SMART TECH - Emission du mardi 21 novembre

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Mardi 21 novembre 2023, SMART TECH reçoit Martin Signoux (Responsable des affaires publiques, META France) , Alexandre Combe (directeur technique, Cairn Devices) , Stéphane Fermigier (président, Abilian) , Jean-Paul Smets (PDG, Rapid.Space) et Faustine Fleuret (Présidente et Directrice Générale, Adan)
Transcript
00:00 L'Open Source va être à l'honneur de cette édition.
00:10 Bonjour à tous, ce sera le jour de notre grand rendez-vous avec le monde du libre.
00:13 On va parler notamment d'un nouveau matériel, un PC portable réparable, notamment grâce
00:19 à l'Open Source.
00:20 Et aussi, on va s'intéresser aux travaux de régulation au niveau européen qui intéressent
00:24 tout particulièrement la communauté du libre.
00:26 On aura un rendez-vous aussi avec l'actualité des cryptos en fin d'édition.
00:30 Mais d'abord, je vous propose qu'on commence avec notre séquence 3 questions A au sujet
00:35 du soutien à l'IA en Open Source en France.
00:38 L'actualité, c'est META, le groupe Facebook qui s'allie à deux Français, Hugging Face
00:48 et Scaleway, pour soutenir l'intelligence artificielle en Open Source en France.
00:52 Bonjour Martin Signou.
00:53 Bonjour Delphine.
00:54 Merci beaucoup d'être en plateau avec nous.
00:55 Vous êtes le responsable des affaires publiques en charge de l'innovation chez META France.
00:59 Première question, pourquoi META pousse-t-il autant la recherche en IA en Open Source ? Qu'est-ce
01:06 que ça veut dire précisément faire de l'IA en Open Source d'ailleurs ?
01:08 Alors en fait, c'est quelque chose qui est vraiment chevillé dans l'ADN de META et de
01:12 Facebook auparavant depuis le tout début de nos progrès en intelligence artificielle.
01:16 En fait, dès 2013, on a ouvert un laboratoire de recherche fondamentale et notamment, Yann
01:21 Lequin l'a piloté depuis New York.
01:23 Le laboratoire FAIR.
01:24 Facebook AI Research qui a été renommé Fundamental AI Research.
01:27 On a ouvert une antenne à Paris d'ailleurs en 2015, donc très rapidement.
01:30 Et dès le début, on a souhaité avoir une approche qui se pratique dans la science ouverte,
01:35 une recherche ouverte et collaborative.
01:37 C'est-à-dire que tout ce que nos chercheurs faisaient était partagé avec la communauté
01:40 scientifique et ça reposait en fait sur une idée simple.
01:43 C'est d'ailleurs une des conditions qu'avait posée Yann Lequin au moment de son recrutement
01:46 chez Facebook, je me souviens.
01:48 Exactement, à laquelle a souscrit du coup Mark Zuckerberg très rapidement, avec cette
01:52 idée simple en fait qu'en partageant le fruit de nos recherches, on permettait d'alimenter
01:56 la communauté et les progrès de la communauté scientifique étaient du coup plus abondants.
02:00 Parce que si on repart en fait cette époque 2013, c'était presque la préhistoire de
02:05 l'IA en fait encore, où une intelligence artificielle était à peine capable de faire
02:09 une traduction vraiment de qualité.
02:11 Donc du coup, cette approche ouverte, elle a vraiment permis de faire progresser l'ensemble
02:15 de la communauté scientifique, d'irriguer le progrès notamment en France.
02:19 Et c'est quelque chose qui est resté du coup dans notre vision de l'IA, partagée et ouverte.
02:23 Et donc on a toujours souhaité faire ces modèles de manière partagée pour la communauté.
02:29 Et qu'est-ce que ça veut dire très concrètement ? C'est qu'un modèle ouvert, un modèle
02:32 open source, c'est qu'il peut être partagé de manière gratuite, il offre une flexibilité,
02:37 une liberté, une maîtrise sans précédent en fait à ceux qui veulent l'utiliser.
02:39 En pouvant les adapter sans toute liberté.
02:42 Bon, petite subtilité quand même, parce que l'Open Source Initiative n'est pas tout
02:45 à fait d'accord pour dire que ce large modèle de langage qui est celui de Meta Lama est
02:51 en open source, puisque la licence contient des restrictions.
02:54 Mais en revanche, la communauté s'accorde pour dire que c'est quand même un modèle
02:57 de science ouverte.
02:58 On en vient à ma deuxième question parce que le temps passe très vite.
03:00 En France, le soutien de Meta à cette IA en open source passe par un programme lancé
03:07 à Station F, qui s'appelle AI Startup Programme.
03:09 Comment ça va se passer ? Quel est l'intérêt de Meta aussi ?
