La Bretagne, première région agricole de France, a été en première ligne de la tempête Ciaran. Avec les coupures d'eau et d'électricité qui persistent dans certains secteurs, la situation devient très compliquée. Pour en parler, Jonathan Chabert, membre du comité national de la Confédération paysanne, responsable de la commission fruits et légumes, et agriculteur dans les Côtes-d'Armor, à Plédéliac.
Regardez L'invité de RTL Soir du 03 novembre 2023 avec Marion Calais et Vincent Parizot.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL bonsoir.
00:05 Vincent Parézot, Marion Calais, Isabelle Choquet.
00:07 Emmanuel Macron était donc cet après-midi à Plougastel car la Bretagne bien sûr a été en première ligne de la tempête Kiaran.
00:15 Bretagne première région agricole de France. 60% du territoire y est consacré notamment pour l'élevage.
00:21 Et avec les coupures d'eau et d'électricité qui persistent dans certains secteurs, eh bien la situation devient très compliquée.
00:28 Invité d'RTL, bonsoir. Jonathan Chabert, bonsoir.
00:31 Bonsoir à vous.
00:33 Merci d'être avec nous. Membre du comité national de la Confédération Paysanne,
00:37 responsable d'ailleurs de la commission fruits et légumes, et vous êtes vous-même agriculteur à Plé-des-Liaques dans les côtes d'Armor.
00:42 Avant de dresser l'état des lieux, quand même une réaction à ce qu'a annoncé tout à l'heure Emmanuel Macron,
00:47 à savoir la déclaration partout où on pourra le faire, a-t-il dit, de l'état de catastrophe naturelle et de calamité agricole.
00:56 Vous êtes rassuré ?
00:58 Alors, sur l'état de calamité agricole, le statut ayant disparu, je vois pas très bien pourquoi il a dit ça.
01:04 Néanmoins, le tas de catastrophes naturelles, oui, nous l'attendons et avec urgence.
01:09 Il y a urgence ?
01:11 Il y a urgence que cet état de catastrophe naturelle soit déclenché sur toutes les communes.
01:16 Alors, si j'ai bien suivi, le président de la République a dit que ce ne sera pas par région, factuellement, puisque c'est
01:21 législativement ainsi que cela se fait par communes.
01:26 Je pense que plusieurs départements seront concernés, donc de toute façon, des régions seront totalement couvertes par cela.
01:32 Parce que, effectivement, les retours de terrain que nous avons sont apocalyptiques,
01:36 notamment sur la zone nord-phénicitérienne et nord des Côtes d'Armor, mais également dans le Morbihan, et j'ai eu quelques situations en Normandie,
01:43 avec des élevages, des exploitations maraîchères qui ont été touchées,
01:47 soit partiellement, soit détruites en totalité.
01:50 Alors, élevages et
01:53 exploitations maraîchères, quand vous dites détruites
01:56 partiellement ou en totalité, ça veut dire quoi exactement, concrètement ?
02:01 Pour ce qui est de la destruction partielle, c'est une bâche assautée ou une tôle sur un bâtiment, donc c'est réparable.
02:08 Mais quand c'est en totalité, ça veut dire que la totalité des serres maraîchères sont écrasées, bonnes pour la ferraille. C'est irrécupérable,
02:15 irréparable. Donc ce sont des unités de production, ce sont des fermes, des entreprises qui sont totalement dans l'incapacité
02:22 de pouvoir produire quoi que ce soit.
02:24 Et pour les élevages, ça signifie quoi ?
02:27 Alors pour les élevages, ça veut dire que tout le monde n'est pas équipé de
02:31 courant d'électrogène ou de frigo, donc les produits ne pourront pas être conservés au-delà de 24 heures, ils seront perdus. Donc il y a une urgence
02:37 à rétablir l'électricité sur les fermes.
02:40 Alors justement, Jonathan Chabert, quelle est la situation là ce soir ? Est-ce qu'il y a encore beaucoup d'agriculteurs bretons qui sont privés d'eau ou d'électricité ?
02:48 Alors pour ce qui est de l'électricité, effectivement, j'ai énormément de retours en ce sens.
02:52 Il y a encore énormément de communes ou de fermes où les arbres ont coupé les câbles, ont coupé l'alimentation électrique, donc elle ne pourra pas
02:59 revenir avant plusieurs jours. Donc oui, il y a des urgences. Les groupes électrogènes
03:03 tournent à fond, mais tout le monde n'en dispose pas.
03:05 L'entraide fonctionne, les groupes circulent, mais ce ne sera pas suffisant, l'électricité doit revenir.
03:09 Quand il n'y a pas de groupe électrogène, comment ça se passe pour la traite des vaches ?
03:13 Mal. Ça se passe mal, on peut pas traire. Toutes les machines sont liées à l'électricité.
03:17 C'est l'attente que le groupe puisse arriver, c'est l'attente que l'électricité arrive, donc c'est une angoisse.
03:23 Ce sont potentiellement des risques
03:25 sanitaires sur l'élevage, toutes ces suites de conséquences.
03:27 S'il n'y a pas de collecte par le camion de lait, si le groupe froid ne tient pas, c'est directement dans le caniveau.
03:32 Je voudrais parler des dégâts et des conséquences à court ou moyen terme.
03:38 Les serres détruites en partie ou en totalité ont un impact immédiat sur la production à l'arrêt et sur six à sept mois pour le temps du déblément,
03:44 le temps de la reconstruction. Donc c'est un impact sur six, sept, huit mois, voire un an.
03:48 Un an et demi, le temps que la production se relance, le temps que
03:51 l'activité puisse se reconstituer. Donc on est vraiment sur
03:56 quelque chose de défroyable.
