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Clique, c'est présenté par Mouloud Achour, tous les jours à 19h45 en clair sur CANAL+ !
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00:00Il purge une peine de réclusion à perpétuité pour le meurtre de la petite Maëlys Nordal-Lelandais
00:05et est devenu père d'un enfant conçu en prison.
00:07Une surveillante pénitentiaire de la maison d'arrêt de Bois d'Arcy a été condamnée.
00:12La femme de 31 ans entretenait des rapports sexuels avec 4 détenus
00:17et ses relations ont débouché sur du trafic de stupéfiants.
00:21Le célèbre tueur en série Charles Manson, âgé de 80 ans, s'est marié avec une femme de 26 ans.
00:28Elle dit qu'elle est amoureuse de lui et qu'elle veut le sauver.
00:31Bonsoir Valérie Bédahim.
00:32Bonsoir.
00:33Je vous présente Alice Paul.
00:34On se connaît un tout petit peu parce qu'on se fait des bisous juste avant l'édition.
00:37Bon ben voilà, si les invités se font des bisous dans les loges.
00:40Valérie, vous publiez Il n'est pas celui que vous croyez, ces femmes amoureuses de tueurs en série.
00:45C'est publié aux éditions Fayard.
00:46C'est une enquête très documentée.
00:48Vous avez passé 2 ans de votre vie à travailler sur ce sujet avec, entre autres,
00:53vous avez interrogé des avocats, des psychiatres
00:55et surtout des femmes tombées amoureuses de criminels.
00:58Et il y en a beaucoup.
00:59Vous citez plusieurs exemples.
01:00Il y en a plus que ce qu'on peut imaginer.
01:02C'est dingue.
01:02Vous citez Marc Dutroux, qui a eu des demandes en mariage,
01:05qui recevait aussi des lettres de la part de jeunes filles qui avaient l'âge de ses victimes.
01:09Mais aussi Charles Manson, entre autres, qui s'est marié avec une femme de 26 ans en prison.
01:14Et on s'est même dit que ça ne datait pas d'hier.
01:16Vous allez même jusqu'à Désirée Landru, qui est un tueur en série du début du XXe siècle,
01:21qui lui a reçu plus de 4000 lettres de femmes.
01:25Ça, en nom, ça s'appelle ?
01:26L'hybristophilie.
01:28Qu'est-ce que c'est que ça ?
01:29En fait, moi, je me suis interrogée sur ce phénomène à la faveur de l'affaire Nordal-Lelandais.
01:34J'ai découvert qu'il y avait une femme qui avait fait irruption dans le dossier
01:36à côté de la grande affaire juridique.
01:39Et que cette femme, elle avait été attrapée par l'institution pénitentiaire
01:44parce qu'elle avait passé de la drogue et de l'alcool.
01:46Et en écoutant cette information, je me suis dit, mais qui est-elle ?
01:49Est-ce qu'elle le connaissait avant ? Et si elle ne le connaissait pas avant, pourquoi ?
01:52Comment ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
01:54Et est-ce que c'est un épiphénomène ?
01:55Est-ce que c'est juste une femme qui se serait égarée ?
01:59Ou est-ce qu'elles sont plus nombreuses que ça ?
02:00Effectivement, je me suis rendue compte que c'était mondial.
02:03Français, bien sûr, aussi.
02:06Et j'ai commencé à regarder les grandes figures du crime.
02:09Vous avez cité Luca Magnotta.
02:11Il y en a tellement.
02:12Et j'ai cherché l'origine.
02:14Et le premier cas qui est documenté, c'est Landru.
02:18Où lorsqu'on le guillotine, tout de même,
02:19il y a des femmes qui vont tremper leur mouchoir dans le sang de Landru,
02:23imaginant que ça leur donnera une possibilité d'être enceintes parce qu'elles sont infertiles.
02:28Donc, vous voyez, il y a un imaginaire qui se met en place autour de ça.
02:31Et ça m'a interrogée. J'ai voulu en savoir plus.
02:32Mais donc là, Valérie, précisément dans le cas que vous venez de donner,
02:35on se dit, mais est-ce qu'elles sont tout à fait saines d'esprit ?
02:37Ou est-ce qu'il y a un profil type, du moins, de ces femmes hébristiophiles ?
02:42Ou est-ce que, justement, ça peut arriver à n'importe qui ?
02:44C'est même une question que vous vous posez au début de votre enquête.
02:46Oui, parce qu'au départ, je commence à interroger mon entourage, mes copines.
02:49Vous, j'aurais pu vous interroger en disant, mais les filles,
02:51est-ce qu'à un moment, il y a une possibilité de glisser ou pas ?
