Vendredi 10 novembre 2023, SMART SPACE reçoit Jean-Marc Astorg (Directeur de la stratégie, CNES) , Edouard Lepape (directeur général, NanoXplore) et François Sillion (directeur technique et numérique, CNES)
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00:00 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Space.
00:06 Un sommet historique s'est risqué à qualifier Joseph H. Barreur, le directeur général
00:12 de l'ESA pour résumer le sommet du spatial qui s'est déroulé à Séville cette semaine.
00:17 Et pourtant, entre l'avenir d'Ariane 6 et les ambitions de vol habité, il est vrai
00:22 qu'il s'est joué le futur du spatial européen.
00:25 Dans votre col actu, Jean-Marc Astor, directeur de la stratégie au CNES, viendra décrypter
00:31 avec nous l'événement.
00:33 Et puis dans votre talk, on va parler d'électronique embarquée.
00:36 Où, comment, cette assiette technologique pourrait bien jouer un rôle majeur dans l'avenir
00:41 du secteur spatial sous certaines conditions ?
00:44 François Sillon, directeur technique et numérique du CNES et Édouard Lepap, directeur général
00:49 de Nano Explore, pépites françaises de l'électronique spatiale, seront en plateau avec nous.
00:55 Et puis, en toute fin d'émission, nous jetterons un coup d'œil émerveillé aux toutes premières
01:01 images du télescope Euclide, diffusées cette semaine par l'agence spatiale européenne.
01:07 Alors restez bien avec nous jusqu'à la fin de cette émission.
01:10 Voilà pour le programme, on démarre tout de suite avec le col actu sur Bismarck.
01:19 Cette semaine se tenait le sommet du spatial à Séville.
01:22 Un sommet qui réunit la Commission européenne et l'agence spatiale européenne, tous les
01:27 ministres des États membres de l'agence spatiale européenne.
01:30 Un sommet à haut risque, car l'Europe spatiale est en crise, privée temporairement de lanceurs
01:36 et sans capacité autonome d'exploration humaine.
01:38 Pour répondre à l'appel de l'actualité, Jean-Marc Astor, directeur de la stratégie
01:44 au CNES, est en plateau avec nous.
01:46 Bonjour Jean-Marc Astor.
01:47 Bonjour.
01:48 Merci d'être venu sur le plateau de Smart Space.
01:49 Alors Joseph H.
01:50 Barreur, le directeur général de l'ESA, a parlé d'un sommet historique.
01:54 Vous en convenez ?
01:55 Oui, c'est un sommet historique, mais je voudrais, si vous me le permettez, revenir
02:00 sur ce que vous avez dit, une Europe spatiale en crise.
02:03 En fait, c'est l'Europe des lanceurs qui est dans une crise aiguë.
02:07 Et alors les lanceurs sont importants.
02:08 Ce n'est pas moi qui vais vous dire le contraire, mais l'Europe spatiale, en dehors des lanceurs,
02:12 va très bien.
02:13 J'en veux pour preuve les photos d'Euclide qui sont arrivées ce matin.
02:17 Euclide, c'est une mission européenne qui vient d'être lancée, qui observe la matière
02:21 noire.
02:22 Ses photos sont extraordinaires.
02:23 Des exemples comme Euclide, il y en a beaucoup.
02:25 Donc on a une crise des lanceurs.
02:26 Mais bon, Euclide n'est pas parti avec un lanceur européen.
02:28 Et c'est bien pour ça que c'est si important de parler d'une Europe peut-être spatiale.
02:31 C'est vrai, mais Zeus a été lancé par Ariane 5.
02:34 Donc en Europe, dans l'Europe spatiale, il y a les lanceurs et il y a le reste.
02:38 On est là pour parler des lanceurs.
02:39 Les lanceurs sont dans une crise importante dont on connaît les causes.
02:43 Le retard d'Ariane 6, l'arrêt de l'exploitation de Soyouz en Guyane qui nous a privé d'une
02:48 solution de secours qu'on avait prévu en cas de retard d'Ariane 6 et puis les problèmes
02:53 techniques de Vega.
02:54 Donc le sommet de Sébis est tenu dans ce contexte d'une crise importante.
03:00 Il est historique parce qu'on a pu trouver, c'est vrai qu'on trouve toujours des solutions
03:04 au niveau européen.
03:05 On a pu trouver une solution pour financer Ariane 6.
03:08 C'était le sujet principal.
03:09 Pérenniser le financement d'Ariane 6.
03:11 Pour la France, en tout cas, c'était le sujet principal.
03:13 Il est peut-être nécessaire d'expliquer pourquoi effectivement c'était important.
03:17 En fait, on parle bien du soutien à l'exploitation d'Ariane 6.
03:21 Le développement est assuré.
03:23 Le développement d'Ariane 6 est assuré.
