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C’est une fonction dont on parle rarement mais qui est pourtant un maillon indispensable de la chaine éducative… C’est la fonction de chef d’établissement.
Quel est leur quotidien, leurs responsabilités, leurs tâches innombrables, jusqu’à la mission de sécurité au sein des établissements qu’ils dirigent ?
Directeurs, proviseurs… Sont-ils réellement des chefs d’équipe ? En ont-ils les moyens, le pouvoir, la formation ou même la volonté de faire fonctionner notre école ?
Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat.
Année de Production : 2023

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Transcription
00:00 Proviseur, le rôle principal, signé Raphaël Hirsch-Doran et Patrice Lédun, un film qui, vous l'avez compris, nous fait découvrir le quotidien des chefs d'établissement.
00:08 Que de tâches à accomplir, que de problèmes à régler, tous les jours, de tous les côtés.
00:14 Les conditions sont-elles vraiment réunies pour qu'ils et elles puissent remplir leur mission dans de bonnes conditions ?
00:20 On va en parler sur ce plateau avec nos invités. Stéphane Piednoir, bienvenue à vous.
00:23 Vous êtes sénateur LR de Maine-et-Loire, membre de la Commission de la Culture, de l'Éducation et de la Communication.
00:28 Vous êtes président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
00:32 Je précise enfin que vous êtes vous-même enseignant de profession.
00:36 Pierre Mathieu, bienvenue à vous. Vous êtes politologue, directeur de Sciences Polil, donc directeur d'établissement, vous aussi.
00:42 Vous êtes l'un des maîtres d'œuvre des réformes de Jean-Michel Blanquer. Vous avez beaucoup travaillé sur l'éducation prioritaire.
00:48 Je rappelle aussi que l'ancien ministre de l'Éducation nationale a notamment œuvré au renforcement du rôle des chefs d'établissement.
00:55 Éric Charbonnier, bienvenue. Vous êtes analyste d'éducation à l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économique.
01:02 C'est l'OCDE qui a créé il y a plus de 25 ans maintenant le fameux classement PISA,
01:06 programme international pour le suivi des acquis des élèves.
01:09 Véronique Roset, bienvenue à vous. Vous êtes proviseure du lycée international des Pontonniers à Strasbourg.
01:15 Et vous êtes secrétaire nationale chargée des carrières au sein du principal syndicat des chefs d'établissement, le SNPDEN.
01:23 Merci beaucoup à tous les quatre d'être ici et d'avoir accepté notre invitation.
01:26 D'abord un mot du documentaire, si vous le voulez bien. Le point commun de ces trois chefs d'établissement, où qu'elles se trouvent,
01:33 c'est le nombre incroyable de tâches qu'elles ont à accomplir. Peut-être trop de tâches.
01:38 Est-ce qu'on leur en demande trop ? Est-ce qu'on vous en demande beaucoup trop, Véronique Roset ?
01:42 Je ne dirais pas qu'on ne nous en demande pas trop. Simplement, ça dépend peut-être de l'établissement dans lequel vous êtes.
01:49 Parce que les établissements sont multiples, des grands et des petits. Et en fonction de la taille de l'établissement,
01:56 l'équipe de direction est plus ou moins renforcée. Et il est évident que lorsque vous êtes dans un petit établissement,
02:02 la multitude des tâches est plus importante. Parce que toutes ces tâches reviennent vers une seule personne,
02:08 qui doit constamment décider et puis impulser. Donc, je ne dirais pas trop. Simplement, c'est un métier passionnant,
02:18 qui peut parfois être un peu épuisant.
02:22 Vous vous êtes reconnue un peu dans les profils, dans les personnages qu'on voit dans ce documentaire ?
02:25 Oh, totalement. Bien évidemment, davantage dans le rôle de l'approviseur, puisque finalement, l'établissement que je dirige
02:32 ressemble pas mal à celui qu'on a vu dans le documentaire. Bien évidemment. Mais comme dans une carrière,
02:40 vous passez par différents établissements, forcément, je me suis reconnue. Peut-être un petit peu moins de la directrice d'école maternelle.
02:46 Il y a des phrases fortes qui sont prononcées dans ce documentaire. "La scolarité ne s'arrête pas aux portes de l'établissement",
02:52 nous dit l'une des directrices. "On est responsable de tout ce qui se passe dans l'établissement", nous dit une autre.
02:57 C'est une mission qui mélange tout, éducation, sécurité, pédagogie, des travaux aussi, Stéphane Piednoir.
03:03 Est-ce que ce n'est pas un peu trop, et puis un peu trop divers ?
03:05 En tout cas, je pense que moi, ce qui m'a frappé, c'est dans les profils qui ont été présentés dans le documentaire,
03:10 c'est aussi des métiers passion. On voit bien que ces trois chefs d'établissement, directrices d'école,
03:16 sont totalement impliquées, elles le vivent du matin au soir et même au-delà.
03:20 Et d'ailleurs, on a la directrice d'école qui dit à un moment donné "j'ai fait un burn-out".
03:23 C'était trop parce qu'il n'y a pas de limite, en fait.
03:26 C'est des fonctions tellement chronophages et avec tellement d'implications que ça ne s'arrête jamais.
03:32 Et je fais un parallèle avec ce que vous avez dit, madame la proviseure,
03:36 c'est que je compare ça aux missions d'un maire dans une petite commune et au maire dans une grande commune
03:42 qui est structuré, qui a un service chargé de la comptabilité, chargé des affaires sociales, des affaires scolaires, etc.
03:48 Tout est bien compartimenté et le maire, qui a aussi un métier, une mission, passion,
03:55 peut s'appuyer, peut se reposer sur toutes ces fonctions-là.
03:58 Un maire d'une petite commune fait tout.
04:00 Et c'est pareil pour un petit établissement scolaire, que ce soit dans une école ou collège, lycée,
04:05 on est tout de suite, on est multitâche, on est multifonction et on doit être au top
04:11 sur toutes les fonctions que l'État et que le législateur en particulier demandent.
04:15 – Mais ça va jusqu'à des demandes de réparation,
04:17 on en voit une à un moment donné qui attend des heures
04:19 et ça fait des mois qu'elle attend les réparations, un lavabo bouché,
04:21 enfin je veux dire, est-ce que ça ne va pas un peu trop loin ?
04:23 Est-ce qu'on a bien défini les contours de cette fonction, Pierre Mathieu ?
