1944, Le Havre sous les bombes alliées

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Le matin du 12 septembre 1944, les havrais se réveillent assommés. Le centre-ville a été pulvérisé sous les bombes britanniques et près de 2.000 civils ont perdu la vie.
Le bombardement du Havre a été le plus meurtrier et le plus destructeur qu'ait connu la France. C'est aussi le plus mystérieux et le plus incompréhensible car les troupes allemandes ont été très peu visées par les bombes. D'ailleurs, la forteresse dans laquelle elles s'étaient retranchées a été finalement vaincue par une conquête terrestre.
Alors pourquoi les « Alliés » ont-ils rasé la ville qu'ils étaient venus libérer ? Pourquoi les civils n'ont-ils pas été évacués ? Année de Production :

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00:00Le Havre pose un vrai problème stratégique pour les Alliés.
00:11Il se trouve sur les arrières et les flancs des armées coalisées.
00:17Les Britanniques décident donc d'obliger la garnison allemande à la reddition.
00:23Le général Crocker, en arrivant au Havre,
00:26avec des moyens en troupes terrestres limités,
00:30et avec un consigne de faire vite pour s'emparer de ce port.
00:37Wildermuth n'est pas un nazi, mais un de ces nationalistes allemands.
00:41Tout commandant d'une garnison est obligé de résister jusqu'au dernier homme
00:46et de jurer personnellement à Hitler.
00:53Le Havre, le 18 juin 1944
00:56Le sol tremblait. On pensait que ça allait s'arrêter, puis ça commençait.
01:02C'était effroyable.
01:04Ça tremblait de tous les côtés, en fait.
01:06C'était une vision d'apocalypse.
01:11On voyait plus rien.
01:13On ne savait même pas où était notre maison, tout était disparu.
01:18On enterrait les gens.
01:20On les mettait dans un endroit, ou au-dessus du lit, ou ce qu'on pouvait.
01:26On a dit pourquoi nous ne pouvons pas aller comme ça.
01:29On n'a pas compris.
01:31C'était un crime de guerre, ou quelque chose qui mérite des excuses.
01:35Les anglais ont fait un truc qu'ils ne devaient pas faire.
01:47Le Havre
02:17Les troupes alliées viennent de débarquer sur les plages de Normandie.
02:21À la mi-juin 1944, des centaines de milliers d'hommes se heurtent aux Allemands
02:26qui tentent de résister au rouleau compresseur.
02:29On se bat dans le bocage et dans les villes normandes.
02:32Rouen, Cherbourg et Caen tombent après des combats qui font des milliers de morts civiles et militaires.
02:38C'est une période où tout va très vite.
02:40Trop vite.
02:42Au point que beaucoup de stratèges commencent à croire que la guerre sera gagnée d'ici la fin de l'année 1944.
02:48Mais la rapide progression des troupes alliées pose des problèmes d'approvisionnement.
02:52Faute de carburant, les chars du général américain George Patton sont arrêtés à sec sur le bord des routes de France.
03:01Le commandant allié a besoin de nouvelles bases sur la côte normande pour faire transiter leur avitaillement.
03:06Le lieu choisi est le port du Havre, le plus grand en eau profonde.
03:12Cette décision va être lourde de conséquences pour cette ville.
03:15Le Havre a une situation bien particulière.
03:18Il se trouve sur les arrières et les flancs des armées alliées
03:22qui sont en train de gagner progressivement le Nord, puis la Belgique et la Hollande.
03:27Donc stratégiquement, il est quand même difficile de tolérer qu'à proximité directe de vos lignes
03:33se trouve une force aussi concentrée, aussi puissante, qui risque toutefois de mener des contre-attaques difficiles.
03:41L'homme chargé de libérer le Havre est le général John Crocker.
03:45Honnête John est le surnom de Crocker en raison de ses profondes convictions religieuses et de son intégrité morale.
03:53Taciturne et discret, il est tout le contraire des généraux flamboyants comme Patton ou Montgomery.
04:00C'est un militaire décoré pour ses fêtes d'armes pendant la Première Guerre mondiale.
04:04En 1940, il est considéré comme l'un des meilleurs stratèges dans l'utilisation des chars.
04:11À l'été 1944, Montgomery lui a confié la prise de Caen.
04:15La prise de cette ville normande a été interminable.
04:19La bataille qui s'annonçait rapide s'est enlisée durant six semaines.
04:24Il a fallu quatre offensives et d'âpres combats pour prendre la ville.
04:28Crocker y a perdu 3500 hommes.
04:32Il avait été l'homme qui a piétiné devant Caen pendant de longues semaines en mois de juin.
04:40Et pour la prise de Caen, ses supérieurs et notamment Montgomery ont fait appel aux bombardiers.
04:48Ça s'est plutôt mal passé sur tout le premier bombardement.
04:51On n'a pas vraiment atteint les positions allemandes.
04:55Donc Crocker, en arrivant au Havre, avec des moyens en troupes terrestres limités,
05:02mais avec un consigne de faire vite pour s'emparer de ce port...
05:07La tâche s'annonce difficile.
05:09Le Havre est un festung, une forteresse défendue par de lourdes batteries d'artillerie
05:14et une garnison de plusieurs milliers de combattants.
05:17À sa tête, il y a le commandant Herman Wildermuth.
05:20Cet officier est un ancien banquier et homme politique
05:23qui surnage dans les eaux troubles du régime nazi depuis le milieu des années 30.
05:27Wildermuth n'est pas un nazi, mais un de ces nationalistes allemands libéraux
05:33qui ont accompagné le régime nazi dans toutes ses mesures,
05:37notamment les atrocités commises en Europe de l'Est.
05:40Il a commandé en Yougoslavie, en Europe de l'Est, où il a participé au massacre.
05:45Ce n'était pas un soldat professionnel, mais c'était un officier zélé
05:50qui espérait être commandant d'une division,
05:53au lieu de quoi on l'a mis à la garnison du Havre.
05:59Au cours de la guerre, son comportement de militaire zélé, très efficace, est remarqué.
06:05C'est pourquoi Hitler le charge du commandement de la garnison du Havre en juillet 1944,
06:11avec pour ordre de détruire le port et de tenir la forteresse coûte que coûte.
06:17Il est nommé avec un serment personnel à Hitler,
06:20avec l'idée de résister jusqu'au bout et de ne pas se rendre
06:24sans une communication et une autorisation directe d'Hitler.
06:30Il faut savoir aussi que tout commandant d'une garnison est obligé de jurer,
06:37de résister jusqu'au dernier homme et de jurer personnellement à Hitler ce que Wildermuth a fait.
