De tous temps, les Bretons ont mené bien des batailles pour sauvegarder leur culture, riche de sa langue, de ses musiques, et de ses danses.
Pourtant la Bretagne fut longtemps une terre oubliée, délaissée par la République qui interdisait sa langue. Elle est cette pépite remuante et irrévérencieuse dont les traditions, la beauté naturelle des rivages et les réussites économiques ont fait d'elle la région préférée des Français. Des longues années de relégation à leurs grandes colères, les Bretons ont écrit depuis la fin du XIXe siècle une passionnante saga. Année de Production :
Pourtant la Bretagne fut longtemps une terre oubliée, délaissée par la République qui interdisait sa langue. Elle est cette pépite remuante et irrévérencieuse dont les traditions, la beauté naturelle des rivages et les réussites économiques ont fait d'elle la région préférée des Français. Des longues années de relégation à leurs grandes colères, les Bretons ont écrit depuis la fin du XIXe siècle une passionnante saga. Année de Production :
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00:00:00La pointe du Rhin, l'extrême ouest de la France.
00:00:15Derrière ces rochers s'étend la Bretagne, une terre de paysans et de marins.
00:00:23Les Bretons ont mené bien des batailles pour sauvegarder leur culture,
00:00:34riche de sa langue, de ses musiques et de ses danses.
00:00:37Elle fut pourtant une région oubliée, longtemps délaissée par la République.
00:00:48A la fin du XIXe siècle, on interdisait sa langue dans les écoles
00:00:56et les instituteurs punissaient les élèves qui la parlaient.
00:01:02Pour survivre, de nombreux Bretons s'exilaient à Paris.
00:01:11Après la Seconde Guerre mondiale, partout en France, la révolution agricole bouleversait la vie paysanne.
00:01:19Les paysans bretons quittaient massivement leurs terres.
00:01:22Allaient-ils perdre leur identité en embauchant à l'usine ?
00:01:27Vint ensuite le temps des colères, pour dénoncer le mépris dont ils se sentaient victimes depuis si longtemps.
00:01:36Les années 70 furent celles d'une renaissance.
00:01:39Une partie de la jeunesse bretonne redécouvrait sa culture.
00:01:43Elle se réappropriait sa langue et sa musique.
00:01:48Des longues années de relégation au moment de révolte,
00:01:52les Bretons ont écrit une passionnante saga.
00:01:57La Bretagne est aujourd'hui la région préférée des Français.
00:02:09Notre histoire débute à la fin du XIXe siècle,
00:02:14quand les ports de Cancale à Saint-Nazaire débordent de navires à voile.
00:02:21A leurs bords, la plupart des marins pratiquent une pêche côtière sur ces rudimentaires chaloupes.
00:02:27Leurs noms sont les marins de Cancale.
00:02:31Leurs noms sont les marins de Cancale.
00:02:35Leurs noms sont les marins de Cancale.
00:02:40Leurs noms sont les marins de Cancale.
00:02:46Mon père a commencé la pêche à la sardine à la voile à 11 ans,
00:02:51à la suite du décès de son père.
00:02:56Il a été embarqué sur des chaloupes.
00:03:01Son boulot était relativement dur de temps en temps.
00:03:06Il m'a raconté ça.
00:03:12Il était en but à des gars assez rudes.
00:03:17Il ne prenait pas de gants avec les enfants, il fallait qu'ils bossent.
00:03:22Il s'est confronté à un métier très rude, alors que mon père aurait aimé continuer l'école.
00:03:30Quand ils étaient en escale, ils dormaient à bord des bateaux.
00:03:35Ils faisaient ce qu'on appelle cabaner, c'est-à-dire qu'ils tendaient une toile dessus
00:03:40pour s'abriter un petit peu, ils faisaient leur cuisine à bord.
00:03:45Ils le faisaient au feu, c'était très horreur.
00:03:51Les gars n'étaient pas à l'abri, les vêtements n'étaient pas adaptés.
00:03:56Il y avait beaucoup de laine, il n'y avait pas forcément des bottes en caoutchouc.
00:04:02C'était des conditions sanitaires relativement moyennes.
00:04:10Les marins, en général, suivaient la sardine.
00:04:15C'était des flottis, on va dire, nomades.
00:04:20Ils descendaient le long de la côte, ils suivaient la sardine.
00:04:25Ils essaimaient au croisique, à la turballe.
00:04:30Il y a beaucoup de douarnonistes qui ont fait souche parce que
00:04:34les femmes aussi descendaient pour bosser dans les usines.
00:04:39Puisque l'activité des usines était liée à la sardine,
00:04:44les femmes suivaient aussi d'une certaine façon.
00:04:49Il y a eu beaucoup de gens qui se sont établis au croisique,
00:04:54à la turballe, un peu partout.
00:05:00Les pêcheurs de sardines de Douarnenez,
00:05:05de thon de l'Île-de-Groix et d'Ethel,
00:05:10de langoustes à Audiernes,
00:05:15les ramasseuses d'huîtres de Cancale ou de l'Abervrac,
00:05:20toutes ces tribus de pêcheurs ont écrit le récit maritime de la région.
00:05:25C'est l'un des plus pauvres.
00:05:30Je pense que c'était une enfance dure.
00:05:35Ils ne seraient pas allés au champ ou dans une ferme.
00:05:40C'était un autre monde.
00:05:45Il y a un certain mépris par rapport à ça.
00:05:50Le manga de la campagne d'Aune, c'est la campagne profonde.
00:05:55Ça disait tout le mépris.
00:06:00La beauté des bords de mer, la richesse des traditions maritimes
00:06:05ont fait oublier que la Bretagne est avant tout une région
00:06:10dont la culture vient des campagnes.
00:06:15Son histoire est faite de scènes de la vie rurale,
00:06:20animées par des hommes et des femmes fiers de vivre ensemble,
00:06:25unies par un même attachement à leur terre.
00:06:30Elle a été nourrie par la sueur des paysans
00:06:35qui pénètrent à travailler les sols pauvres des vastes landes
00:06:40Cette terre que je travaille,
00:06:45nos racines agricoles plongent dedans.
00:06:50Quand elles plongent dans cette terre,
00:06:55elles vont retrouver la langue de nos ancêtres,
00:07:00leur danse et toute leur culture.
00:07:05Cette culture-là, c'était la leur et c'est notre héritage.
00:07:15La Bretagne est profondément catholique.
00:07:20Elle est composée de 9 petits pays avec ses accents.
00:07:25Le Léon, la Cornouaille, le Trégor, le pays de Saint-Brieuc,
00:07:30le Mont-de-Malo, ceux de Dolle, de Rennes et de Nantes.
00:07:35Partout, les familles comptent une dizaine d'enfants
00:07:40et font de la Bretagne la région la plus peuplée de France.
00:07:45À cette époque, la campagne est un bocage
00:07:50sillonné de hautes allues dressées par les paysans
00:07:56Elle est un des dalles d'innombrables petites fermes
00:08:01pauvres et isolées qui appartiennent souvent à des aristocrates locaux.
00:08:06Ma grand-mère est venue ici à la ferme de Carnévinon.
00:08:11Elle avait 5 ans.
00:08:16Elle était l'aînée de 3 enfants qui sont venus ici comme locataires,
00:08:21fermiers d'un château avec 17 fermes autour.
00:08:26Ils comptaient beaucoup sur leur force physique,
00:08:31sur leur sagesse, leur adresse et leur perception des cycles de la nature.
00:08:36C'était primordial et on vivait avec les saisons.
00:08:41C'est vrai qu'ils étaient pauvres.
00:08:46Ils n'avaient pas beaucoup de moyens.
00:08:51Ils n'avaient pas non plus de besoins pour vivre.
00:08:56Ils vivaient comme on vivait dans toute l'Europe de cette époque
00:09:01avec des chevaux, des vaches, des cochons
00:09:06en vivant simplement avec le feu de bois et le courage de ses habitants.
00:09:16Il y avait donc essentiellement de petites fermes,
00:09:21dont celle de mes parents qui n'a jamais eu plus de 3 hectares et demi
00:09:26où il y avait quelques bêtes, des vaches, un ou deux cochons, un cheval.
00:09:31Donc c'était très très très dur.
00:09:46En Finistère-Nord, les paysans produisent des choux-fleurs et des artichauts
00:09:51qui partent vers Paris avec les premiers trains qui se développent en cette fin du XIXe siècle.
00:10:04Il y avait un marché à la gare de Plonio où il y avait des expéditeurs
00:10:09et puis ils allaient vendre leurs choux-fleurs.
00:10:14Ils avaient beaucoup de temps à attendre, donc on leur achète les légumes.
00:10:19Et quand vous reveniez avec votre chartée de choux-fleurs à la maison,
00:10:24il n'y avait rien.
00:10:29Tout le travail que l'on avait mis pour produire
00:10:34était réduit à néant et c'est vrai que la situation était très difficile.
00:10:45Les fermes du bord de mer compensaient un petit peu par la coupe de Goémon
00:10:50pour amender les champs et le surplus était vendu
00:10:55parce que la vie était quand même difficile, du moins ici à cette époque-là.
00:11:00Le Goémon, récolté par les paysans et les pêcheurs, est séché sur les rochers.
00:11:05Il est ensuite brûlé sur les plages dans des fours de pierre
00:11:10pour extraire l'iode nécessaire aux premières industries chimiques.
00:11:16Du printemps à l'été, les pêcheurs de Goémon sont en train d'amener leurs pâtes et leurs choux-fleurs.
00:11:21Ils sont les plus nombreux à l'époque.
00:11:26Ils sont aussi les plus nombreux à l'époque.
00:11:31Ils sont aussi les plus nombreux à l'époque.
00:11:36Ils sont aussi les plus nombreux à l'époque.
00:11:41Du printemps à l'automne,
00:11:46d'innombrables fêtes religieuses rythment la vie des campagnes.
00:11:51Les pèlerinages, appelés pardons, ces grandes fêtes religieuses,
00:11:56rassemblent parfois jusqu'à dix mille personnes.
00:12:01Elles défilent en procession derrière les reliques et les bannières des nombreux saints locaux.
00:12:06Les pêcheurs de Goémon sont très reconnaissants avec la bienveillance des curés qui prêchent en Breton.
00:12:11Les paysans viennent par dévotion,
00:12:16mais aussi pour les foires commerciales qui accompagnent ces pardons.
00:12:21Sur les marchés, au pied des églises,
00:12:26s'organise parfois un étrange commerce.
00:12:36Des marchands peu scrupuleux profitent des femmes les plus pauvres.
00:12:41Ils leur proposent d'échanger leurs longues chevelures contre des coupons de cotonade.
00:12:59La coupe est grossière, humiliante.