04:27 – Oui, mais justement, les lavabos, c'est aussi qu'avec la décentralisation,
04:31 quand on est chef d'établissement, on relève finalement de plusieurs autorités,
04:35 bien sûr l'État, mais aussi la commune ou le département ou la région
04:39 selon le niveau scolaire, donc en fait on a pas mal d'interlocuteurs de l'autre côté,
04:42 alors je ne parle même pas, bien sûr, des parents, des profs,
04:44 il y a une accumulation d'acteurs en face de soi
04:47 et puis il y a une accumulation de situations imprévisibles,
04:51 il y a un économiste qui parlait de la tyrannie des petites décisions,
04:53 je pense que quand on arrive le lundi matin,
04:55 en gros on sait ce qu'on va avoir à faire dans la semaine
04:57 mais surtout on ne sait pas ce qu'on va avoir à faire pendant la semaine
04:59 et donc il y a toujours le risque, enfin le risque,
05:01 c'est que quand on est chef, de jongler avec plein de sujets à gérer au quotidien
05:06 qui nous tombent dessus, au risque peut-être parfois
05:08 de perdre de vue des enjeux plus stratégiques
05:11 parce que son temps est mangé,
05:12 surtout dans les petits établissements on n'est pas très encadré,
05:14 le temps est mangé par la gestion des "une bonne journée",
05:17 c'est une journée à l'issue de laquelle on n'est pas sorti de la route,
05:19 ils vont passer l'expression et on a réussi à gérer à peu près tout
05:22 mais avec des dossiers d'une diversité extraordinaire,
05:25 ce qui fait le sel, je pense, du métier et parfois aussi sa frustration.
05:28 Passionnant mais épuisant aussi, Éric Charbonnier,
05:31 vous avez un regard plus international que nous tous sur cette fonction,
05:34 est-ce que c'est propre à la France,
05:36 c'est ce côté multitâche et multicasquette du chef d'établissement
05:39 et ce risque d'épuisement dont l'une des femmes de ce documentaire parle d'ailleurs ?
05:44 Oui, c'est une réalité, notamment pour les directeurs d'école,
05:48 en maternelle, en élémentaire, qui n'ont pas vraiment un statut de directeur d'école
05:51 mais qui ont un nombre de tâches administratives très important,
05:55 donc ça crée de l'épuisement
05:57 mais c'est ce qu'on retrouve aussi dans les autres pays.
05:59 Aujourd'hui, on a à la fois des pénuries d'enseignants
06:02 mais on a aussi du mal à trouver des chefs d'établissement dans beaucoup de pays
06:05 et ce n'est pas nécessairement une question de salaire,
06:08 c'est aussi une question de tâches administratives
06:11 qui sont de plus en plus nombreuses et puis aussi une pression des parents.
06:14 Les parents sont stressés pour l'orientation de leurs enfants,
06:17 les parents ont envie que ça se passe bien à l'intérieur des écoles,
06:20 donc le chef d'établissement aujourd'hui, encore plus qu'avant,
06:22 doit gérer les parents et les rassurer et ça rajoute à l'épuisement.
06:27 J'insiste un petit peu, vous venez de dire que ce n'était pas propre à la France,
06:30 c'est un phénomène qui est relativement général ?
06:33 Oui, c'est le phénomène international aujourd'hui,
06:37 on n'arrive plus à trouver des enseignants, des personnels de direction,
06:41 il n'y a un moindre intérêt pour ce métier aussi
06:43 parce qu'il n'y a pas toujours les évolutions de carrière possibles,
06:46 les évolutions de salaire, donc aujourd'hui,
06:48 les évolutions en termes de formation aussi,
06:50 une fois qu'on est en exercice, on le voit bien dans ce reportage,
06:53 les chefs d'établissement ont besoin de formation continue
06:56 mais ils n'ont pas du tout le temps d'en suivre,
06:58 donc tous ces éléments, ça fait un peu peur
07:00 et ça fait qu'aujourd'hui, un jeune étudiant n'a pas forcément envie
07:04 de s'orienter vers les métiers de l'enseignement,
07:07 que ce soit enseignant ou plus tard chef d'établissement.
07:10 Il y a quelque chose de relativement nouveau aussi qui est intervenu
07:14 et qui semble s'accélérer, j'en parlais en introduction,
07:16 c'est les questions de sécurité, le risque terroriste
07:19 et même le risque de tension à l'intérieur de l'établissement
07:22 entre communautés ou sur des questions d'identité.
07:24 Véronique Rosé, c'est un problème nouveau
07:26 que gère aussi le chef d'établissement ?
07:28 Nous avons toujours géré la sécurité des établissements,
07:31 ce n'est pas nouveau.
07:32 Il faut faire attention parce que bien évidemment
07:34 que le drame de ces dernières semaines nous fait douter
07:38 de ce qu'il faut faire dans les établissements.
07:41 Faut-il les fermer totalement, les bonkériser ?
07:44 Et les chefs d'établissement ne sont pas d'accord avec ça
07:47 parce que ça reste un établissement d'enseignement
07:50 et donc il est normal que l'on entre et que l'on sorte
07:53 et ce n'est pas une prison.
07:55 Et donc bien évidemment nous travaillons avec les collectivités territoriales
07:59 pour voir ce que nous pouvons faire pour sécuriser au maximum
08:02 ce lieu qui doit être un lieu protégé et protecteur pour les élèves.
08:08 Avec une peur plus grande quand même chez les chefs d'établissement,
08:10 un sens des responsabilités plus grands,
08:11 parce que là on parle de la vie et de la mort des élèves
08:14 mais aussi des enseignants, est-ce que cette pression s'est accentuée ?
08:17 Ces dernières années ?
08:19 Forcément, un peu, bien sûr.
08:22 Pourquoi ? Parce que finalement dès qu'un drame comme celui qui vient d'arriver se passe,
08:29 il y a une telle médiatisation autour de cet événement
08:32 que finalement les professeurs ont peur
08:35 et que les chefs d'établissement sont dans l'obligation de rassurer et de démontrer.
08:40 Les parents qui eux-mêmes laissent leurs enfants dans cet établissement toute la journée.
08:43 Tout à fait, et les parents pour rassurer.
08:45 Et justement, sur les niveaux de prise de décision,
08:49 les chefs d'établissement ont besoin d'être appuyés.
08:51 Depuis Samuel Paty, évidemment, il y a des procédures qui sont mises en place.
08:56 Ce qu'on observe, c'est qu'il y a un temps de réaction
08:59 qui est trop long pour qu'on assure la sécurité.
09:03 Je ne dis pas qu'on puisse assurer à 100% que des drames
09:06 tels auxquels on a assisté ne se reproduisent,
09:10 mais néanmoins, on l'a bien vu sur l'affaire Samuel Paty,
09:13 il y avait des signaux depuis plusieurs semaines.
09:16 Je pense qu'à un moment donné, ça a manqué de fluidité
09:18 pour qu'on dise automatiquement "retrait du professeur".
09:21 Des mesures extrêmement radicales, extrêmement rapides
09:25 pour mettre à l'abri, pour mettre en sécurité au moins l'enseignant,
09:28 puisque là, c'était concentré sur un enseignant,
09:31 c'était aussi vrai sur Dominique Bernard.
