Comment le tourisme a DÉTRUIT Venise _ DOC COMPLET

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Avec sa célèbre place Saint-Marc, son Palais des Doges, son Pont du Rialto et ses gondoles, Venise la Sérénissime est l'une des villes les plus visitées d'Italie. Chaque jour, des milliers de touristes débarquent des navires de croisière à l'assaut des hauts lieux vénitiens. Leur séjour est express, souvent quelques heures, le temps de prendre quelques photos, de faire une balade en gondole et d'acheter quelques souvenirs. Une escale éclair et souvent la déception de ne pas découvrir la Venise romantique de leurs rêves.

Mais ils ne sont pas les seuls mécontents. Les Vénitiens payent eux aussi très cher la facture de ce tourisme de masse. Avec ce flot continu de visiteurs, les habitants se sentent dépossédés de leur ville, qui prend parfois des allures de gigantesque parc d'attraction. Leurs conditions de vie deviennent de plus en plus dures : pollution, embouteillages à l'entrée de la ville engorgée, dangerosité du traffic sur le Grand Canal, nuisances sonores… En un demi-siècle, la ville a déjà perdu plus de 50000 habitants.
Transcript
00:00 Venise, une ville unique au monde.
00:07 Un mirage posé entre ciel et mer.
00:12 Construite sur l'eau il y a mille ans, la cité des Doges invite à remonter le temps.
00:21 Une ode au romantisme.
00:27 Mais aujourd'hui, la ville est en danger.
00:34 La menace ne vient pas forcément de la montée des eaux,
00:39 mais plutôt des 28 millions de visiteurs qui chaque année envahissent Venise.
00:47 Derrière la carte postale, le rêve se fissure.
00:53 La ville est en danger.
00:58 La ville est en danger.
01:03 La ville est en danger.
01:08 La ville est en danger.
01:13 8 heures du matin, la célèbre Place Saint-Marc s'éveille tout doucement.
01:19 A cette heure, Venise appartient encore aux amoureux.
01:24 Soudain, tout près du rivage, les mastodontes débarquent.
01:37 Chaque jour, ces paquebots de croisières déversent des milliers de touristes sur la ville.
01:46 Et des visiteurs qui ne restent sur place que quelques heures.
01:54 Comme ces deux couples de Français.
02:00 Ces croisiéristes n'ont que 7 heures pour visiter Venise.
02:12 Chantal et Jean-Luc mitraillent le paysage comme ils peuvent dans la foule.
02:20 Petite photo au passage du pont du Rialto, l'un des endroits mythiques de Venise.
02:32 Et les voilà, Place Saint-Marc. Malgré la foule compacte, le charme opère immédiatement.
02:40 C'est magnifique, c'est magnifique ce bateau là. C'est beau.
02:47 Moi je compte à pleins, j'ai pas de mots. Ça dépasse toutes mes espérances.
02:54 Je suis scotchée là.
02:58 C'est l'émotion là, c'est vraiment...
03:08 Ça prend un grand trip.
03:11 Mais l'heure tourne. Ces Français vont donc devoir visiter Venise au pas de charge.
03:19 A la fin de ce marathon, les deux couples sont sur les retules.
03:26 On a marché, on a beaucoup marché. On veut tout voir, on s'arrête un peu partout et le temps est passé, on s'en est pas rendu compte.
03:33 Et une journée à Venise c'est passé ?
03:36 Il faut trois jours que je passe au poste.
03:38 Ça me donne vraiment envie de revenir. Mais aillez plus de temps pour pouvoir approfondir un peu plus les visites et voir les îles aux alentours.
03:46 Durant cette journée vénitienne, ces quatre retraités auront passé l'essentiel de leur temps sur la Place Saint-Marc.
03:56 C'est le problème principal du tourisme à Venise.
04:00 Les millions de visiteurs s'agglutinent tous sur cette esplanade longue d'une centaine de mètres seulement.
04:09 Un mouchoir de poche arrivé à saturation.
04:14 Pour les touristes, c'est un endroit de la vie.
04:19 Un mouchoir de poche arrivé à saturation.
04:25 Pour gérer cette foule, la Place Saint-Marc a son propre règlement.
04:30 Comme l'indiquent ces panneaux, il est interdit de s'y asseoir, surtout pour y manger ou pour y boire, sous peine d'une amende de 500 euros.
04:40 Des consignes que les touristes ne respectent pas.
04:46 Autre interdiction, nourrir les milliers de pigeons dont les déjections détériorent les monuments.
04:54 Là encore, les touristes s'en moquent.
04:58 Tous veulent ramener chez eux le cliché le plus connu de Venise, celui avec les pigeons.
05:08 Pourquoi vous leur donnez à manger ?
05:10 Mais c'est pour les photographier.
05:13 C'est plus facile pour faire la photo.
05:16 C'est un souvenir, ça fait partie des photos qu'il faut ramener.
05:20 Ces pigeons, c'est comme un don du ciel.