00:13:04Une fois peignée, lavée, les cheveux seront vendus en perruques dans les boutiques parisiennes.
00:13:35Tout au long de l'année,
00:13:40les Bretons achètent dans ces foires de quoi améliorer leurs vêtements.
00:13:45Des rubans, du velours, des soirées venues des Indes,
00:13:50ou de simples boutons de nacre.
00:14:05Le costume en Bretagne, c'est le quotidien, c'est soi.
00:14:10Tout le monde s'habille selon ses moyens pécuniers, bien sûr.
00:14:15Le paysan, lui, est en costume.
00:14:20On s'habille selon son rang social, selon la circonstance, selon son âge,
00:14:25et on essaie de se distinguer un peu de la voisine.
00:14:31La coiffe, pour la femme, ou le chapeau pour l'homme,
00:14:36et plus globalement le costume, ça va porter une définition de soi-même.
00:14:41Quand on va dans un autre terroir, on va être identifié comme non appartenant au terroir.
00:14:46On va savoir si c'est un jour ordinaire, si on est à la noce, si on est à un enterrement,
00:14:51si on porte le deuil, si on est à marier, si on est veuve.
00:14:57Cette époque marque l'apogée de la coiffe bretonne.
00:15:02Il en existe plus d'un millier, faites de dentelles, de bavolets, d'ailerons.
00:15:07Elles sont des éléments essentiels de la mode et font la fierté de celles qui les portent.
00:15:27Les Bretons organisent des fêtes de mariage mémorables qui réunissent des villages entiers,
00:15:32au cours desquelles les familles célèbrent les noces de plusieurs couples.
00:15:56On dresse des tablets de plus de 300 couverts.
00:15:59Dans les cuisines de plein air, les femmes ont préparé des ragouts ou du kigafars,
00:16:04une sorte de poteau-feu cuisiné avec du sarrasin,
00:16:07ce blé noir qui pousse sur les terres pauvres du centre-Bretagne.
00:16:12Il y a toujours une place à table pour les mondiants qui sont nombreux à sillonner les routes bretonnes.
00:16:43Dans les villages, on festoie souvent pendant quatre jours.
00:16:47Les familles engagent des musiciens réputés, infatigables sonneurs
00:16:51qui joueront du bignot et de la bombarde toute la nuit.
00:17:12A la fin du XIXe siècle, la Bretagne des campagnes ignore tout de la révolution industrielle
00:17:17qui a bouleversé le nord-ouest de l'Europe.
00:17:21Seuls les habitants des grands ports connaissent le fracas des usines.
00:17:26Comme à Nantes, où les ouvriers empruntent tous les matins le pont Transborder
00:17:30pour rejoindre les chantiers navals situés sur l'île au milieu de la Loire.
00:17:35Mais aussi à Saint-Nazaire, où l'on assemble déjà les premiers transatlantiques.
00:17:49A Brest, l'État agrandit le port militaire.
00:17:52La France a besoin d'une marine de guerre puissante pour ses colonies.
00:18:05La France a besoin d'une marine de guerre puissante pour ses colonies.
00:18:09La France a besoin d'une marine de guerre puissante pour ses colonies.
00:18:13La France a besoin d'une marine de guerre puissante pour ses colonies.
00:18:17La France a besoin d'une marine de guerre puissante pour ses colonies.
00:18:21La France a besoin d'une marine de guerre puissante pour ses colonies.
00:18:25La France a besoin d'une marine de guerre puissante pour ses colonies.
00:18:30Au tournant du siècle, la Bretagne ne parvient plus à nourrir ses 3 millions d'habitants.
00:18:36Les fermes sont trop petites et les familles trop nombreuses.
00:18:41Pour survivre, 500 000 Bretons vont quitter leurs terres entre 1890 et 1910.
00:18:49Les nouvelles lignes de train vident la Bretagne vers Paris.
00:18:52Les nouvelles lignes de train vident la Bretagne vers Paris.
00:18:56Les nouvelles lignes de train vident la Bretagne vers Paris.
00:19:07La capitale a besoin de bras et de dos solides.
00:19:10Les gars de Guingamp, de Rospordenne, de Calac ou d'Ifignac embauchent comme porteurs royal.
00:19:19Dans le travail de ce gigantesque marché de plein air,
00:19:22ils transportent pour des grossistes les légumes produits par leurs familles restées au pays.
00:19:38Et quand ils demandent dans leur langue du pain et du vin,
00:19:43les Parisiens ne voient que de l'arriération et se moquent de ces Bretons qui,
00:19:47une langue incompréhensible.
00:19:53À Paris, ils vivent comme des étrangers exilés.
00:20:01Montparnasse va devenir leur quartier où ils organisent des fêtes, comme au pays.
00:20:12Dans les années 1880, Jules Ferry, alors président du conseil, décide d'unifier la nation.
00:20:23Il veut en finir avec les langues régionales.
00:20:26Il interdit ainsi aux enfants bretons de parler leur langue à l'école.
00:20:31La Bretagne se sent amputée et cette blessure ne se refermera jamais.
00:20:37Le grand-père paternel était directeur d'école laïque, donc c'était un hussard de la République.
00:20:42Et du coup, bien évidemment, ce qu'il a fait, c'est de parler français à la maison,
00:20:47bien que ma grand-mère, elle, parlait breton.
00:20:50Mais le moins possible pour ne pas justement perturber l'apprentissage du français de papa et de ses frères et soeurs.
00:21:04Il suffit alors d'un seul mot prononcé en breton pour que l'élève soit sanctionné et reçoive le symbole,
00:21:10un humiliant bonnet d'âne porté autour du cou.
00:21:14Le gamin qui a entendu le breton quand il était le sein de ta mère,
00:21:17qui va à l'école, on lui met un symbole parce qu'il a parlé breton,
00:21:20il doit faire de la délation, il doit refiler le symbole à son petit pote.
00:21:24« Je t'ai entendu parler breton, t'as le symbole. »
00:21:26Et le dernier, à la fin de la journée, qui a le symbole, il rentre tête baissée à la maison,
00:21:29dans sa famille, où ses parents doivent s'interdire la langue.
00:21:32T'imagines le bordel ? T'imagines comment il faut être costaud pour supporter ça ?
00:21:37La Troisième République est brutale. Les bretons en souffriront longtemps.
00:22:08On m'a fait apprendre cette langue-là de force, alors je crois que c'est exprès que je l'ai mal apprise.
00:22:15Dans mon jeune âge, j'ai été élevée en Breton, avec du breton parmi des paysans.
00:22:19Et après, une fois arrivée à l'école, on m'a fait parler français, presque de force,
00:22:25comme ça a été tout en français, et puis on trouvait rien.
00:22:28Il n'y avait pas de livres bretons, on m'a douée, il fallait apprendre le français
00:22:32pour essayer de savoir ce qu'il y avait de ces sacrés livres-là.
00:22:36Et puis on nous défendait de parler breton à l'école.
00:22:39Ah oui, on nous défendait de parler breton.
00:22:57Ça a été un traumatisme général, très profond,
00:23:01pour toute une population qui s'est retrouvée avec un interdit de la langue maternelle,
00:23:08de la langue paternelle aussi, bien évidemment,
00:23:11mais aussi une langue de famille, d'affection.
00:23:14Les mots câlins et tout n'existaient plus.
00:23:17Les comptines, les berceuses, etc.
00:23:20Ça a été vraiment une coupure nette, tranchée, qui a fait vraiment très très mal.
00:23:31...
00:23:44...
00:23:50...
00:24:07La République veut rallier les Bretons.
00:24:09En faire de vrais petits français, comme dans cette école
00:24:12où l'on apprend aux orphelins de la marine nationale à servir la nation.
00:24:16...
00:24:37Dans les écoles catholiques et à l'église,
00:24:39le breton continue à être la langue des sermons et des évangiles.
00:24:44Fès à Brès, foi et langue bretonne revendiquent les prêtres.
00:24:51En 1902, Émile Combes, alors président du Conseil,
00:24:54veut imposer la laïcité à tout le pays.
00:24:58Pour réduire l'influence du clergé en Bretagne,
00:25:00la République va interdire aux curés d'utiliser la langue bretonne.
00:25:05C'est un peuple, le peuple breton,
00:25:07un peuple qui a vécu vraiment la raillerie, la moquerie,
00:25:12le mépris, l'interdiction de la langue.
00:25:16On leur interdisait leur langue,
00:25:17mais on ne leur disait pas de faire tuer au chemin des dames, quoi.
00:25:20Et puis, ferme ta gueule, surtout.
00:25:29En août 1914, à l'entrée en guerre,
00:25:31les Bretons se rangeront, comme tous les Français,
00:25:33derrière le drapeau tricolore.
00:25:38Ils ont à peine le temps de terminer les moissons,
00:25:40qu'ils doivent déjà partir vers les champs de bataille.
00:25:51Quand les Bretons arrivent dans la grande plaine d'Artois,
00:25:53à l'automne 1914,
00:25:55ils sont surpris par la richesse des terres.
00:25:58Ils voient le monde avec un nouveau regard,
00:26:00un nouveau sens.
00:26:02Patriotes, les jeunes paysans sont convaincus
00:26:04que leur force physique suffira à massacrer les Boches.
00:26:09Ils ignorent tout de la puissance de l'artillerie allemande.
00:26:16Mon grand-père était menuier charron,
00:26:18donc charron ça veut dire qu'il faisait des choses.
00:26:23Donc je vais chercher un peu.
00:26:24On a un grand-père qui était menurier charron, ça veut dire qu'il faisait des charrettes,
00:26:32donc c'était son métier.
00:26:34En 14, il avait déjà 32 ans et 3 enfants, le quatrième était en route et il a quand
00:26:41même été mobilisé dès début août et il est parti à priori en septembre remplacer
00:26:46les jeunes qui avaient déjà été tués au mois d'août 14 puisque les régions en
00:26:50breton ont donné très fort au mois d'août et ont perdu beaucoup de monde.
00:26:55Mon arrière-grand-père a d'abord été dans l'infanterie comme les copains, a marché
00:27:00beaucoup, a été blessé une première fois en octobre 14 dans la Somme, beaucoup de bretons
00:27:05sont restés sur le champ là-bas d'honneur et lui il est passé, donc ils ont été mis
00:27:09au repos après et il a été finalement très gravement blessé en 1917 près du chemin
00:27:14des dames dans un abri où il était artilleur donc où ses trois copains ont été tués
00:27:20dont un aspirant gaudeloupéen, ce qui était un petit peu exotique à l'époque puisqu'il
00:27:26y avait des bretons avec des gaudeloupéens qui se battaient ensemble.
00:27:28La vie de régiment va bouleverser les jeunes poilus bretons.