09:34 Ce que je veux dire, c'est que quand même, l'école est le reflet de la société.
09:38 Et ce qui existait avec des bagarres par les deux bans,
09:40 oui, on a pu observer des bagarres,
09:42 ce n'est quand même pas du même ordre.
09:44 Et aujourd'hui, la responsabilité, le stress des enseignants
09:47 et donc des chefs d'établissement, il est monté à un niveau extrêmement élevé.
09:52 On le voit dans les sondages d'opinion.
09:54 Un enseignant sur deux aujourd'hui se censure,
09:57 s'auto-censure pour éviter d'avoir des soucis.
09:59 Donc il y a un phénomène qui est nouveau quand même,
10:02 et qui est sans commune mesure avec ce qu'on a pu connaître
10:05 dans les décennies précédentes.
10:05 Je rappelle, je crois qu'ils n'ont pas de formation,
10:08 Éric Jabon, ils ne sont pas formés.
10:09 C'est un véritable problème.
10:10 C'est ce qu'on disait sur les enseignants,
10:12 c'est ce qu'on dit aussi sur les chefs d'établissement.
10:14 La formation n'est pas suffisamment développée.
10:18 Une fois qu'ils sont en exercice, ils n'ont plus de temps.
10:20 Leur emploi du temps, et on l'a entendu au moins trois, quatre fois
10:22 dans le reportage, est complètement pris.
10:24 Donc ils n'ont plus le temps pour être proches de leurs équipes pédagogiques.
10:27 On le voit, la principale de lycée qui est très contente
10:32 de suivre un cours de parole, de prise de parole en public,
10:37 et qui prend un véritable plaisir,
10:38 qui dit qu'elle n'a jamais le temps de le faire dans son emploi du temps.
10:41 Donc il faudrait vraiment dégager du temps pour les chefs d'établissement.
10:44 C'est ça aussi, peut-être, leur permettre d'être plus épanouis dans le métier,
10:50 même s'ils sont passionnés.
10:51 On a des exemples types là, de modèles quelque part,
10:54 mais on sait qu'il y a beaucoup de chefs d'établissement
10:57 qui ont beaucoup plus de difficultés que ceux qu'on a vus dans le reportage.
11:00 On les entend aussi se plaindre des injonctions
11:03 nombreuses et contradictoires venant de là-haut
11:07 du ministère de l'Éducation nationale, Pierre Mathieu.
11:09 Est-ce que ça, ce n'est pas quelque chose qui peut être quand même amélioré ?
11:12 Écoutez, l'expérience que j'ai, c'est qu'il y a une espèce de pas de deux permanent.
11:16 Les personnes de direction, mais aussi les profs,
11:17 sont en même temps en attente d'une forme de liberté,
11:20 qu'on leur fasse confiance.
11:21 Et en même temps, ils aiment bien quand même aussi avoir des consignes.
11:23 Mais c'est normal pour se sécuriser.
11:25 Donc vraiment, l'expérience que j'en ai, très modeste,
11:27 c'est de se dire, parfois dans les mêmes réunions,
11:30 les mêmes personnes vont nous dire "faites-nous confiance",
11:32 donc en gros, "donnez-nous les clés du camion".
11:33 Mais où est le texte, où est l'arrêté ou la circulaire
11:36 qui va un petit peu encadrer ce qu'on fait ?
11:37 Il y a 12 000 collèges et lycées, je crois, en France,
11:39 donc à chaque fois, c'est des situations différentes.
11:41 Et je pense qu'il y a des attentes différentes, en réalité.
11:43 Les gens sont plus ou moins à l'aise, selon leur passé,
11:45 selon le niveau de formation initial et continu qu'ils ont eu.
11:48 Ils sont plus ou moins à l'aise avec cette idée de l'autonomie et de la liberté.
11:50 Mais factuellement, il y a trop de consignes ou pas, Véronique Roset ?
11:53 Soyons francs.
11:53 Trop. Il y en a trop et dans des chances trop rapprochées.
11:58 En fait, ce que nous regrettons, finalement, c'est…
12:01 Vous avez des exemples concrets qui vous viennent ?
12:03 C'est-à-dire, je ne sais pas, sur l'équivalent de trois semaines, un mois,
12:05 des injonctions qui vous viennent de toutes parts, de là-haut ?
12:08 Vous souriez, mais dites-le.
12:10 La dernière sur le harcèlement.
12:12 Donc voilà.
12:14 Il nous est demandé, à la veille des vacances,
12:16 de mettre en œuvre pour le 9 novembre,
12:20 une journée du harcèlement avec un temps banalisé sur le harcèlement.
12:25 Heureusement, monsieur le ministre a écouté les organisations syndicales
12:28 et a donné un peu de souplesse à tout ça.
12:30 Mais il n'est pas possible.
12:32 Le temps de l'école n'est pas celui du temps politique.
12:35 Et donc, il faut, à un moment donné, l'entendre et le comprendre.
12:39 Le temps de l'école, nous avons besoin d'un petit peu de temps
12:42 pour mettre en place ce à quoi nous croyons,
12:44 parce que nous y croyons, à toutes ces choses.
12:46 Mais il faut juste nous laisser un peu plus de temps pour les mettre en œuvre.
12:50 Et là, notre autonomie est importante,
12:53 parce que chacun dans son établissement va le mettre en œuvre
12:56 avec les spécificités de son établissement.
12:59 C'est un appel incroyable que vous lancez.
13:01 Il est fort cet appel, on le sent quand même, Stéphane Pienoire.
13:04 Laissez-leur le temps politique, n'est pas celui de l'éducation.
13:07 Mais je valide, parce que, comme vous l'avez dit,
13:09 je suis moi-même enseignant de formation, c'est mon métier,
13:12 et on a assisté, le temps politique, c'est le troisième…
13:17 Il y a eu un ministre de l'Éducation qui a fait tout un quinquennat,
13:20 mais c'est le deuxième en peu de temps.
13:22 Et on voit bien que les établissements scolaires ont besoin de temps
13:25 pour mettre en œuvre, par exemple, un projet d'établissement.
13:28 C'est quelque chose qui se travaille, qui se peaufine d'une année sur l'autre.
13:33 On ne peut pas changer comme ça au milieu d'année,
13:36 parce qu'il y a un nouveau ministre qui prend telle ou telle décision.
13:38 Ou un fait divers tragique.
13:39 Ou un fait divers.
13:40 Ou une pression médiatique.
13:42 Sur l'autonomie, j'aurais quand même un mot un petit peu différent,
13:45 un bémol sur…
13:46 Je pense qu'il faut mettre à part le premier degré du second degré.