03:12 Exactement.
03:13 Alors, on a décidé de s'allier avec Hugging Face et Scaleway pour avoir une approche complémentaire
03:18 dans la proposition de valeur qu'on va faire à ces startups.
03:20 Parce que ces modèles de pointe aujourd'hui, ces modèles de fondation que nous développons
03:23 selon une approche ouverte, c'est un vrai vecteur d'opportunité pour les startups.
03:27 Mais ça peut être un peu coûteux ou complexe à déployer parce que ça nécessite pas
03:30 mal de ressources et d'expertise.
03:33 Donc, avec nos experts de Meta tirés de ce laboratoire qui ont développé ces modèles,
03:38 les experts de Scaleway qui offrent une infrastructure et la puissance de calcul pour héberger
03:42 ces modèles et Hugging Face qui sont un peu la boîte à outils, on va aider ces startups
03:46 à vraiment utiliser et tirer le plein potentiel de ces modèles, à la fois pour elles-mêmes
03:50 directement et puis pour l'ensemble de la communauté parce que Station F, c'est cette
03:53 belle maison de l'innovation qui permet de faire rayonner l'écosystème.
03:56 Et concernant l'intérêt de Meta, il est tout simple, c'est qu'on a un intérêt
04:00 à faire grandir cette famille de l'open source parce que c'est un cercle vertueux.
04:03 Tout ce qui sort de cette famille de l'open source, elle irrigue les projets de tout un
04:06 chacun, donc elle permet vraiment d'aller plus loin, plus vite ensemble dans ces progrès.
04:10 Très rapidement, peut-être un point sur les dernières avancées de Lama 2.
04:13 Oui, alors Lama 2 déjà, c'est un modèle en fait qui grâce à cette approche ouverte,
04:17 il a été téléchargé plus de 30 millions de fois.
04:19 Il y a 15 000 modèles dérivés qui sont arrivés et des modèles dérivés comme Code
04:23 Lama qui ont été développés par les équipes de Meta pour faire un outil de code informatique,
04:28 un outil Albert qui a été développé par le gouvernement français, le ministre Stéphane
04:32 St-Guerini qui souhaitait mettre l'IA générative au service de la puissance publique et qui
04:35 a été développé à partir de Lama 2.
04:38 Et aujourd'hui en fait, on le développe nous sur nos applications également.
04:41 On a annoncé à Connect un assistant un petit peu universel Meta-AI qui sera sur les lunettes
04:46 que nous avons développé avec Ray-Ban, donc un assistant vocal qui vous permettra de manière
04:51 libre dans votre quotidien d'avoir accès à cet assistant dans les applications Messenger,
04:56 WhatsApp.
04:57 Et puis aussi un dernier point qui est important, c'est que la flexibilité de ces modèles
05:00 ouverts, elle permet une miniaturisation très importante parce que par exemple, Lama dans
05:04 sa plus petite version, il a été décliné en plein de versions, peut tourner sur un
05:08 ordinateur aujourd'hui et demain sur un smartphone, ce qui est en termes de frugalité, d'impact
05:13 environnemental, permet en fait une vraie flexibilité, un vrai déploiement dans l'ensemble
05:18 de l'écosystème.
05:19 Merci beaucoup Martin.
05:20 Signe on peut peut-être juste donner quelques éléments pratiques si des startups nous
05:22 regardent et qu'elles veulent participer au programme.
05:24 Exactement.
05:25 Alors je les encourage à candidater sur le site stationf.co dans la partie programme.
05:30 Elles sont jusqu'au 1er décembre et elles vont bénéficier d'un accompagnement formidable
05:33 par Hugging Face, Kaleway et nos chercheurs de méta.
05:36 Bon merci beaucoup Martin Signe on, responsable des affaires publiques en charge de l'innovation
05:39 chez Méta France était avec nous pour nous parler de cette open source dans l'intelligence
05:44 artificielle.
05:45 On continue donc ce fil de l'open source avec notre grand rendez-vous, le monde du
05:48 libre.
05:49 Notre rendez-vous avec le monde du libre, c'est avec évidemment l'incontournable,
05:57 le brillant, le fidèle de Smartech aussi, Jean-Paul Smith, PDG de Rapid Space.
06:00 Bonjour Jean-Paul.
06:01 Bonjour Nathalie.
06:02 Et puis donc tu es venu accompagné d'Alexandre Combe qui est développeur mais aussi directeur
06:07 général de Kern Devices, je ne sais pas si vous dites en anglais vous.
06:11 En anglais oui.
06:12 Et bien voilà donc ça tourne bien.
06:13 Bonjour.
06:14 Donc qui est une entreprise qui est en train de concevoir un ordinateur portable, pratiquement
06:18 entièrement réparable, en tout cas modulaire.
