.
12:06 Quand il m'a dit qu'il était hospitalisé à la clinique des Tilleuls,
12:12 j'ai tout de suite su que j'allais enfin savoir
12:17 ce qui était arrivé à M. Alban.
12:21 A l'époque, je souffrais de bronchite chronique.
12:25 Et puis, vers la dernière semaine de mars, mon état a empiré.
12:29 Il y a eu des complications.
12:32 J'ai été hospitalisé une semaine à la clinique des Tilleuls.
12:37 Vous savez, comme je n'allais pas bien, je n'ai pas suivi les nouvelles.
12:43 C'est en sortant que j'ai appris l'affaire.
12:47 - Évidemment que je lui ai demandé s'il avait vu Paul Alban à la clinique des Tilleuls.
12:54 - Non, je n'avais jamais vu Paul Alban.
12:58 Mais ce que j'ai raconté à l'inspecteur, c'est ce que j'ai entendu cette nuit-là.
13:06 J'occupais la chambre 24, pavillon B.
13:11 Vers 2h30, j'ai entendu un coup de sifflet.
13:16 Vers 2h00, 3h00 du matin, j'ai entendu des cris inhumains.
13:24 Des hurlements.
13:27 Ça a duré longtemps.
13:30 Puis ensuite, j'ai entendu des bruits de lutte.
13:35 Et puis, d'autres cris, mais d'un infirmier.
13:40 Et puis, un "Rattrapez-le !"
13:43 Et puis, plus rien.
13:46 - J'ai demandé à M. Maréchal ce qu'il avait fait le lendemain, s'il en avait parlé à quelqu'un.
13:51 - Le lendemain, je lui ai parlé à l'infirmière de garde.
13:56 Elle m'a dit que pendant mon sommeil, j'avais déliré.
14:02 Comme j'avais de la fièvre, je l'ai cru.
14:07 Je n'ai pas compris pourquoi, mais quelques minutes après, on me changeait de chambre.
14:13 - C'était tout. Et ça suffisait.
14:16 J'ai foncé à la clinique d'Ethienne.
14:19 Le personnel médical m'avait menti.
14:21 Pourquoi ? Ça, je l'ignorais.
14:23 Quand j'ai résumé les faits au Dr Morand, il a avoué tout de suite.
14:27 Il avait fait ça pour ne pas perdre sa clinique et sa réputation.
14:32 - Le Dr Morand fait des aveux complets aux policiers.
14:35 Pour s'assurer que cette fois, il ne ment pas,
14:38 Sitter contre-interroge Sophie, l'infirmière de garde, cette nuit-là.
14:42 Le témoignage de la jeune femme est alors radicalement différent
14:45 de ce qu'elle avait affirmé une semaine plus tôt.
14:48 Nous sommes parvenus à retrouver Sophie.
14:50 Elle a consenti, non sans difficulté, à s'exprimer devant la caméra.
14:53 Pour des raisons que vous comprendrez aisément,
14:55 elle a néanmoins tenu à conserver l'anonymat.
14:58 - D'abord, je voulais dire que je regrette ce que j'ai fait.
15:01 A l'époque, c'était mon 1er boulot et je voulais pas me faire virer.
15:05 Donc, quand Paul Alban est revenu du bloc opératoire,
15:08 il était encore endormi à ce moment-là.
15:11 A son réveil, il a fait ce qu'on appelle une psychose post-opératoire.
15:15 C'est quelque chose de très rare.
15:17 Il a été pris d'un brusque accès de folie furieuse.
15:20 - Paul Alban était habillé et voulait s'enfuir.
15:23 Sophie a voulu l'en dissuader.
15:26 Il s'est jeté sur elle pour l'étrangler.
15:30 - J'ai eu peur. J'ai crié.
15:32 Y a 2 infirmiers qui sont venus à mon secours.
15:34 M. Alban les a repoussés comme s'il s'agissait de brindilles
15:37 parce que cette maladie, enfin, disons que la démence
15:41 donne une force surhumaine.
15:44 Il les a donc repoussés, il a sauté par la fenêtre et il a disparu.
15:48 - Le personnel médical a passé une bonne partie de la nuit à le chercher,
15:52 dans le parc, dans les rues avoisinantes, partout.
15:56 Personne l'a trouvé. Personne a trouvé Paul Alban.
15:59 - Au petit matin, je crois que le Dr Morand a perdu la tête.
16:03 Plutôt que de prévenir la police, il a maquillé le registre,
16:06 il a fait disparaître les affaires de M. Alban
16:09 et il nous a menacés pour qu'on se taise.
16:12 Et voilà. Peut-être que Paul Alban n'avait jamais mis les pieds
16:15 à la clinique des Tillyolles.
16:17 Quand le lendemain, M. Maréchal nous a dit qu'il avait entendu
16:20 des cris bizarres pendant la nuit, on lui a dit qu'il avait déliré
16:23 à cause de la fièvre.
16:25 Et pour plus de précaution, on l'a changé de chambre.
16:29 - L'inspecteur est venu m'apprendre ce qu'il savait.
16:34 Cela ne change rien. Mon Paul est mort.
16:37 Mais au moins, je connais la vérité.
16:41 - Le juge chargé de l'affaire a retenu le chef d'accusation
16:46 de mise en danger de la vie d'autrui et condamné le directeur
16:49 de la clinique à la mort.
16:51 Il a été condamné à une peine de 6 mois de prison avec sursis.
16:55 Faute de preuve, l'homicide sans préméditation n'a pas pu être
16:58 retenu contre lui.
17:00 Le directeur a néanmoins vendu son établissement pour s'acquitter
17:03 des dommages et intérêts dus à Thérésa, la veuve de Paul Alban.
17:07 Quant à cette dernière, elle se rétablit péniblement
17:10 de cette douloureuse épreuve.
17:12 L'équipe de tournage m'a dit que dans le jardin de sa maison,
17:15 il y avait une petite fille, un petit garçon,
17:18 qui avait été tuée par un homme.
17:21 Ce tournage m'a dit que dans le jardin de sa maison,