06:45Pour honorer son serment au Führer et se battre,
06:48le colonel Wildermuth dispose d'une garnison de 12 000 hommes.
06:52Tout l'été, il s'active pour préparer les combats à venir.
06:58Il estime que les fortifications autour de la ville n'étaient pas vraiment au point
07:03et il s'emploie tant bien que mal à les renforcer
07:08pendant les trois dernières semaines d'août et puis au début du siège.
07:16La garnison allemande au Havre, ce n'est pas des troupes d'élite.
07:19Pendant longtemps, le Havre a été considéré comme un coin assez pépère pour les troupes allemandes.
07:25Si on avait le choix entre la Russie ou le Havre, le Havre c'était vraiment le paradis.
07:31Il estimait que s'il avait des vivres pour survivre pendant 80 jours,
07:38il ne croyait pas pouvoir continuer bien plus longtemps qu'une dizaine de jours,
07:45une fois le siège commencé.
07:48Soumis à la propagande de Vichy et à celle des occupants,
07:51les habitants du Havre savent que les Alliés sont enfin en France depuis ce 6 juin.
07:56Pourtant, rien ne change vraiment comme le montrent ces images amateurs filmées par un soldat allemand.
08:02Les Havre sont toujours sous le joug des Allemands qui ne donnent aucun signe de faiblesse.
08:08On avait senti quand même que dans la nuit il y avait eu beaucoup de passages,
08:13mais aucun bombardement, aucun coup de canon.
08:17On sentait qu'il y avait du passage.
08:19Et lorsque le jour était arrivé, et au mois de juin le jour arrive de bonheur,
08:24derrière le Fort de Saint-Denis on voyait tout à fait l'armada anglaise qui arrivait sur les côtes de Calvados.
08:32Il est évident que ça a changé le système.
08:35Et puis en plus de ça, les bombardements de l'extérieur,
08:40on sentait les bombes d'en face, on les entendait, donc ça nous impressionnait.
08:48Le 12 juin 1944, le Havre est copieusement bombardé par la Royal Air Force britannique.
08:54Ce n'est pas le premier bombardement allié sur cette place forte allemande.
08:58Mais c'est le premier d'une telle intensité.
09:02Moi j'ai eu peur, puis je n'osais pas sortir.
09:04Et puis les bombes tombaient à 100 mètres, 200 mètres, 10 mètres.
09:08Les maisons tombaient les unes après les autres.
09:12Et moi j'ai vraiment eu peur.
09:15Et là j'ai quitté les lieux pour aller sur la place de la mairie.
09:21Et dans la mairie, il y avait un jardin et là je suis allé dans la tranchée.
09:26Et puis il y avait plusieurs tranchées.
09:28Et j'ai été à l'entrée, c'était plein par tout le monde.
09:32C'était la panique, la panique totale.
09:35On écoutait la radio anglaise.
09:37La BBC était facile d'accès sur les postes.
10:06Et ils donnaient d'ailleurs des informations en disant
10:09nous avons bombardé les docks du Havre.
10:11C'était leur façon d'interpréter le début des bombardements.
10:16En réalité, les docks du Havre, on ne savait pas ce qui se passait sur le port
10:19parce qu'on n'avait pas le droit d'y aller.
10:21Mais généralement, c'était la ville et le centre-ville qui trinquaient.
10:27Et le lendemain, on relevait les morts et puis les maisons qui étaient détruites.
10:33Que vise vraiment ce bombardement de juin ?
10:36Les Alliés préparent-ils un débarquement imminent au Havre ?
10:40Le bombardement de juin est un bombardement avec un objectif strictement militaire.
10:44C'est la base des vedettes lancent leur pays dans le port.
10:50Il faut savoir que le port du Havre a été essentiellement détruit par les Allemands
10:54au cours de l'été 1944 pour ne pas laisser un grand port aux Alliés.
10:58Les Alliés voulaient garder le port du Havre dans le meilleur état possible.
11:02Et ce sont les Allemands, sous la direction de Wilbermuth,
11:05qui ont savamment, méticuleusement dynamité tout ce qu'ils pouvaient.
11:11La marine allemande avait ici instauré une flottille de vedettes rapides extrêmement agressives.
11:19Et quelques jours avant le 6 juin 1944, ces vedettes rapides foncent au nord,
11:25sur la côte de l'Angleterre, et là coulent en quelques instants
11:30des bateaux américains chargés de soldats qui étaient en train de s'entraîner au débarquement.
11:36Les Britanniques détruisent la base navale allemande.
11:39Puis, les Allemands sabotent eux-mêmes le port au cours de l'été pour empêcher les Alliés de s'en servir.
11:45Les bombardements font fuir une partie de la population du Havre.
11:49La ville comptait 150 000 habitants.
11:52La population est très réduite, peut-être 50 000 habitants.
11:56Les occupants allemands ont décidé qu'il fallait évacuer les bouches inutiles,
12:02les enfants, les vieux, certaines professions qui n'étaient plus utiles.
12:06Et ils se préparent au siège, et donc ils conservent uniquement les habitants
12:11qui leur paraissent utiles pour l'entretien des environ 11 000 soldats allemands qui sont en ville.
12:17La famille Dombres possède une des grandes librairies de la ville.
12:21Elle est située au centre, à quelques pas de la mairie.
12:24Comme de nombreux Havrets, ils ont trouvé refuge sur les hauteurs.
12:28Mais pas question de fermer boutique.
12:33On avait un commerce, donc on voulait garder le commerce ouvert.
12:38Dans une ville, il faut qu'il y ait des commerçants pour vivre.
12:42Quand il y a eu le débarquement, il n'y avait plus de tramway, il n'y avait plus rien.
12:47Ma soeur aînée et moi, on venait en vélo souvent.
12:51Mais ma mère, à pied.
12:57Pour tous les autres, ceux qui n'ont pas de commerce,
13:00ceux qui ont des familles, avec l'imminence des combats,
13:03se posent la question de partir ou de rester.
13:06Lorsque les Anglais ont encerclé le Havre, ont commencé l'encerclement du Havre,
13:12il était encore possible de sortir et d'aller à la campagne.
13:15Nos parents ont fait un genre de conseil de famille pour nous demander ce qu'on en pensait.
13:19Moi, j'ai dit à mon père, moi je serai vous, je prendrai la décision de rester là.
13:26Les Havrets qui restaient étaient rétifs à l'idée de partir.
13:31Ils avaient sans doute le souvenir de l'exode 40
13:36et du fait qu'ils étaient nombreux à revenir et trouver leur domicile saccagé.
13:44Soit parce qu'ils voulaient être présents à la libération de leur ville.