03:58 Vous avez évoqué des conséquences à long terme. Vous disiez un an, un an et demi, par exemple, pour les producteurs de fruits et légumes
04:04 également impactés.
04:05 Vous-même, dans les Côtes d'Armor, vous avez été touché par cette tempête sur votre exploitation.
04:10 Alors personnellement, mes dégâts sont
04:13 suffisamment bénins pour ne pas être cité, mais d'autres collègues ont leur serre totalement, leur exploitation totalement écrasée.
04:19 Donc je pense fortement à eux.
04:21 Cette filière maraîchère est déjà fortement impactée par un manque abyssal de politique publique en termes de PAC
04:27 et de distanciation de concurrence.
04:30 Les assurances vont-elles vont entrer en action ? Elles vont peut-être prendre en charge le manque à gagner ?
04:35 Aucune, à ma connaissance, et selon les retours que j'ai eus, aucune ferme n'était assurée car trop peu
04:42 d'assurances, voire aucune assurance, ne proposait des couvertures assurancielles correctes pour le maraîchage,
04:47 qui est le grand oublié de la loi sur l'assurance récolte que le gouvernement a mis en place, supprimant ainsi les calamités agricoles.
04:53 Donc il y a une absolue nécessité immédiate
04:57 que le gouvernement mette en place une aide d'urgence plus conséquente et plus forte pour
05:03 rebâtir des serres, pour permettre la production, pour faire bouillir la marmite, c'est-à-dire une aide qui permette de passer l'année.
05:10 Les souvenirs de la tempête
05:12 Eunice et Franklin dans le Nord Pas-de-Calais sont bien trop vifs et nous avons vu
05:16 l'abandon des pouvoirs publics vis-à-vis de cette filière du Nord Pas-de-Calais pour ne pas
05:20 être inquiets sur les conséquences ici de la tempête.
05:24 Nous ne tolérerons pas qu'il y ait les mêmes attitudes et la même non-réponse.
05:28 Les agriculteurs avec qui vous avez pu être en contact ces dernières heures, ils vous ont confié quoi ? Leur désespoir ?
05:36 Leur colère, leur désespoir, leur désarroi. Bien évidemment, quand vous avez votre outil de production, quand vous avez votre bébé qui est écrasé,
05:44 vous n'êtes pas dans un état normal, vous êtes dans un état...
05:47 Vous êtes par terre, clairement. Donc 24 heures plus tard,
05:54 l'esprit est encore sonné. Certains ont envie de se battre, certains ont envie de
05:57 reconstruire, mais d'autres se posent clairement la question d'arrêter le métier.
06:00 Parce que vous parlez d'une aide d'urgence, ça veut dire que dans l'immédiat, il n'y a plus rien qui rentre
06:06 pour les agriculteurs, plus aucun revenu.
06:09 C'est impossible de tirer un revenu quand tu ne serres pas la terre, vous n'allez pas
06:14 passer sous un pignon qui risque de vous tomber sur la tête. Donc la première immédiateté, c'est le déblément.
06:19 Ensuite, c'est l'aide à la reconstruction. Mais dans ce timing, vous avez six mois dans lesquels vous n'avez plus de production.
06:24 Pour les exploitations, dans lesquelles les serres sont détruites totalement, vous n'avez aucune possibilité de tirer un chiffre d'affaires, un revenu.
06:31 Donc c'est un appel à l'aide que vous lancez ce soir ?
06:34 Nous lançons un appel à l'aide pour l'aide au déblément, nous lancons un appel à l'aide pour qu'aucune ferme ne soit laissée sur le côté.
06:41 Retenons les leçons de la tempête de Nice, aucune ferme ne doit être laissée de côté, j'insiste.
06:47 Prétendre à mettre en place un plan de souveraineté alimentaire pour les fruits et légumes
06:51 sans maintenir des paysannes et des paysans, c'est impossible.
06:54 C'est ça l'enjeu de cette catastrophe, c'est quel message on envoie aux paysannes et aux paysans,
06:58 dans l'urgence, est-ce qu'on les soutient ou est-ce qu'on les abandonne ? La réponse doit être claire, la réponse doit être rapide.
07:03 Vous parlez des tempêtes passées, celle-ci, elle était pire, vous avez été impacté beaucoup plus fortement que les fois précédentes ?
07:11 L'estimation que j'ai pu effectuer avec mes collègues
07:17 animateurs aux paysannes et paysans
07:18 donne un état des lieux vraiment beaucoup plus pire que ce qu'on a pu connaître en 2020, que ce qui a pu avoir lieu dans les Hauts-de-France
07:24 par la ministre et Franklin.
07:26 Oui, vraiment, on est dans un état pire, oui, complètement.
07:29 Et on a entendu votre appel à l'aide, votre demande d'un plan d'urgence et évidemment de la déclaration de l'état de catastrophe naturelle
07:38 pour toute la région. Merci beaucoup d'être intervenu ce soir sur RTL.
07:42 Jonathan Chabert, membre du comité national de la Confédération Paysanne. Merci encore.
07:47 Et bien sûr RTL, bonsoir, continue avec dans un instant
07:50 notre seconde invitée alors que le cinéma elle vend en pouf, vous le savez, et qu'elle essaie de plonger dans un nouveau projet.
07:56 Valérie Lemercier est avec nous pour évoquer ses projets, l'homophobie dans le cinéma et ses films à l'affiche et à la télé.
08:03 A tout de suite.
08:05 RTL, bonsoir jusqu'à...
08:07 [SILENCE]