• l’année dernière
Est-ce que ça vous arrive de vous réveiller après un cauchemar, et de continuer d’avoir peur, en imaginant à quel point ce cauchemar serait terrible s’il devenait réel ? Et le pire, c’est que ça vaut aussi pour certains rêves, surtout les rêves des enfants complètement délirants. Bah oui, imaginez l’impact écologique d’une vraie montagne de chocolat, de rivières de soda et de nuages en barbe-à-papa, avec la destruction des sols et la mort de millions d’animaux que ça causerait ! Ou encore pire : un raz-de-marée de sucre ! Sauf que ça, l’Histoire en a vraiment connu un. Et les habitants de Boston en 1919 l’ont confirmé dans leurs témoignages : c’était vraiment un cauchemar…

Écriture : Benjamin Brillaud, Jean de Boisséson et Jean-Mickaël Tardy / Le héraut de l’Histoire

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Montage : Dead Will / Wilfried Kaiser https://www.youtube.com/c/DEADWILL
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Transcription
00:00 Mes chers camarades, bien le bonjour !
00:01 Peut-être que ça vous arrive de vous réveiller parfois après un cauchemar et de continuer
00:05 d'avoir peur en imaginant à quel point ce cauchemar serait terrible s'il devenait
00:09 réel.
00:10 Et le pire, c'est que ça vaut aussi pour certains rêves, surtout les rêves des enfants
00:14 qui sont complètement délirants.
00:16 Imaginez un peu l'impact écologique d'une vraie montagne de chocolat, de rivières de
00:20 soda, de nuages en barbe à papa, avec la destruction des sols et la mort de millions
00:26 d'animaux que ça causerait.
00:27 Ou encore pire, imaginez un rat de marée de sucre.
00:30 Sauf que ça, l'histoire en a vraiment connu un.
00:33 Et les habitants de Boston en 1919 l'ont confirmé dans leurs témoignages, c'était
00:38 vraiment un cauchemar.
00:39 Plus précisément, il s'agissait d'un rat de marée de mélas.
00:42 La mélas, c'est un liquide sucré et sirupeux à la teinte brunâtre qu'on obtient en
00:47 raffinant du sucre à partir de la canne à sucre ou de la betterave sucrière.
00:51 Au début du XXe siècle, aux Etats-Unis, on l'utilise entre autres comme édulcorant
00:55 ou pour faire de l'alcool.
00:57 Bref, mis à part vous donner des caries, la mélas, c'est pas franchement le truc
01:01 le plus dangereux du monde.
01:03 Enfin si, avec l'alcool industriel qu'on peut en tirer, il est possible de fabriquer
01:07 de grandes quantités d'explosifs.
01:09 Du coup, la première guerre mondiale a stimulé ce marché.
01:12 Dès 1915, la hausse de la demande en mélas est si forte que la Purity Distilling Company,
01:18 une filiale de l'United States Industrial Alcohol Company, décide d'en construire
01:23 un réservoir à Boston, plus précisément au numéro 529 de Commercial Street.
01:28 Alors là je suis sûr, y'en a qui ont entendu "explosif", ils se sont dit "ça y est,
01:32 tout le quartier va péter".
01:33 Mais non, parce que je le répète, la mélas, c'est du sirop inoffensif.
01:37 Vous pourriez dormir sur vos deux oreilles dans un océan de mélas.
01:41 En tout cas, jusqu'à ce que l'incompétence humaine s'en mêle.
01:44 On parle quand même de réaliser un réservoir de 50 par 90 pieds, soit plus de 15 mètres
01:49 de haut pour environ 27 mètres de diamètre.
01:52 Avec ses 9,4 millions de litres, il peut contenir bien plus que 3 piscines olympiques.
01:59 Autant dire qu'il a intérêt à être solide.
02:01 Mais pas de chance, Arthur Gell, le responsable qui supervise les travaux, n'a aucune expérience
02:07 ni formation dans le domaine.
02:09 Il est même incapable de lire correctement les plans.
02:12 Autant dire que ça s'annonce déjà plutôt mal.
02:15 Mais le pire, c'est qu'il ne suit même pas sa feuille de route, car les tests de
02:18 sécurité prévus dans ce cas-là ne sont pas faits.
02:21 Par exemple, une précaution de base, avant de mettre en service le réservoir, il faut
02:25 le remplir d'eau pour détecter les éventuelles fuites.
02:27 Mais là, non, on n'a pas le temps.