13:49Finalement, on est restés ici alors que mes parents envisageaient de partir.
13:54Et on a eu tort.
14:01Durant l'été, et malgré des difficultés de plus en plus critiques d'approvisionnement,
14:05les Alliés poursuivent leur avance.
14:08Ils libèrent Paris dans les combats et la Lièce le 26 août 1944.
14:13Le Havre est toujours la priorité des Alliés.
14:16La ville est alors totalement encerclée par les troupes britanniques.
14:20Le dimanche 3 septembre 1945,
14:23une réunion cruciale se tient au quartier général de la 1ère armée britannique au nord du Havre.
14:29Le général Crocker réunit les officiers britanniques et canadiens
14:32pour préparer l'attaque de la ville.
14:34Pour s'emparer du Havre, il ne bénéficie que de deux divisions.
14:39Crocker, évidemment, est parfaitement conscient
14:42qu'un assaut par voie maritime est impossible
14:45parce que les défenses sur la plage sont relativement fortes.
14:50Crocker comprenait, comme Wildemount comprenait aussi,
14:53que l'offensive devait venir essentiellement du nord et du nord-est,
14:59précédé par un bombardement assez massif.
15:03Dans ces conditions, le bombardement semble être l'arme parfaite.
15:07Il permet d'éviter une intervention directe et peut effrayer les Allemands.
15:11Tous les renseignements indiquent qu'ils sont à bout.
15:14Avec un peu de chance, la menace d'un bombardement suffirait même peut-être à les faire plier.
15:19L'effet d'un bombardement est surtout un effet de choc.
15:24Un bombardement massif peut désorienter les Alliés.
15:31Il peut désorienter les troupes ennemies pendant un certain temps,
15:36les rendre sourds, les rendre parfois à moitié fous.
15:42La condition d'un bombardement réussi, c'est d'une part qu'il soit précis
15:49et d'autre part que l'assaut terrestre suit tout de suite après.
15:54Les Britanniques disposent de renseignements,
15:57comme une carte du Havre dessinée par les résistants français
16:00dans laquelle est détaillé le système de défense ennemie.
16:03Elle montre que la ville est bien défendue.
16:05À l'ouest, par des fortifications et des batteries d'artillerie.
16:09À l'est, par des fosses et des champs de mines.
16:12Au total, 77 000 mines et 430 blocaus.
16:18Mais il y a quelques lacunes.
16:20Les services de renseignement estiment que la garnison compte 8 000 hommes.
16:24En réalité, ils sont 12 000.
16:28Ils savent où sont les casernes, les QG, etc.
16:32Ils ne savent pas forcément exactement où se trouvent les troupes à un moment donné.
16:38Notamment à travers la reconnaissance aérienne,
16:43ils savent que, par exemple, du côté de la rue Félixfort et sur le fort de Tourneville,
16:49il y avait d'importantes installations allemandes.
16:52Ils savaient qu'en ville, il y avait telle ou telle caserne, telle ou telle QG,
16:57mais ils ne savaient pas forcément là où étaient précisément les troupes allemandes.
17:04Une rencontre capitale a lieu entre les Anglais et les Allemands
17:08dans la soirée de ce même 3 septembre à 21h dans la banlieue du Havre.
17:12Aucun compte rendu n'a été rédigé.
17:15Ce que l'on sait, c'est que Crocker impose un ultimatum à Vildermout.
17:19S'il refuse de se rendre, un bombardement sera engagé dans un délai de 48 heures.
17:24Les Anglais insistent sur l'inégalité des forces en présence
17:27et garantissent à la garnison allemande que si elle accepte de se rendre,
17:31les soldats seront bien traités.
17:33Dans le cas contraire, on leur promet un déluge de feu.
17:37Ils croyaient pouvoir faire plier Vildermout en menaçant un bombardement féroce.
17:45D'ailleurs, c'est ce qui se passe lors des pourparlers le soir du 3 septembre.
17:51On dit à Vildermout très clairement, rendez-vous, sinon on va bombarder la ville massivement.
17:58Vildermout refuse.
18:00Vildermout, la politique serait peut-être rendue,
18:04mais Vildermout, le soldat, est bien résolu à continuer.
18:10Se pose alors la question des civils.
18:12On sait aujourd'hui qu'elle a été au cœur des négociations.
18:15Mais qui l'a proposée ?
18:17Qui l'a refusée ?
18:19Est-ce les Allemands, pensant que la Royal Air Force n'oserait pas raser la ville avec les civils ou les Anglais,
18:25espérant que Vildermout se rendrait plus tôt que d'être responsable d'un drame ?
18:29Ce que les Allemands veulent, c'est que les dernières évacuations se prolongent très longtemps,
18:35ce qui rallonge la durée du siège, ce qui les arrange,
18:39et qu'un certain nombre de personnes essentielles pour les troupes allemandes restent.
18:44Les Britanniques, par contre, veulent vous évacuer toute la population tout de suite ou c'est fini.
18:52Donc des deux côtés, on utilise la population comme une monnaie d'échange, oui.
18:59De retour dans son QG du fort de Tourneville, Vildermout sait que l'armée allemande est en déroute.
19:04Quelques jours plus tôt, le commandant de la 15e armée, qui devait lui venir en renfort, l'avertit qu'il se retire,
19:10le laissant seul avec sa garnison.
19:13Vildermout sait que les Alliés ont atteint la Belgique. La guerre semble bien perdue.
19:18Il doit aussi lutter contre la démotivation.
19:21Depuis plusieurs jours, les Alliés larguent sur la ville des milliers de lettres signées par Eisenhower
19:26à destination des soldats allemands, les invitant à se rendre et leur promettant d'être bien traités.
19:32La propagande est peu efficace. Seuls quelques soldats désertent.
19:37Quelques soldats allemands demandent que les autorités locales, la population locale, les résistants les abritent.
19:45Les commandants allemands apprennent cela et disent vous devez nous rendre ces soldats.
19:53Et on sait dans d'autres cas que les déserteurs allemands sont fusillés.
19:57Donc les résistants refusent de livrer les hommes, mais ils disent on va les désarmer quand même comme ça.
20:04On vous donne les armes mais pas les hommes.
20:07Le 4 septembre au matin, Vildermout fait savoir aux anglais que la garnison ne se rendra pas.
20:13Est-ce par sens du devoir ? Parce qu'il veut respecter son serment ?
20:17Parce qu'il craint pour la sécurité de sa famille restée en Allemagne,
20:21qui serait menacée si Hitler devait se sentir trahi par une rédition trop rapide ?
20:25On ne le saura jamais.
20:27Vildermout ajoute à sa réponse la demande d'une trêve de 48 heures pour permettre l'évacuation des civils.