00:27:38Dans les tranchées, les règles militaires imposent de nouvelles habitudes.
00:27:44Le vin de troupe remplace le cidre, le camembert et le bœuf bouillis font oublier les menus régionaux.
00:27:54Sur le front, les balles des mitrailleuses allemandes ne distinguent pas entre les
00:27:58Auvergnats, les Parisiens ou les Bretons.
00:28:00En première ligne, l'agonie est collective, patriote.
00:28:09Alors les soldats de Plugnot racontaient pas forcément leur vraie vie puisque de toute façon
00:28:16il y avait la censure et ils le savaient, les courriers étaient censurés donc il n'y avait
00:28:21pas moyen de raconter vraiment où ils étaient, ce qu'ils subissaient et ils voulaient pas non plus
00:28:26forcément faire peur à leur famille en disant qu'ils en bavaient un peu trop donc ils voulaient
00:28:31rassurer, toujours rassurer et ils parlaient surtout des bêtes et des travaux des champs à la
00:28:39maison donc ils posaient dans leurs lettres beaucoup de questions et donnaient même des
00:28:44consignes à leurs épouses ou à leur père qui était resté s'occuper de la ferme, des consignes
00:28:48pour mieux faire à la ferme.
00:28:50A ma chère petite fille, bien affectueux souvenir, malgré les obus, on voit encore des vaches ruminant
00:28:56tranquillement dans les prés. Voilà tout ça c'est rassurant, c'est pour éviter de faire peur à
00:29:01leur famille à l'arrière, ils assument tout seuls.
00:29:03Leurs courriers sont souvent très très neutres, sauf quelques-uns qu'on retrouve,
00:29:11j'en ai eu un en souvenir où c'est écrit à l'arrière d'une carte postale,
00:29:14les hommes seront chers à marier, ce qui veut dire qu'il n'y en aura plus beaucoup.
00:29:19En septembre 1916, les Allemands engagent une nouvelle phase du conflit avec la guerre sous-marine.
00:29:42La Bretagne se retrouve en première ligne dans la guerre maritime.
00:29:50Les sous-marins allemands envoient par le fond 257 bateaux de pêcheurs.
00:29:56Depuis le Croisic, l'Orient, l'île Tudy, Brest, la Bervrache,
00:30:02Tréguier et Camaret, des hydravions décollent et partent traquer les hauts-bôtes.
00:30:19En 1917, les renforts alliés bravent la menace sous-marine et choisissent de débarquer dans les ports bretons.
00:30:34Sur les quais de Saint-Nazaire et Brest, on assiste médusé à l'arrivée de dizaines de navires du corps expéditionnaire américain.
00:30:42En tout, ce sont plus de 700 000 soldats qui défilent dans les rues bretonnes.
00:30:47C'est un choc. Les habitants des ports observent ébahis les soldats du Nouveau-Monde.
00:31:03Dans l'imaginaire de l'époque, ces Américains sont des chercheurs d'or.
00:31:14Des cow-boys droits sortis des cirques de Buffalo Bill qui montraient ces spectacles en Bretagne avant-guerre.
00:31:29Pour tous, ils sont d'abord d'excellents soldats si grands dans leurs uniformes.
00:31:43En 1918, l'armistice est cet instant terrible où l'on compte les morts.
00:31:57Lancourt, l'ange de la mort breton, a emporté des dizaines de milliers de soldats.
00:32:03Les Américains ont péri.
00:32:13Selon les historiens, 140 000 poilus bretons sont morts au combat.
00:32:19La Bretagne vient d'entrer par le sacrifice dans la grande histoire de la France.
00:32:25Les agriculteurs bretons sont rentrés de la guerre 14 avec une double frustration.
00:32:30La première, c'est que les fermes avaient été quand même bien tenues pendant leur absence.
00:32:35Donc ils n'étaient plus forcément indispensables.
00:32:38Leurs épouses, leurs enfants, leurs parents avaient tenu les fermes.
00:32:42Donc le poilu qui est rentré, il s'est dit, mais moi je ne sers à rien.
00:32:46Et la deuxième frustration, c'est d'abord vu ce qu'ils ont vu dans la région parisienne et à l'est,
00:32:50c'est-à-dire des très grandes fermes, beaucoup plus grandes, beaucoup plus belles,
00:32:54avec des blés qui produisaient déjà 40 ou 50 quintaux, alors qu'ici on en faisait 20 ou 10.
00:32:59Donc c'était très frustrant pour eux.
00:33:08Dans les campagnes, la fin de la guerre est un moment difficile pour les femmes.
00:33:14Depuis le départ des hommes au combat, elles avaient géré seules les travaux de la ferme
00:33:18et cru en leur émancipation.
00:33:22Leurs maris, brisés par ces années de guerre, les renvoient à leurs tâches ménagères.
00:33:30En bord de mer, avec la reprise de la pêche, les femmes retournent travailler dans les conserveries.
00:33:36De camarades à la turballe, leurs maris pêcheurs traquent le poisson bleu.
00:33:41Ils vendent les sardines et les thons aux 132 usines,
00:33:44qui appartiennent souvent à de riches et riches hommes.
00:33:48Dans les ports, ces conserveries emploient une abondante main-d'œuvre féminine
00:33:52dans des conditions de travail pénibles.
00:34:18Quand le poisson arrivait, il y avait une sirène sur certaines usines.
00:34:22On entendait la sirène.
00:34:24Les femmes savaient que le poisson était arrivé,
00:34:26et donc elles allaient bosser pour mettre la sardine en boîte.
00:34:29C'était comme ça.
00:34:32Ma grand-mère travaillait dans les usines.
00:34:35Je suis allé la voir, petit, là, elle mettait les sardines dans la boîte.
00:34:38C'était comme ça.
00:34:40Je suis allé la voir, petit, là, elle mettait les sardines dans la boîte.
00:34:43C'était comme ça.
00:34:45Ma grand-mère travaillait dans les usines.
00:34:47Je suis allé la voir, petit, là, elle mettait les sardines dans des grilles métalliques.
00:34:50Ça passait dans les bains de friture.
00:34:52Et après, elle mettait en boîte et tout ça.
00:34:55Voilà, c'était toute une ambiance.
00:34:57C'est sûr, c'était des femmes en coiffe.
00:34:59Moi, j'ai connu ça.
00:35:01C'est des femmes en coiffe, là, qui bossaient à la chaîne.
00:35:06À Douarnenez, on les appelle les peines sardines,
00:35:09les têtes de sardines.
00:35:11Ces femmes travaillent dans des odeurs écœurantes
00:35:14et embauchent dès l'âge de 12 ans pour gagner une misère.
00:35:21Et il y avait cette odeur de friture, là, dans la ville,
00:35:24qui est, pour moi, une odeur vraiment d'enfance,
00:35:28et l'odeur de Douarnenez, cette odeur de sardines.
00:35:31Ça, c'était vraiment quelque chose de très typique à Douarnenez.
00:35:34Enfin, cette odeur-là qui représente une époque, quoi.
00:35:42En 1921,
00:35:44les peines sardines soutenues par le jeune parti communiste
00:35:47décident de se rebeller.
00:35:49Elles exigent que leur salaire soit porté à 1 franc,
00:35:52soit 20 centimes d'augmentation.
00:35:55Après un mois et demi d'une grève sans concession,
00:35:58le préfet somme les industriels bretons
00:36:00de donner raison aux ouvrières.
00:36:02La victoire de ces femmes s'affiche fièrement
00:36:04sur six colonnes à la Une de l'Humanité.
00:36:12La lutte des sardinières restera dans l'histoire
00:36:15comme la première grande colère bretonne.
00:36:27Dans l'entre-deux-guerres, la Bretagne évolue,
00:36:30les petites villes se transforment.
00:36:34Sur les marchés,
00:36:36de plus en plus de jeunes femmes
00:36:38abandonnent le costume traditionnel
00:36:40et tombent la coiffe.
00:36:47Au moment des mariages,
00:36:49les hommes oublient le chapeau rond
00:36:51et s'habillent à la mode de Paris
00:36:53avec des blazers et des cols cassés.
00:37:04Dans ces années folles,
00:37:06la Bretagne voit arriver les premiers touristes.
00:37:09La décontraction bourgeoise avec ses maillots de bain,
00:37:12ses jeux sur la plage et ses bains de mer,
00:37:15tout cela stupéfait les Bretons.
00:37:34Dans les cafés des villes,
00:37:36ce qui était impensable avant la guerre se produit.
00:37:39On commence à parler le français
00:37:41et plus personne n'enseigne l'histoire de la région.
00:37:56Mon père par exemple,
00:37:58il a découvert vers ses 14 ans
00:38:00qu'il était breton.
00:38:02Et ça a été vraiment un coup très fort.
00:38:05Et il s'est dit,
00:38:07mais si je suis breton, qui suis-je ?
00:38:10Et il s'est rendu compte
00:38:12qu'il y avait plein de choses non dites à l'école
00:38:15dans l'histoire de France.
00:38:17Et ensuite, il a découvert que la langue bretonne
00:38:20était une langue à part entière.
00:38:22Et là, il a décidé d'apprendre le breton.
00:38:25Et il est devenu un petit révolutionnaire de la langue.
00:38:29Les défenseurs de l'identité bretonne
00:38:32vont se renforcer dans une détestation de la République.
00:38:35Minoritaire,
00:38:37il crée l'hebdomadaire Brazzatao,
00:38:39Bretagne toujours,
00:38:41dans lequel il fustige la France
00:38:43et dénonce son comportement de puissance coloniale.
00:38:48Le tirage de leur revue hebdomadaire reste confidentiel,
00:38:51mais sa pensée nationaliste
00:38:53va profondément marquer le mouvement breton.
00:38:57Et puis, entre-temps,
00:38:59il y a eu aussi des personnes,
00:39:01donc trois surtout, trois adultes,
00:39:03qui ont décidé
00:39:05que pour sauver la Bretagne
00:39:07et pour qu'elle redevienne indépendante,
00:39:09il fallait absolument donc aller du côté allemand.
00:39:14Dès 1936,
00:39:16Olier Mordrel, Frances de Beauvais et Célestin Lenné,
00:39:19animateurs du parti nationaliste breton,
00:39:22vont se rapprocher de l'Allemagne nazie.
00:39:27Leur service d'ordre se part
00:39:29de l'esthétique nationale socialiste.
00:39:35Pendant la guerre,
00:39:37ces fascistes bretons formeront une milice
00:39:39d'une soixantaine d'hommes,
00:39:41la BNP Roth,
00:39:43qui intégrera le service de renseignement de la SS
00:39:45sous le commandement de leur chef,
00:39:47Célestin Lenné.