02:29 Les travaux doivent être finis en seulement 2 mois, vite, pour accueillir la première
02:34 livraison de mélas.
02:35 Avec celle-ci, on s'aperçoit que, de fait, le réservoir a des fuites.
02:39 Le danger possible devient bien réel.
02:41 Alors que va faire la compagnie ?
02:43 Eh bien, à peine informée, elle prend les mesures qui s'imposent.
02:46 La mélas qui coule est brune, donc on va peindre le réservoir en brun.
02:51 Comme ça, avec ce cache-misère, les gens n'y verront rien.
02:54 Là, on vient de franchir le champ de l'incompétence, cette fois-ci c'est carrément criminel.
02:59 Et en plus, complètement inutile, parce que les gens ne sont pas idiots, ils voient quand
03:03 même qu'il y a des trucs qui coulent.
03:05 La preuve, les habitants du quartier ont l'habitude de placer leur casserole au pied de la structure
03:09 afin de récolter de la mélas pour faire leur cuisine.
03:11 Quoi de plus normal, il y en a des millions de litres, alors autant en profiter.
03:15 Mais tout le monde n'est pas aussi insouciant, et certains se méfient de cette possible
03:20 bombe à retardement.
03:21 Dans un rapport, un employé de la compagnie dénonce la structure défaillante du réservoir.
03:26 Dans le Boston Post, un habitant du quartier, un certain H.M.
03:30 Dorlay, affirme qu'il avait prévu la catastrophe à venir plus de 3 ans en avance.
03:36 Mais toutes ces alertes sont ignorées.
03:38 Malgré la menace sucrée qui plane au-dessus du quartier de North End, les quelques lanceurs
03:43 d'alertes sont ignorés et se sentent bien seuls.
03:45 Et ce petit jeu dure des années.
03:48 Avec ce biais assez courant, ça a tenu aussi longtemps, donc ça tiendra encore.
03:53 Et bah non Coco, ça a tenu aussi longtemps, mais ça va peut-être s'user et céder
03:57 au moindre changement de température.
03:59 D'ailleurs, puisqu'on en parle de température, ça y est, l'hiver 1919 arrive à Boston,
04:04 et dans cette région voisine du Canada, le froid est rude.
04:08 Le 12 janvier, il fait environ -17°C, et justement, on vient d'encaisser une nouvelle
04:13 livraison.
04:14 1,727,2 litres de mélasse s'ajoutent à la cuve, pour un total de 8,7 millions de
04:20 litres.
04:21 Sans être plein à craquer, le réservoir approche de sa capacité maximale.
04:25 Le 15 janvier, le temps s'améliore brusquement.
04:28 Il fait maintenant 4°C, c'est une journée plutôt douce pour un hiver bostonien.
04:32 Vers minuit trente, plusieurs résidents entendent un drôle de bruit.
04:35 Pour Joseph Hiller, ça ressemble à un grondement sourd.
04:39 Martin Closerty, qui était encore au lit, décrit lui aussi un grondement grave qu'il
04:44 entend depuis le troisième étage de sa maison.
04:47 Soudain, certains s'affolent.
04:48 Un gangster vient de tirer une salve de mitrailleuse en pleine rue.
04:53 Pas du tout, ce sont les rivets du réservoir.
04:55 Sous une pression incroyable, ils sautent en rafale, fusant à toute vitesse à travers
05:00 les airs.
05:01 Le réservoir vient de lâcher.
05:03 Les 8,7 millions de litres de mélasse forment une vague de 4,5 mètres de haut.
05:09 Elle fonce à 56 km/h à travers les rues, écrasant tout sur son passage.
05:14 Humains, chevaux et véhicules.
05:17 Et si vous pensiez pouvoir échapper à cette éruption sucrée, détrompez-vous.
05:21 L'humain le plus rapide du monde, Usain Bolt, n'a jamais dépassé les 43 km/h.
05:26 Vous n'auriez donc eu aucune chance.
05:29 La puissance du raz-de-marée est telle qu'elle emporte même des infrastructures et des bâtiments
05:33 entiers.
05:34 On a quand même le témoignage de certains qui ont survécu en ayant le bon réflexe.
05:38 C'est le cas du policier Frank McManus, qui se retrouve à une trentaine de mètres du
05:43 bord, lorsqu'il sent instantanément une énorme masse de substance collante lui toucher
05:47 le dos.
05:48 Il voit la vague, qu'il bat à la course, mais uniquement parce qu'il s'est aussitôt
05:52 précipité dans une rue adjacente.