20:34Ce qui est certain c'est que Vildermout avait demandé l'évacuation des civils et que Crocker l'a refusé.
20:42Pourquoi ? Parce que Crocker était très pressé,
20:46parce qu'il estimait que tous les avantages militaires d'une évacuation étaient du côté de Vildermout.
20:54C'est-à-dire un gain de temps pour Vildermout et moins de civils pour gêner la résistance allemande.
21:03La détermination de Vildermout à tenir son engagement de commandant
21:08et la volonté de Crocker de prendre la forteresse au plus vite vont sceller le sort du Havre.
21:13En ville, les rumeurs concernant une attaque aérienne commencent à courir,
21:17mais la nouvelle n'effraie pas les habitants.
21:19Au cours de ces 4 dernières années, ils en ont déjà subi plus de 130.
21:23Ils se sont construits des abris et connaissent la procédure à suivre en cas d'attaque.
21:28Je ne veux pas dire qu'il y a une habitude au bombardement,
21:31mais comme ce n'était pas les premiers, on sentait quelle était la cible.
21:37Mais si ce n'était pas exactement dans notre secteur, on poussait à la fin à ouf de soulagement.
21:45Personnellement, je n'ai pas senti de mouvement de panique.
21:49Il y avait un certain fatalisme finalement.
21:53Puis en espérant qu'on passerait au travers.
21:57Crocker déclenche l'opération Astonia.
22:04Il fait appel au commandement des bombardements.
22:07Le bomber commande, dirigé par Arthur Harris, le chef de la Royal Air Force.
22:13Il est surnommé Butcher Harris.
22:16Harris le boucher par ses hommes.
22:18Avec son armée d'avions Lancaster, il écrase l'Allemagne sous les bombes depuis 1942.
22:24Les rumeurs à son sujet vont bon train.
22:27On dit de lui qu'il aime voir les villes détruites.
22:31Le maréchal Harris va comprendre qu'il n'y a pas beaucoup de moyens de faire la guerre.
22:36Et que le bombardement stratégique, le bombardement aérien,
22:39est quasiment la seule manière d'attaquer l'ennemi, de le frapper au cœur,
22:44d'empêcher ses communications, de détruire son potentiel industriel.
22:48C'est l'homme qui exécute la politique déjà définie de area bombing.
22:55C'est-à-dire de détruire toute une ville au lieu de s'en prendre précisément à telle ou telle usine.
23:04Il va dire à Churchill et aux autorités qu'il se fait fort de mettre l'Allemagne à genoux
23:19et qu'il ne sera peut-être pas nécessaire d'engager des forces terrestres.
23:23Pour lui, la destruction des objectifs allemands, incluant les villes,
23:28va permettre de mettre à genoux le troisième Reich
23:32et de détruire le moral de la population qu'il soutient.
23:35Le maréchal Harris n'aime pas bombarder la France.
23:38Il aime ce pays. Il connaît les dégâts que font ses bombardiers.
23:42Mais il obéit aux ordres.
23:45C'est un homme qui n'aime pas forcément bombarder la France.
23:49Il le fait essentiellement contraint et forcé.
23:52Et d'ailleurs, il était très critique, par exemple,
23:55de certaines opérations qu'il avait été obligé de faire,
23:59notamment contre les bases sous-marines à Lorient et à Saint-Nazaire.
24:05Il estimait que ces attaques étaient parfaitement inefficaces
24:09et qu'il n'y avait pas lieu de le faire.
24:12Aussi aberrant que cela puisse paraître,
24:14Crocker ne connaît pas les techniques de bombardement britanniques,
24:18ces carpets de bombing ou bombardements massifs.
24:22Essentiellement réservés à l'Allemagne,
24:24ces bombardements se sont multipliés de fait en France depuis le 6 juin
24:28pour assurer la réussite du débarquement,
24:30pour retarder les renforts allemands et freiner leurs déplacements.
24:34Certaines villes et villages normands ont été ainsi rayées de la carte.
24:38Alors, lorsque Crocker demande un déluge de feu sur le Havre sans détruire la ville,
24:43comment est-ce compatible avec les techniques de bombardement britanniques ?
24:47Comment être précis en bombardant massivement une zone, un objectif ?
24:52La précision et l'identification des cibles
24:56va d'abord être basée sur un outil qui est fondamental,
25:00ce qu'on appelle les target illuminators,
25:03qui sont en fait des sortes de gros feux de bengales,
25:06de couleur verte, de couleur rouge,
25:09certains blancs mais plus exceptionnellement,
25:11qui vont permettre d'illuminer la cible.
25:13Un premier groupe d'appareils, des appareils éclaireurs,
25:16vont larguer sur l'objectif ces gros target illuminators.
25:21Le deuxième outil de précision est le guidage des bombardiers.
25:25Les britanniques ont une technique très particulière.
25:28Le principal outil de guidage va être un guidage radio
25:32qui s'appelle en anglais « oboe »,
25:35tout simplement parce que le son émis par ce signal
25:38ressemble un peu au signal d'un oboie.
25:44Donc, depuis l'Angleterre,
25:45deux stations émettrices qui sont séparées géographiquement
25:49envoient chacune un signal au-dessus de la cible.
25:52Les deux signaux se croisent précisément au-dessus de l'objectif.
25:56Les appareils arrivant sur zone
25:58entendent les deux signaux qui se superposent
26:01et savent que c'est le moment précis
26:03où ils doivent larguer leur cargaison de projectiles.
26:12Troisième outil de doctrine
26:13qui permet de garantir une certaine précision,
26:16la présence dans le ciel en amont des bombardements d'un homme-clé,
26:19le maître bombardier ou le maître de cérémonie.
26:23Faire superviser chaque bombardement de nuit
26:26par un super officier bombardier
26:29qui est sur l'objectif, qui le survole,
26:31qui a une longue expérience des bombardements de nuit
26:34et qui va en permanence contrôler,
26:37corriger l'opération éventuellement
26:39et s'assurer que la planification qui a été définie est respectée.
26:44Connaissant l'imminence des bombardements,
26:46Wildermuth fait évacuer la commande en tour
26:48et les casernes par ses hommes
26:50qui prennent position dans les blocaux à l'entrée de la ville.
26:54Le 4 septembre,
26:55Crocker veut croire que le bombardement ne sera pas nécessaire.
26:58Il a prévu la possibilité de l'annuler à la dernière minute
27:02par un mot de code,
27:03« lemons » pour citron.
27:06Mais c'est le mot de code « orange » qui est donné.
27:09Orange lance l'opération Astonia.