03:24 Même s'il y a des retards aujourd'hui, en tout cas, les travaux sont financés.
03:28 Pourtant, on a travaillé sur une demande de rallonge pour finir le développement d'Ariane
03:31 6 ces derniers temps.
03:32 Ça n'a pas été traité dans le cadre de ce sommet.
03:35 Les 15 premiers lancements d'Ariane 6 sont aussi soutenus financièrement par les Etats,
03:41 par un dispositif particulier qui s'appelle la transition.
03:43 Et là, on parle de soutien financier au-delà des 15 premiers.
03:47 En fait, très précisément du 16e jusqu'au 42e.
03:50 Et en fait, il fallait décider d'un soutien accru.
03:53 Contrairement à ce qui avait été décidé en 2014, où je ne sais pas si vous vous en
03:56 rappelez, mais en 2014, il avait été indiqué qu'Ariane 6 n'aurait pas de soutien à l'exploitation.
04:02 Contrairement à Ariane 5.
04:03 En réalité, le marché a changé.
04:05 Les prix du marché ont été divisés par deux depuis 2014.
04:08 Donc c'est quand même très important.
04:11 L'inflation est passée par là.
04:12 Et puis, il ne faut pas être naïf, tous les pays dans le monde soutiennent leurs lanceurs.
04:16 Les Etats-Unis, les premiers, avec des dispositifs qui sont variables d'un pays à l'autre.
04:21 Aux Etats-Unis, c'est plutôt par des prix institutionnels qui sont deux fois les prix
04:25 du marché.
04:26 Donc l'Europe ne peut pas être le seul continent qui ne soutient pas ses lanceurs.
04:31 Donc on a trouvé ce soutien à un niveau très important.
04:35 Ce qui veut dire que les principaux participants, pays contributeurs, donc la France, l'Union
04:38 Italienne et l'Allemagne, se sont mis d'accord pour que plus d'argent aille vers Ariane
04:42 6.
04:43 Oui, et une somme considérable.
04:44 On parle de 340 millions d'euros par an.
04:47 La somme définitive dépendra des audits qui sont réalisés.
04:51 Il y aura une transparence totale sur les coûts dans l'ensemble de la chaîne industrielle.
04:55 Donc c'est une somme très importante.
04:57 Et ce qui montre bien la solidarité européenne vis-à-vis d'Ariane 6, qui est le seul lanceur
05:02 qui nous permettra, quand on aura réalisé le premier lancement et la montée en cadence,
05:07 de lancer nos missions.
05:09 Et ça, ça a pu être possible parce qu'effectivement, tout le monde a reconnu qu'on a d'abord besoin
05:14 de lanceurs institutionnels.
05:15 Et c'est la première motivation.
05:17 Pourquoi est-ce que les États européens financent des lanceurs ? Ce n'est pas pour
05:20 être sur le marché commercial.
05:21 En tout cas, ce n'est pas la raison première.
05:23 C'est pour disposer d'une autonomie, d'accès à l'espace et lancer nos missions.
05:27 Et ensuite, pour augmenter la cadence, pour réduire la charge des coûts fixes, on commercialise
05:34 le lanceur.
05:35 Et ce raisonnement-là, il est toujours vrai aujourd'hui, comme il était vrai pour Ariane.
05:39 Ariane, au départ, a été développée, financée à 100% par les États pour lancer
05:44 nos propres satellites, parce que les Américains ne voulaient pas lancer nos satellites de
05:48 télécom.
05:49 C'est le même raisonnement aujourd'hui.
05:50 Donc, on va payer en plus pour permettre de réaliser nos missions institutionnelles
05:55 et de mettre Ariane 6 sur le marché.
05:57 Et il y a une contrepartie à cet accord ?
06:00 Alors, la contrepartie, évidemment, c'est que l'industrie devra faire aussi un effort
06:05 financier.
06:06 En réalité, le soutien de 340 millions d'euros par an ne correspond pas exactement aux augmentations
06:14 de prix.
06:15 Il y a un effort nécessaire par les industriels.
06:18 C'est lui 11% d'engagement de baisse des coûts ?
06:20 En moyenne, oui, mais c'est très variable d'un industriel à l'autre.
06:23 Et ce que je voudrais aussi dire, c'est que si on est dans cette situation-là aujourd'hui,
06:28 et aussi compte tenu de l'organisation des lanceurs européens au sein de l'ESA, vous
06:33 savez que ce qui prévaut, c'est le retour géographique.
06:35 Alors, le retour géographique, il fait qu'un industriel qui a été choisi au début du
06:39 développement d'Ariane 6 est quasiment assuré de garder pendant toute la phase d'exploitation
06:45 sa position.
06:46 Et on a très concrètement des industriels qui ont augmenté leur prix de 60%.