13:48 Parce qu'il n'y a pas de personnalité juridique pour le premier degré.
13:52 Des directeurs, des directrices d'école,
13:56 on le disait tout à l'heure pour les lavabos,
13:57 ça veut dire qu'eux-mêmes n'ont pas la possibilité de commander des travaux.
14:03 Il faut passer par la tutelle, c'est-à-dire en l'occurrence la commune, la mairie.
14:07 Il faut un chef d'établissement.
14:09 À notre sens, c'est en tout cas une position qu'on défend,
14:11 parce que si pour des problèmes de sécurité, il faut décider tout simplement…
14:15 Un exemple basique, il faut décider de fermer les grilles de l'établissement.
14:19 Il faut qu'il y ait quelqu'un qui ait l'autorité sur ses collègues
14:21 pour dire "je ferme l'établissement",
14:23 et pas en concertant un conseil d'école.
14:26 Ça ne peut pas se passer comme ça.
14:27 Il faut aller très vite, parce que parfois le danger est imminent,
14:30 et donc il faut quelqu'un qui prête des décisions, c'est ça un chef.
14:32 Et on y reviendra, sur la question de la hiérarchie et de l'autorité,
14:35 Éric Charbonnier peut-être d'abord sur ces injonctions multiples venant de…
14:39 Oui, c'est vraiment une spécificité un peu française.
14:42 On a des ministres de l'éducation qui sont passionnés d'éducation,
14:46 et on a des débats qui n'ont pas lieu ailleurs.
14:48 C'est-à-dire qu'un ministre va donner son avis sur les programmes d'histoire,
14:52 un autre sur le nombre de jours d'école.
14:55 Et finalement, ce n'est pas son rôle, forcément,
14:58 et ça crée des incohérences et du découragement au niveau des écoles.
15:01 Je vous donne l'exemple de la réforme des rythmes scolaires.
15:04 On est le seul pays au monde qui, depuis 2008,
15:07 a changé quatre fois de rythme scolaire.
15:08 On a eu quatre matinées d'école, puis on est passé à cinq matinées d'école,
15:13 puis on est revenu à quatre, puis aujourd'hui on peut choisir.
15:16 Et finalement, il y a une perte de cohérence,
15:18 et puis ce débat, il est très quantitatif en France.
15:22 On n'a pas un débat suffisamment axé sur la qualité d'éducation.
15:25 Par exemple, si on revient sur ces rythmes scolaires,
15:28 le vrai débat, c'est qu'est-ce qu'on peut faire de mieux avec les élèves.
15:30 Si on a cinq matinées d'école, ce n'est pas dire
15:33 on va avoir cinq matinées d'école où on va faire plus de maths, plus de français,
15:36 ça va régler les problèmes des élèves.
15:39 Donc, il faudrait vraiment qu'on change de débat
15:41 et d'avoir un ministre de l'Éducation qui donne les grandes lignes,
15:44 et puis après, de faire confiance aux acteurs
15:47 pour mettre en place et s'approprier les réformes,
15:49 et pas revenir en arrière comme on le fait depuis...
15:52 – C'est une passion politique.
15:55 L'éducation depuis la Troisième République,
15:56 comme l'école a été l'un des ferments du retour de la République
16:00 et de son imposition comme modèle politique dominant,
16:05 tous les ministres de l'Éducation sont des approches politiques,
16:08 pas au sens, parce que le mot politique est très noble,
16:10 mais pas comme on vient de le dire,
16:12 pas au sens de donner des grandes orientations,
16:13 puis de donner du temps au temps,
16:15 mais très vite, les résultats de PISA vont pas tarder à tomber.
16:19 – Le 5 décembre.
16:21 – Le 5 décembre, vous faites les gros yeux comme s'ils étaient catastrophiques.
16:24 Vous le savez déjà ?
16:25 – Non, je n'ai pas vu encore.
16:26 – Ce qui est très intéressant, c'est qu'on le sait par expérience,
16:29 c'est que c'est très attendu par le ministre actuel,
16:33 et ce qui est intéressant, c'est que le ministre actuel
16:34 va devoir rendre des comptes sur des données PISA
16:38 qui vont porter sur une époque où,
16:39 c'était même pas le ministre d'Avance, c'était le ministre d'Avance.
16:41 – Bien sûr.
16:42 – Voilà, donc c'est quand même, et ça, en France,
16:44 par rapport à beaucoup d'autres pays où quand même
16:45 le jeu politique et l'éducation est laissé quand même
16:48 sur le côté du jeu politique, au sens du jeu politicien,
16:50 en France, l'objet, c'est les passions parlementaires,
16:53 enfin, la question éducative.
16:54 – En revanche, la fonction du ministre,
16:57 c'est aussi de donner des consignes claires, un cadre clair,
16:59 et je pense à la baïa évidemment, le message de Gabriel Attal
17:02 en début de cette prise de fonction, tranche avec le ministre précédent,
17:07 qui était au mieux sans avis, au pire avec un avis quand même
17:11 qui était très contestable, là au moins, il y a un message,
17:15 si ce n'est présidentiel, au moins gouvernemental,
17:17 qui est extrêmement important pour les chefs d'établissement.
17:18 – Ça a été très très apprécié par les chefs d'établissement,
17:21 même si tout n'est pas réglé, mais ça a été très apprécié
17:23 par les chefs d'établissement, nous attendions cela.
17:26 – Un mot avant de justement parler de cette question
17:28 de la hiérarchie du chef d'établissement versus les enseignants,
17:31 Béronique Rosé, vous aurez remarqué que le titre du documentaire
17:33 a choisi le féminin, ses proviseurs, eux,
17:36 et les protagonistes du film sont trois femmes,
17:39 les derniers chiffres officiels montrent qu'on est à parité
17:41 quasi parfaite dans les personnels de direction,
17:44 13 406 personnels de direction, 6510 hommes, 6896 femmes,
17:49 le métier devient même légèrement plus féminin,
17:51 quel enseignement en tirer, quelles conséquences ?
17:53 – Le nombre de femmes devenues personnelles de direction
17:56 a augmenté, a fortement augmenté ces dernières années,
18:00 mais ce chiffre peut être trompeur,
18:03 parce que si nous sommes 53% de femmes contre 47% d'hommes
18:07 dans cette fonction, les postes occupés ne reflètent pas finalement
18:12 cette presque parité, puisque les postes occupés restent quand même
18:16 pour les établissements de grande taille ou prestigieux,
18:21 quand même plus attribués aux hommes qu'aux femmes,
18:24 même si je dois reconnaître néanmoins que le ministère
18:27 a fait de gros efforts depuis 2016.