27:12En Grande-Bretagne,
27:13sur les bases de la Royal Air Force,
27:151900 tonnes de bombes sont tissées à bord
27:17de 313 bombardiers Lancaster.
27:20Les demandes de Crocker,
27:21de petites bombes,
27:22n'ont pas été retenues.
27:24Il s'agit d'un mélange de bombes entre 250 et 500 kg.
27:27Un chargement habituel pour ces bombardiers lourds
27:30qui décollent par un temps tout à fait clément.
27:33A l'avant-garde,
27:34se trouvent des avions Pathfinder,
27:36ce sont des mosquitos de la guerre.
27:38De petits avions qui larguent des indicateurs lumineux
27:40qui délimitent la zone à détruire.
27:42Il s'agit du centre-ville du Havre.
27:44Les premiers appareils marqueurs sont arrivés,
27:46mais du fait de la couverture nuageuse,
27:48ont largué les « target illuminator »
27:51un peu trop en avant de la cible.
27:53Il faut donc refaire un nouveau marquage
27:57et permettre à ce que de nouveaux Pathfinder arrivent
28:01et jettent leurs feux de bengales.
28:03Alors, le nombre d'avions que l'on voit
28:05arrive et jette leurs feux de bengales.
28:07Alors, le maître de cérémonie va donc demander
28:10à tous les appareils, tous les bombardiers
28:12qui sont en file, qui attendent d'intervenir,
28:14de patienter.
28:15Ces derniers vont faire un grand tour
28:17au-dessus de la baie du Havre.
28:19Les Pathfinder vont jeter de nouveaux marqueurs,
28:23de nouveaux « target illuminator »
28:25précis cette fois-ci.
28:26Et le maître de cérémonie, le « master bomber »
28:29donnera alors l'ordre de déclencher le bombardement.
28:32Je me souviens, j'étais chez un ami
28:34qui faisait de l'aéro-modélisme
28:37dans le grenier de ses parents.
28:40Il y avait une très belle vue d'ailleurs
28:42sur tout l'estuaire du Havre.
28:45Il était à peu près 6h45, 6h00
28:48quand on a vu les avions marqueurs
28:52qui sont venus du nord-ouest
28:54et qui ont lancé des fusées éclairantes
28:58en plein jour.
29:01Et ça nous a beaucoup intrigués tous les deux.
29:03Il avait un poste dans le grenier
29:06et on a regardé tout ça.
29:08On s'est dit « qu'est-ce que ça veut dire ? »
29:10Mon frère et moi, on était coincés à la maison
29:13parce que nos parents étaient partis à la campagne
29:15comme beaucoup.
29:16Voler gros bras, on n'avait pas peur nous.
29:19On n'avait pas peur.
29:23Crocker a donné 11 cibles à bombarder
29:26s'appuyant sur des reconnaissances aériennes
29:28et des informations.
29:29Il y a notamment la commande en tour
29:31et des bureaux administratifs.
29:33Seulement, aucune de ces cibles ne désigne
29:36le quartier général militaire de Vildermout
29:38situé dans le fort de Tourneville.
29:40Il faut savoir que dans les relations
29:42entre les forces terrestres et le bombe à commande,
29:46l'attitude du bombe à commande était
29:50on veut bien qu'on nous dise
29:53quelles sont les cibles qu'il faut attaquer
29:57mais ensuite qu'on ne nous dise pas comment faire.
30:01Ça, c'est notre affaire.
30:02Et je crois que c'est à cause de cela
30:05que la demande de Crocker
30:07crée beaucoup de bruit et de confusion.
30:10Lui, il demande un bombardement
30:12et le bombe à commande exécute un bombardement
30:15à sa façon.
30:18Entre 18h et 19h, les bombardiers britanniques
30:21arrivent au-dessus du Havre.
30:23Ils volent très bas.
30:24Il n'y a aucune décès à Allemande.
30:26Les premières bombes explosent.
30:33On a vu la première vague des bombardiers arriver.
30:36J'ai couru pour me trouver mes parents
30:38qui étaient déjà entrés dans la tranchée du Jardin
30:40où ils se trouvaient.
30:42Et c'est là que le bombardement a commencé.
30:45C'était 200 avions qui larguaient ça, qui larguaient ça.
30:51Alors on est allé chez les voisins.
30:53C'était une quinzaine.
30:55Et puis il y avait même des dames qui pleuraient.
30:58Elles avaient peur, tout ça.
31:00Et on est allé se protéger chez eux.
31:03Alors il y a eu plusieurs vagues, bien sûr.
31:06On sortait de la tranchée
31:08et on sortait de la tranchée
31:10et on sortait de la tranchée
31:12On sortait de la tranchée au fur et à mesure
31:15que les vagues se succédaient.
31:18Le sol tremblait.
31:20On pensait que ça allait s'arrêter
31:22puis ça commençait.
31:24C'est effroyable.
31:26Ça tremblait de tous les côtés.
31:28C'était une vision d'apocalypse.
31:36Il y avait un nouage de fumée, de feu
31:38qui montait à 5000, 10 000 mètres.
31:42Tout était embrasé.
31:45On a voulu descendre dans la maison
31:47avec mon frère.
31:49Et quand on a vu ça, c'était affreux.
31:51Tout ça, je me suis dit, il n'y a plus rien.
31:54On ne savait même pas où était notre maison.
31:56Tout était disparu.
32:01Et puis ce n'était pas fini.
32:03Il y avait une deuxième qui avait 200 avions qui ronnaient
32:06et une troisième, une quatrième et une cinquième.
32:09Et ça a duré deux heures.
32:11Deux heures, c'est affreux, ça.
32:22Les pilotes ne cherchent pas à viser les cibles
32:24données par Crocker.
32:28Le Bomber Command a traduit ces demandes
32:30en un périmètre à bombarder.
32:32Et cela correspond au centre-ville du Havre.
32:35Ils bombardent massivement une zone
32:37pour être certains de détruire l'objectif.
32:40Compte tenu d'une certaine imprécision des tirs,
32:42les bombes atteignent rarement leurs cibles.
32:44D'où la nécessité d'en larguer une grande quantité.
32:49Il y a 335 avions pour l'essentiel des Lancaster.
32:55Ils arrivent en fin de journée, en deux vagues.
32:59Ils larguent un peu moins de 1900 tonnes de bombes sur le Havre
33:07dans 60 tonnes d'incendiaires, ce qui n'est pas rien.
33:10Les bombes incendiaires s'engouffrent
33:12dans les béances des immeubles éventrés
33:14et mettent le feu aux charpentes.
33:16J'en ai vu des bombes incendiaires.
33:18C'était des plaquettes au phosphore.