05:53 Paradoxalement, quelqu'un comme Martin Closerty, qui se retrouve pourtant en hauteur dans les
05:58 étages de sa maison, est plus en contact avec la substance poisseuse.
06:01 Mal réveillé par le bruit, il saute du lit et se retrouve dans une telle profondeur de
06:06 liquide qu'il croit pendant quelques instants être tombé dans le fleuve de l'autre côté
06:11 de la maison.
06:12 Il faut dire que sa maison a complètement été renversée.
06:15 Quant à Mary Musko, qui habite pile en face de chez Martin Closerty, elle raconte qu'elle
06:20 a vu la maison de Closerty s'envoler dans les airs.
06:22 Mais son témoignage prend vite un ton tragique.
06:25 Elle dit, je cite "C'était horrible, j'ai vu des gens courir dans tous les sens, couverts
06:30 de mélasse.
06:31 Ils hurlaient et ils pleuraient".
06:32 En fait, la somme des témoignages donne une impression assez bizarre.
06:36 D'un côté, il y a des hurlements, des morts, des gens noyés, étouffés.
06:41 Mais de l'autre, on est dans le domaine de l'étrange et de l'absurde.
06:46 Les gens ne comprennent pas du tout ce qui leur arrive.
06:48 Ils ont l'impression d'avoir été projetés sur une autre planète, dans un roman de science-fiction
06:53 assez horrifique.
06:54 Martin Closerty ne comprend pas trop où il est, les murs et les plafonds ont changé
06:59 de sens et il ne parvient pas à identifier la substance étrange qui l'imprègne partout.
07:04 Dans un rayon de 60 à 75 mètres autour du réservoir, des bâtiments sont sans dessus
07:10 dessous, détruits, endommagés, voire disparus tout simplement parce que la vague les a déplacés
07:16 ailleurs.
07:17 Le chemin de fer surélevé a aussi été endommagé et l'un des wagons a été soulevé
07:21 des rails.
07:22 Partout, les cadavres flottent dans 60 à 90 centimètres de mélasse qui recouvre toute
07:28 la rue et les trottoirs.
07:29 Certaines formes, prisonnières de ce piège à mouches géant, continuent de se débattre.
07:34 Ce sont des humains et des chevaux ensevelis ou simplement cloués au sol.
07:38 Imaginez la tête des secours quand ils sont alertés et qu'ils vont arriver.
07:42 Ils débarquent dans un genre d'enfer poisseux, noirâtre et heureusement qu'ils sont là
07:47 parce que vraiment, y'a du pain sur la planche.
07:50 Les premiers débarqués sont les 116 marins de l'USS Nantucket, un navire amarré tout
07:55 près de là.
07:56 Ils sécurisent la zone, empêchant que des gens indemnes aillent s'enliser en essayant
08:00 maladroitement de sauver les autres.
08:01 Puis viennent les policiers, pompiers, femmes de la Croix-Rouge et autres volontaires.
08:05 On monte à la hâte un hôpital improvisé pour traiter les blessés et tous unissent
08:10 leurs efforts pour tenter de sauver le plus de monde possible.
08:13 C'est déjà extrêmement difficile d'avancer dans la mélasse mais imaginez qu'en plus,
08:17 le froid la solidifie peu à peu.
08:19 Et c'est bête tout ça.
08:20 Imaginez un muret collant d'à peine 50 centimètres de haut mais qui vous empêche
08:25 littéralement de faire le moindre mouvement.
08:27 Et bien du coup, les recherches de survivants s'étendent sur 4 jours.
08:30 Le bilan final est donc très lourd.
08:33 21 morts, 150 blessés.
08:35 Les dégâts matériels s'élèvent à environ 500 000 dollars de l'époque, soit presque
08:39 8 millions d'euros.
08:41 Puis, après la catastrophe, il faudra encore embaucher 300 travailleurs pour remettre
08:45 la zone en état.
08:46 Des pompas eau salée sont utilisées pour se débarrasser de la mélasse.
08:50 L'eau du fleuve fait ce qu'elle peut mais ça n'empêche pas que l'eau du port reste
08:54 brunâtre jusqu'à l'été.
08:56 L'odeur sucrée continue à imprégner tout le quartier pendant plusieurs semaines, faisant
09:01 naître une légende locale.
09:02 Certains prétendent qu'encore de nos jours, lorsqu'il fait particulièrement chaud,
09:07 on peut encore sentir de légers relents de mélasse dans le North End.
09:11 Si vous avez bien suivi, vous savez quelles sont les causes de ce désastre.