18:29 – Dans l'expression "chef d'établissement", il y a le mot "chef",
18:32 et je demandais en introduction s'il n'y avait pas un abus de langage,
18:35 parce qu'en effet un directeur ou une directrice d'école
18:38 n'a pas vraiment, voire pas du tout, autorité sur les enseignants.
18:42 Écoutez.
18:43 – Il n'y a pas de rapport de hiérarchie dans le premier degré,
18:46 c'est-à-dire que moi je ne suis pas le supérieur hiérarchique
18:48 de mes collègues, en fait je suis un collègue de travail
18:51 qui a une fonction de directeur,
18:53 mais je ne suis pas du tout leur supérieur hiérarchique.
18:55 Après, il y a des choses sur lesquelles l'organisation fait que
18:59 il y a des choses des fois qui sont un peu plus descendantes
19:01 parce qu'il faut que les choses avancent et se mettent en place,
19:04 mais sinon on est plutôt sur un rapport d'égalité,
19:06 on fonctionne beaucoup de manière collégiale,
19:08 donc on se réunit beaucoup.
19:09 – Ça reste une interrogation, peut-être même une énigme,
19:14 Stéphane Piednoir, pourquoi pas de rapport hiérarchique
19:17 entre le chef d'établissement,
19:18 je n'invente pas le terme, un chef d'établissement,
19:20 et les enseignants, d'après vous ?
19:23 – Parce que d'abord une école n'est pas un établissement scolaire,
19:27 ce n'est pas que de la sémantique, les connaisseurs savent,
19:31 mais il n'y a pas de personnalité juridique,
19:33 encore une fois, pour une école,
19:35 c'est un premier degré, donc maternel, élémentaire,
19:38 tout l'enseignement primaire,
19:40 vraiment il y a un distinguo à faire avec le secondaire,
19:42 et la position c'est effectivement un collègue
19:45 qui a en suce de son service, la plupart du temps,
19:49 des responsabilités de direction d'école,
19:51 avec la plupart du temps, en tout cas très souvent, pas de décharge.
19:55 C'est un collègue qui assume des fonctions supplémentaires.
19:58 Il y a vraiment quelque chose pour nous qui manque,
20:00 on a essayé de proposer avec nos collègues de la commission culture,
20:03 Max Brisson avait déposé des propositions dans ce sens-là,
20:06 pour dire "allons jusqu'au bout et faisons du chef de l'école,
20:10 on l'appelle comme on veut, mais en tout cas un vrai chef d'établissement
20:13 avec une responsabilité hiérarchique".
20:15 On sait que les enseignants y sont très majoritairement opposés.
20:18 Ça reste très atypique dans les pays de l'OCDE,
20:21 on a des chefs d'établissement dans les écoles maternelles,
20:24 élémentaires, dans la plupart des pays,
20:26 c'est-à-dire qu'ils ont des salaires assez proches
20:28 de ceux qu'ils vont exercer au collège et lycée,
20:31 donc ça doit être une véritable réflexion aujourd'hui en France.
20:35 Alors on a aussi une spécificité d'avoir beaucoup d'établissements,
20:38 on a plus de 50 000 écoles maternelles et écoles élémentaires,
20:41 c'est beaucoup plus que dans les autres pays,
20:43 donc on aurait du mal d'avoir un chef d'établissement pour chaque école.
20:47 - On peut imaginer qu'il y a des choses qui se font encore une fois
20:49 dans le privé avec des regroupements,
20:51 des associations d'écoles du premier degré,
20:54 et on nomme un chef d'établissement pour deux, trois écoles,
20:57 de manière à avoir un effectif, un nombre de classes suffisant.
20:59 - Et les enseignants n'ont pas de compte à rendre à leur chef d'établissement.
21:03 - En fait, si je peux me permettre, il y a deux modèles,
21:04 il y a le modèle de l'école élémentaire et de l'enseignement supérieur,
21:08 où quand on dirige, on est primus inter pares,
21:09 on est l'un parmi les autres, c'est-à-dire qu'on reste un enseignant
21:12 qui exerce une responsabilité, parfois à temps plein, parfois pas à temps plein,
21:15 et ça a des avantages quand même,
21:17 c'est-à-dire qu'on reste considéré par les collègues comme étant un collègue,
21:20 alors que quand on devient personnel de direction,
21:22 on change de corps, si vous voyez ce que je veux dire.
21:23 - Mais Véronique Croté, c'est un sujet ou pas
21:26 qu'il n'y ait pas d'autorité de la part du chef d'établissement sur les enseignants,
21:31 est-ce que c'est un problème, est-ce que ça devrait changer ?
21:33 - Non, je ne dirais pas que c'est un problème, non, et ça ne doit pas changer.
21:36 En fait, il y a cette autorité fonctionnelle.
21:38 Nous avons un rôle pédagogique, effectivement, nous menons des projets,
21:45 nous sommes là pour piloter les moyens, etc.
21:50 Donc, je crois que l'autorité n'est pas remise en question par les enseignants.
21:56 - D'accord, mais le pouvoir de sanction, un professeur, je vous donne un exemple,
21:59 qui est tout le temps absent ou dont les élèves se plaignent
22:02 parce que le cours est mal fait,
22:04 c'est-à-dire que personne au sein de l'établissement ne peut y remédier, en fait,
22:07 c'est ce que vous nous dites.
22:08 - Alors, c'est difficile, parce qu'un enseignant, effectivement,
22:12 qui n'assume pas complètement ses missions comme il le devrait,
22:19 c'est compliqué de le mettre...
22:23 - Pourquoi ça arrive à l'inspecteur d'académie ?
22:24 Parfois, il y a quand même des filtres, si vous me permettez l'expression,
22:27 qui sont assez forts et qui empêchent justement la prise de conscience,
22:30 la prise de connaissance.
22:31 - Franchement, vous vous sentez impuissante quand il y a un professeur qui pose un souci,
22:35 on ne peut rien faire, vous ne pouvez rien faire.
22:36 - C'est long, en fait, je ne me sens pas impuissante, simplement, c'est long.
22:40 Lorsque quelque chose est mis en œuvre, c'est long,
22:42 et nous nous appuyons aussi, il ne faut pas oublier les inspecteurs dans cette chaîne.
22:46 - Mais que certains inspecteurs voient une fois tous les dix ans ?
22:49 - Oui, enfin, ça dépend.
22:51 Là aussi, je crois qu'il ne faut pas être dans la caricature,
22:54 les inspecteurs sont davantage présents dans les établissements.
22:57 - Ce sont eux les supérieurs hiérarchiques des enseignants ?
22:59 Ce sont les inspecteurs ?
23:01 - Oui, de fait, oui.
23:04 Mais les chefs d'établissement travaillent quand même de plus en plus avec les inspecteurs,
23:08 et lorsqu'il y a un souci avec un enseignant,
23:10 finalement, le chef d'établissement s'appuie sur l'inspecteur pour faire monter,
23:15 faire un rapport, faire remonter les dysfonctionnements.