33:20Dès qu'elles touchaient le sol ou un toit,
33:22elles se mettaient à flamber.
33:24Les destructions du Havre-Centre
33:27ont été causées par les bombes explosives d'abord,
33:30puis ensuite par les bombes incendiaires et le vent de feu.
33:33C'est les pompiers qui étaient très gênés d'ailleurs
33:36parce que les canalisations étaient crevées, bien entendu.
33:39Ils ont été chercher de l'eau dans le bassin du Commerce,
33:42c'était de l'eau de mer, il ne convenait pas,
33:44mais enfin, ils ont pris ce qu'on aime
33:46pour essayer de couper le feu.
33:51Les flammes se propagent rapidement,
33:53transformant le centre-ville en un gigantesque brasier.
33:57Une centaine de résistants meurent brûlés vifs
34:00dans les caves du théâtre municipal où ils s'étaient cachés.
34:07À 21h, le cœur du vieux Havre a été intégralement détruit.
34:20Un bombardement aérien de cette intensité,
34:23de cette force, de cette puissance comme l'a connu le Havre,
34:26c'est l'expérience qu'il n'y a plus aucune sécurité
34:29sur cette planète pour vous, ou que vous vous cachiez,
34:32que ce soit dans les caves, dans les jardins,
34:34vous ne pouvez pas fuir, vous êtes broyés,
34:36et le bombardement est par ailleurs incessant.
34:39Quand on parle de 350 bombardiers lourds,
34:42presque 2000 bombes larguées,
34:44ça veut dire que toutes les 15-20 secondes
34:46arrive un nouvel appareil avec sa cargaison de bombes,
34:49donc c'est terrible, c'est la fin du monde,
34:52et une totale apocalypse.
34:58Cette atroce, on perd tout,
35:01on perd les amis qu'on a dans l'immeuble où on a vécu,
35:06on perd tous ceux qui travaillaient dans le quartier,
35:09on a perdu tout.
35:11Autour de l'église Notre-Dame, autour du monument aux morts,
35:17il y avait des corps, on ne savait pas qui c'était.
35:21Outre les destructions, ce 5 septembre,
35:24781 civils ont été tués,
35:27et 289 sont portés disparus.
35:30Aucun Allemand ne trouve la mort,
35:32aucune fortification n'est atteinte.
35:34Le général Crocker demande aux Allemands de se rendre.
35:37La garnison allemande ne sera absolument pas
35:41après l'attaque du 5,
35:44donc il y a une deuxième attaque, le 6,
35:48sur une cible un tout petit peu décalée par rapport au 5.
35:54Après le refus par Wildermuth d'un deuxième ultimatum,
35:57Crocker déclenche l'opération Astonia II.
36:00Les escadrilles de bombardiers reviennent dans le ciel du Havre
36:03pour larguer leurs cargaisons meurtrières.
36:10Là, ce sont 271 appareils
36:13qui larguent environ 1 500 tonnes de bombes,
36:17avec aussi une quantité très réduite d'incendiaires.
36:23Des centaines d'habitants sont venus s'abriter
36:26dans le tunnel du Génaire,
36:28un tunnel routier en construction
36:30lorsqu'une bombe s'écrase sur l'entrée et la détruit.
36:33Emmurée vivante, 319 personnes meurent asphyxiées.
36:37Cette catastrophe devient le symbole du drame.
36:40Il y a 7 survivants, dont un enfant, Daniel, âgé de 13 ans.
36:45Les gens mouraient les uns après les autres, si vous voulez.
36:48Mon père à un moment m'a appelé en me disant
36:51que j'avais 13 ans à cette époque-là quand même.
36:54Et ils m'ont dit, ils m'ont dit,
36:56bon, je pense, toi, que tu sortirais du tunnel,
36:59mais on parle pas à ta mère, donc...
37:01Et mon père est mort dans mes bras.
37:03Max Bengston arrive sur les lieux très peu de temps
37:06après le bombardement. Il pensait y trouver refuge.
37:09Je rentre dans le tunnel avec mon frère
37:12et puis on rencontre des cadavres.
37:15C'est grave, ça fait mal de voir ça.
37:18On s'attendait pas à ça.
37:21Le mauvais temps empêche les bombardements de se poursuivre.
37:24Crocker écrit à sa femme.
37:26Ma chérie, c'est un jour épouvantable.
37:28Il pleut des cordes et le vent souffle.
37:30J'espère que nos bombardements vont ramollir la volonté des Allemands
37:33à continuer leur résistance.
37:35Si ça ne marche pas, il faudra s'y mettre sérieusement.
37:38L'issue est certaine, mais ma priorité est de tout faire
37:41pour éviter toute perte inutile parmi nos troupes.
37:45Profitant de la calmie, les secouristes s'affairent.
37:48Il y avait des gens sous les ruines.
37:51C'est là où les équipes nationales
37:54et la défense massive, avec les pompiers, bien sûr,
37:57ont essayé de sauver ce qu'ils pouvaient sauver.
38:01Parce que c'était des tonnes et des tonnes de gravats, bien sûr.
38:05Les autorités religieuses avraises viennent supplier Vildermuth
38:08d'autoriser une trêve et l'évacuation des habitants.
38:12Vildermuth refuse et rejette la responsabilité du drame sur les Anglais.
38:16Malgré d'autres bombardements,
38:19dont une partie tombe sur la banlieue du Havre,
38:22le général Crocker doit admettre son échec.
38:25Vildermuth refuse toujours la rédition.
38:28Il est contraint de lancer l'attaque terrestre qu'il redoute.
38:32Il demande à nouveau l'appui des bombardiers.
38:35Mais cette fois-ci, les cibles sont différentes.
38:38Ce sont les fortifications allemandes disposées autour de la ville.
38:47Quasiment tous les appareils disponibles du bombardement
38:52sont lancés contre le Havre le 10 septembre.
38:56Et on arrive à un total de presque 5000 tonnes de bombes.
39:00Donc ce sont les bombardements les plus importants,
39:04mais sans doute pas les plus douloureux pour la ville du Havre.
39:11Ce sont les premiers bombardements utiles et efficaces.
39:14Dans la foulée, le commandement britannique lance ses troupes à l'assaut.
39:19L'attaque est lancée avec une extrême rapidité
39:22et aussi avec un certain nombre d'engins
39:26destinés à permettre la traversée des champs de mine
39:30et aussi des appareils lance-flammes.
39:33Crocker dirait que tout s'est passé comme un horloge bien réglé.
39:38Et il n'est pas forcément tort,
39:40parce que dans les 48 heures,
39:42les opérations terrestres sont, pour ainsi dire, terminées.