06:20 En effet.
06:21 On va en parler dans l'émission.
06:22 Et puis avec vous une autre figure tutélaire, Stéphane Fermigier qui est le président
06:27 d'Abilian, éditeur de logiciels libres et coprésident du Conseil national du logiciel
06:33 libre.
06:34 Merci aussi d'être là Stéphane.
06:36 Alors avant peut-être de rentrer dans le détail de ce que vous produisez Valentin,
06:40 Jean-Paul, je voulais d'abord qu'on fasse un point sur qu'est-ce qu'on appelle,
06:44 parce que là on parle de matériel libre, qu'est-ce qu'on appelle le matériel libre.
06:48 Le matériel libre c'est du matériel dont les plans sont publics, que l'on a le droit
06:53 de copier, de modifier, d'adapter exactement comme on aurait le droit de modifier le code
06:58 d'un logiciel libre.
06:59 Bon on en parle quand même beaucoup moins que du logiciel libre, on n'a pas l'impression
07:01 que ce soit très développé.
07:03 Alors en fait c'est comme le logiciel libre il y a 25 ans, tout le monde s'en sert tous
07:07 les jours sans s'en rendre compte.
07:08 Puisque chaque fois que vous connectez à Meta, Instagram ou Twitter, aujourd'hui X,
07:14 derrière en fait vous avez des serveurs qui viennent du projet Open Compute et qui sont
07:19 du matériel libre, qui aujourd'hui en fait dominent complètement les infrastructures
07:23 de cloud, des hyperscalers.
07:25 Amazon par exemple, ses switches, ses commutateurs réseaux, c'est également du matériel libre.
07:31 Et en France, Rapid Space mais aussi Clever Cloud, c'est du matériel libre.
07:35 Et ce matériel est fait en général par des gens à Taïwan, trois boîtes qu'on
07:40 ne connaît pas très bien, Quanta, Wistron et Mitak, qui en fait fabriquent les serveurs
07:44 du monde entier et ces serveurs sont déjà copiés par des sociétés au Brésil qui
07:50 refabriquent la même chose ou d'autres en Europe de l'Est.
07:52 Ce qui fait que même si l'un d'entre eux arrête de fabriquer un modèle, comme on
07:56 a tous les plans, on peut continuer à produire la même chose n'importe où, aussi longtemps
08:01 qu'on le souhaite.
08:02 Et en fait on trouve plein d'autres types de matériel libre, par exemple des stations
08:05 de basse 5G mais également des choses un peu moins connues dans le monde de la musique
08:10 où il y a des Barcelonais ont créé une groovebox qui s'appelle Zintian, qui est
08:15 en fait complètement en matériel libre avec un nombre de synthétiseurs et de sons encore
08:20 plus importants par exemple que dans une groovebox Roland.
08:23 Et alors ce qui est intéressant dans le monde de la musique, c'est qu'en fait on voit tout
08:27 l'avantage du matériel libre parce qu'en musique électronique, un morceau de musique
08:31 électronique est très directement rattaché au matériel du synthétiseur qu'on a utilisé.
08:36 Par exemple la bande-son des Chariots de feu qui a été composée par Vangelis est directement
08:42 reliée au synthétiseur Yamaha CS80 dont seulement 2000 exemplaires ont été produits
08:47 en 1976, aujourd'hui il en reste une dizaine.
08:50 Dans quelques années ou peut-être dans 10 ou 20 ans il n'y aura plus de CS80, on ne
08:56 pourra plus rejouer à l'original le morceau de Vangelis.
09:00 Mais si on prend du matériel libre pour les synthétiseurs, le jour où par exemple les
09:08 gens de Lettonie qui s'appellent Erika arrêtent de produire l'un de leurs synthétiseurs,
09:12 ce qui est arrivé, ils le mettent sur Github et on peut continuer à le reproduire soi-même
09:17 si on veut continuer à jouer le même morceau de musique.
09:19 - Jean-Paul je sens le sujet qui passionne, ça sent la prochaine chronique non ?
09:22 - Oui je suis en train de préparer ça et vous aurez de l'Ircam, du Gram et un nombre
09:27 incroyable de créateurs.
09:29 - On va revenir à notre sujet qui est le matériel libre avec notamment notre invité
09:35 qui est venu nous présenter un début d'ordinateur.
09:39 - Oui et donc en fait il y a déjà des ordinateurs portables libres, j'ai Olymex, Olymex c'est
09:45 un peu le leader mondial du libre industriel, ils font des espèces de Raspberry Pi qu'on
09:49 trouve dans des satellites ou dans des engins miniers, dans des drones, ils ont aussi fait
09:53 un ordinateur portable mais il n'est pas modulaire.