00:39:57Juin 1940.
00:39:59Les Allemands marchent vers Brest.
00:40:01Il ne leur faudra pas plus d'un mois
00:40:03pour conquérir le pays d'est en ouest.
00:40:22Le 17 juin,
00:40:24leurs avions bombardent la gare de Rennes
00:40:26où sont rassemblés des centaines de réfugiés
00:40:28et de soldats britanniques.
00:40:36Les bombes des Stuka
00:40:38vissent un train de munitions qui explose
00:40:40et tue plus de 1500 personnes.
00:40:45Ce bombardement sera le plus meurtrier
00:40:47de toute la Seconde Guerre mondiale en France.
00:40:55L'île de Sein
00:41:04A l'extrême ouest de la Bretagne,
00:41:06l'île de Sein se prépare au pire.
00:41:14Le gardien de phare capte à la radio
00:41:16une rediffusion de l'appel du général de Gaulle
00:41:18depuis Londres et alerte les marins de l'île.
00:41:24Le 24 juin,
00:41:26dans un élan qui marquera la grande histoire,
00:41:28tous les hommes de Sein décident de rallier l'Angleterre
00:41:30avec leur bateau de pêche
00:41:32avant que le blocus nazi ne se referme sur l'île.
00:41:5480 000 soldats allemands
00:41:56occupent vite les zones côtières.
00:42:00Ils vont faire de la Bretagne une forteresse nazie.
00:42:04Sur les rivages,
00:42:06ils construisent un maillage serré de bunkers
00:42:08destiné à parer toute tentative de débarquement
00:42:10venue d'Angleterre.
00:42:12Dans les grands ports de Saint-Nazaire,
00:42:14Lorient et Brest,
00:42:16les Allemands érigent des alvéoles indestructibles
00:42:18afin de protéger leurs redoutables sous-marins.
00:42:42Les U-boats partent depuis ces abris
00:42:44torpiller les navires alliés
00:42:46jusqu'aux côtes américaines.
00:42:58Winston Churchill
00:43:00ordonne la destruction totale de ses bases
00:43:02et désigne Brest, Lorient et Saint-Nazaire
00:43:04comme un lieu d'extermination.
00:43:06En janvier 1943,
00:43:0860 000 bombes incendiaires
00:43:10dévastent Lorient.
00:43:14Elles ne parviendront pas à endommager
00:43:16les bases sous-marines.
00:43:36Le long des plages bretonnes
00:43:38bordées de récifs,
00:43:40des groupes de résistants
00:43:42entretiendront pendant toute la guerre
00:43:44des filières d'exfiltration de parachutistes
00:43:46et d'agents de renseignement vers l'Angleterre.
00:43:48Parmi eux,
00:43:50de nombreux jeunes communistes bretons
00:43:52qui ont rejoint la résistance dès 1940.
00:43:58Les nazis leur livrent une lutte sans merci
00:44:00avec l'aide des miliciens
00:44:02et de la baisenne perrotte.
00:44:04Les derniers mois de la guerre
00:44:06sont terribles pour les maquis bretons.
00:44:08Celui de Saint-Marcel dans le Morbihan
00:44:10est décimé.
00:44:12A Saint-Paul-de-Léon dans le Finistère,
00:44:14les nazis fusillent 25 civils.
00:44:16A Penn-Guerrec près de Brest,
00:44:18des soldats de la marine allemande
00:44:20exécutent 44 habitants du village.
00:44:28Le 1er août 1944,
00:44:30le général Patton lance
00:44:32une bombe américaine vers la Bretagne.
00:44:34120 000 hommes et 10 000 véhicules
00:44:36progressent vers l'ouest
00:44:38depuis les plages du débarquement.
00:44:46Oui, Brest détruit.
00:44:48On l'a connu, bien sûr.
00:44:50Les réfugiés aussi sont venus chez nous.
00:44:52Il y a des réfugiés qui ont été
00:44:54logés à la ferme chez nous,
00:44:56chez les voisins, partout.
00:44:58Ici, les bombes tombaient des fois
00:45:00près de chez nous.
00:45:02Quand les avions anglais
00:45:04voulaient larguer des bombes
00:45:06sur Brest, des fois,
00:45:08ils étaient abattus par la DCA
00:45:10qui était à 20 km d'ici
00:45:12et tombaient dans les champs à côté.
00:45:14Il y a des avions qui sont tombés tout près.
00:45:16Des bombes sont tombées aussi.
00:45:18Tout le monde entendait
00:45:20les frappes de canons terribles.
00:45:24Le 7 août, les G.I. sont aux portes de Brest.
00:45:26Ils assiègent 40 000 Allemands
00:45:28qui refusent de se rendre
00:45:30et se terrent dans les ruines de la ville.
00:45:38Après 6 semaines de combats acharnés
00:45:40et de bombardements,
00:45:42les nazis finiront par capituler.
00:45:54Brest est détruite.
00:45:56Depuis 1943,
00:45:58elle a reçu un déluge
00:46:00de 30 000 tonnes de bombes alliées.
00:46:02La ville la plus à l'ouest
00:46:04de la Bretagne est une cité martyr.
00:46:26Saint-Malo,
00:46:28Lorient et Saint-Nazaire
00:46:30ne sont-elles aussi plus que des ruines.
00:46:46Le Brest d'avant-guerre,
00:46:48sa rue de Siam et ses tramways
00:46:50ont disparu à jamais.
00:46:56De Gaulle a gagné.
00:46:58La France est libre.
00:47:00La résistance a sauvé la patrie
00:47:02et ses héros vont la reconstruire.
00:47:10La croix de Lorraine
00:47:12vaille désormais sur la France.
00:47:26Mais les Bretons sont soignés par la guerre.
00:47:30Leurs revendications politiques
00:47:32seront pour longtemps
00:47:34marquées du saut noir
00:47:36de la collaboration des Brest-Atao.
00:47:48Toute personne qui se revendiquait
00:47:50identiquement breton ou bretonne
00:47:52pouvait se retrouver jugée
00:47:54devant les juges d'après-guerre
00:47:56et il y a eu des exclusions,
00:47:58d'interdits d'exercer leur métier,
00:48:00d'enseigner
00:48:02et aussi un exil
00:48:04hors de Bretagne
00:48:06pour plusieurs personnes
00:48:08dont mon père
00:48:10qui s'est retrouvé en région parisienne.
00:48:16C'est vrai que lorsque vous parliez breton,
00:48:18quelques fois, enfant,
00:48:20vous entendiez mes sales petits brehis à table.
00:48:22Et nous, on était estomaqués,
00:48:24enfants, on ne comprenait pas.
00:48:26On parlait breton entre nous,
00:48:28puis voilà, quoi.
00:48:30Mais l'urgence est ailleurs.
00:48:32A Brest, il faut reconstruire la ville.
00:48:34Les habitants sont peu à peu
00:48:36relogés dans des milliers
00:48:38de baraques de planches.
00:48:5216 000 personnes
00:48:54vont vivre jusqu'aux années 60
00:48:56dans ces larges cités couvertes de papier bitumé.
00:49:02Mes parents ont habité dans les baraques,
00:49:04tout près de l'aéroport de Guipava
00:49:06aujourd'hui et mes parents,
00:49:08le temps qu'ils construisent leur maison,
00:49:10ont été logés en baraque.
00:49:12Je me rappelle également
00:49:14de cette ambiance de baraque
00:49:16que je n'ai pas retrouvée immédiatement
00:49:18lorsqu'on s'est retrouvé dans le bourg de Guipava,
00:49:20dans une maison individuelle.
00:49:24Tout cela générait
00:49:26la solidarité, une vie associative
00:49:28et une ouverture aux autres.
00:49:32Les gens se rendaient compte
00:49:34qu'il fallait reconstruire
00:49:36et qu'il fallait reconstruire
00:49:38tout le tissu humain.
00:49:42Quand on regarde
00:49:44le mouvement associatif
00:49:46dans les villes bretonnes,
00:49:48à Lorient et à Brest,
00:49:50il y a une vie associative très importante.
00:49:52Des clubs de foot,
00:49:54des cliques...
00:49:58Tout cela a fait en sorte
00:50:00qu'il n'y avait pas
00:50:02de nostalgie du passé.
00:50:08Face à l'urgence de la reconstruction,
00:50:10l'État concentre ses efforts
00:50:12vers les villes et néglige
00:50:14la majorité des bretons qui vit dans les campagnes.
00:50:16Les paysans s'enfoncent
00:50:18dans la pauvreté, et pour la première fois
00:50:20de son histoire, ce peuple fier
00:50:22doute de sa culture et de sa langue.
00:50:24Interdit d'aller à l'école,
00:50:26mais toujours parlé dans les villages.
00:50:34Le mot « honte », on l'a connu.
00:50:36On sait ce que ça veut dire.
00:50:38Moi, je ne parlais que le breton.
00:50:40À six ans,
00:50:42je ne savais pas un mot.
00:50:44C'est peut-être beaucoup dire,
00:50:46mais je ne savais pas le français.
00:50:48Je suis allée à l'école,
00:50:50j'ai appris à lire.
00:50:52On ne pouvait pas faire mieux
00:50:54pour complexer les enfants.
00:50:56Je n'étais pas à l'aise
00:50:58pour parler le français.
00:51:00Je faisais des fautes.
00:51:02Je n'étais plus à l'aise pour parler le breton,
00:51:04puisque c'était une langue
00:51:06qui était dévalorisée.
00:51:08C'était la langue des ploucs.
00:51:10Ce mot-là, je l'ai entendu
00:51:12souvent.
00:51:14Pour les enfants, c'est traumatisant.
00:51:24Mon grand-père maternel
00:51:26qui était ici, avant moi,
00:51:28m'avait dit
00:51:30« Surtout, si tu restes à la ferme,
00:51:32il faut que tu saches parler breton,
00:51:34sinon tu n'auras l'air de rien. »
00:51:36Du coup, il m'a donné les cours de breton
00:51:38en sarclant les betteraves ou les choux.
00:51:40Et ça, c'est quelque chose
00:51:42qui m'a beaucoup plu.
00:51:44Je sentais que le breton
00:51:46était un véhicule plus facile
00:51:48pour dire des choses.
00:51:50Parce que le langage
00:51:52de la ferme,
00:51:54les gens étaient à l'aise.
00:52:00C'était des mots qu'on disait.
00:52:02On n'allait pas dire en français
00:52:04« Va chercher les vaches ».
00:52:06C'était le langage de la ferme.
00:52:08Arriver à l'école,
00:52:10rideau français uniquement.
00:52:16L'électricité tarde à arriver
00:52:18dans les fermes
00:52:20où il n'y a pas d'eau courante.