39:46Les Britanniques ont su profiter du choc
39:49provoqué par les bombardements massifs du 10
39:53pour prendre les Allemands au dépourvu.
39:58On arrive au château d'eau, on tombe sur des chars d'achats anglais.
40:02Et on a un officier anglais qui nous a insulté en anglais,
40:07disant, qu'est-ce que vous faites là ?
40:10Parce qu'ils étaient en train de préparer l'assaut du fort de Saint-Andrés.
40:14Alors nous, on voyait porter la brouette pour aller chercher le nom.
40:19Alors l'officier, je me souviens, a toujours dit,
40:22on les rampe, on les rampe, dégagez !
40:25Et alors, ils avaient lancé un ultimatum
40:28à la garnison allemande qui se trouve au fort de Saint-Andrés,
40:32qui finalement s'est rendue.
40:35Le fort de Tourneville tombe entre les mains des Britanniques vers 9h.
40:40Mais il faut encore 3h pour que Wildermut,
40:43blessé par un éclat d'obus à la cuisse, ne consente à se rendre.
40:48Wildermut, fidèle à son serment,
40:51ne donne pas la reddition de la garnison.
40:54Blessé et cerné par les troupes britanniques,
40:57ils seront à titre individuel.
41:00Ensuite, les Britanniques l'invitent à donner la reddition de la garnison,
41:06et ils refusent.
41:08Ils disent, maintenant, je suis prisonnier de guerre,
41:11mon commandement est terminé, je ne suis plus commandeur de la garnison,
41:15il n'y a pas lieu de me demander de faire quoi que ce soit.
41:19Résultat, pendant des heures,
41:21des soldats fanatiques allemands vont continuer de tirer sur les Britanniques.
41:25Au bout de quelques heures, vers 4h de l'après-midi,
41:28les combats cessent, les Allemands se rendent.
41:31Michel Daillaud assiste à cette reddition des troupes allemandes.
41:34Toujours suivant le prêtre qui était avec nous,
41:37on trouve un garde allemand,
41:40il voit mon abbé qui était en souten à l'époque,
41:44il vient au-devant de lui en lui donnant son fusil.
41:49L'abbé ne parlait pas à moi d'allemand,
41:52il s'est fait comprendre qu'il ne voulait plus faire la guerre,
41:56que pour lui c'était terminé, il lui remettait son fusil.
41:59Puis, il assiste à l'entrée des troupes britanniques dans la ville du Havre.
42:03C'était des tanks anglais, des chars d'assaut anglais,
42:06qui étaient arrêtés sur la place de l'église
42:09et qui attendaient des ordres pour descendre au Havre.
42:13Mais ils étaient très craintifs,
42:16parce qu'ils prétendaient qu'il y avait des mines
42:19qui avaient été posées sur la rue qui descendait de Sandvik au Havre,
42:23alors qu'il n'y avait rien du tout.
42:27En cette fin d'après-midi du 12 septembre 1944, victorieux,
42:31les alliés pénètrent dans une ville qui n'est plus qu'un champ de ruines.
42:35Le bilan militaire du côté allemand et anglais est plutôt léger.
42:40L'assaut terrestre se passe très bien,
42:43avec tout au plus 500 morts, blessés et disparus du côté britannique,
42:50aussi assez peu de morts du côté allemand,
42:53mais 11 000 prisonniers allemands.
42:57Du côté des civils, le bilan est terrible.
43:01Pour l'ensemble des bombardements de septembre,
43:03donc entre le 5 et le 12 septembre, qui est le jour de la libération,
43:07environ 2000 morts.
43:09Il y a des morts partout, ils sont enterrés à la Vavite.
43:13Le square qui se trouve à Vnifoche, il servait de cimetière,
43:17parce qu'on enterrait les gens, on les mettait dans un drap
43:21ou dans des dessous de lits, ce qu'on pouvait,
43:25puis on les enterrait comme ça.
43:28Une grande partie de la ville a été rasée.
43:33Du quartier de la gare, on voyait la mer.
43:35Quand on connaît le Havre, comme entre la gare et la mer,
43:38il y a à peu près un kilomètre, ça donne une idée de l'étendue des destructions.
43:42On a 90 ou 100 degrés d'angle,
43:45on a tout un quartier détruit.
43:50On ne pouvait plus pénétrer dans ce périmètre de ruines.
43:53Il n'y avait plus de rue, il n'y avait plus de boulevard,
43:55il n'y avait plus rien de tracé.
43:57Et puis c'était même dangereux, parce qu'il y avait encore
43:59des pans de mur qui risquaient de tomber.
44:01Le 12 septembre 1944, le quotidien, le Havre matin, titre.
44:06Nous vous attendions dans la joie, nous vous accueillons dans le deuil.
44:10Les Havrets n'ont qu'un mot à la bouche.
44:13Pourquoi ? Pourquoi le centre de la ville a été pulvérisé sous les bombes britanniques ?
44:18Pourquoi plus de 2000 civils havrets viennent de perdre la vie ?
44:21Des témoins se souviennent encore aujourd'hui
44:23de l'accueil très réservé des libérateurs par les habitants du Havre.
44:27On ne les a pas applaudis.
44:30On était très froid.
44:33Ça s'est un peu arrangé après,
44:36mais il faut dire qu'ils n'avaient pas tellement de bonne réputation.
44:42Croqueur est invité à rejoindre la remise d'une gerbe de fleurs
44:46au Monument aux Morts du Havre,
44:48l'une des seules constructions intactes au centre-ville.
44:51Il écrit.
44:52Je suis descendu au Havre cet après-midi.
44:54On m'a enrôlé pour poser une gerbe au Monument aux Morts.
44:57Les autorités étaient reconnaissantes de leur libération,
45:00mais naturellement un peu assommées par leur expérience.
45:03Je regrette que la ville ait été tristement amochée par endroits
45:06et il y a eu de nombreux tués et blessés.
45:08Mais malheureusement, c'était inévitable
45:11et il comprenait que c'était une partie du prix à payer.
45:14Ces lettres font état d'un souci pour les civils,
45:18mais elles ne sont peut-être pas à la mesure
45:22du désastre qui a été provoqué.
45:27Aucune ville française n'a payé plus cher que le Havre sa délivrance.
45:31Son bombardement est le plus meurtrier
45:33et le plus destructeur qu'ait connu la France.
45:37Il faut savoir que la Grande-Bretagne a reçu,
45:41en tout et pour tout,
45:43quelque 75 000 tonnes de bombes
45:47entre 1940 et 1945.
45:50Pour le Havre, pour la seule ville du Havre,
45:53en une semaine, 10 000 tonnes de bombes.