06:51 Et en fait, on a très peu d'actions pour négocier avec eux, puisqu'ils sont garantis
06:56 d'avoir la production de leurs produits.
06:58 Donc, c'est bien ça qu'il faut changer.
06:59 Et la contrepartie que vous mentionnez, c'est le changement de ce système qui est aujourd'hui
07:05 clairement à réformer complètement du sol au plafond pour le futur, en faisant sorte
07:11 que les agences achètent des services de lancement et donc ne développent plus des
07:16 lanceurs avec des règles de retour géographique et avec des contributions des États qui soient
07:21 calculées une fois qu'on a des propositions industrielles.
07:24 Donc là, concrètement, on retrouve finalement ce besoin qui a été aussi porté par l'Allemagne.
07:29 Mais j'entends que vous partagez cet avis de rouvrir la concurrence sur les lanceurs.
07:33 Et c'est la promesse qui ressort de ce sommet.
07:36 D'ici 10 ans, d'ici la fin de l'exploitation d'Ariane 6, on ouvrira la concurrence.
07:40 Mais totalement.
07:41 Mais ce n'est pas d'ici 10 ans, c'est demain.
07:43 C'est demain, c'est à dire que dès l'année prochaine, un challenge sera organisé par
07:49 l'Agence spatiale européenne pour sélectionner deux ou trois nouveaux opérateurs, nouveaux
07:54 ou anciens d'ailleurs, tout le monde pourra concourir, opérateurs de lanceurs pour servir
08:00 des missions de l'ESA dans le futur, plutôt à la fin de la décennie.
08:05 Et les gagnants bénéficieront de budgets qui seront décidés à la conférence ministérielle
08:11 de 2025.
08:12 Donc c'est demain.
08:14 C'est l'ouverture de la compétition dès demain, effectivement, pour sortir de ce carcan
08:19 du retour géographique qui est clairement anticompétitif pour les lanceurs.
08:24 Donc c'est historique aussi parce que la façon dont on a développé les lanceurs
08:28 jusqu'à présent avec des lanceurs développés par l'ESA, c'est terminé, c'est le passé.
08:35 Et maintenant on va avoir des lanceurs qui vont être développés par les industriels
08:39 et l'ESA, l'Union européenne, les agences nationales seront en position de clients d'ancrage
08:44 pour acheter des services de lancement et non plus en spécificateur de développement.
08:47 Est-ce que c'est la fin de la cohésion européenne ?
08:50 Pas du tout, je ne pense pas.
08:52 En fait, c'est une autre façon de développer les lanceurs.
08:54 Et quelquefois on présente les choses en disant on va avoir une compétition entre
08:58 des lanceurs allemands, des lanceurs français, etc.
09:01 Évidemment, l'empreinte de ces futurs compétiteurs sera beaucoup plus nationale que ça ne l'est
09:08 pas.
09:09 Aujourd'hui, REN6 est développé, produit par 13 pays et REN5 c'était une vingtaine
09:13 de pays.
09:14 Donc demain, on aura des consortiums industriels qui vont se créer.
09:18 Peut-être que l'empreinte sera 80% dans un pays, en Allemagne, en France, en Italie,
09:24 etc.
09:25 Mais je crois que c'est à l'intérêt de personne d'avoir des lanceurs purement nationaux
09:29 parce que le marché est européen.
09:31 Et si on raisonne déjà au niveau du marché européen par rapport au marché américain,
09:34 on est dans un facteur 10.
09:35 Alors si on se repliait sur des marchés nationaux, ça ne pourrait pas marcher.
09:39 Et la Belgique n'achèterait pas un lanceur uniquement produit en France ou en Allemagne.
09:44 Donc il faudra laisser l'industrie choisir les meilleures solutions sans contraintes
09:49 de retour géographique qui viennent du haut.
09:51 Et c'est la compétitivité qui permettra de construire ces consortiums industriels.
09:55 Un dernier mot avant de conclure.
09:56 Sujet très important, la question du vol habité.
09:59 Et là aussi, il y a une avancée, il y a une prise de position de l'Agence spatiale européenne.
10:02 Enfin, j'ai envie de dire, parce que le sujet est sur toutes les bouches depuis un moment,
10:07 on attendait que l'Agence spatiale européenne fasse un pas en avant, un appel d'offre,
10:12 une promesse d'appel d'offre.
10:13 Alors on va être très clair, c'est une avancée timide.
10:16 Vous savez que la question a été posée par le président de la République en février
10:23 2022 à Toulouse.
10:24 L'Europe doit-elle se lancer dans le vol habité dans un contexte où les Etats-Unis
10:30 évidemment sont revenus sur le sujet, la Russie, l'Inde, la Chine.
10:34 Il y a eu tout un travail qui a été fait par l'Agence européenne, un groupe d'experts
10:41 de haut niveau qui a remis rapport en disant que l'Europe devrait se doter de l'ambition
10:45 d'aller de manière autonome sur la Lune, d'avoir une base lunaire.
