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00:00 6h39, les Matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06 Bonjour Marguerite Caton.
00:07 Bonjour Guillaume, bonjour à tous.
00:10 Alors ce matin, c'est la question du jour du mois de novembre.
00:13 Oui, J+7 ce mardi pour les 120 000 personnes qui ont décidé d'arrêter de fumer en ce
00:18 mois dédié à la lutte contre le tabagisme.
00:21 Alors ce n'est qu'une petite partie des 15 millions de fumeurs de France, mais ils méritent
00:26 tous nos encouragements.
00:27 Bonjour Loïc Josserand.
00:28 Bonjour.
00:29 Vous êtes médecin et chercheur en santé publique à l'université Versailles, Saint-Quentin-en-Yvelines,
00:34 président de l'Alliance contre le tabac.
00:36 Avant de parler des différentes manières d'arrêter de fumer, quelques mots sur l'addiction
00:40 d'un point de vue biologique.
00:41 Que se passe-t-il quand on fume une cigarette ?
00:43 Quand nous fumons une cigarette, ce qui va nous rendre dépendant, c'est la nicotine
00:48 qu'elle contient, qui va être absorbée par voie transpulmonaire, et qui ensuite va rejoindre
00:53 le cerveau, cerveau dans lequel il y a des petits récepteurs à la nicotine, et ces
00:58 petits récepteurs à la nicotine, une fois qu'ils sont saturés avec cette nicotine
01:02 qui est absorbée et qui est dans le sang, le fumeur va se sentir bien.
01:06 Du coup, il a besoin en permanence de se recharger en nicotine et de remonter son taux sanguin
01:13 de nicotine, sa nicotinémie, pour être satisfait.
01:16 Il faut bien voir que le cerveau raffole de chutes à la nicotine, et ces chutes proviennent
01:20 de la rapidité avec laquelle la nicotine parvient jusqu'au cerveau.
01:24 Il se passe à peu près une seconde entre le moment où la nicotine est dans la cigarette
01:28 et où elle est dans le poumon, et où elle arrive au cerveau.
01:31 Donc, ces flashes, le cerveau raffole de ces flashes, et c'est ce qui fait d'ailleurs
01:35 l'addiction.
01:36 Quel que soit le flash, ça provoquera une addiction.
01:38 Un téléphone, une cigarette, n'importe quoi.
01:40 Il y a un second versant à l'addiction à la cigarette, c'est un versant psychologique.
01:45 Tout à fait.
01:46 Là, on va rentrer dans une dimension un peu plus comportementale, psychologique, où
01:50 le fait d'aller acheter le cérémonial d'Ala-Chal, le déballage, porter à la bouche, avoir
01:55 dans les mains.
01:56 D'ailleurs, les fumeurs, quand ils s'arrêtent de fumer, sont les premiers à le dire "je
01:59 ne sais plus quoi faire de mes mains".
02:01 Donc, il y a vraiment une habitude comportementale, comme vous le dites, qui est effectivement
02:06 ça, et qui va vraiment être une vraie part, qui est une vraie part de l'addiction,
02:11 et qui parfois gêne certains fumeurs à l'arrêt.
02:14 Le sevrage est souvent présenté comme un chemin de croix, jalonné d'insomnie, de
02:18 saut d'humeur, de fringales, de prise de poids, au point que nombre de fumeurs n'osent
02:22 même pas se lancer, essayer d'arrêter.
02:24 Est-ce qu'il est toujours difficile pour tout le monde d'arrêter de fumer ? Et puis,
02:28 est-ce que vous ne pensez pas, Loïc Josserand, que la communication publique n'est pas
02:32 très encourageante ?
02:33 C'est vrai qu'on considère vraiment, comme vous le dites, un chemin de croix.
02:38 Peut-être que c'est notre vision un peu judéo-chrétienne des choses, où il faut
02:42 souffrir pour que les choses puissent s'accomplir et se faire.
02:44 Il n'y a pas de fatalité à souffrir pendant un sevrage.
02:48 C'est vrai que ce n'est pas facile, mais en se faisant aider, mais en ayant une substitution
02:52 nicotinique, alors que ce soit avec des patchs ou que ce soit avec une cigarette électronique,
02:57 je pense que les deux, aujourd'hui, ne font plus débat et sont aussi efficaces l'un
03:00 que l'autre.
03:01 Donc, il ne faut pas hésiter à utiliser ces dispositifs.
03:06 Il ne faut pas hésiter à se faire aider.
03:08 Le mois sans tabac, au-delà de l'énergie collective que ça peut produire, est effectivement
03:13 une bonne période pour s'arrêter parce qu'on est du coup motivé.
03:17 On sait que c'est une période qui va arriver dans l'année et il faut se faire aider par
03:22 un tabacologue.
03:23 Il faut rappeler le 3989, qui est le numéro de tabac infoservice, qui permet d'avoir
03:29 une lettre soit téléphonique, soit en ligne et qui va assurer un suivi.
03:33 Cet accompagnement plus personnalisé et en ligne est effectivement quelque chose de très
03:36 appréciable et également, bien sûr, se tourner vers son médecin généraliste pour être
03:40 accompagné dans cette démarche d'arrêt.
03:43 Et surtout, il faut l'avoir de façon positive, même si à la fin du mois de novembre, on
03:48 ne s'est pas arrêté.
03:49 Ce n'est pas grave, ce ne sera peut-être pas novembre, ce sera peut-être décembre
03:51 2023 et puis si ce n'est pas décembre, ce sera peut-être janvier 2024.
03:54 Mais ce qui est certain, en revanche, c'est qu'on est dans une démarche positive et c'est
03:58 une marche en avant.
03:59 On ne revient jamais à un état de fumeur satisfait au moment où on a commencé de
04:03 fumer.