23:18 Et c'est là, après, que je dis qu'il ne faut pas être pressé.
23:22 Voilà, il ne se passe pas rien, mais il ne faut pas être pressé.
23:25 - Parce que quand des parents se plaignent, juste ou à raison ou pas d'un enseignant,
23:28 l'argument consiste à dire "il ne faut pas être pressé".
23:31 Les parents, si un enseignant est absent de manière récurrente,
23:34 expliquer qu'il ne faut pas être pressé,
23:36 quand il y a le bac qui s'annonce par exemple et que le prof n'est pas là,
23:38 il y a une espèce de yéti sur les deux quand même.
23:40 - Je pointe le sujet de façon naïve et sans jugement,
23:42 mais réellement, le chef d'établissement n'a pas autorité
23:45 s'il se passe le moindre problème avec un enseignant.
23:47 - En France, c'est vrai qu'il y a cette liberté pédagogique
23:51 avec les enseignants qui font cours
23:53 et qui n'ont pas à rendre forcément des comptes à leur chef d'établissement.
23:57 On le voit dans nos statistiques, nous.
23:59 La France est le pays où les chefs d'établissement vont moins observer
24:02 ce qui se passe dans la classe de leurs collègues,
24:05 où les enseignants travaillent le moins en équipe,
24:08 où ils sont évalués si peu.
24:10 Donc voilà, on a une culture de liberté pédagogique
24:13 qui veut dire qu'aujourd'hui, les enseignants ont un peu cette liberté.
24:18 - C'est culturel, c'est philosophique, c'est quelque chose qu'on ne s'autorise pas ?
24:21 - Si je puis me permettre, je crois que les chefs
24:24 essayent d'incarner une culture collective et de la collégialité.
24:28 Les enseignants ont une culture professionnelle
24:30 qui est quand même une culture assez individualiste
24:32 et les personnes, j'appelle ça les perdires, les personnes de direction,
24:36 ont du mal à construire un rapport collégial au travail dans l'établissement.
24:40 Je le dis avec mes mots à moi, mais quand même, on le constate.
24:43 La réforme du bac que j'ai essayé de mettre en place, qui a été très critiquée
24:45 sur les plans d'évaluation d'établissement,
24:48 donc en gros pour l'accompagnement du contrôle continu,
24:50 les chefs ont beaucoup de mal à réunir les enseignants
24:53 pour se mettre d'accord sur les processus de contrôle continu,
24:56 alors que pour nous ici, ça nous paraît assez évident,
24:58 c'est assez compliqué à mettre en place.
25:00 - Alors si vous allez en Finlande, au Canada, au Royaume-Uni,
25:03 vous avez les chefs d'établissement qui vont même recruter les enseignants,
25:07 qui vont décider avec eux du programme de formation continue.
25:10 - Oui, pour aller jusqu'où ce pouvoir ?
25:11 Jusqu'au pouvoir de muter, sur le salaire ?
25:14 - Ça va jusqu'au pouvoir de muter dans certains pays,
25:18 mais ce n'est pas forcément avoir plus d'autorité pour sanctionner les enseignants,
25:23 c'est être là aussi pour les accompagner,
25:24 pour avoir une culture de l'établissement
25:27 qui va être au service de développement de projets,
25:29 d'une formation continue sur les besoins.
25:31 - Il y a énormément de choses sur le comportement des enseignants,
25:34 potentiellement, avec aussi des risques et des traverses,
25:37 de vouloir plaire aux chefs d'établissement pour être récompensés en échange,
25:40 ce qui peut aussi se passer dans le privé quand on a un chef.
25:43 - La question ne se pose pas dans le secondaire.
25:46 On a un chef d'établissement, un principal, un proviseur,
25:49 qui est notre supérieur hiérarchique.
25:50 - Il y a autorité sur les enseignants ? Jusqu'à quel point ?
25:52 - On est noté, il y a une notation pédagogique,
25:55 une notation par l'inspecteur, mais il y a une notation administrative.
25:59 C'est vrai qu'on est très vite au plafond, mais quand même,
26:02 j'ai vu des collègues dont la notation administrative a diminué
26:07 pour des raisons d'absenteeisme.
26:08 Oui, c'était des cas plutôt lourds, mais ça existe.
26:12 Sur l'autonomie, je voudrais dire un mot, parce qu'il y a une expérimentation.
26:16 - Juste, parce que là, il faut quand même que je rebondisse.
26:18 Effectivement, le chef d'établissement est là pour alerter
26:21 lorsqu'il y a un dysfonctionnement.
26:22 Et je répète, il l'alerte avec l'inspecteur.
26:28 Et en fait, ces rapports, finalement, sont destinés au rectorat,
26:32 au service des rectorats.
26:35 C'est le recteur, au final, qui prendra la décision de sanctionner,
26:40 de mettre en place une commission disciplinaire, etc.
26:43 Donc, il ne se passe pas rien.
26:45 - Vous dites juste que ça prend du temps.
26:48 - On n'est pas à le sentiment que le chef d'établissement ne peut rien faire.
26:50 Ce n'est pas du tout la réalité.
26:52 - Alors, oui, je vous laisse terminer. Allez-y.
26:55 - Je vous demande de vous autonomiser, parce qu'il y a cette expérimentation à Marseille.
26:57 Vous savez, le président de la République a d'aller à Marseille,
27:00 qui a constaté un certain nombre de choses,
27:01 dit qu'il faut innover, il faut permettre,
27:04 d'ailleurs, on le voit sur l'école,
27:06 puisque c'est dans un quartier de Marseille extrêmement pauvre, quand même,
27:10 et donc permettre des choses, des innovations avec des crédits supplémentaires.
27:14 Elle le dit, c'est formidable.
27:15 On arrive à faire des choses qu'on n'imaginait pas avec du matériel,
27:18 tout simplement du mobilier,
27:20 faire venir les parents en dehors du temps scolaire.
27:23 Moi, je trouve que c'est plutôt là, leur place que sur le temps scolaire.
27:26 C'est un avis personnel.
27:28 C'est exactement ce qu'on a proposé,
27:30 encore une fois, au sein de la commission culture pour mon groupe.
27:33 C'est exactement ce qui permettrait, dans certains coins de France,
27:37 de faire évoluer, de stabiliser les équipes éducatives aussi,
27:40 parce qu'on voit bien dans les établissements difficiles à réputation,
27:45 eh bien, ça tourne beaucoup.
27:46 On en voit de jeunes collègues, de jeunes professeurs sans expérience,
27:50 qui sont vite démunis.
27:51 - Et qui, du coup, ne restent pas.
27:52 - Et qui n'ont qu'une envie, c'est de cesser de partir.