10:49 C'est extrêmement ambitieux.
10:51 La réalité, c'est qu'aujourd'hui, dans le contexte actuel, les Etats membres n'ont
10:57 pas souhaité relever directement cette ambition-là et on a pris plutôt une approche raisonnable,
11:03 pas à pas.
11:04 Une première étape sera le développement d'un cargo qui pourra être réutilisé pour
11:09 du vol habité.
11:10 Et il y aura un appel d'achat de services là aussi.
11:13 C'est la même chose que pour les lanceurs, c'est symétrique.
11:16 Ce ne sera pas un système développé par les A, mais les A va acheter la capacité
11:21 de mettre une tonne, une tonne cinq de cargo à la station spatiale et ça permettra de
11:26 booster la compétition entre différents acteurs.
11:29 Acteurs qui ont déjà commencé.
11:31 On a Suzy qui a été dévoilée, en tout cas la première étape de Suzy, le projet
11:34 de cargo d'Ariane Group.
11:36 On a des acteurs comme des Exploration Company qui ont des technologies qui avancent très
11:41 vite et qui intéressent déjà l'international.
11:42 Donc c'est une avancée timide comparée à l'avancée qu'a déjà pris le secteur
11:47 privé.
11:48 Ce sera la conclusion.
11:49 Non, c'est justement pour supporter le système privé, ces initiatives privées, que cet
11:54 achat de services va être réalisé.
11:56 Et dernière chose, c'est exactement ce qu'ont fait les Américains parce qu'ils ont commencé
12:00 par développer une capsule dragon avant de la faire évoluer vers du vol habité.
12:05 Merci beaucoup Jean-Marc Astorg d'avoir pris le temps de venir réagir à cette actualité
12:11 avec nous sur le plateau de Smart Space.
12:13 On enchaîne quant à nous avec le talk sur Bsmart.
12:16 Toujours dans Smart Space, on va parler d'électronique embarquée aujourd'hui avec nos invités.
12:25 Un dispositif autonome, ils sont plus nombreux sur Terre que les ordinateurs et cette technologie
12:30 est aussi présente évidemment dans le secteur spatial.
12:33 Une industrie d'électronique embarquée souveraine pourrait être à elle seule un moteur d'innovation
12:39 dans le secteur spatial.
12:40 C'est en tout cas le sujet qu'on va explorer aujourd'hui avec nos invités.
12:44 A ma droite, pour en parler, Edouard Lepape, directeur général de Nano Explore, pépite
12:48 française de l'électronique, du spatial et de l'aéronautique.
12:52 Bonjour.
12:53 Bonjour.
12:54 Bienvenue sur le plateau de Smart Space.
12:55 En face de vous, François Sillon, directeur technique et numérique du CNES.
13:00 Bonjour.
13:01 Bonjour.
13:02 Bienvenue sur le plateau de Smart Space.
13:03 Alors d'abord, on va commencer peut-être par le B-A-B, si vous le voulez bien.
13:06 Alors je sais qu'on a beaucoup d'ingénieurs qui nous regardent, évidemment.
13:09 J'espère qu'ils nous le pardonneront.
13:10 C'est important de repréciser précisément cette technologie.
13:15 De quoi on parle quand on parle de système embarqué et c'est quoi la fonction d'un
13:20 système embarqué ?
13:21 Un système embarqué, c'est tout simplement un système qui est, comment dire, séparé
13:28 du reste des infrastructures.
13:30 Donc par rapport à un ordinateur que vous pouvez avoir sur votre bureau et qui va être
13:33 connecté via Internet à des serveurs, à des services qui peuvent être lointains,
13:38 le principe du système embarqué, c'est qu'il est sur votre véhicule ou sur votre
13:41 satellite et il doit fonctionner tout seul.
13:43 Autonomie, c'est le mot-clé du système embarqué ?
13:47 Autonomie, c'est une forme d'autonomie.
13:48 C'est un petit peu différent de ce qu'on dit quand on parle de système intelligent
13:52 qui vont devoir prendre des décisions, mais en tout cas, autonomie au sens où il doit
13:55 avoir sa source d'énergie, il doit avoir la capacité de réaliser les traitements,
13:59 d'accéder à ces données, de stocker éventuellement ces données, tout ça sans faire appel à
14:02 une communication particulière.
14:04 Et alors chez Nano Explore, c'est ce que vous mettez au point ?
14:07 Alors effectivement, le système embarqué, c'est un mot très très large qui couvre
14:11 beaucoup de domaines applicatifs.
14:13 Dans le spatial, effectivement, il y a certains composants qui sont centraux dans tous ces
14:17 systèmes embarqués et qui sont le cœur applicatif.