00:52:22La Bretagne devient la région
00:52:24la plus pauvre de France.
00:52:26Son niveau de vie est de 30%
00:52:28inférieur à la moyenne nationale.
00:52:32Faut-il rester à la ferme
00:52:34et vivre comme au XIXe siècle
00:52:36ou quitter sa terre ?
00:52:38Pour les jeunes bretons,
00:52:40le dilemme est déchirant.
00:52:42Celui qui reste,
00:52:44il reste un petit peu
00:52:46pour aider ses parents,
00:52:48pour les sauver un peu.
00:52:50Pourquoi vous avez laissé ?
00:52:52J'avais l'impression que,
00:52:54d'après tout ce qu'on entendait,
00:52:56qu'il y avait des imbéciles
00:52:58qui restaient à la terre.
00:53:00Je ne voulais pas penser
00:53:02que j'allais rester à la ferme.
00:53:04Vous avez quand même l'électricité
00:53:06depuis un mois.
00:53:08Ça a changé la vie, ça, non ?
00:53:10Beaucoup.
00:53:12C'est pour ça que je me demande
00:53:14comment on est des Français
00:53:16et avoir l'électricité que maintenant,
00:53:18lorsqu'on entend parler de la télévision
00:53:20et tout ça,
00:53:22et nous autres qui n'avons même pas
00:53:24la lumière pour se coucher.
00:53:26Vous vous sentez délaissé ?
00:53:28Beaucoup.
00:53:30Tout le monde,
00:53:32ou presque,
00:53:34est parti en ville,
00:53:36parce que c'était aussi
00:53:38l'industrialisation de la France.
00:53:40Donc il fallait aller en ville,
00:53:42travailler dans les usines,
00:53:44rester quelques heures.
00:53:46Donc évidemment
00:53:48qu'il y a eu un bouleversement.
00:54:00La détresse des campagnes
00:54:02préoccupe le clergé,
00:54:04qui souhaite éviter que les damnés
00:54:06de la terre bretonne ne cèdent
00:54:08aux sirènes du communisme.
00:54:10Pendant ces années de détresse,
00:54:12nous avons fait notre devoir.
00:54:14Nous devons nourrir le pays.
00:54:16Nous devons nourrir les hommes.
00:54:22La JAC,
00:54:24la Jeunesse agricole catholique,
00:54:26va enrôler les jeunes pour les éduquer
00:54:28et les préparer aux nouvelles techniques de production.
00:54:30Les prêtres vont convaincre les paysans
00:54:32d'augmenter le rendement agricole
00:54:34pour nourrir la France.
00:54:36L'église catholique était quand même
00:54:38omniprésente.
00:54:40Et très vite, dans les années 60,
00:54:42la JAC a mis en place
00:54:44pour les jeunes agriculteurs
00:54:46un certain nombre
00:54:48d'actions,
00:54:50de formations,
00:54:52mais également sur les loisirs,
00:54:54avec les coupes de la Joie,
00:54:56la JAC a permis
00:54:58cette organisation
00:55:00et cette mise en place
00:55:02et ce travail en commun
00:55:04et qui a amené, c'est vrai,
00:55:06sur une amélioration
00:55:08de la vie dans les campagnes.
00:55:10La JAC change
00:55:12la mentalité des campagnes.
00:55:14Les jeunes agriculteurs s'affranchissent
00:55:16de la tutelle des anciens
00:55:18et apprivoisent la modernité.
00:55:22Oui, ça nous a aidés
00:55:24quand même à réfléchir,
00:55:26à sortir de soi un peu
00:55:28parce qu'on était timides,
00:55:30complexés,
00:55:32donc il fallait parler en public,
00:55:34se présenter
00:55:36et puis dire ce qu'on allait faire
00:55:38après dans notre
00:55:40commune,
00:55:42avec les autres, il fallait quand même
00:55:44avancer.
00:55:46Ce n'était pas facile,
00:55:48mais ça nous obligeait vraiment
00:55:50à prendre sur soi
00:55:52c'est mon six pays.
00:55:56Grâce aux subventions
00:55:58de l'État et aux crédits,
00:56:00les paysans s'équipent et se sentent
00:56:02maintenant à l'étroit dans leur territoire.
00:56:04Ils étouffent dans le labyrinthe du bocage
00:56:06avec ces kilomètres de haies et de talus
00:56:08qui limitent l'utilisation
00:56:10des nouveaux engins agricoles.
00:56:14Tout petit, je me rappelle
00:56:16le dernier cheval,
00:56:18quand j'avais six ans,
00:56:20j'ai vu la dernière jument partir
00:56:22avec le marchand et là j'ai éclaté
00:56:24en sanglots, j'ai pleuré,
00:56:26j'ai dit c'est pas possible,
00:56:28mon cheval qui part, j'ai plus de cheval,
00:56:30j'en ai pleuré,
00:56:32je pleure encore,
00:56:34très très longtemps après,
00:56:3660 ans après, je pleure encore,
00:56:38ça m'a fait mal au cœur de voir
00:56:40le cheval partir.
00:56:46Ça a bouleversé nos habitudes
00:56:48et après tout le monde ici dans le quartier,
00:56:50moi je voyais ça, chacun avait son tracteur,
00:56:52nous on avait le tracteur Renault
00:56:5422 chevaux qui était jaune orangé,
00:56:56le voisin avait
00:56:58un lance bleu,
00:57:00l'autre avait un Ferguson rouge,
00:57:02l'autre un Sommeca orangé aussi,
00:57:04et puis c'était tout le monde
00:57:06travaillant ensemble, ça donnait
00:57:08de l'élan
00:57:10pour équiper les fermes.
00:57:18Pour favoriser l'utilisation
00:57:20des tracteurs et des moissonneuses,
00:57:22le ministère de l'Agriculture lance un projet
00:57:24d'envergure, le remembrement.
00:57:28Le cadastre est bouleversé,
00:57:30afin de regrouper les petites parcelles agricoles
00:57:32et d'agrandir les exploitations.
00:57:36Les talus qui délimitaient les champs sont détruits.
00:57:40200 000 km de haies disparaissent
00:57:42sous la morsure des pelleteuses.
00:57:44La campagne bretonne change à tout jamais.
00:57:48A l'époque, il est vrai
00:57:50qu'il a fallu agrandir les parcelles,
00:57:52c'était petit, il y avait des champs
00:57:54de même pas un demi hectare,
00:57:56bon, il fallait peut-être passer à deux, trois hectares,
00:57:58c'était nécessaire,
00:58:00certainement.
00:58:02Il y a des communes où le remembrement a été fait
00:58:04et où on ne voit plus un talus,
00:58:06on ne voit plus rien, c'est tout plat,
00:58:08tout en pente avec rien,
00:58:10et puis l'érosion a fait son effet.
00:58:12S'il y avait des talus, c'était pour aussi arrêter
00:58:14se protéger du vent,
00:58:16éviter l'érosion,
00:58:18et puis, en même temps,
00:58:20les oiseaux, les petits mammifères,
00:58:22tout ça, on n'y faisait pas trop attention,
00:58:24mais ils se portaient plutôt bien
00:58:26dans cette configuration.
00:58:40Pour la première fois de leur histoire,
00:58:42les paysans bretons marchent vers le progrès.
00:58:46C'est la première fois
00:58:48qu'il y a eu un tourbillon.
00:58:58Tout le monde qui a été pris
00:59:00dans un tourbillon
00:59:02qu'on n'a pas toujours maîtrisé,
00:59:04c'est souvent comme ça,
00:59:06on va très loin dans l'erreur
00:59:08et puis après, on se dit,
00:59:10on a peut-être fait quand même des fautes.
00:59:12Donc, évidemment, tous ces produits,
00:59:14qui les ont inventés,
00:59:16c'est des techniciens supérieurs.
00:59:20Dans ces années d'insouciance,
00:59:22personne ne se préoccupe de la pollution
00:59:24qui s'infiltre dans les cours d'eau.
00:59:26Les rendements agricoles s'envolent
00:59:28pour le plus grand bonheur de tous.
00:59:32Ils ont travaillé pour beaucoup,
00:59:34main dans la main, avec les techniciens
00:59:36à la chambre d'agriculture.
00:59:38C'était la progression à chaque fois.
00:59:40Ils voyaient que plus ils suivaient,
00:59:42plus ils avaient accès à l'eau.
00:59:50Dans les années 50,
00:59:52grâce à la mobilisation d'élus,
00:59:54de syndicalistes et de patrons bretons
00:59:56regroupés au sein du CELIB,
00:59:58la Bretagne obtient tout de même
01:00:00de l'État sa part de la modernisation du pays.
01:00:02Dans l'estuaire de la Rance,
01:00:04entre Saint-Malo et Dinard,
01:00:06EDF construit une centrale marémotrice.
01:00:08À Lagnon, dans les côtes d'Armor,
01:00:10le centre de télécommunication
01:00:12par satellite de Pleumeur-Beaudoux
01:00:14sort de terre.
01:00:24Dans les monts d'Arré,
01:00:26à l'endroit où la mythologie bretonne
01:00:28situe la porte de l'enfer,
01:00:30EDF construit un prototype de réacteur nucléaire
01:00:32qui sera abandonné dans les années 80.
01:00:40Avec la révolution agricole,
01:00:42la Bretagne peut enfin nourrir la France.
01:00:44Les paysans sortent de la misère.
01:00:48Mais l'heure est piée de courte durée.
01:00:50Rapidement, le prix des légumes
01:00:52puis celui du lait dégringolent
01:00:54au moment même où les agriculteurs endettés
01:00:56ont des crédits à rembourser.
01:01:00Pour la grande bataille
01:01:02que nous avions entreprise
01:01:04pour l'artichaut,
01:01:06le producteur le vendait
01:01:08à la place de Saint-Paul à 15 francs.
01:01:10Et lorsque nos gars sont montés à Paris,
01:01:12ils l'ont vu chez le détaillant,
01:01:14125 francs le kilo.
01:01:16Alors évidemment, nous ne comprenons plus
01:01:18et surtout à ce moment-là,
01:01:20ça commence à agacer le producteur
01:01:22en voyant qu'il y a une telle différence
01:01:24entre celui, le prix payé par celui
01:01:26qui mange le produit,
01:01:28et c'est le prix qui revient à celui
01:01:30qui a pris la peine de le produire.
01:01:32En 1961,
01:01:34deux d'entre eux formés à la JAC
01:01:36lancent une fronde inédite.
01:01:38Alexis Gourvenec et Marcel Léon
01:01:40mobilisent les légumiers du Nord-Finistère
01:01:42pour obtenir la juste rémunération
01:01:44de leur production.
01:02:00Autour de leurs deux leaders,
01:02:02ils dressent des barricades
01:02:04et envahissent la sous-préfecture de Morlaix.