09:56 Comme il dépend d'un vieux microprocesseur aujourd'hui il est trop lent et ce n'est
10:00 pas bon et donc dans le téléphone on a du modulaire qui n'est pas libre comme le Fairphone
10:05 donc on va l'ouvrir comme ça et en fait changer toutes les pièces.
10:08 - C'est le principe pour qu'il soit davantage éco-responsable.
10:12 - Oui et puis changer le processeur ou la caméra et donc ce qu'on aimerait c'est avoir des
10:17 ordinateurs en matériel libre, modulaire, qui puissent évoluer et qu'on puisse réparer
10:22 et c'est justement ce qu'a fait CarneDevice.
10:24 - Donc c'est ce que vous avez fait ou c'est ce que vous êtes en train de faire ?
10:27 - On est en train de faire, alors c'est long et c'est pour ça qu'on a un début de projet.
10:31 Donc là on a un début de prototype de l'ordinateur portable sans l'écran et dedans on voit qu'il
10:42 est modulaire et notamment ce module-ci qui est le premier produit qu'on va commercialiser
10:47 bientôt qui est un clavier mécanique entièrement personnalisable.
10:51 Donc là vous pouvez reconnaître la grande vague de Kanagawa d'Okusai.
10:55 Et donc c'est très simple, chez nous on peut vraiment tout changer en 30 secondes,
11:03 on peut changer un élément.
11:04 Donc là je touche pas dans ma main, si on retourne l'ordinateur, voilà comme ça,
11:09 et bien on voit des trappes et l'idée, alors ça reste un prototype moche, attention il
11:15 ne faut pas trop se formaliser.
11:19 On peut changer en 10 secondes, là en l'occurrence un SSD, et du coup réparer sans connaître,
11:25 avoir de connaissances en informatique.
11:27 L'idée c'est vraiment de le rendre facile pour tous.
11:29 - Mais alors, parce que vous avez commencé par dire "c'est compliqué", qu'est-ce qui
11:34 est compliqué dans la fabrication d'un PC modulaire ?
11:38 - Alors la technique c'est maîtrisable, un des principaux problèmes c'est le financement.
11:42 En France le hardware se finance très mal, libre ou pas.
11:48 - Parce que techniquement vous nous dites finalement que c'est pas compliqué, on assemble
11:51 des pièces comme des Legos, c'est ça ?
11:52 - Oui on assemble des pièces comme des Legos, alors il y a forcément du travail, mais c'est
11:56 gérable, on a des très bons ingénieurs en France, donc on sait faire.
12:00 Les compétences techniques elles sont là, le vrai problème c'est vraiment d'avoir le
12:05 financement par exemple, ce qui nous bloque, et le fait de pourquoi en fait ce prototype
12:09 aujourd'hui il est très très gros, c'est qu'on a une carte mère dedans, qu'on achète
12:15 sur étagère, mais c'est un point bloquant pour nous, on aurait besoin de fonds pour
12:19 créer notre propre carte mère et avoir quelque chose qui soit adapté à notre concept, parce
12:23 qu'aujourd'hui on fonctionne avec ce qu'on trouve mais c'est pas adapté, vous le voyez
12:27 là, c'est pas marketable tel quel.
12:28 - Et on va aller chercher où les fonds ?
12:29 - Bah alors...
12:30 - Vous vous en trouvez un peu ?
12:33 - Comme toute start-up il faut aller faire des levées de fonds, donc nous on en cherche
12:36 une actuellement, sinon il y a des subventions, donc nous on a eu quelques subventions, on
12:42 est supporté par la région Grand Est, par l'euro métropole de Strasbourg, et on a eu
12:46 une subvention aussi de l'Union Européenne il y a quelques années, donc ça ça représente
12:52 environ 200 000 euros de ce qu'on a eu, et ce qui est dérisoire dans notre industrie,
12:58 donc on est déjà très fier de ce qu'on a réussi à faire avec aussi peu, mais on
13:01 aimerait passer...
13:02 - En combien de temps ? Ça fait combien de temps que ce projet est né ?
13:04 - Alors ce qu'on...
13:05 Fin 2016, et donc ce qu'on paie pas en argent on le paie en temps, et c'est pour ça que
13:09 c'est aussi long.
13:10 - Ouais.
13:11 - Ah oui, 2016.
13:12 - Oui, fin 2016.
13:13 - A combien de personnes ?
13:14 - Alors on est trois associés, on a été jusqu'à neuf, aujourd'hui on a quelques soucis
13:21 au niveau de la production avec le clavier, je pense qu'on en reparlera après.
13:26 - Dites-nous, allez-y, dites-nous, qu'est-ce qu'il a ce clavier ?