14:19 Donc à partir de ces composants, en fait, l'équipement permet de faire la mission
14:22 spatiale telle que définie.
14:25 Et donc chez Nano Explore, on développe un des composants qui s'appelle des FPGA,
14:28 qui est une sorte de processeur qui est le cœur même de ces systèmes embarqués.
14:32 Donc extrêmement important d'un point de vue applicatif.
14:34 Évidemment, quand on parle de conducteur, semi-conducteur, c'est totalement lié à
14:38 cette technologie ou pas du tout ?
14:40 Tout à fait.
14:41 En fait, le semi-conducteur, donc le composant, est le cœur du système embarqué.
14:46 C'est-à-dire qu'en fait, si vous prenez n'importe quel ordinateur, qui n'est pas
14:51 un système embarqué, mais qui est représentatif, vous avez en fait le processeur Intel qui
14:55 derrière en fait est mis en œuvre par tout un tas de choses, dont les écrans, le clavier,
15:00 les composants périphériques, pour qu'à la fin, l'ordinateur fasse ce qu'il doit
15:02 faire.
15:03 Et ce composant central, c'est ce que chez Nano Explore on développe, donc ces semi-conducteurs
15:07 qu'on appelle des processeurs ou des FPGA dans le monde du spatial.
15:10 Et quels rôles ont-ils dans le spatial ? On parle de toutes les applications, de toutes
15:13 les technologies spatiales.
15:14 En fait, tout ce qui est réalisé à bord d'un système spatial va être contrôlé
15:18 d'une façon ou d'une autre par un système embarqué.
15:20 Mais ça ne date pas d'aujourd'hui, c'est-à-dire que déjà sur les missions Apollo, donc fin
15:23 des années 60, il y avait de l'électronique embarquée, qui était pour beaucoup analogique.
15:28 Et puis il y avait déjà du numérique avec un certain nombre de logiciels de bord, alors
15:33 qu'il paraît assez primitif, mais c'est remarquable ce qu'on a réussi à faire
15:37 avec des logiciels relativement simples.
15:38 Et donc toutes les fonctions qui vont être traitées à bord, ça peut aller de la gestion
15:43 thermique par exemple, de savoir s'il faut refroidir certaines parties d'un instrument,
15:46 la gestion de l'énergie, l'orientation des panneaux solaires, le pointage du satellite
15:50 pour qu'il reste orienté, la capture et le stockage d'informations, par exemple
15:56 pour un satellite qui fait de l'imagerie, les fonctionnalités de communication avec
16:00 le sol, parce qu'à un moment donné, en général, on redescend de l'information.
16:03 Donc toutes ces fonctions-là sont maintenant traitées par des systèmes numériques et
16:08 donc reposent sur l'électronique et le logiciel embarqué à bord.
16:12 Il y a plus de contraintes quand il s'agit de mettre au point ces technologies pour le
16:15 secteur spatial ?
16:16 Tout à fait.
16:17 En fait, le monde du spatial est très particulier.
16:19 C'est un monde beaucoup plus hostile que le monde terrestre, évidemment, et notamment
16:23 pour deux raisons. Le premier, c'est le niveau de radiation qui a dans le spatial un très
16:28 gros impact sur l'électronique.
16:29 Donc pour rendre un système embarqué fiable, ou en tout cas pour répondre aux besoins
16:33 de la mission, ça nécessite beaucoup plus de contraintes et de prise en compte initiale
16:37 du développement que sur un système terrestre.
16:39 Et le deuxième sujet, c'est qu'évidemment, il y a des très grosses variations thermiques
16:42 qu'on connaît tous dans le spatial, et donc ce qui impose aussi au niveau de l'équipement
16:47 des contraintes beaucoup plus fortes que la plupart des systèmes embarqués terrestres.
16:51 Oui, il y a la question, je crois, de la continuité de l'alimentation, si je ne dis
16:55 pas de bêtises.
16:56 Et donc ça, c'est un moment crucial qui dépend beaucoup des variations et des chocs
17:00 que peut subir.
17:01 Si vous avez le problème dans le spatial, il y a énormément de contraintes, mais la
17:06 première, c'est que vous n'avez pas de prise de secteur.
17:08 Malheureusement, vous ne pouvez pas brancher votre système embarqué sur une prise.
17:12 Donc vous avez le problème d'alimentation.
17:13 Vous avez le problème des radiations.
17:15 Donc évidemment, vous devez avoir un système qui résiste aux radiations.
17:18 Vous avez une problématique, après, effectivement, de dissipation.
17:22 Vous n'avez malheureusement pas de ventilateur dans le spatial pour dissiper les composants
17:26 qui consomment beaucoup, et ainsi de suite.
17:28 Donc l'ensemble de ça fait qu'effectivement, vous avez des contraintes qui n'existent
17:30 pas sur Terre.
17:31 Donc un satellite est particulier.