02:57Et on se rend compte, en fait, qu'il n'y a pas de portrait robot.
03:00C'est ce qui m'a interrogée, moi, quand j'ai commencé à interroger les différentes femmes qui ont succombé.
03:05Il y a des interdits, certes, mais il y a ce que le professeur Zaguri appelle la combinatoire et le singulier.
03:11La combinatoire, c'est ce par quoi on est toutes traversées, peu importe d'où on vient.
03:15C'est-à-dire le syndrome de la main tendue, le syndrome de l'avocat, de l'infirmière,
03:20l'idée de la rédemption, de la seconde chance.
03:21Et ça, c'est typiquement féminin ?
03:23Et ça, c'est typiquement féminin, et on l'a tout en nous.
03:25Et ça interroge d'ailleurs le désir féminin, parce que ce sont des moteurs du désir féminin.
03:29L'inverse n'est pas vrai ? Les femmes ne reçoivent pas des lettres ?
03:31Très peu. Très peu.
03:33Il y a donc ça, cette combinatoire, et puis il y a le singulier.
03:36Et le singulier, ça va être votre histoire, votre vécu,
03:38et ce qui fait que peut-être, vous, Pauline, vous ne glisserez pas,
03:42et peut-être qu'Alice, elle, glissera.
03:43C'est sûr.
03:45Je vous dis en dix minutes.
03:48Vous voyez ce que je veux dire.
03:49Il y a ces deux choses-là qui vont faire que chacune est une histoire unique,
03:54il y a une unicité, mais qu'on n'est pas du tout à l'abri.
03:58Et lorsque vous me demandiez si, effectivement, c'est un phénomène féminin,
04:02je me suis rendu compte qu'il y a des hommes qui écrivent à des femmes.
04:05Mais c'est un épiphénomène.
04:06Pour le coup, c'est vraiment à la marge.
04:08C'est essentiellement féminin.
04:10Valérie Benahim, à ce propos, vous vous êtes entretenue,
04:12vous l'évoquiez tout à l'heure, avec Élisabeth.
04:14Elle, c'est la femme qui est tombée amoureuse de Nordal Lelandais
04:16alors qu'il était en prison, je le rappelle,
04:18condamnée à perpétuité pour le meurtre de la petite Maëlise.
04:21Et du caporal noyé.
04:22Et du caporal noyé, pardon.
04:24Et qui est Élisabeth ?
04:26Élisabeth, c'est une femme d'une cinquantaine d'années
04:29qui travaille dans le milieu social.
04:32Élisabeth, elle a toujours eu une sorte de surempathie.
04:35D'ailleurs, ce qui explique aussi son métier.
04:38Elle vit dans une famille tout à fait traditionnelle.
04:41Il n'y a pas de trauma apparent.
04:43Elle a un métier qu'elle adore.
04:45Elle a des copains.
04:46Elle fait la bringue.
04:47Elle me raconte qu'elle fait la bringue,
04:48qu'elle a une vraie vie sociale.
04:49Donc, déjà, là, moi, je suis un peu désarçonnée
04:52parce que j'avais, moi, évidemment,
04:54un portrait robot d'une fille peut-être un peu plus seule,
04:56un peu plus désarçonnée.
04:59Plus perdue, quoi.
05:00Plus perdue, exactement.
05:01Et puis, elle va, lorsqu'elle rentre chez elle déjeuner,
05:06et en voir la reconstitution
05:08du meurtre du caporal Noyer, en l'occurrence.
05:10Et elle entend la foule,
05:12enfin, le journaliste racontait que la foule
05:14hurle à mort, à mort, à mort,
05:15en parlant de Nordal-le-Landais.
05:17Et peut-être que là, où vous et moi,
05:19on va se dire, on pense aux parents du caporal Noyer,
05:22on pense à cette reconstitution qui doit être terrible
05:24pour les parents des victimes,
05:25elle, elle pense à Nordal-le-Landais.
05:27Et elle se dit, le pauvre, seul,
05:29je ne sais pas ce qu'il a fait, ce qu'il n'a pas fait,
05:31mais quand même, cet homme, mon Dieu,
05:33qui doit être seul.
05:35Bon, elle repart travailler,
05:36et en rentrant le soir,
05:37elle va prendre un petit bristol
05:39et elle va écrire,
05:40cher Nordal-le-Landais, je m'appelle Élisabeth,
05:43si vous avez besoin d'une main tendue,
05:45de dialoguer, d'une relation épistolaire,
05:47je suis là.
05:48Et elle envoie.
05:49Sans aucun antécédent du même genre.
05:51Sans aucun antécédent du même genre.