13:28 - Il a... qu'en fait on a un sous-traitant, on dépend d'un sous-traitant en fait, à
13:33 qui on achète les touches de clavier sur étagère, alors ça a pas l'air comme ça mais c'est
13:36 des pièces qui sont très complexes, du coup qui sont faites en injection en plastique
13:40 et qui doivent être précises au centième, donc c'est pas du tout, c'est pas trivial,
13:45 et donc le sous-traitant chez qui on l'achète sur étagère a eu des soucis en fait quand
13:51 ils ont créé ce modèle-là, parce que c'est un modèle nouveau, et donc ils ont pris presque
13:56 un an de retard, qui du coup nous a empêché de produire et de vendre, et donc on est,
14:02 ça a entamé la trésorerie.
14:03 - Alors moi quand j'entends ces difficultés je me dis, mais alors qu'est-ce qui vous a
14:05 motivé à un moment, pourquoi vous avez dit "tiens on va se mettre à créer, à concevoir,
14:11 à fabriquer un ordinateur modulaire libre ?"
14:14 - Déjà parce qu'on aime ça.
14:15 - Face à la montagne à gravir.
14:18 - Déjà parce qu'on aime ça, c'est un challenge qui est vraiment intéressant techniquement,
14:22 on a aussi des convictions écologiques qui sont fortes, 80% en fait de l'impact aujourd'hui
14:27 du matériel électronique c'est à la fabrication, c'est pas à l'utilisation, donc c'est un
14:33 défi qu'il faut relever, et du coup nous on est présents pour faire ça, pour faire
14:37 ça en France, parce qu'on aimerait rendre un peu à ce pays ce qu'on nous a donné.
14:40 - Mais alors donc on n'a pas les gens aujourd'hui en France comme sous-traitants pour vous fournir
14:45 les pièces dont vous avez besoin ?
14:46 - Alors là en l'occurrence le sous-traitant dont je parle c'est un sous-traitant européen
14:49 qui est en Allemagne, et nous on travaille là sur le clavier en fait c'est quasiment,
14:53 c'est français et allemand.
14:55 Donc les tôles par exemple sont faites en banlieue de Strasbourg, et des pièces que
14:59 nous on fait nous-mêmes, la carte électronique elle sera faite en Alsace aussi, donc on sait
15:04 faire en Europe.
15:05 Vraiment le problème c'est le financement.
15:08 - Pourquoi on ne trouve pas de financement en France ?
15:09 - Parce qu'en fait beaucoup d'investisseurs ont peur de faire autre chose que les autres
15:18 investisseurs, donc dès qu'on va dans des domaines technologiques ou dans le matériel,
15:24 on n'est pas dans la place de marché ou dans la start-up typique qui va déployer un système
15:31 de vente en ligne ou de numérisation.
15:32 - En fait on ne sait pas si derrière il y a un marché aussi, si il y a une demande,
15:35 c'est peut-être ça dont on a inquiétude ?
15:36 - Oui on ne sait pas plus dans les autres.
15:37 Donc d'un côté c'est plus compliqué, on se dit les autres ils font des places de
15:43 marché en ligne hébergées sur Amazon, lui il fait un clavier, pourquoi tout le monde
15:48 fait ça, pourquoi je ferai un truc différent ? Donc il y a un côté moutonnier chez les
15:51 investisseurs et quand on rentre dans la technique souvent ils n'ont pas les experts et ils ne
15:56 comprennent pas et donc on est obligé d'aller assez loin.
15:58 - Il y a un autre sujet, c'est le marquage CE, c'est compliqué à obtenir ça ?
16:02 - Alors c'est faisable, il y a plusieurs manières de faire, vous pouvez en fait complètement
16:07 sous-traiter ça à des gens dont c'est le travail mais si vous avez besoin que ce soit
16:12 moins cher et c'est le choix que nous on a fait, vous pouvez faire de l'auto-certification
16:15 et donc là il faut faire les tests en interne, il faut produire la documentation technique
16:19 en interne donc il faut se former, c'est faisable mais il faut s'accrocher, dès qu'on fait
16:27 du matériel il faut s'accrocher, c'est la routine et du coup nous c'est ce qu'on fait,
16:32 il y a des tests qu'on fait nous-mêmes, on produit la documentation qui va avec, il y
16:36 a des tests dont on n'a pas le mal, pour certaines choses par exemple la compatibilité électromagnétique
16:41 on ne peut pas le faire en interne donc on travaille avec d'autres labos mais ça nous
16:44 revient beaucoup moins cher que si on le faisait entièrement externalisé.
16:47 Alors je parle du marquage CE mais plus largement je voulais qu'on aborde le sujet de la réglementation
16:52 au niveau européen et comment la communauté du libre vit ces transformations actuelles,
16:59 on a déjà abordé ce sujet ensemble Jean-Paul, Stéphane Fermiger, est-ce que vous avez assisté,
17:05 participé aux discussions autour du CRA, le règlement sur la résilience à la cybersécurité ?