27:54 Donc ça, ça permettrait de stabiliser un peu les équipes,
27:56 avec peut-être éventuellement aussi une petite latitude
27:59 sur le niveau de rémunération.
28:01 Je rappelle que directeur d'école, quand on débute, c'est 1 700 euros net.
28:05 Ça ne fait pas totalement rêver non plus.
28:07 - Alors, on ne l'a pas encore évoqué, mais il y a aussi la solitude
28:08 qui va de pair avec la fonction de chef d'établissement.
28:11 Et cette solitude, elle est encore plus forte lorsqu'on est face à des collègues
28:14 peu accommodants, et cela arrive, apparemment.
28:17 On va revoir ensemble cette séquence, qui vous a marqué, je le sais,
28:19 où l'improviseur se bat pour que certains acceptent de venir
28:23 un peu plus tôt, deux jours dans l'année, le jour des inscriptions.
28:26 - Et maintenant, on part du sujet qui fâche, les horaires.
28:31 L'année dernière, quand on a ouvert les grilles, c'était de la folie,
28:34 il y avait une file d'attente dehors.
28:36 C'était de la folie.
28:38 Il faut qu'on ouvre plus tôt pour que ça démarre plus calmement.
28:41 Donc oui, je sais, ça fait un jour tôt à se lever,
28:44 mais on peut le faire une fois dans l'année.
28:49 Je vous écoute.
28:50 - D'ailleurs, on avait fait 9h16.
28:54 Je craque ma tête.
28:56 - On va passer à 8h18.
28:59 - C'est pas un jour, c'est trois jours, du coup.
29:01 C'est les trois jours deux secondes.
29:02 - Le vendredi, on peut alléger, en fait,
29:04 puisque là, on n'aura que les gens sur rendez-vous, quasiment.
29:07 Mais voilà, obliger des parents à prendre des demi-journées de congé,
29:11 c'est facile pour nous, par exemple.
29:13 Je ne suis pas sûre qu'à monoprise, ce soit très simple de dire qu'on prend...
29:18 qu'on arrivera en retard pour aller inscrire son enfant.
29:21 - Véronique Roset, qu'est-ce qu'elle dit, cette séquence ?
29:25 - Elle dit tout simplement que le chef d'établissement
29:27 ne peut pas faire preuve d'autoritarisme,
29:29 mais qu'il est obligé de convaincre et finalement de rappeler à chacun
29:33 que nous avons une mission de service public
29:35 et que nous sommes là quand même, et pour les élèves et pour les familles,
29:38 et que dans ce cas-là, tout simplement, il faut faire...
29:42 il faut accepter de faire un petit peu au-delà des horaires qui sont prévus
29:47 de façon à ce que... - Elle est caricaturale, cette scène ?
29:49 Ou elle est... - Un peu.
29:51 - Oui, c'est-à-dire que c'est pas fréquent, en fait, ce genre de problème ?
29:54 - Si. - Ah.
29:55 - Alors elle est pas caricaturale.
29:57 (Rires)
29:59 - Ça arrive, mais en règle générale, chacun comprend à un moment donné
30:03 qu'il doit faire un effort parce que nous sommes là
30:06 au service des familles et des élèves,
30:08 et que pour le bien de l'établissement, chacun doit faire un effort.
30:10 Donc ça me fait sourire, même rire, parce que finalement,
30:15 ça m'est arrivé assez régulièrement.
30:19 Mais je n'ai jamais... on ne m'a jamais opposé à un refus.
30:22 Je n'ai jamais, dans ma carrière, eu un refus.
30:24 - On finit par y arriver. - C'est du bon sens.
30:26 - Pierre-Mathieu ?
30:27 - À un moment donné, on se rappelle plus, mais ils proposent
30:30 que ce soit les AED qui s'en occupent, c'est-à-dire en gros les contractuels.
30:33 Il y a des routines, c'est quand même un niveau d'épuisement
30:35 pour arriver à convaincre.
30:36 Si une proviseure doit faire ce travail-là, une réunion
30:40 avec toutes les personnes concernées pour deux jours dans l'année,
30:42 qu'ils arrivent une demi-heure plus tôt,
30:43 c'est-à-dire que quand on veut faire des réformes plus importantes,
30:45 alors là, il faut se lever la veille.
30:47 - Est-ce que le fond du problème, il est aussi là ?
30:49 C'est-à-dire qu'il y a, je ne sais pas, une corporation,
30:51 des corporations qui sont quand même un petit peu difficiles à convaincre,
30:55 que c'est compliqué, que c'est une machine lourde.
30:57 Un certain ministre a un jour parlé de Mammouth. Est-ce que c'est ça ?
31:00 - C'est une machine lourde.
31:01 Et quand on est chef d'établissement avec 50, 100 profs,
31:04 c'est ce qui peut arriver.
31:06 Il y a un vrai rôle de conviction, c'est un vrai rôle de manager, en fait.
31:10 On a une équipe parfois conséquente à manager.
31:13 C'est du vrai management d'équipe.
31:15 Et il faut faire confiance.
31:16 - Oui, sauf que dans le privé, pardonnez-moi,
31:18 les employés, a priori, ne rechignent pas à arriver plus tôt.
31:20 Ils n'ont pas tellement le choix. Ils savent aussi que...
31:22 - Là, c'est peut-être un peu caricatural, du coup.
31:24 Il y a des difficultés, probablement, vous savez,
31:26 quand il s'agit de grignoter une demi-heure par-ci, par-là.
31:28 Ce qui est important, c'est qu'il y ait une adhésion.
31:30 On voit que ça grogne un peu, mais on va y arriver.
31:33 Mais c'est deux jours dans l'année.
31:35 On parle d'une demi-heure, venir une demi-heure plus tôt le matin.
31:38 Mais il faut pour ça une complicité,
31:41 que le corps professoral comprenne bien
31:44 que le chef d'établissement est avec eux
31:46 et que c'est pour le bien de l'établissement,
31:48 pour le bien de tous, qu'il leur demande un petit effort,
31:50 ponctuellement, sur deux jours.
31:52 - C'est quand même assez incroyable de voir
31:54 comment elle est stressée face à cette situation.
31:56 Alors qu'elle gère, dans tout le reportage,
31:58 des situations qui sont bien plus difficiles.
32:00 Mais parler à son équipe, pour justement avoir l'adhésion,
32:04 venir plus tôt...
32:06 - Je voudrais quand même dire,
32:08 je sens quand même une petite caricature,
32:10 parce que les professeurs, quand même,
32:12 nous faisons énormément de réunions.
32:14 Des réunions très peu dans la journée,
32:16 mais surtout le soir.
32:18 Et les professeurs sont extrêmement sollicités
32:20 pour des réunions pédagogiques,
32:22 touchant à l'orientation,
32:24 les réunions parents-professeurs, les conseils de classe.