17:33 Et pour autant, un satellite, aujourd'hui, s'approche un peu du même paradigme que
17:37 les data centers, par exemple, en termes de besoin de calcul, besoin de performance,
17:41 besoin de processing de données.
17:43 Donc vous avez un monde qui a les mêmes besoins que sur Terre, mais avec des conditions environnementales
17:48 qui sont beaucoup plus compliquées.
17:50 Et on oublie souvent, mais une autre condition qui est particulièrement difficile, c'est
17:54 que ces systèmes, pour les mettre en orbite ou les envoyer autour d'autres planètes,
17:58 il faut les lancer.
17:59 Et au moment du lancement, en termes de vibrations, de chocs et d'environnement mécanique,
18:05 on soumet ces composants aussi à un environnement très hostile.
18:09 Donc il faut aussi que ça résiste à ça.
18:10 Il faut tenir le choc.
18:11 Et par ailleurs, les radiations, on dit qu'il faut évidemment s'en protéger, mais on
18:14 ne peut pas se protéger de façon magique des radiations.
18:16 En fait, ce qui se passe, c'est que les radiations vont accélérer le vieillissement
18:19 d'une certaine façon ou la probabilité de panne sur ces composants.
18:23 Donc il faut d'une part, c'est ce que fait Nano Explore, faire un design de composants
18:28 qui soit, par design, plus résistant aux radiations.
18:32 Et une chose importante, c'est que les satellites qu'on met en orbite, évidemment, en général,
18:35 on ne va pas les réparer.
18:36 Il y a eu une exception majeure qui était Hubble, mais ce n'était même pas de l'électronique,
18:39 c'était plus optique.
18:41 Et on a des satellites, pour les satellites Géos, qui vont durer peut-être 15 ou 18
18:46 ans.
18:47 Donc les contraintes qu'on a dans l'électronique terrestre, sur l'automobile ou autre, par
18:50 exemple, où on met beaucoup d'électronique, en général, une voiture ne va pas durer
18:54 18 ou 20 ans.
18:55 En tout cas, les voitures actuelles bourrées d'électronique ont plus de mal, à mon avis,
18:59 à durer aussi longtemps.
19:00 Mais aujourd'hui, on se pose la question de dispositifs spatiales durables, c'est-à-dire
19:06 qu'on se pose la question de faire sortir ces objets ou alors de pouvoir aller apporter
19:11 un secours, mais en tout cas une maintenance à ces satellites.
19:15 Et là, finalement, c'est peut-être un atout pour vous aussi dans le développement.
19:18 Est-ce que vous rencontrez peut-être des acteurs du spatial qui vous apportent des
19:23 solutions en termes de durabilité ?
19:24 Alors aujourd'hui, malheureusement, c'est très compliqué parce qu'effectivement,
19:29 comme il n'y a pas de maintenance, comme on n'a pas l'électronique spatiale, elle
19:32 est quand même basée sur l'électronique terrestre.
19:35 Donc malheureusement, on a les mêmes procédés, on va dire.
19:38 Donc c'est au niveau de la conception, au niveau des prises de marge pour le vieillissement
19:44 des composants, etc.
19:45 On est obligé de faire beaucoup plus attention dans les développements pour le spatial et
19:47 ce qui du coup est notre différenciateur majeur par rapport à des composants qui viendraient
19:50 du monde commercial ou industriel.
19:53 Nous, notre valeur ajoutée, c'est d'offrir des composants où on certifie qu'il y aura
19:56 un niveau de fiabilité exceptionnellement fort pour ces applications critiques dans
20:02 ces milieux aussi hostiles.
20:03 C'est ça notre valeur ajoutée et c'est là-dessus qu'on se démarque vis-à-vis
20:05 notamment des concurrents américains.
20:07 Et alors c'est là qu'entre en jeu cette question de souveraineté.
20:10 C'est un sujet que vous aviez envie d'aborder aussi tous les deux en venant sur ce plateau.
20:15 L'idée c'est que, et quand on parle de semi-conducteurs, on ne peut avoir que cet exemple de la crise
20:21 des semi-conducteurs et se rendre compte à quel point on a besoin en Europe d'être
20:24 capable de créer ces technologies dont vous parlez, que vous créez, pour servir notre
20:28 spatial européen.
20:29 En fait, le monde il est assez simple.
20:32 Aujourd'hui, la plupart de l'électronique embarquée sur les satellites viennent en
20:35 dehors de l'Europe.
20:36 Donc si demain la géopolitique telle qu'on la connaît aujourd'hui change, il existe
20:40 un monde où on ne peut plus faire de satellite tout simplement.
20:42 Donc si on ne maintient pas le savoir-faire sur le sol européen, on ne peut pas prétendre
20:46 à une indépendance souveraine, en tout cas concernant la conception des satellites.
