Tuerie de Chevaline : une enquête "sans issue" ?

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Transcription
00:00 C'est une tuerie sans explication et sans aucun indice.
00:03 -Le carnage a été découvert en fin d'après-midi à Chevalines,
00:06 un village proche du lac d'Annecy.
00:08 -Le plus grand mystère entoure la fusillade
00:11 qui a coûté la vie à 4 personnes et blessé une fillette.
00:14 -4 personnes tuées par balle, 3 Britanniques
00:16 qui passaient leurs vacances dans la région,
00:18 assassinés dans leur voiture et un cycliste au Savoyard.
00:21 -Bonsoir. Merci d'être avec nous. Je vous présente Maxime Chattam.
00:25 Je sais pas si vous vous connaissez tous les deux.
00:27 -Pas encore. -C'est chose faite.
00:29 J'ai très envie, maintenant que je vois le documentaire.
00:32 -Imane, vous êtes la coauteur et la co-réalisatrice
00:35 de ce documentaire.
00:36 L'affaire est toujours en cours d'investigation.
00:38 11 ans plus tard, pourquoi elle n'est toujours pas résolue ?
00:41 -En fait, c'est une enquête qui est absolument tentaculaire.
00:44 Je travaille dans le domaine judiciaire depuis plus de 20 ans.
00:47 C'est assez rare qu'on pousse l'enquête assez loin
00:51 parce qu'en plus, il y a des enjeux internationaux,
00:53 il y a énormément de pistes.
00:56 Et en fait, j'ai envie de dire, je pense qu'on est tellement partis
00:59 dans tous les sens qu'on trouve pas.
01:02 -Qu'est-ce qui, vous, vous a conduit à vous intéresser
01:05 justement à cette affaire en particulier ?
01:07 -C'est une affaire hors normes,
01:09 comme le dit d'ailleurs le procureur dans la série,
01:11 dans la mesure où c'est ce qu'on appelle un mass-murder.
01:14 C'est un crime de masse, donc.
01:16 Il y en a pas beaucoup en France, heureusement,
01:18 si on enlève les actes terroristes.
01:22 Donc, il y en a pas beaucoup.
01:23 Et puis, quand même, ça se passe à un endroit improbable,
01:26 au milieu d'une forêt,
01:27 dans un endroit où pas grand monde ne va,
01:29 où on s'est rendu plusieurs fois,
01:31 et je vous assure que la première fois, on n'est pas très à l'aise.
01:35 Et puis, il y a deux sortes de victimes.
01:39 J'allais dire, il y a cette famille anglaise d'origine irakienne
01:42 dans cette voiture.
01:43 Pourquoi massacrer une famille ?
01:44 Le père, la mère, la grand-mère, la fillette
01:47 sur laquelle le tueur s'est acharné, qui a heureusement survécu,
01:50 et un cycliste français qui n'a rien à voir.
01:53 Et donc, ça donne une dimension hors norme.
01:57 -Est-ce qu'on sait aujourd'hui qui était visé ?
02:00 Est-ce que c'était la famille ou le cycliste ?
02:02 Qu'est-ce que ça a avancé ?
02:03 -Une de nos sources nous a dit,
02:05 "Cette enquête, quand vous travaillez dessus, ça rend fou."
02:07 Elle rend fou.
02:08 Parce qu'en fait, on ne sait pas, aujourd'hui,
02:11 on ne sait pas si c'est les Anglais qui étaient visés,
02:14 le cycliste français ou personne.
02:16 C'est peut-être aussi le crime d'un déséquilibré qui était là,
02:20 collectionneur d'armes.
02:22 -Maxime Chattab voulait y réagir.
02:23 -Justement, je me demandais, est-ce que c'est possible,
02:27 quand on passe autant de temps sur un documentaire,
02:29 de pas à un moment avoir son avis, sa conviction,
02:32 et de parvenir à rester neutre, à pas l'implémenter
02:35 dans ce qu'on est en train de fabriquer ?
02:36 -Il faut, parce que malgré tout,
02:39 moi, j'ai toujours en tête et conscience...
02:41 On raconte la vie de vraies personnes, de vraies morts.
02:44 On n'est pas au cinéma, les gens ne se relèvent pas à la fin,
02:46 il y a des familles, il y a des proches, il y a des amis.
02:49 Donc on est obligés de garder une certaine objectivité.
02:51 Après, c'est vrai que normalement...
02:54 Et honnêtement, on a toujours un petit avis sur telle affaire,
02:57 on pense que le mari qui a été acquitté, finalement, c'est lui, ou pas.