17:11 Alors c'est un sujet qui nous préoccupe depuis maintenant un an et le fait est que
17:18 nous en tant qu'organisation représentative de la filière des entreprises du logiciel
17:23 libre en France et en Europe puisque je représente aussi l'APEL, l'association professionnelle
17:26 européenne du logiciel libre, nous n'avons pas été écoutés, nous n'avons pas eu
17:31 les rendez-vous que nous avons sollicités, ni auprès de la commission européenne, ni
17:38 auprès des autorités françaises, en tout cas pas auprès du cabinet de Jean-Noël Barraud
17:43 que nous avons pourtant sollicité à plusieurs reprises pour pouvoir nous entretenir de nos
17:49 inquiétudes.
17:50 Même chose Jean-Paul ?
17:51 Même chose, on est un des trois premiers éditeurs logiciels libres, on ne nous a jamais
17:55 contactés pour demander notre avis sur le Cyber Resilience Act.
17:58 Quelles conséquences alors de ce Cyber Resilience Act ?
18:01 Où on en est aujourd'hui du texte ?
18:04 Alors on en est à ce qu'on appelle le trilogue, donc une négociation entre la commission
18:08 européenne, le Parlement et puis le Conseil qui représente les états de l'Union.
18:14 On entend dire qu'on est vraiment dans la dernière ligne droite, que le texte pourrait
18:18 être finalisé cette semaine.
18:20 D'autres pensent que non, qu'il y aura peut-être… on ne sait pas puisqu'on n'a pas eu de
18:25 contact direct mais on a quelques échos.
18:29 Et le fait est aussi qu'il y a trois versions du texte qui ont été élaborées par chacune
18:33 de ces trois institutions et qu'il s'agit maintenant de converger.
18:36 Dès le début, il y a eu des inquiétudes parce que le texte prévoit une exception,
18:43 une exemption pour le logiciel libre mais avec des restrictions, des contraintes dont
18:49 on ne sait pas ce qu'elle représente exactement, notamment et principalement l'utilisation
18:57 commerciale.
18:58 Qu'est-ce qui serait le point épineux pour le libre dans ce texte ?
19:02 Le point le plus épineux à l'heure actuelle, c'est l'exemption ou pas des entreprises
19:07 et notamment des entreprises qui ont une activité commerciale autour d'un logiciel libre qu'elles
19:11 diffusent par ailleurs de manière ouverte, gratuite, etc.
19:15 Il faut se souvenir que le logiciel libre, c'est quoi ? C'est des logiciels qui sont
19:19 sous une licence particulière, on appelle les licences de logiciel libre ou open source,
19:23 et que toutes ces licences, sans absolument aucune exception, contiennent en général
19:29 écrit en gras, en majuscules, nous ne sommes pas responsables de ce logiciel.
19:34 À partir du moment où moi, que je sois un particulier, une institution ou une entreprise,
19:40 je donne un logiciel hors de tout cadre contractuel et sans qu'il y ait une rémunération en
19:46 échange, comment peut-on exiger de l'auteur ou des auteurs une responsabilité ?
19:53 C'était comme ça que fonctionnait le logiciel libre depuis presque 40 ans et donc la commission
19:59 européenne a entrepris de détricoter ce système pour aller vers un système qui pour
20:04 l'instant reste encore très mystérieux.
20:06 Vous dites qu'il y a quand même une exception qui est prévue pour le libre ?
20:09 Oui.
20:10 Jean-Paul ?
20:11 En fait, l'exception, on avait le diagramme très compliqué avant, donc si vous ne gagnez
20:17 pas d'argent, que vous n'êtes pas une entreprise, que vous êtes plusieurs à le développer
20:20 et qu'il n'y a pas qu'une seule personne qui le contrôle et en fait, on met toute
20:23 la liste de contraintes, donc ça ne concerne à peu près personne, vous ne risquez pas
20:27 de payer l'amende de 15 millions et vous ne serez pas obligé de payer le cabinet de
20:31 conseil qui va augmenter d'environ 40 000 euros par logiciel, ce que coûte de publier
20:36 un logiciel libre.
20:37 Mais inversement, Kerns, vous allez bientôt devoir payer votre cabinet de conseil si vous
20:44 voulez avoir la marque CE qui sera plus d'accord.
20:46 Parce que ce qu'on explique quand même régulièrement grâce à Jean-Paul ici, c'est que derrière
20:49 le logiciel libre, ce ne sont pas juste des bénévoles ou des fondations, il y a des
20:53 entreprises qui financent cet écosystème.
20:56 Comment est-ce que vous réagissez, vous, à un règlement comme cela ?