05:53Et quand vous vous entretenez avec elle,
05:54elle vous dit cette phrase qui est le titre du livre,
05:56après, il n'est pas celui que vous croyez.
05:58Ça, ça revient dans son esprit,
06:00comme s'il y avait deux,
06:01elle l'appelle même Nono,
06:02il y a cette tendresse pour quelqu'un,
06:04vraiment, qu'elle connaît,
06:05qu'elle croit connaître intimement
06:06mieux que les autres, en fait.
06:07Mais effectivement,
06:08et en fait, c'est une phrase que j'entendrai
06:10avec toutes les femmes
06:11que je vais interroger pendant deux ans.
06:13Il y a un moment où un autre,
06:14au moment de se livrer,
06:17à un moment où un autre,
06:18elles vont me dire,
06:19mais tu sais, il n'est pas celui qu'on croit.
06:21Et comme si, en fait,
06:22elle voulait mettre à distance,
06:23et comme si elle voulait dire,
06:24cette histoire ne me regarde pas,
06:26c'est une autre histoire.
06:27Moi, j'arrive et je change tout.
06:29Et en fait, le point commun de toutes ces femmes,
06:31c'est qu'elles veulent transformer
06:32le plomb en or, en fait.
06:33Et qu'elles se disent, avec moi,
06:35c'est une autre histoire qui commence.
06:37Et cet homme-là,
06:38je le mets sous le tapis,
06:39je le mets à distance,
06:40ça ne me regarde pas.
06:41Ce n'est plus l'homme
06:42avec lequel je suis.
06:43Elle veut à peine en parler,
06:44c'est comme si ça n'avait pas existé.
06:46D'ailleurs, elle lui dit au début,
06:47ne me parle pas de tes affaires,
06:48ça ne m'intéresse pas.
06:50Et elle prendra une claque
06:51quand elle ira assister au procès
06:52et qu'elle entendra évidemment
06:53une autre réalité
06:54que celle qu'elle a voulu,
06:55elle, croire.
06:56Parce qu'évidemment,
06:57cette histoire,
06:59elle se sent...
07:00Elle va même être condamnée pour lui.
07:02Six mois de prison avec sursis
07:03pour lui avoir fait passer
07:04tout un tas de choses.
07:05Et aujourd'hui,
07:06elle est dans une grande culpabilité,
07:07c'est ce que vous décrivez.
07:08Elle dit, c'est moi qui suis criminelle
07:09de l'avoir aimée.
07:11Comment elle est sortie
07:12de ce cercle-là ?
07:13Il y a un événement traumatique
07:14que je raconte dans le livre
07:15parce qu'elle va faire une visite
07:17et notamment une unité de vie familiale
07:19qu'on peut avoir
07:20pendant 24 heures, 72 heures,
07:21qui est son cadeau d'anniversaire.
07:23Il lui fait ce cadeau d'anniversaire
07:25et ça va très mal se passer
07:26parce qu'effectivement,
07:27il va prendre à ce moment-là
07:28de la drogue et de l'alcool,
07:29en tout cas de ce qu'elle me raconte.
07:30Et puis, ça va terminer
07:31par de la violence
07:32et elle me le raconte
07:35et elle décide d'y mettre un terme.
07:37Mais à ce moment-là,
07:39il faut cet événement traumatique
07:41très fort pour que ça lui dessine les yeux
07:44et qu'elle se dise,
07:45qu'est-ce que je viens de vivre en fait ?
07:47Parce qu'elle est restée trois ans
07:48avec lui, trois ans,
07:50et là, elle refait le film.
07:52Et elle me dit,
07:54je vois pas où j'ai commencé
07:56à glisser parce qu'en fait,
07:57il n'y a pas une étape
07:58où du jour au lendemain, on glisse.
08:00C'est petit à petit
08:01où on commence à rentrer
08:02dans cette relation
08:03qui est un peu une relation d'emprise aussi.
08:06Et elle dit effectivement aujourd'hui,
08:08je m'en veux de l'avoir aimée,
08:10je m'en veux de lui avoir procuré du plaisir.
08:12Et quand je lui parle
08:14des violences qu'elle a pu subir,
08:15elle me dit, non mais,
08:16je m'en veux plus à moi qu'à lui.
08:18J'y suis allée.
08:20Et je me sens extrêmement coupable
08:21vis-à-vis des familles des victimes.
08:23Merci beaucoup.
08:24En tout cas, Valérie Benahim,
08:25c'est un livre qu'il faut lire.
08:26On comprend plein de choses.
08:28En tout cas, on approche
08:29de quelque chose de très singulier
08:31qu'on retrouve et dans votre écriture
08:32et dans votre approche.
08:33Merci beaucoup en tout cas.
08:34Merci Pauline.