45:56C'est une disproportion assez remarquable.
46:00C'est l'un des bombardements meurtriers
46:02les plus mystérieux et incompréhensibles de la Seconde Guerre mondiale.
46:05Des Allemands peu visés par les bombes
46:07et rapidement vaincus par une attaque terrestre.
46:10Pendant plus de 70 ans,
46:12de nombreuses enquêtes historiques ont tenté de percer ce mystère,
46:15sans succès.
46:16Elles se sont toutes heurtées à une chape de plomb,
46:18un silence coupable et tabou,
46:20jusqu'à des découvertes récentes.
46:23La tragédie du Havre,
46:25c'est que ni Croqueur ni Vildemut sont des monstres sanguinaires,
46:30mais chacun estime, de son devoir militaire,
46:35de suivre une série d'actions qui provoque cette tragédie.
46:41Vildemut aurait pu se rendre,
46:44sans trop faire dommage à la Fort-de-Guerre allemande,
46:47et Croqueur aurait pu permettre l'évacuation.
46:51Et aurait pu se soucier peut-être un peu plus,
46:54voire beaucoup plus,
46:56de ce que faisaient ceux dont étaient capables,
46:58les bombardiers de la Royal Air Force.
47:02Croqueur et Vildemut sont tous les deux satisfaits de leur mission.
47:06Vildemut a toujours affirmé qu'il avait bien demandé l'évacuation des civils,
47:10et que les Britanniques l'avaient refusé.
47:12Cette version a été confirmée par un officier anglais.
47:15Cela a provoqué un scandale au Royaume-Uni.
47:18Il a même été question d'accusations de crimes de guerre dans la presse.
47:22Attaqué, la Royal Air Force a répliqué en brandissant ses archives
47:25dans lesquelles aucune trace d'un refus d'évacuation de la part de Croqueur
47:29n'a pu être retrouvée.
47:31Pourtant, dans la même lettre écrite à son épouse le 12 septembre 1944,
47:35et récemment découverte,
47:37Croqueur lève le voile sur la terrible vérité.
47:40Vildemut a demandé deux jours pour évacuer les civils.
47:43C'était une décision ni facile ni agréable à prendre, mais j'ai refusé.
47:47Il n'a qu'à se rendre s'il s'en préoccupe réellement.
47:50Vildemut en aurait profité pour gagner du temps
47:53et pour se débarrasser des résistants.
47:57Croqueur ne voulait pas négocier avec Vildemut,
48:00sauf dans le cadre d'une reddition de sa part.
48:03Trois anciens pilotes britanniques ont aussi fait des révélations dérangeantes.
48:07Ils contredisent leur propre institution sur une série de points cruciaux,
48:11notamment l'impact et la précision de ces bombardements.
48:23J'ai reçu des aides.
48:25En fait, ce soir, après la raide,
48:27quand je suis revenu, j'avais enlevé mon livre,
48:30qui est une copie,
48:32dans lequel j'ai écrit que l'objectif de l'opération
48:35était d'accélérer la surdouée de la garrison allemande.
48:38Nous pensions que cette partie de Le Havre, derrière nous,
48:41était toute allemande.
48:43C'est ce que nous avions pensé.
48:45En fait, quand nous sommes revenus de Le Havre,
48:48il y avait un télégramme
48:50de l'hébergement de la garrison allemande
48:52à High Wycombe, près de Londres,
48:55qui a été reçu de Montgomery,
48:59en remerciant la garrison allemande
49:02pour l'accuracité des bombardements de Le Havre.
49:05C'est un récord.
49:07C'est très triste, n'est-ce pas,
49:09que les Allemands soient tous sortis,
49:12et qu'on se demande pourquoi l'intelligence
49:15était si inaccurée à l'époque.
49:17Si en fait, c'était le cas.
49:19Apparemment, côté britannique,
49:21c'est toute la chaîne de commandement
49:23qui serait fautive de Crocker à Montgomery,
49:26le chef des armées britanniques.
49:28C'est un crime de guerre
49:30ou quelque chose qui mérite des excuses.
49:33Sauf que dans l'establishment anglais,
49:37les hauts faits de la Royal Air Force sont glorifiés,
49:40et il n'est pas question de diminuer cet héroïsme.
49:49Les Anglais ont fait quelque chose de moche,
49:52de moche, de vraiment moche.
49:55Les Anglais ont fait un truc qu'ils ne devaient pas faire.
49:59On a eu du mal à faire le deuil de tout ça.
50:03Mais on n'avait pas voulu aux soldats anglais.
50:06La preuve, c'est qu'on avait même reçu des soldats anglais
50:09le soir ou le lendemain de leur arrivée ici pour les énerger.
50:13Pourtant, des dizaines de milliers de Havrets
50:16vont vivre dans des abris de fortune pendant des années,
50:19le temps que leur ville et leur logement soient reconstruits.
50:22Pour les encourager,
50:24le général de Gaulle fait une visite au Havre le 7 octobre 1944.
50:31Au printemps 1945,
50:33le ministère de la reconstruction et de l'urbanisme
50:36confie le projet de reconstruction du centre-ville du Havre
50:39à l'atelier Perret...
50:43Officiellement, la reconstruction s'achève au milieu des années 1960.
50:49On n'a pas tellement demandé aux Havrets leur avis
50:52sur ce vaste chantier d'urbanisme,
50:55sur la manière dont ils souhaitaient que leur ville soit reconstruite.
50:58Ça explique aussi pourquoi les Havrets ont peut-être mis du temps
51:01à s'approprier cette ville nouvelle.
51:06D'autant plus que la reconstruction jurait quand même
51:09par rapport au Havre d'antan.
51:12Et les vieux Havrets n'étaient pas d'accord
51:15avec le sens de la reconstruction d'un travail Perret.
51:21Il a fallu l'inscription à l'UNESCO en 2005
51:24pour être fiers d'être Havrets à nouveau.
51:29Longtemps un mystère,
51:31les raisons qui ont conduit au bombardement meurtrier du Havre
51:34en septembre 1944 ont été enfin élucidées.
51:39Le bombardement est le résultat de l'enchaînement d'un ensemble de facteurs.
51:43Côté britannique, c'est une série d'erreurs de jugement,
51:46de mauvaises informations et de précipitations.
51:50Côté allemand, il s'explique par l'obstination
51:53jusqu'au boutiste d'un militaire voulant faire honneur à son serment
51:56fait à Adolf Hitler.
51:59Restent les souffrances qui en ont résulté.
52:02À ce jour, ni le gouvernement britannique,
52:05ni les autorités allemandes n'ont encore exprimé le moindre regret.

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