20:58 C'est compliqué, ça nous rajoute des coûts, des bâtons dans les roues alors qu'on en
21:03 a déjà.
21:04 Donc c'est effectivement difficile à gérer.
21:07 Quelles sont les solutions alors ?
21:09 Déjà, le problème, encore une fois, c'est ce sur quoi on essaie d'attirer l'attention
21:19 des législateurs depuis un an.
21:21 Je pense que c'est de séparer la diffusion du logiciel libre en tant que tel, en tant
21:26 qu'outil de diffusion de la connaissance, en tant qu'outil de partage, etc.
21:30 Et puis la diffusion, l'utilisation d'un logiciel libre dans un cadre strictement commercial.
21:36 C'est-à-dire, moi, éditeur de logiciel, je vends l'usage, je vends des garanties.
21:41 Et effectivement, dans ce cadre-là, il est 100% légitime d'exiger des contraintes sur
21:46 la sécurité.
21:47 Mais lorsqu'il s'agit d'un logiciel qui peut être téléchargé très librement, il
21:51 me paraît très dangereux d'imposer à ces entreprises, qui souvent ont un business
21:58 model qu'on appelle freemium, par exemple, pour simplifier un peu.
22:02 C'est-à-dire qu'il y a le logiciel libre qui est disponible 100% gratuitement, sans
22:05 contrainte de la part ni de l'acheteur ni du vendeur.
22:09 Et puis il y a la version, parfois c'est le même logiciel, parfois ce n'est pas tout
22:13 à fait le même logiciel, mais il y a le cadre contractuel.
22:16 Et nous, ce que nous pensons, c'est que si ce CRA arrive et impose à toutes ces entreprises
22:24 du libre des garanties, en matière notamment de sécurité, sur la version 100% open source,
22:31 100% gratuite, cela va complètement déstabiliser leur modèle économique.
22:35 C'est-à-dire qu'elle sera l'argument pour vendre de l'abonnement, du service, de la
22:40 sécurité, si ces garanties sont, par ailleurs, si on est obligé de les fournir sur la version
22:48 100% open source, gratuite, etc.
22:50 Donc, nous pensons qu'il faut absolument que ce point soit pris en compte et plus généralement
22:56 prendre en compte de manière un peu plus systémique l'existence d'un écosystème
23:00 très riche en Europe, des milliers d'entreprises.
23:03 En France, c'est 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel.
23:06 En Europe, c'est peut-être 30 milliards d'euros annuels.
23:08 Des opportunités énormes en termes de souveraineté numérique européenne et tout ça, ça risque
23:15 effectivement d'être abîmé par des législateurs qui ne cherchent pas à comprendre les mécanismes.
23:21 Avec le risque de voir des entreprises du libre partir.
23:23 Merci beaucoup, on est vraiment à la fin de ce rendez-vous.
23:25 Merci Jean-Paul Smez, PDG de Rapid Space, Alexandre Combes pour Kern Devices.
23:31 On vous souhaite bon courage pour tous vos projets.
23:35 Et puis Stéphane Fermigier, PDG d'Abilian et président du Conseil National du Logiciel Libre.
23:40 A tout de suite pour notre rendez-vous avec les cryptos.
23:43 On termine cette édition avec Faustine Fleuret qui est la présidente directrice générale
23:53 de l'ADAN, Association pour le Développement des Actifs Numériques.
23:56 C'est notre rendez-vous avec l'actu des cryptos.
23:58 Bonjour Faustine.
23:59 Bonjour Bephzé.
24:00 On commence avec tout début novembre l'OCDE qui a rendu publique une étude réalisée
24:05 pour l'Autorité des marchés financiers qui porte sur ces nouveaux investisseurs particuliers français.
24:11 Quelles sont les grandes lignes de ce profil du nouvel investisseur ?
24:16 Effectivement c'est un profil qui intéresse l'AMF puisque l'Autorité des marchés financiers
24:23 autorise et supervise les marchés de cryptoactifs et que ces nouveaux investisseurs massivement
24:29 vont vers les cryptoactifs comme nouveau support d'investissement.
24:32 Nous-mêmes, l'association, on publie annuellement une étude qui vise à justement analyser
24:38 quel est le profil type et quel est l'état de l'adoption des investisseurs en France
24:42 et en Europe des cryptoactifs.
24:43 La bonne nouvelle c'est que ces études sont cohérentes entre celles de l'OCDE pour l'AMF
24:48 et la nôtre.
24:49 Mais la vôtre n'est pas encore publiée ?
24:50 Alors celle de 2023 est sortie en avril dernier et effectivement nous rouvrons l'exercice.
24:55 Il y en a une nouvelle qu'on attend pour début 2024 ?
24:57 Pour 2024.
24:58 Ok.