04:04 Quand l'envie de s'arrêter est là, quand on a déjà fait une tentative, ce ne sera
04:07 peut-être pas la première, ce sera la deuxième, peut-être la troisième, peut-être la quatrième,
04:10 mais ce n'est pas grave, c'est positif et on avance.
04:12 Vous avez parlé de la substitution nicotinique, la cigarette électronique ou les patchs et
04:19 les nicorettes.
04:20 Ce sont deux méthodes un peu inverses.
04:22 L'une consiste à continuer à fumer, mais à diminuer progressivement la nicotine.
04:25 L'autre consiste à garder la nicotine, mais arrêter le geste de fumer.
04:29 Ça marche aussi bien et on peut ensuite avoir une cigarette électronique qu'on fume sans
04:33 nicotine, sans que ce soit dangereux ?
04:35 Il y a plusieurs choses dans ce que vous dites.
04:38 La première, c'est que dans les deux cas, le principe de surrage, c'est de baisser
04:42 les taux de nicotine, que ce soit avec des patchs ou avec une cigarette électronique.
04:46 Dans les deux cas, le taux de nicotine dans les liquides devra baisser.
04:51 Sinon, on va rester dépendant au même niveau, donc ça ne changera rien.
04:53 Et la substitution, là aussi, doit baisser.
04:55 Ce qu'il faut bien voir, c'est qu'avec de la cigarette électronique ou avec de la
05:02 substitution, on est sur une délivrance de nicotine qui est un peu moins flash, surtout
05:06 sur la substitution nicotinique, où là, le fait d'être en plateau, d'avoir des
05:10 plateaux de nicotine dans le sang, n'a plus cet effet flash qui est absolument redoutable.
05:14 En revanche, c'est vrai que la cigarette électronique, pour les fumeurs qui sont très
05:21 attachés au geste, là, va les aider progressivement.
05:24 Mais dans ce que vous dites également, ce qui est important, c'est que le sevrage avec
05:27 une cigarette électronique ne doit pas se transformer en une séquence de vapotage pur
05:33 derrière, puisque là, le vapotage sur le long terme, aujourd'hui, les liquides, il
05:38 n'y a pas suffisamment de recul, je le répète, pour être certain et pour garantir que c'est
05:43 d'une inocuité parfaite au niveau respiratoire notamment.
05:46 On en parle rarement, mais il existe aussi des traitements pour éviter de ressentir
05:51 le manque.
05:52 On peut se faire prescrire de la varénicline.
05:54 Qu'est-ce que c'est exactement, Loïc Josselin ?
05:58 C'est un médicament.
06:00 Là, cette fois-ci, ce sont des gélules qu'on prend, qui sont une aide au sevrage, mais
06:05 qui vont plutôt intervenir dans un sevrage compliqué, difficile, et c'est plutôt de
06:11 la deuxième intention.
06:12 Donc ça marche, mais c'est vraiment quand on a de vraies difficultés à s'arrêter.
06:16 Et là, il faut vraiment être encadré par un professionnel de santé pour le prendre
06:22 en toute sécurité.
06:23 L'hypnose semble aussi se développer de plus en plus.
06:26 Est-ce qu'on a du recul sur cette pratique ? Est-ce qu'on sait ce qui marche quand ça
06:29 marche ?
06:30 C'est votre téléphone qui vous dit de venir à France Culture pour nous parler un peu
06:36 d'hypnose ?
06:37 Il y a plusieurs méthodes qui sont plus ou moins...
06:45 Les vraies méthodes validées, c'est la substitution nicotinique, l'EPACH, l'aïcigarette, la
06:53 varénicline que vous évoquiez également.
06:55 Ce sont des méthodes qui sont éprouvées.
06:56 Le reste, on est sur des méthodes qui sont...
06:58 Il y a déjà toute la partie charlatanesque dont on entend parler en ce moment régulièrement
07:04 avec les bracelets magnétiques, avec un tas de trucs.
07:06 Tout ça, il faut oublier.
07:08 Ça ne fait qu'enrichir les gogos qui ont décidé de vendre ça à l'occasion du mois
07:14 sans tabac.
07:15 Donc ça, c'est vraiment de l'arnaque et point barre.
07:16 En revanche, l'hypnose est peut-être dans une catégorie un petit peu différente.
07:20 L'hypnose, on sait que ça a des vertus médicales efficaces, même si on n'a pas d'essai
07:26 clinique véritable qui permettent de garantir une efficacité.
07:30 Ça peut, chez certains, en tout cas, amener un petit confort, une petite aide.
07:34 Et bien sûr, toutes ces méthodes, même les plus charlatanesques, sont dotées d'un
07:38 effet placebo.
07:39 Donc, vous aurez de toute façon toujours du monde qui va s'arrêter avec un bracelet
07:42 magnétique, avec un collier qu'on va se pendre autour du cou.
07:45 Mais il ne faut pas imaginer qu'un bracelet en cuivre ou en je ne sais quoi autour du
07:49 cou ou autour du poignet va avoir un effet sur votre comportement ou va modifier le
07:54 comportement de vos récepteurs nicotine intracérébraux.
07:56 Il ne faut pas le payer trop cher.
07:57 Non, il ne faut pas le payer du tout d'ailleurs.
07:59 Très bien.
08:00 Merci beaucoup Loïc Josserand de ces explications.
08:02 Je rappelle que vous êtes médecin, chercheur en santé publique à l'université Versailles
08:06 Saint-Quentin en Ivelines et président de l'Alliance contre le tabac.
08:09 Donc, ce n'est pas un bracelet anti-tabac que vous avez en fait Marguerite Caton.
08:13 C'est une montre.
08:14 C'est un bracelet, j'avais mal vu.
08:15 7h23 sur France Culture.