03:01 Là, très honnêtement, je serais bien incapable,
03:03 et c'est pas mon boulot, de me positionner.
03:06 Ou alors... Voilà.
03:08 -Il y a beaucoup d'hypothèses qui sont développées.
03:10 Je vous le conseille vraiment, ce documentaire.
03:12 Maxime Chattab, il est passionnant.
03:14 Il y a un autre fait tragique et assez inimaginable dans cette affaire,
03:16 on l'a évoqué, les policiers ont retrouvé
03:19 une petite fille de 4 ans qui était restée cachée dans la voiture,
03:22 c'est Sordide, pendant 8 heures.
03:24 On regarde.
03:26 -Donc elle a passé 8 heures sous les jupes de sa maman,
03:29 morte, assassinée, sans rien dire, sans un bruit, sans rien.
03:33 Alors on imagine ce qu'a pu vivre cet enfant à ce moment-là,
03:36 on imagine la terreur de cet enfant qui a dû entendre les coups de feu,
03:40 qui a pas compris réellement ce qui s'était passé,
03:42 mais qui a bien dû sentir que plus rien ne bougeait,
03:45 que plus rien ne se passait, que personne venait la chercher.
03:49 Vous imaginez le bruit, la zone a été survolée par un hélicoptère,
03:52 il y a les camions, les véhicules des pompiers,
03:54 les véhicules de la gendarmerie, les radios,
03:57 les gens qui communiquent par téléphone.
03:58 On peut imaginer à quel point ils sont peut-être incompréhensibles aussi
04:02 pour une enfant de cet âge-là, à quoi ils se rattachent.
04:04 L'odeur, certainement, du sang, de la mort, l'odeur de la mort.
04:10 Elle est dans une voiture avec trois morts.
04:12 -Comment vous expliquez, Imen, qu'on ait mis autant de temps à la retrouver ?
04:18 -C'est aussi ce qui a fait que cette affaire a fait beaucoup de bruit,
04:22 déjà, à l'époque.
04:23 En plus, comme il y a des victimes anglaises,
04:25 les Anglais sont beaucoup moins tendres, j'allais dire les journalistes,
04:30 et ça a été beaucoup, beaucoup critiqué.
04:32 En réalité, c'est la gendarmerie qui est saisie,
04:36 et les gendarmes, depuis 1985, l'affaire Grégory,
04:41 où la scène de crime a été saccagée,
04:43 et qui est aussi un autre grand mystère français,
04:46 ont, pour le son de ne surtout pas intervenir,
04:50 et c'est d'ailleurs à cette époque qu'on a créé l'IRCGN,
04:52 qui est un institut de recherche,
04:53 en gros, c'est la police scientifique des gendarmes.
04:56 Et comme c'était énorme,
04:58 ils ont voulu les faire venir depuis Paris, donc ça met du temps,
05:01 et surtout, ils se sont dit "on ne touche à rien".
05:04 Après, à la décharge des enquêteurs, des médecins sont passés,
05:07 on vérifiait que tout le monde était mort,
05:10 et donc ils n'ont pas voulu, parce que pour la balistique,
05:12 en fait, si vous ouvrez les portes,
05:14 les fenêtres étaient fissurées par les balles,
05:16 donc si vous ouvrez, ça se casse la figure
05:18 et on ne peut plus déterminer les angles de tir, etc.
05:21 Et effectivement, oui, ça a été beaucoup critiqué,
05:25 mais en réalité, ils ont essayé de faire au mieux.
05:27 Et par ailleurs, dans la voiture, il n'y avait qu'un seul siège enfant,
05:31 et les gendarmes n'avaient pas l'info qu'il y avait un deuxième enfant.
05:34 C'est plus tard, en fait,
05:36 quand l'information tourne en boucle sur les chaînes d'infos en continu,
05:40 qu'un témoin du camping, qui était voisin de cette famille,
05:43 reconnaît la voiture,
05:45 voit que ses voisins ne sont plus là,
05:47 il prend son vélo, il va à la gendarmerie,
05:48 il se dit "Il n'y avait pas une fillette, il y en avait deux,
05:50 parce qu'elles ont joué avec ses enfants à lui le matin même."
05:53 Et là, on se dit "Où est-elle ? Est-ce qu'elle a été enlevée ?
05:56 Est-ce qu'elle a disparu ? Est-ce qu'elle est cachée quelque part ?"