09:15 Mais on va résumer tous ces facteurs ensemble parce que maintenant, c'est le temps de
09:19 trouver un coupable.
09:21 Premièrement, les délais de construction ridiculement courts.
09:23 On veut tirer au plus vite profit de la guerre en Europe alors le chantier est réduit à
09:28 deux mois, ce qui peut causer des malfaçons.
09:30 Deuxièmement, le responsable du projet n'est pas qualifié et donc de fait, la cuve est
09:35 de mauvaise facture.
09:36 Troisièmement, on a négligé aussi les tests de sécurité obligatoires.
09:40 Mais aussi les problèmes de fuite pourtant constatés dès le départ.
09:44 Quatrièmement, le brusque changement de température a pu jouer un rôle dans la dilatation du
09:48 réservoir.
09:49 Et enfin, il est possible qu'à l'intérieur même du réservoir, un processus de fermentation
09:55 ait fait monter la pression.
09:56 Bref, on se retrouve dans le bon vieux cas classique.
09:59 L'explosion n'a pas une cause unique mais des facteurs qui se sont cumulés jusqu'au
10:04 bout.
10:05 Évidemment, les victimes savent contre qui se retourner, à savoir la société propriétaire
10:09 du réservoir.
10:10 Aujourd'hui, a posteriori, ça peut sembler assez évident.
10:14 Mais pas pour la United States Industrial Alcohol Company, qui se défend en accusant
10:19 les anarchistes.
10:20 C'est vrai qu'à l'époque, on est en pleine période d'activité des groupes
10:24 anarchistes italiens, qui ont l'habitude de faire des sales coups.
10:27 Tout d'abord, le début du syndicalisme a parfois donné lieu à de violents accrochages
10:31 avec la police, en particulier à Boston.
10:34 Certains trouvent que les explosifs sont plus efficaces pour faire avancer le dialogue social.
10:38 Et du coup, une bombe explose la maison du maire de Cleveland.
10:41 Et encore en 1920, c'était une bombe placée à Wall Street qui faisait 38 morts et plus
10:46 de 200 blessés.
10:47 D'ailleurs, c'est cette série d'attentats qui va causer en partie la peur du rouge des
10:51 Etats-Unis, qui confondent volontiers simples grévistes, militants socialistes, terroristes
10:57 anarchistes et enfin bolcheviques, migrants soupçonnés de s'infiltrer dans le pays
11:01 pour renverser l'état de droit.
11:02 Alors quand on pense à "mélas = alcool" et "alcool = explosif", ça colle avec
11:07 les anarchistes.
11:08 D'où l'intérêt du recul en histoire.
11:10 En fait, cette excuse de "non mais oui, c'est les anarchistes qui ont fait péter
11:15 la mélasse", ça pouvait marcher à l'époque.
11:17 Enfin, pas à tous les coups, pas cette fois-ci.
11:20 En avril 1925, la compagnie est jugée responsable pour mauvaise construction et négligence.
11:26 Elle paye 628 000 dollars de dommages et intérêts, soit presque 9 millions de nos euros.
11:32 Le réservoir ne sera jamais reconstruit.
11:35 Première leçon à tirer de cette tragédie, trop de sucre, c'est mauvais pour la santé.
11:40 Et plus sérieusement, encore une fois, c'est la loi, un peu à la traîne, qui doit rattraper
11:45 le train en marche de l'industrie.
11:47 Désormais, les ingénieurs de ce type de chantier doivent être certifiés, les constructions
11:51 sont réglementées et on définit des zones à risque, notamment les zones peuplées,
11:56 où on ne peut plus construire.
11:57 Car jusqu'ici, le gouvernement américain n'imposait aucune de ces restrictions aux
12:02 grandes entreprises.
12:03 J'espère que l'histoire de cette éruption sucrée ne vous aura pas trop terrifié.
12:08 On a déjà traité de quelques catastrophes sur la chaîne, il y en aura d'autres, mais
12:12 celle-ci restera sans doute dans les annales comme la plus étrange.
12:15 En tout cas, pour cette histoire, on peut remercier Jean-Michael Tardy de la chaîne
12:20 "Le héros de l'histoire", je vous mets le lien de sa chaîne en description si vous
12:23 avez envie de découvrir ses autres contenus.
12:25 Mais ne partez pas tout de suite, avant, n'oubliez pas de vous abonner, de liker, de partager,
12:30 commenter et on se retrouve très bientôt sur Nota Bene !

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