32:26 Il y a quand même énormément de réunions
32:28 qui se font, et les professeurs sont là.
32:32 Ils ne sont pas à pointer, finalement...
32:35 - Les heures, ils ne rechignent pas.
32:37 - Les heures qui passent dans l'établissement.
32:39 - On voit chez les enseignants qu'il y a un nombre d'heures invisibles
32:41 qui ne cessent de grossir.
32:43 - Oui, mais ce que je trouve marquant dans cette séquence,
32:45 c'est que ça participe de l'isolement du chef d'établissement.
32:47 C'est lui tout seul qui doit quand même convaincre,
32:49 alors que lui non plus, il n'a pas forcément envie
32:51 de venir une demi-heure plus tôt, trois quarts d'heure plus tôt.
32:53 - Quand on parle de management, c'est exactement ça.
32:55 Nous avons vraiment un rôle de management
32:57 de plus en plus important.
32:59 Je trouve que par rapport au moment
33:01 où je suis entrée dans la fonction,
33:03 j'ai eu plus de temps dans la journée
33:05 à être près des personnels, à les écouter,
33:07 à les emmener finalement dans la même direction.
33:11 Et c'est vrai que tout le reste du travail,
33:13 finalement, se fait lorsque tout le monde est parti.
33:17 Et c'est finalement la charge, la surcharge du travail,
33:19 elle vient de là également,
33:21 parce que nous avons un rôle pédagogique,
33:23 donc avec les équipes d'enseignants
33:25 et des autres personnels,
33:27 mais nous avons aussi la responsabilité
33:29 de tout ce qui est administratif,
33:31 tout ce qui est sécurité.
33:33 Et c'est là, finalement,
33:35 que les fonctions de chef d'établissement sont lourdes.
33:37 - Alors ça m'amène à ma dernière question,
33:39 et ce sera un dernier tour de table
33:41 relativement rapide si possible.
33:43 Quelle serait la mesure à prendre pour améliorer
33:45 le quotidien des chefs d'établissement,
33:47 si on devait conclure cette émission ?
33:49 C'est un peu brutal comme question,
33:51 mais dans l'idée, qu'est-ce qu'on devrait faire ?
33:53 - J'ai parlé de l'autonomie tout à l'heure,
33:55 je pense qu'il y a vraiment une confiance
33:57 à accorder, alléger les charges administratives.
33:59 Au premier degré, il y a 108 heures en plus
34:01 de l'enseignement, dans les EPLE,
34:03 les collèges et les lycées, il y a aussi
34:05 des marges de manœuvre, sauf qu'aujourd'hui,
34:07 de plus en plus, et de manière récurrente,
34:09 quand les ministres prennent des décisions,
34:11 ils disent "vous allez mettre en place
34:13 la mesure que j'ai envie de porter,
34:15 mais vous allez le prendre sur vos marges de manœuvre".
34:17 Ça, c'est pas possible. Une réforme, elle doit s'accompagner
34:19 de moyens à chaque fois, soit on a les moyens
34:21 de ses ambitions, soit on ne le fait pas.
34:23 Et puis, revaloriser, évidemment, la fonction,
34:25 une question d'autorité aussi, revaloriser parce que...
34:27 - Ça fait beaucoup, là !
34:29 - Je pense que c'est essentiel quand on sait
34:31 qu'il y a 20% des places de concours
34:33 qui ne sont pas pourvues,
34:35 il y a aussi un manque d'attractivité du métier,
34:37 n'oublions pas que les chefs d'établissement,
34:39 c'est des anciens professeurs, la plupart du temps,
34:41 et que si on peine à recruter
34:43 des anciens professeurs, on retrouvera,
34:45 on décalera le problème sur les chefs d'établissement.
34:47 - Les chefs d'établissement, effectivement,
34:49 il y a l'entrée dans la fonction, en fait,
34:51 elle n'est absolument pas attractive, puisque
34:53 les enseignants, lorsqu'ils font quelques heures supplémentaires,
34:55 finalement, gagnent davantage
34:57 qu'un chef d'établissement
34:59 lorsqu'il commence.
35:01 Ensuite, le parcours de carrière
35:03 fait que, finalement, il y a quand même
35:05 une progression, il ne faut pas dire non plus
35:07 qu'il n'y a pas de progression,
35:09 néanmoins, l'entrée dans la fonction n'est pas du tout
35:11 valorisante, et pour moi,
35:13 effectivement, je vous rejoins totalement,
35:15 c'est le pôle administratif qu'il faut renforcer,
35:17 un vrai pôle administratif permettrait
35:19 aux chefs d'établissement de mieux faire leur métier.
35:23 - Monsieur Bonnier, Pierre Mathieu ?
35:25 - Il y a différentes mesures différenciées.
35:27 Sur le premier degré, maternelle, élémentaire,
35:29 il faut vraiment donner un pouvoir hiérarchique
35:31 aux directeurs d'école,
35:33 c'est indispensable pour les aider,
35:35 aussi dans la prise de décision
35:37 qu'ils ont à prendre au quotidien.
35:39 Et sur le second degré, il faut leur offrir
35:41 du temps pour de la formation.
35:43 Je crois qu'on a tous besoin de se former
35:45 tout au long de la vie, et c'est dommage de voir
35:47 que l'ensemble des tâches administratives
35:49 bouffent le temps des chefs d'établissement.
35:51 Il faut leur offrir du temps
35:53 pour une formation sur leurs besoins,
35:55 pour pouvoir s'aérer l'esprit de temps à autre.
35:57 - Pierre Mathieu ?
35:59 - Je résume.
36:01 Entrer dans la carrière, déroulement de carrière,
36:03 et formation, parce que malheureusement
36:05 la formation c'est le luxe.
36:07 Ils s'inscrivent à une formation,
36:09 et finalement ils n'y vont pas,
36:11 parce qu'il y a un dossier qui leur tombe dessus.
36:13 Et comme j'ai la chance maintenant
36:15 de participer à la formation continue
36:17 et initiale des personnels de direction,
36:19 c'est un dossier armé au sens d'une bonne culture générale,
36:21 une connaissance juridique, etc.
36:23 Ça manque beaucoup, et je pense que quand on se sent armé,
36:25 on se sent plus en situation
36:27 de maîtriser les dossiers qu'on a à gérer.
36:29 - Voilà, plein de choses de dites, plein d'appels lancés.
36:31 Merci, merci à vous quatre d'avoir participé à cette émission.
36:33 Merci à vous de nous avoir suivis comme chaque semaine.
36:35 Émissions et documentaires à retrouver en replay
36:37 sur notre plateforme publicsena.fr.
36:39 À très bientôt sur Public Sénat. Merci.
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