05:59 Et c'est seulement à ce moment-là qu'on finit par ouvrir,
06:02 et la fillette était planquée pendant huit heures, a priori,
06:06 sans bouger, sans rien.
06:08 -Où est-ce qu'on en est, aujourd'hui, finalement ?
06:11 -Aujourd'hui, c'est une enquête qui est toujours en cours.
06:14 -Quelle est la plus privilégiée ?
06:16 -Il y en a plusieurs, c'est ça, en fait.
06:18 On continue de chercher toutes les hypothèses.
06:20 En fait, ce qu'il faut savoir aussi,
06:21 c'est que les gendarmes ont utilisé sur cette affaire
06:24 pour la première fois un logiciel qui s'appelle...
06:27 Enfin, une caméra phareau
06:29 qui scanne toute la scène de crime en trois dimensions,
06:31 qu'on a aussi utilisée, nous, dans le documentaire.
06:34 Et en fait, ça permet, puisque vous imaginez bien,
06:36 qu'en 11 ans, les enquêteurs se succèdent,
06:38 partent à la retraite, d'autres arrivent,
06:40 les magistrats aussi, il y a eu moult juges d'instruction,
06:44 procureurs, et en fait, ça permet
06:45 que les nouveaux arrivants se familiarisent
06:49 avec la scène de crime qui, évidemment, n'est plus là.
06:52 Et donc, grâce à ça,
06:53 les nouveaux enquêteurs parviennent à travailler dessus,
06:56 et aujourd'hui...
06:57 Alors, évidemment, c'est une affaire en cours,
06:58 donc secret de l'instruction,
07:00 mais ils continuent de travailler sur toutes les hypothèses.
07:03 Et le dossier a été transmis au pôle Cold Case,
07:05 des affaires non résolues, à Nanterre,
07:08 et donc avec des magistrats chevronnés, etc.,
07:09 qui reprennent et qui revoient,
07:12 tout en sachant qu'ils ont tellement cherché dans tous les sens
07:14 que, comme nous le dit aussi la procureure,
07:17 je pense que le nom du tueur est dans le dossier.
07:20 -C'est souvent le cas. -Et que le jour où on saura,
07:22 ce sera facile, effectivement, de dire "On aurait dû,
07:24 mais voilà, on peut pas se faire."
07:25 -Au pôle Cold Case, c'est souvent le cas.
07:27 Et pour le coup, à Nanterre,
07:28 je sais qu'ils travaillent pas mal
07:30 avec un département qui est assez peu connu en France,
07:32 qui est le département des sciences du comportement de la gendarmerie,
07:35 qui est au pôle judiciaire, à côté des experts,
07:39 et eux, leur travail, c'est un peu les profilers à l'américaine.
07:41 On sait pas, mais en France aussi,
07:43 on a des experts qui sont souvent des binômes d'enquêteurs et de psys
07:47 qui travaillent et qui essaient de comprendre
07:49 de façon psychologique les enquêtes criminelles.
07:52 -Et effectivement, ils ont eu recours au profilage
07:55 du côté anglais et du côté français.
07:57 Alors, c'est intéressant, parce que c'est pas une science...
07:59 On se dit "Peut-être que c'est basé sur des centaines d'enquêtes
08:04 avec des statistiques, c'est très mathématique."
08:07 Et on en a conclu que c'est un homme entre 30, 40, 50 ans,
08:11 un maximum, un solitaire, un type, évidemment, violent,
08:15 qui aime les armes et dont on se dit,
08:17 et c'est ce qui est le plus inquiétant,
08:19 que c'est quelqu'un, quand il y a un coup de folie
08:21 avec une telle violence, c'est pas la première fois
08:24 ou c'est pas la dernière fois.
08:25 -Et qu'il y ait ce genre dans la nature.
08:26 -Soit il a été violent avant, soit il le sera après,
08:28 y compris contre lui-même, autrement dit, peut-être s'est-il suicidé.
08:32 Et ça, c'est inquiétant de se dire que cet homme est dans la nature.
08:36 -Merci beaucoup, en tout cas, Emmanuel Gouali,
08:38 d'être venu en parler avec nous.
08:40 Les trois premiers épisodes seront diffusés mercredi prochain
08:42 à 21h sur Canal, les trois autres le mercredi 22,
08:46 et vous pourrez aussi retrouver l'intégralité sur MyCanal
08:48 et votre livre "Affaire Chevaline, révélation sur un crime parfait"
08:51 est disponible aux éditions Plon.
08:53 Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
08:56 -Merci.
08:57 [SILENCE]

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