01:02:16Ils sont nombreux à rentrer de la guerre d'Algérie
01:02:18et ne craignent pas les charges des gardes mobiles.
01:02:20Alexis Gourvenec et Marcel Léon
01:02:22sont accusés d'avoir soulevé les paysans
01:02:24et sont arrêtés.
01:02:30Leur incarcération enflammera
01:02:32toutes les campagnes françaises.
01:02:34En 1961, l'acquittement des deux meneurs
01:02:36après 15 jours de prison
01:02:38sera une victoire historique.
01:02:40Les paysans bretons viennent de s'affranchir
01:02:42de la honte et de l'humiliation
01:02:44si souvent ressenties.
01:02:46La génération de Gourvenec
01:02:48a amené un nouveau souffle
01:02:50dans le développement agricole
01:02:52en sortant d'un système
01:02:54qui les bridait.
01:02:56Une vieille génération
01:02:58commandait à la jeune
01:03:00et les jeunes ont dit
01:03:02maintenant c'est nous qui prenons
01:03:04les affaires en main
01:03:06et on change de temps.
01:03:10Alexis Gourvenec devient
01:03:12le paysan directeur général.
01:03:14Celui qui négocie désormais directement
01:03:16avec Edgar Pisani,
01:03:18le nouveau ministre de l'agriculture.
01:03:20La révolte des paysans bretons
01:03:22a payé.
01:03:30La nouvelle agriculture n'a plus besoin
01:03:32de tous les bras des campagnes pour produire.
01:03:34Le vieux monde paysan
01:03:36est mort.
01:03:38Les petites fermes sont démembrées
01:03:40au profit d'exploitants qui investissent
01:03:42et bouleversent les habitudes.
01:03:46Des milliers d'hommes et de femmes quittent la terre
01:03:48et troquent leurs habits de fermiers
01:03:50pour la casquette de l'ouvrier.
01:03:52La Bretagne devient un réservoir
01:03:54de travailleurs disponibles
01:03:56et peu coûteux.
01:03:58Pour les industriels qui investissent
01:04:00en masse, c'est une aubaine.
01:04:06Citroën, Eternit,
01:04:08Renault ou le joint français
01:04:10vont embaucher les anciens paysans.
01:04:16Il y a cette manœuvre
01:04:18et finalement,
01:04:20c'est une manœuvre
01:04:22qui, au départ, nous paraît assez lente,
01:04:24mais au bout de peu de temps,
01:04:26il se révèle
01:04:28que sa régularité est telle
01:04:30par rapport à la manœuvre de la région parisienne
01:04:32que dans l'ensemble,
01:04:34tout ce qu'on pense, c'est que nous avons reçu
01:04:36une bonne manœuvre.
01:04:40Les ouvriers,
01:04:42c'était notamment des femmes.
01:04:44Il faut se rappeler
01:04:46un mot
01:04:48du directeur
01:04:50de la Citroën de Rennes.
01:04:52Ici, nous n'avons pas besoin
01:04:54de main-d'œuvre étrangère
01:04:56car nous avons les femmes.
01:05:00Combien y a-t-il de femmes qui travaillent dans cette usine ?
01:05:0265%.
01:05:04Et quel est le salaire moyen
01:05:06d'une femme qui travaille au joint français ?
01:05:0880. 85,
01:05:10les plus payées, mais encore...
01:05:12850 francs par mois ?
01:05:14Oui, à 47 heures de travail par semaine.
01:05:16Les nouveaux ouvriers bretons
01:05:18embauchent à l'usine
01:05:20avec le sentiment amer d'être des travailleurs
01:05:22de seconde zone.
01:05:24Tous les matins, ils pointent avec au fond du cœur
01:05:26un sentiment de relégation.
01:05:32Ce qui motivait
01:05:34l'action syndicale
01:05:36après politique,
01:05:38c'était surtout
01:05:40le fait
01:05:42d'être un territoire
01:05:44qui était délaissé de Paris.
01:05:48Un sentiment d'être délaissé pour contre,
01:05:50de la main-d'œuvre à bon marché.
01:05:52Et on se rendait compte quand même
01:05:54qu'on était de la main-d'œuvre sous-payée.
01:05:56Qualifiée, mais sous-payée.
01:06:02En mai 1968,
01:06:04plus de 100 000 Bretons défilent sous une même bannière.
01:06:10La Bretagne a des allures de cocotte minute
01:06:12et inquiète le gouvernement.
01:06:16Depuis 1966,
01:06:18une organisation appelée Front de Libération de la Bretagne
01:06:20multiplie les attentats
01:06:22sans toutefois faire de victimes.
01:06:32Quand un géant vous marche sur le pied,
01:06:34vous avez quand même le droit de lui foutre quelques coups de poing
01:06:36pour qu'il se retire son pied.
01:06:38Quand on a vu qu'on niait l'existence du peuple breton,
01:06:40on écrasait la langue,
01:06:42on écrasait notre histoire, on la niait.
01:06:44On s'est dit, si on nous écrase comme ça,
01:06:46on va donner quelques coups de poing pour voir
01:06:48s'il ne peut pas enlever son pied
01:06:50avant que tout soit écrasé.
01:06:52Et ça s'est traduit par un engagement
01:06:54au sein du FLB.
01:06:56Le FLB compte dans ses rangs
01:06:58des militants de la droite bretonne,
01:07:00des membres du clergé catholique
01:07:02et des combattants d'extrême-gauche.
01:07:04Ils demandent plus d'autonomie pour la Bretagne
01:07:06et dénoncent la blessure jamais cicatrisée
01:07:08de l'interdiction de la langue bretonne
01:07:10un siècle auparavant.
01:07:12On n'a pas le droit d'empêcher un peuple
01:07:14de parler sa langue, on n'a pas le droit d'empêcher
01:07:16les gens de parler leur langue maternelle.
01:07:18C'est quelque chose qui touche
01:07:20à nos parents, à l'environnement
01:07:22et c'est quelque chose qu'on a au fond de soi
01:07:24et qui est dur, c'est pas quelque chose de rationnel.
01:07:26C'est quelque chose de vraiment sentimentale,
01:07:28de fort et que
01:07:30cette blessure-là, elle est impardonnable.
01:07:32Elle passera jamais.
01:07:38...
01:08:02D'autres militants vont choisir une voie plus pacifique
01:08:04pour défendre leur identité.
01:08:06...
01:08:08La culture bretonne va renaître
01:08:10grâce à un groupe de jeunes musiciens
01:08:12qui retrouveront dans les campagnes
01:08:14les trésors de la langue bretonne.
01:08:16...
01:08:18A Ploaret,
01:08:20dans une petite ferme des Côtes d'Armor,
01:08:22la poétesse et paysanne Angela Duval
01:08:24ouvre sa porte au jeune chanteur
01:08:26Gilles Servat.
01:08:28Je suis allé chez Angela Duval.
01:08:30C'était mes débuts, tout ça, oui.
01:08:32Je suis allé chez Angela Duval
01:08:34et là, j'ai découvert
01:08:36une dame extrêmement cultivée.
01:08:38On était allés faire les foins,
01:08:40enfin, faire les foins,
01:08:42retourner le foin.
01:08:44Elle avait, je sais pas, 65 ans.
01:08:46Et puis nous, on était tout jeunes et tout.
01:08:48Je me rappelle, on s'était divisé le chant en deux.
01:08:50Il y avait elle toute seule d'un côté
01:08:52et puis nous, on était trois ou quatre de l'autre.
01:08:54Et on retournait le foin, puis on est partis.
01:08:56Et puis arrivée à la moitié du chant,
01:08:58on était naze.
01:09:00Elle, elle avait fait tout doucement.
01:09:02Tac.
01:09:04Et elle a fini avant nous.
01:09:06La devise d'Angela,
01:09:08je résiste sur tous les fronts,
01:09:10va devenir celle de toute la Bretagne.
01:09:16J'avais une idée de la langue bretonne
01:09:18qui était quand même pas beaucoup parlée.
01:09:20Et puis là, quand j'étais chez elle,
01:09:22tout le monde parlait breton,
01:09:24tous les voisins qui venaient lui parler breton.
01:09:26Je suis rentré chez moi en me disant
01:09:28mais attends, qu'est-ce qu'on me raconte ?
01:09:30C'est pas vrai, cette langue-là,
01:09:32elle est vivante, elle est très vivante.
01:09:36Je me rappelle, j'habitais à Nantes.
01:09:38A l'époque, je suis rentré à Nantes en me disant
01:09:40bon, hé, oh, la langue bretonne,
01:09:42elle est loin d'être morte
01:09:44et tu as raison de lutter pour elle
01:09:46et maintenant, il faut que tu l'apprennes mieux que ça.
01:09:54Et puis à Paris,
01:09:56je suis allé prendre des cours de breton justement.
01:09:58Et il y avait Cavry, ça s'appelait,
01:10:00c'était la maison de la culture bretonne.
01:10:02Je prenais des cours de breton et puis le jeudi,
01:10:04il n'y avait plus d'école à cette époque-là,
01:10:06le jeudi, ça devenait Thierry Awankis,
01:10:08il y avait tous les jeunes qui venaient là,
01:10:10on y allait et tout, il y avait Stivel qui venait qui jouait,
01:10:12moi je chantais et on se posait des questions
01:10:14sur la langue bretonne, qu'est-ce qu'on va faire,
01:10:16comment on peut lutter, parce qu'à l'époque,
01:10:18c'était terrible quoi, c'était rien,
01:10:20c'était la province du désert total.
01:10:28La langue bretonne va donner à ces nouveaux artistes engagés
01:10:30l'énergie d'une reconquête de l'âme de la Bretagne.
01:10:34Avec leur musique, ils bouleversent les jeunes
01:10:36qui avaient complètement oublié leurs racines.
01:10:38Leur succès sera international,
01:10:40ils parleront de la Bretagne au monde entier.
01:10:52Derrière ces nouveaux bardes,
01:10:54toute la Bretagne va se relever et lutter pour sa reconnaissance.
01:10:58La Bretagne m'a pris le cœur
01:11:00très vite en fait,
01:11:02mais le réveil a proprement dit,
01:11:04c'est d'abord
01:11:06l'Olympia avec Stivel en 72,
01:11:08alors on avait besoin d'un guitariste
01:11:10qui soit rock et folk, plus rock que folk,
01:11:12parce qu'il voulait cette symbolique
01:11:14de la guitare électrique.
01:11:16Donc je me suis retrouvé
01:11:18porteur de ce renouveau
01:11:20par l'instrument que je jouais.