20:50 Mais en général, c'est vrai pour toutes les technologies avancées, que ce soit pour
20:53 la défense, que ce soit pour tous les enjeux technologiques de demain, sont malheureusement
20:56 basés sur l'électronique.
20:57 Donc c'est une pierre, c'est une brique de base nécessaire à partir du moment où
21:01 on considère qu'on doit être indépendant sur l'ensemble de l'offre et de la conception
21:04 du satellite.
21:05 C'est une situation qui vous inquiète, Oknes ? Est-ce qu'on manque d'acteurs pour garantir
21:09 cette souveraineté en Europe ?
21:10 Alors, fort heureusement, on a beaucoup d'acteurs extrêmement dynamiques, type Nano Explore,
21:15 il y en a d'autres.
21:16 Donc je ne dirais pas que la situation nous inquiète.
21:18 Par contre, c'est quelque chose qu'on surveille et donc qu'on regarde attentivement.
21:22 Parce que cette notion de souveraineté, il y a un élément de souveraineté qui est
21:27 la souveraineté au sens de la capacité à défendre nos intérêts en tant que nation.
21:33 Donc tout le domaine militaire, tout le domaine de nous prémunir éventuellement de risques
21:39 particuliers au niveau du pays.
21:41 Mais il y a aussi une souveraineté économique.
21:43 Et donc si on est, entre guillemets, dans la main d'acteurs étrangers qui nous fournissent
21:47 des composants indispensables, on peut être bloqué sur ces deux sujets-là.
21:51 Parce que par exemple, les acteurs français du spatial, qui sont extrêmement forts aujourd'hui,
21:54 qui sont dans de très grandes entreprises, si elles n'ont plus accès à cette ressource,
22:01 elles ne pourront plus non plus vendre des satellites à l'étranger, etc.
22:03 Donc c'est la souveraineté économique et la souveraineté, disons, au sens plus sûreté.
22:08 Les deux sont très importants.
22:10 Donc nous au CNES, par exemple, on fait plusieurs choses.
22:12 D'abord, on essaye d'analyser en permanence les risques qu'il peut y avoir sur le plan
22:16 économique.
22:17 Donc en suivant, on a ce qu'on appelle un observatoire du spatial aujourd'hui, où
22:23 on regarde exactement ce qui se passe dans les entreprises.
22:25 Et puis, on aide à l'émergence de nouvelles technologies et de nouveaux acteurs sur ces
22:31 technologies pour préparer les systèmes spatiaux de demain.
22:33 Donc on porte à la fois une voix dans la politique spatiale française pour dire qu'il
22:38 est important de maintenir…
22:39 Elle est entendue cette voix ?
22:40 Elle est entendue.
22:41 C'est un peu un challenge toujours de la faire entendre au bon niveau et dans les
22:47 bons cercles, mais je pense que la voix du CNES est très bien entendue.
22:49 Alors là, on sort du sommet du spatial et il y avait déjà des sujets forts.
22:52 On en a parlé juste avant avec Jean-Marc Astorg.
22:54 Quand on a des focus, et c'est vrai que l'Europe spatiale a tendance à fonctionner
22:59 comme ça, réunissant 22 pays mondes, quand on a des focus qui vont être les lanceurs
23:03 ou la recherche scientifique aujourd'hui, les lanceurs, demain le vol habité, est-ce
23:06 qu'on arrive à faire entendre l'importance sous-jacente de la croissance de secteurs
23:13 comme celui de l'électronique embarquée ?
23:14 Oui, aujourd'hui, c'est devenu un enjeu majeur parce que, par exemple, on va citer
23:18 la constellation Iris carré.
23:20 Aujourd'hui, Iris carré a une volonté d'être complètement souveraine pour des
23:24 problématiques de sécurité et tout ce qu'on peut lier à la souveraineté.
23:28 Et en fait, l'électronique aussi, notamment sur la charge embarquée, est un élément
23:34 de discussion majeure aujourd'hui sur la capacité ou non des Européens à fournir
23:37 une solution souveraine.
23:38 Et alors, est-ce que vous pensez qu'on est capable de le faire ?
23:40 Aujourd'hui, à court terme, non, malheureusement.
23:42 Pourquoi ?
23:43 On n'a pas les composantes qui répondent aux besoins, on n'a pas développé les
23:47 technologies.
23:48 Donc l'enjeu, évidemment, c'est de répondre à ces futurs enjeux des missions spatiales
23:52 type Iris carré, type Galiléo, etc.
23:54 Pour qu'on garde cette capacité, justement, quand c'est nécessaire d'avoir une souveraineté
24:00 sur ces technologies.
24:01 Et l'Ano Explore, nous, on est effectivement aujourd'hui très présents dans toutes ces
24:04 discussions au niveau européen parce que c'est considéré comme un élément majeur
24:07 maintenant de risque potentiel.