24:59 Donc le profil type des investisseurs ce sont majoritairement des hommes, il y a une surreprésentation
25:04 des hommes, plutôt entre 18 et 35 ans et contrairement à ce qu'on pourrait penser, plutôt de profil
25:11 CSP+, donc pas forcément des très très jeunes avec des faibles revenus qui vont aller
25:16 tout miser sur les cryptoactifs.
25:18 Au contraire, c'est ce que nos deux études montrent, on a plutôt des investisseurs qui
25:21 sont irrationnels et prudents.
25:23 On le voit dans la proportion de ce qu'ils vont investir dans les cryptoactifs, souvent
25:27 moins de 10% du portefeuille et investi dans les cryptoactifs.
25:31 Et surtout ce qu'on a remarqué dans ces deux études, c'est l'effort de diversification
25:35 des investisseurs en crypto qui sont pour la très large majorité également sur d'autres
25:40 supports financiers, d'autres titres financiers beaucoup plus classiques et qui pour cela
25:45 vont investir ce qu'ils peuvent investir, c'est-à-dire que dans l'étude de l'OCDE,
25:48 très intéressant de voir parce que ça peut être souvent une image qu'on peut s'en
25:52 faire, mais on n'a pas du tout des particuliers qui vont aller s'endetter pour de l'argent
25:59 facile sur les cryptoactifs.
26:00 C'est plutôt de la diversification finalement ?
26:02 Tout à fait, avec en fait des actifs qui pour ces jeunes nouveaux investisseurs sont
26:06 peut-être plus palpables, plus tangibles.
26:08 Ce qu'on avait montré dans notre étude, c'est que c'est souvent les clients de banques
26:12 en ligne ou de néo-banques plus que de banques classiques qui vont vers les cryptoactifs
26:16 et qui s'intéressent à des choses qu'ils leur parlent par rapport au développement
26:19 numérique et de tous les nouveaux usages.
26:21 Donc c'est très intéressant de voir cette jeunesse dans les investisseurs.
26:25 Également la façon nouvelle dont ils se renseignent, majoritairement beaucoup avec
26:30 les réseaux sociaux.
26:31 C'est vrai que c'est une nouvelle forme d'information sur laquelle il convient d'agir
26:37 pour donner justement la bonne information.
26:38 Et pour cela, on peut saluer la loi qui est passée plus tôt dans l'année pour l'encadrement
26:44 des influenceurs dans l'espace numérique et qui vise justement peut-être à mieux
26:49 encadrer des pratiques et concernant les cryptoactifs, ils avaient été traités.
26:53 Et donc aujourd'hui, seuls des acteurs régulés peuvent effectivement faire de la promotion
26:58 sur les réseaux sociaux.
26:59 Et quand on voit l'enjeu pour les investisseurs de mieux comprendre qu'il y ait une réglementation,
27:06 c'est vrai que c'est ce que montrent nos deux études, il y a encore un manque de connaissances
27:09 sur l'encadrement et sur quel type d'acteurs sont les plus vertueux, les plus sérieux,
27:15 les plus crédibles et vers lesquels il faut aller.
27:16 Donc il y a un effort de pédagogie encore à faire, que ce soit côté secteur mais
27:22 aussi côté autorité pour mieux faire connaître le régime français qui est précurseur.
27:25 Et pour cela, on salue l'initiative et l'annonce d'avoir des recommandations spécifiques
27:31 en matière d'éducation financière pour les nouveaux investisseurs en 2024.
27:35 Et c'est quelque chose sur lequel on aura beaucoup d'idées à l'association.
27:38 On avait déjà remonté le sujet.
27:41 À la fois, il y a une meilleure connaissance et une meilleure valorisation finalement de
27:44 ce qui a été fait en matière de réglementation en France.
27:46 Et dans votre étude à venir, ça va aussi nous permettre de voir comment se structure
27:50 ce marché en France.
27:52 Complètement.
27:53 Notre étude a un deuxième volet qui n'est pas forcément traité dans l'étude de l'OCDE
27:58 pour l'AMF, à savoir quel est l'état du secteur Web3 en France et en Europe, sachant
28:04 que d'une année sur l'autre, on a beaucoup de nouveaux usages, beaucoup de nouveaux acteurs,
28:08 mais aussi des acteurs établis qui finalement se saisissent de ces nouvelles technologies
28:12 dans le cadre de leur activité existante.
28:15 Et donc on verra ça début 2024 ensemble, je l'espère.
28:17 Merci beaucoup Faustine Fleuret, présidente directrice générale de l'ADAN.
28:20 Et merci à tous de nous suivre.
28:22 C'était Smartech.
28:23 Vous nous regardez sur Bismarck très régulièrement et puis vous nous écoutez aussi en podcast.
28:26 [Musique]