01:11:22Il nous a amenés, nous les ploucs,
01:11:24les fils de ploucs,
01:11:26puisqu'on est tous ceux qui disent
01:11:28qu'ils ne sont pas d'originaires paysannes,
01:11:30ils ont qu'à chercher un peu,
01:11:32la plupart des gens ici sont d'origine paysanne.
01:11:34Et donc nous, les fils de ploucs,
01:11:36on s'est retrouvés à l'Olympia,
01:11:38les bretons et d'autres ont rempli la salle,
01:11:40mais Alain a réussi
01:11:42quelque chose de fantastique
01:11:44que personne n'aurait pu imaginer,
01:11:46et il était le seul à y croire
01:11:48quand il avait sa deux-chevaux avec Maréjo,
01:11:50sa copine à côté, son pot de colle
01:11:52et ses affiches, et sa harpe,
01:11:54et des fois d'un arbrase au fond de la deux-chevaux,
01:11:56et qu'il allait coller ses affiches
01:11:58à Montparnasse.
01:12:00Moi j'ai vu des gens pleurer,
01:12:02j'ai vu des gens pleurer au concert d'Alain
01:12:04parce qu'ils étaient loin,
01:12:06la Bretagne leur manquait terriblement
01:12:08et il la refaisait
01:12:10dans les bistrots de Montparnasse
01:12:12le soir.
01:12:20J'avais les yeux qui brillaient de voir
01:12:22toute cette passion qui s'exprimait
01:12:24à travers l'émotion
01:12:26de Glenmore,
01:12:28après de Gilles Servat, d'Alain.
01:12:30Là, je me suis dit
01:12:32« Waouh, là attention, ça devient
01:12:34sérieux. »
01:12:36Voici le matin qui se lève,
01:12:38voici la liberté qu'on rêve,
01:12:40voici le jour
01:12:42des points levés.
01:12:52C'est un réveil
01:12:54par la culture, par la chanson
01:12:56d'une espèce de conscience
01:12:58de la nécessité de se battre
01:13:00et de ne plus accepter ce sort
01:13:02misérable et ce mépris
01:13:04aussi adressé aux Bretons.
01:13:06Nous sommes des petits
01:13:08Bretons, nous tenons justement
01:13:10à convaincre
01:13:12des patrons inutiles
01:13:14dans un pays comme ça, parce qu'on ne tient pas du tout
01:13:16à être appelés des sous-développés,
01:13:18des andous, des pauvres cons,
01:13:20des esclaves. Je retiens ma parole,
01:13:22j'ai dit « en esclaves ».
01:13:24Nous voulons bien travailler,
01:13:26bien au contraire,
01:13:28mais on tient aussi à être estimés,
01:13:30aussi bien avec un patron
01:13:32comme un chef d'équipe.
01:13:34On a devoir la politesse comme eux autres.
01:13:36À Saint-Brieuc,
01:13:50les ouvriers de l'usine chimique du Jouin français
01:13:52ne tolèrent plus d'être payés
01:13:5420 à 30% de moins que leurs collègues
01:13:56des usines de la banlieue parisienne.
01:13:58En 1972,
01:14:00ils évoquent une grève illimitée.
01:14:02Les ouvriers du Jouin,
01:14:04quand ils manifestaient,
01:14:06parce qu'ils manifestaient
01:14:08presque tous les jours,
01:14:10ils chantaient.
01:14:12Et notamment,
01:14:14leur chant de ralliement,
01:14:16c'était « La Blanche Hermine »
01:14:18de Giserva.
01:14:20La voilà la blanche hermine,
01:14:22vive la mouette et la jambe.
01:14:24La voilà la blanche hermine,
01:14:26vive fougère et glissante.
01:14:30Le drapeau breton,
01:14:32le guanadu, fier de ses hermines stylisées,
01:14:34devient le symbole moderne
01:14:36de toutes les luttes.
01:14:38La grève du Jouin français
01:14:40a été le moment clé
01:14:42où ce drapeau est devenu
01:14:44le drapeau des contestations sociales
01:14:46en Bretagne, au sens où
01:14:48les ouvriers ont repris ce drapeau-là,
01:14:50où on le voit
01:14:52dans toutes les manifestations,
01:14:54y compris le 1er mai à Paris.
01:14:56Souvent, à l'époque,
01:14:58ils mettaient le drapeau breton
01:15:00avec un petit drapeau rouge au-dessus
01:15:02pour montrer ce côté contestataire
01:15:04de ce drapeau breton.
01:15:06Et c'est vrai que ce moment-là,
01:15:08c'est le moment où il y a eu
01:15:10un peu cette transition,
01:15:12où ce drapeau est sorti
01:15:14du mouvement breton complètement
01:15:16et est devenu le drapeau breton
01:15:18de toute la Bretagne.
01:15:22À mon avis, ça a été
01:15:24une lutte exemplaire,
01:15:26un titre majeur.
01:15:28C'est qu'autour d'une lutte ouvrière,
01:15:30tout un peuple de travailleurs
01:15:32s'unit
01:15:34et se reconnaît dans cette lutte.
01:15:38C'était une fierté
01:15:40retrouvée d'être breton.
01:15:46La Bretagne soutient les ouvriers du joint.
01:15:48Les paysans offrent des légumes et du lait,
01:15:50les commerçants le pain,
01:15:52les travailleurs la pièce.
01:15:58Après 8 semaines de grève,
01:16:00les ouvriers retournent à l'usine.
01:16:02Ils ont gagné.
01:16:04C'est le grand réveil
01:16:06et aussi la porte ouverte à un militantisme radical
01:16:08qui poursuit la lutte armée.
01:16:17Qu'est-ce qu'on a pu me reprocher ?
01:16:19Des attentats contre la préfecture de Quimper,
01:16:21attentats en plein jour
01:16:23contre la BNP,
01:16:25attentats contre Brénilis,
01:16:27contre la centrale nucléaire,
01:16:29notamment d'avoir fait tomber
01:16:31les deux premiers pylônes
01:16:33après la centrale,
01:16:35attentats contre la maison
01:16:37du commissaire Taillenter,
01:16:39des choses comme ça.
01:16:41Des gendarmeries, des hôtels d'impôts.
01:16:44Entre 1965 et 1978,
01:16:46le Front de Libération de la Bretagne
01:16:48et l'armée révolutionnaire bretonne
01:16:50commettent à nouveau des dizaines d'attentats.
01:16:54Les procès des poseurs de bombes
01:16:56se tiendront devant la Haute Cour de Justice
01:16:58de la République.
01:17:00Ils seront soutenus par de jeunes figures
01:17:02de la gauche,
01:17:04Michel Rocard, Louis Lepinsec,
01:17:06Jean-Yves Le Drian.
01:17:08Charlie Graal sera condamné à 13 ans de prison,
01:17:10la plus forte peine.
01:17:12Il restera enfermé trois années
01:17:14à la Santé et à Fresnes
01:17:16jusqu'à son amnistie en 1981
01:17:18par le président François Mitterrand.
01:17:24Les défenseurs de la culture bretonne
01:17:26vont alors porter tous leurs efforts sur la langue.
01:17:28Ils la modernisent
01:17:30et créent le réseau des écoles d'Iwan,
01:17:32où toutes les matières sont enseignées
01:17:34aux enfants, en breton.
01:17:39Écrire en breton, c'est résister.
01:17:41Créer une radio en breton,
01:17:43c'est résister.
01:17:45Créer nos propres écoles,
01:17:47comme d'Iwan, c'est résister.
01:17:49C'est une résistance constructive
01:17:51qui fait qu'on crée des outils
01:17:53pour l'émancipation du peuple breton.
01:17:55Les jeunes bretons vont se réapproprier
01:17:57tout ce qui avait été interdit à leurs parents.
01:17:59Et ils vont transformer
01:18:01la langue des campagnes en langue des villes.
01:18:03On se disait militants.
01:18:05C'est-à-dire que lorsque
01:18:07on rentrait à Skolo Nemzaou,
01:18:09lorsque Skolo Nemzaou a été créé,
01:18:11la première chose qu'on devait faire,
01:18:13c'était de donner des cours de breton.
01:18:15Ensuite, se former aussi.
01:18:17On était des centaines et des centaines.
01:18:19On a été jusqu'à 800 à Skolo Nemzaou,
01:18:21un peu partout.
01:18:25Il y avait un héritage que nous avions
01:18:27et nous avons continué
01:18:29à travailler ensemble.
01:18:31Le but principal
01:18:33pour tous ces parents
01:18:35et tous ces réseaux,
01:18:37c'était l'avenir de la langue bretonne.
01:18:39Au matin du 16 mars 1978,
01:18:41à Port-Salle,
01:18:43l'odeur est insupportable.
01:18:45Un pétrolier géant,
01:18:47l'amo Cocadis,
01:18:49se trouve dans un quartier
01:18:51de la ville de Skolo Nemzaou.
01:18:53Il est un peu comme un petit bébé.
01:18:55Il est un peu comme un petit bébé,
01:18:57mais avec des ailes.
01:18:59Il est un peu comme un petit bébé,
01:19:01mais avec des ailes.
01:19:03Il est un peu comme un petit bébé,
01:19:05mais avec des ailes.
01:19:07Un pétrolier géant, l'amo Cocadis,
01:19:09gît sur les rochers de la côte nord finistère.
01:19:19Il n'y avait plus un bruit
01:19:21parce qu'on n'entendait plus le bruit des vagues
01:19:23dans ce paysage
01:19:25qu'ils avaient l'habitude de côtoyer tous les jours.
01:19:27Et c'était que
01:19:29la désolation.
01:19:31C'est criminel et on n'ose pas le dire.
01:19:34C'est le quatrième coup.
01:19:36On avait tout pour le savoir.
01:19:38Et qu'est-ce qu'on en a fait ?
01:19:48Il y a tout.
01:19:50Il y a de la colère, de la révolte,
01:19:52de la sidération, de la tristesse.
01:20:04Le bateau,
01:20:06en avarie de Gouvernail,
01:20:08s'était ventré sur les écueils
01:20:10de cette côte dangereuse.
01:20:12Sa coque vomit
01:20:14220 000 tonnes de pétrole
01:20:16qui vont polluer 300 km de côte.
01:20:22La pire marée noire
01:20:24jamais vécue en Europe
01:20:26blesse la Bretagne.
01:20:34Lorsqu'il y a eu la catastrophe en Corogne, en Espagne,
01:20:36le fait que le bateau ait pu se feuer,
01:20:38on a brûlé...
01:20:40Mon grand-père était Alphonse Arzel.
01:20:42Il était maire de
01:20:44Clou d'Almézo, de Porsal,
01:20:46au moment
01:20:48où s'est échoué l'Ambrocadis
01:20:50en 1978 sur les côtes bretonnes.