24:09 Vous rejoignez cette analyse ?
24:12 Oui, et j'ajouterais qu'aujourd'hui, on a des systèmes qui deviennent de plus en
24:18 plus compliqués.
24:19 On commence à parler de constellation, on commence à lancer de plus en plus de constellations.
24:24 Donc des systèmes qui vont aussi gagner en autonomie parce que quand vous pilotez une
24:27 constellation, finalement, vous n'allez pas être sur un modèle point à point à
24:30 partir du sol où nécessairement vous adressez chaque satellite.
24:34 Donc on peut imaginer des communications intersatellites, mettre plus d'autonomie dans les satellites,
24:38 du contrôle d'orbite autonome.
24:39 Donc tout un tas d'activités qui vont nécessiter des logiciels de vol ultra performants.
24:45 Et ça, le développement du logiciel, il est aussi assez fortement dépendant du matériel
24:50 sur lequel ce logiciel va s'instancier finalement.
24:54 Et donc il est très important d'avoir des composants qui soient à la fois génériques,
24:59 qui puissent s'adapter à tout un tas de missions différentes, mais qui soient aussi
25:03 ultra performants.
25:04 Et de ce point de vue-là, les solutions FPGA, je pense qu'effectivement, c'est l'avenir.
25:08 C'est ce dont on a besoin aujourd'hui pour le spatial, parce qu'il faut bien voir qu'on
25:12 peut envisager de modifier l'architecture, y compris du processeur, quasiment jusqu'au
25:19 lancement, voire même en l'air, en vol.
25:23 C'est-à-dire avoir une espèce de satellite qui est quasi entièrement logiciel, reprogrammable
25:28 et reconfigurable.
25:29 Alors ce qui est important, c'est quelque chose qui est relativement nouveau.
25:32 Alors cette numérisation de plus en plus des charges utiles, des plateformes et des
25:37 systèmes spatiaux, elle est déjà en cours, mais elle s'accélère et elle va se continuer.
25:41 Et du coup, ça donne une opportunité, je pense, pour placer des acteurs et des développements
25:46 technologiques entrant dans le domaine.
25:49 Alors vous parlez d'opportunité à juste titre.
25:51 Il y a cet enjeu de souveraineté, mais il y a aussi ces opportunités commerciales.
25:56 Aujourd'hui, on parle beaucoup d'IoT.
25:58 Le spatial porte aussi ce sujet-là de l'Internet des objets.
26:02 L'IoT va passer par le système embarqué indubitablement.
26:08 Donc ça veut dire aussi pouvoir ouvrir et créer une accélération sur ce marché-là,
26:12 porter la croissance du secteur spatial en matière d'IoT par le système embarqué.
26:18 En fait, il y a deux sujets.
26:22 Les sociétés comme les nôtres, on a l'opportunité de s'appuyer sur le spatial pour développer
26:28 des technologies de pointe dans l'électronique.
26:30 C'est un secteur qui justement en a bien besoin en Europe.
26:33 Donc l'idée, effectivement, c'est après de trouver des synergies dans les applications
26:38 pour essayer de couvrir un maximum de marchés et d'atteindre des tailles critiques qui
26:44 nous permettent une innovation beaucoup plus rapide, beaucoup plus importante.
26:47 Et le spatial aujourd'hui, et après il y a le deuxième sujet, c'est que le spatial
26:50 lui est porté par un certain nombre d'applications qui sont en train d'exploser puisque le spatial
26:55 va être au cœur de tous les sujets majeurs de demain, que ce soit l'IoT, que ce soit
27:00 la défense, que ce soit les communications, le réchauffement climatique, etc.
27:03 Donc les boîtes comme nous, évidemment, ont une opportunité beaucoup plus importante
27:08 parce que le secteur spatial va exploser.
27:10 Alors on ira plus loin sur ces sujets-là si vous voulez bien revenir dans Smart Space
27:16 pour aller encore plus loin.
27:17 Je vous propose d'arrêter là ce Space Talk parce qu'on arrive à la fin de cette émission.
27:21 Mais s'il vous plaît, restez encore quelques instants avec nous.
27:25 Ne partez pas tout de suite en face.
27:26 On veut vous montrer aujourd'hui les images assez exceptionnelles du télescope Euclide,
27:32 télescope européen, avant d'entamer sa mission principale qui va être évidemment
27:37 l'exploration de la matière noire.
27:39 On vous montre ces images diffusées par l'Agence Spatiale Européenne.
27:43 [Musique]
27:50 [Musique]
27:57 [Musique]
28:04 [Musique]
28:29 Et on se quitte sur ces magnifiques images.
28:32 Merci à tous de nous avoir suivis à la production.
28:34 Lili Zalkine, je vous dis à la semaine prochaine sur Bsmart.
28:39 [Musique]