01:20:52Pourquoi ? Parce que nous allait s'y entendre
01:20:54que ça allait durer des mois, le feu.
01:20:56Ça nous a épouvantés.
01:20:58Nous avons eu peur nous-mêmes.
01:21:00Aujourd'hui, nous savons que ça aurait duré 48 heures, pas plus.
01:21:03C'était un éternel optimiste,
01:21:05mais vraiment.
01:21:07Ce qui fait que tout de suite, il s'est dit
01:21:09qu'il fallait faire quelque chose.
01:21:11C'est pas possible, on ne va pas rester là.
01:21:13Il me racontait ça, je me souviens,
01:21:15ils sont arrivés sur la plage,
01:21:17il y avait son premier adjoint
01:21:19qui faisait le signe de croix,
01:21:21qui était à genoux et qui disait
01:21:23tout est fini pour nous, c'est la fin du monde.
01:21:25Il lui disait non, on va s'organiser,
01:21:27on va faire les choses, on ne va pas se laisser faire.
01:21:33Sur les plages, c'est la grande débrouille
01:21:35pour nettoyer les kilomètres de côtes polluées.
01:21:37Des milliers de jeunes bénévoles
01:21:39arrivent de toute la France.
01:21:41Armés de sceaux et de pelles,
01:21:43ils vont charrier des tonnes de pétrole.
01:21:45Mais une autre bataille cruciale
01:21:47va se mener de l'autre côté de l'Atlantique.
01:21:54Des marées noires, il y en avait eu d'autres avant
01:21:56et que l'État n'avait jamais pris ses responsabilités.
01:21:58Et là, en fait,
01:22:00les maires, il n'est pas tout seul,
01:22:02plusieurs maires se disent, c'est pas possible.
01:22:08Le meneur de cette lutte sera Alphonse Arzel,
01:22:10le petit paysan.
01:22:12Avec le syndicat des communes bretonnes
01:22:14polluées par le pétrole,
01:22:16ils vont attaquer devant les tribunaux
01:22:18l'armateur du pétrolier,
01:22:20l'un des plus puissants industriels américains,
01:22:22la Standard Oil.
01:22:26Ils se forment petit à petit.
01:22:28Là, il récitait ses discours devant ses vaches,
01:22:30comme il disait, il allait devant le champ,
01:22:32et puis hop, il récitait ses discours.
01:22:34Là, il va se retrouver à faire des discours
01:22:36à Chicago,
01:22:38à New York,
01:22:40à l'Élysée,
01:22:42discuter avec le président.
01:22:44Donc on est dans une autre dimension.
01:22:46À Chicago, les maires bretons
01:22:48affrontent les légions d'avocats de l'armateur.
01:22:50Après des années de procédures,
01:22:52la Standard Oil sera condamnée
01:22:54à verser un milliard de francs aux communes sinistrées.
01:22:56Les petits maires bretons ont gagné.
01:22:58Le procès aura duré 14 ans,
01:23:00le temps pour l'océan
01:23:02d'effacer les traces du désastre
01:23:04et de faire naître en Bretagne
01:23:06une vraie conscience écologiste.
01:23:26Quelques mois seulement après la marée noire,
01:23:28EDF blesse à son tour
01:23:30les habitants du Cap-Cisun.
01:23:32L'entreprise d'État envisage
01:23:34de dynamiter ces magnifiques falaises
01:23:36pour y installer une centrale nucléaire.
01:23:56Le mépris, il a joué d'emblée
01:23:58parce que le maire de Prologoff
01:24:00a appris que sa commune
01:24:02pouvait accueillir une centrale
01:24:04par la presse locale
01:24:06en lisant son journal,
01:24:08comme il le disait,
01:24:10le matin chez lui.
01:24:12Soutenu par tous ses habitants,
01:24:14le maire refuse le projet de centrale.
01:24:16Ensemble,
01:24:18ils décident d'entrer dans la bataille
01:24:20pour préserver leur cadre de vie,
01:24:22s'assurer de la sécurité
01:24:24et de l'accès à la mer.
01:24:26Ils seront rapidement rejoints
01:24:28par des dizaines de jeunes écologistes
01:24:30qui vont les aider à élaborer
01:24:32un discours anti-nucléaire.
01:24:38Le moment où finalement
01:24:40tout s'est concentré sur Prologoff,
01:24:42c'est un moment tout à fait particulier
01:24:44où il y a une coagulation de luttes,
01:24:46tout un mouvement en Bretagne,
01:24:48une prise de conscience importante
01:24:50et est apparu le slogan
01:24:52mazouté aujourd'hui,
01:24:54radioactif demain.
01:24:56Et puis,
01:24:58tous ces comités anti-marais noirs
01:25:00ont convergé vers la lutte de Prologoff.
01:25:10En janvier 1980,
01:25:12les CRS envahissent
01:25:14toutes les ruelles du village.
01:25:16Les lance-pierres vont répondre
01:25:18aux grenades lacrymogènes.
01:25:20Pour les femmes de Prologoff,
01:25:22cette présence d'hommes armés
01:25:24est une agression insupportable.
01:25:30Nous manifestons notre hostilité
01:25:32contre la centrale
01:25:34et aussi contre
01:25:36ce déploiement des forces de l'ordre.
01:25:38Les forces du désordre.
01:25:40Plutôt du désordre.
01:25:42Pourquoi dites-vous cela ?
01:25:44Parce qu'ils mettent la pagaille
01:25:46dans le pays.
01:25:48Parce qu'ils mettent la pagaille
01:25:50partout où ils vont.
01:25:52Ils sont dans les quartiers,
01:25:54dans les rues, dans les villages.
01:25:56Ils sont partout, partout, partout.
01:25:58Je les appelle maintenant des doriforts.
01:26:00La provocation vient des gardes mobiles
01:26:02et des gendarmes que nous avons maintenant.
01:26:04Et s'ils ne reçoivent pas un coup des opposants,
01:26:06le coup vient de chez eux.
01:26:08Et c'est souvent.
01:26:10Gens de Prologoff et de la région,
01:26:12les gardes mobiles
01:26:14vont nous faire aujourd'hui
01:26:16une situation de départ sans bavure.
01:26:18Nous avons devant nous
01:26:20monsieur le maire,
01:26:22César Jouet,
01:26:24les gens de la télévision
01:26:26et les gardes mobiles partiront
01:26:28rapidement derrière leur mairie annexe.
01:26:30Alors soyez comme eux,
01:26:32soyez dignes
01:26:34comme toujours.
01:26:46Pour empêcher le rachat de ces terres convoitées,
01:26:48les militants occupent les lieux.
01:26:52Ils installent sur les landes
01:26:54qu'EDF veut détruire
01:26:56un élevage de moutons.
01:27:02Ici Radio Progoff,
01:27:04en direct de la baie des Trépassés
01:27:06sur 100 MHz.
01:27:08Le week-end de la Pentecôte 1980,
01:27:10près de 100 000 manifestants
01:27:12venus de toute la France
01:27:14se retrouvent dans la baie des Trépassés
01:27:16pour clamer leur refus du nucléaire.
01:27:18C'est l'apogée de la mobilisation,
01:27:20une gigantesque fête bretonne,
01:27:22un fest-nose où se produisent
01:27:24tous les artistes engagés de ces années 70.
01:27:34Le projet de centrale sera finalement abandonné
01:27:36après l'élection de François Mitterrand
01:27:38à la présidence de la République.
01:27:40Cette décision
01:27:42à la victoire de la gauche en 1981
01:27:44refermeront ses 20 ans de colère.
01:27:50Des années 90 à nos jours,
01:27:52la Bretagne unie
01:27:54a connu d'autres révoltes.
01:27:58Le nouveau défi qu'il attend est écologique
01:28:00et il risque de la diviser.
01:28:06Les pesticides et les engrais
01:28:08du miracle breton ont pollué
01:28:10les sols granitiques.
01:28:12Chaque printemps et chaque été,
01:28:14l'accumulation des algues vertes
01:28:16dans certaines baies des côtes d'Armor
01:28:18le rappelle à tous.
01:28:22Déjà, à l'époque, on connaissait
01:28:24les conséquences néfastes
01:28:26de cette production industrielle
01:28:28et de la pollution des rivières
01:28:30et des eaux par les nitrates.
01:28:32Et puis, il y a comme
01:28:34un déni important
01:28:36par rapport à tous ces problèmes.
01:28:38Dénoncer les algues vertes,
01:28:40pour certains, c'est intolérable.
01:28:44Ça remet tellement en question
01:28:46le modèle de développement de la région
01:28:48que, pour moi,
01:28:50je crois qu'une révolution
01:28:52est nécessaire en Bretagne
01:28:54comme celle des années 60 au niveau agricole.
01:29:06Je ne peux pas imaginer
01:29:08un seul instant
01:29:10que ces hommes et ces femmes,
01:29:12ces paysans bretons,
01:29:14dont nous venons tous par nos racines,
01:29:16ne fassent pas tout leur possible
01:29:18pour soigner, pour guérir cette terre,
01:29:20cette terre qui est la leur,
01:29:22cette terre qu'ils ont servi
01:29:24en maintenant la langue,
01:29:26et ceux qui se sont battus
01:29:28dans les résistances.
01:29:30Je ne peux pas imaginer que ces paysans
01:29:32de chez nous ne fassent pas
01:29:34en leur pouvoir
01:29:36pour que cette terre soit plus belle.
01:29:44Longtemps moqués et oubliés,
01:29:46les Bretons restent déterminés
01:29:48à vivre, décider
01:29:50et travailler au pays.
01:29:52Ils ont réussi à sauver leur culture
01:29:54et la partagent désormais
01:29:56avec des millions d'amoureux de la région
01:29:58venus de toute la France.
01:30:00Après tant de luttes pour être reconnus,
01:30:02ils sont désormais forts de leur histoire.
01:30:04Préserver leur terre
01:30:06et garder vivante leur langue
01:30:08demeure aujourd'hui leur plus grande bataille.
01:30:18Je l'ai redécouvert, ma culture,
01:30:20parce que dans les écoles, quand on était jeunes,
01:30:22nous, on ne nous a pas appris l'histoire
01:30:24de la Bretagne.
01:30:26On nous a appris l'histoire de la France,
01:30:28mais on nous a caché notre histoire.
01:30:32La culture, je l'ai reprise un peu
01:30:34dans son ensemble.
01:30:36Par ses chansons,
01:30:38par son histoire que j'ai été chercher,
01:30:40par sa langue que je ne parle pas,
01:30:42j'ai du mal à la parler toujours,
01:30:44mais qui m'est très chère au cœur.
01:31:02L'histoire de la Bretagne
01:31:04C'est l'histoire de la Bretagne
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