05:25 Mais c'est interdit ?
05:27 Non, tous les gens les nourrissent.
05:31 Donc nous aussi on le fait.
05:37 Il y a des policiers tout autour. Ils pourraient nous dire ne prenez pas de photo, mais ils ne disent rien.
05:44 Donc ça veut dire qu'on peut le faire.
05:49 Effectivement, à quelques mètres, les policiers ne semblent pas s'intéresser aux touristes qui désobéissent.
05:59 Pourquoi vous ne dites rien à tous ces gens ?
06:03 Parce qu'il y a trop de touristes.
06:07 C'est trop difficile de dire aux gens que c'est impossible de nourrir les pigeons.
06:16 Parce qu'il y a d'autres choses à faire.
06:21 Pour les policiers, la partie est perdue d'avance.
06:26 Et les incivilités, monnaie courante.
06:31 Pour prendre la mesure du phénomène, il faut attendre que la foule déserte les lieux.
06:38 6 heures du matin, l'un des plus beaux endroits du monde est une décharge à ciel ouvert.
06:50 Et c'est tous les jours comme ça.
06:55 Ce spectacle désole Lucas Di Pieri, éboueur et vénitien de naissance.
07:03 Les touristes ne sont pas très respectueux.
07:12 Ils mangent et après ils laissent tout sur place.
07:16 C'est devenu une zone de pique-nique.
07:20 Je pense que malheureusement nous avons beaucoup trop de touristes à Venise.
07:26 Même si c'est aussi une chance.
07:29 Et nous n'avons pas réussi à trouver de système efficace pour réguler ce flux touristique.
07:35 Tous ces gens ont besoin de manger.
07:44 Donc malheureusement ils en viennent à squatter dans les endroits les plus beaux.
07:52 Même sur cette place qui est au pied d'une église.
07:56 Je ne comprends pas.
07:59 Lucas et ses collègues vont mettre une heure pour rendre son faste à la place Saint-Marc.
08:07 Avant l'arrivée de la prochaine horde de touristes.
08:13 Les centaines de kilos de déchets ramassés sont ensuite acheminés à la force des bras.
08:20 Car à Venise rien ne se fait comme ailleurs, même la collecte des poubelles.
08:26 Dans ce dédale de ruelles, les virages sont parfois difficiles à négocier.
08:33 - C'est difficile dans ces petites rues ?
08:38 - Oui, c'est le problème de Venise.
08:41 Il faut se déplacer avec les poubelles et avec tout type de chariot dans des rues étroites où il y a beaucoup de gens et beaucoup de touristes.
08:50 A Venise, les touristes produisent 30 000 tonnes de déchets par an.
08:58 Ces ordures sont ensuite évacuées par bateau.
09:05 Une logistique complexe qui coûte trois fois plus cher qu'à Paris.
09:11 Dans cette cité sur l'eau, la surpopulation touristique cause d'autres dégâts.
09:21 Des dégradations irrémédiables que la plupart des visiteurs n'imaginent même pas.
09:27 Matteo Secchi dirige la principale association de défense de Venise.
09:34 - Le Grand Canal, ce sont les Champs-Elysées de Venise.
09:38 Une succession des palais les plus raffinés et les plus célèbres.
09:44 - Ici, c'est là où Georges Clunet s'est marié.
09:53 L'hôtel à Mani.
09:56 - C'est là que vous avez eu votre premier mariage ?
10:00 - Oui.
10:01 L'hôtel à Mani.
10:04 Vénitien depuis plusieurs générations,
10:09 Matteo se désespère de voir sa ville asphyxiée par le tourisme.
10:14 - À cet endroit, le Grand Canal est devenu une autoroute.
10:20 En augmentant le nombre de touristes, cela augmente le nombre de vaporétaux,
10:25 de gondoles, de taxis et de bateaux de transport.
10:29 Plus de touristes, c'est plus de trafic, donc plus de danger.
10:34 Ces bateaux de plus en plus nombreux et de plus en plus puissants
10:41 sont une calamité pour ces anciennes bâtisses.
10:45 - Quand ils ont construit Venise, ils n'ont pas imaginé qu'après 7 siècles,
10:54 il y aurait ici des bateaux à moteur.
10:59 Les vagues causées par ce trafic posent un gros problème
11:03 car elles rongent les fondations des palais.
11:07 - Où ça ?
11:09 - Sous l'eau.
11:11 Les vagues, elles rongent, elles rongent les fondations.
11:18 Le long de tous les canaux, le remous causé par cette navigation intensive
11:25 fouette les rives et malmène les façades.
11:30 Sous la pression, les pierres se décomposent et les briques se décèlent,
11:38 provoquant des trous sous l'eau.
11:41 Pire encore, les vagues creusent le fond de la lagune
11:46 et déterrent ces piliers de bois, les pilotis sur lesquels repose Venise.
11:52 Partout, l'eau salée s'infiltre dans les cavités causées par le ressac,
12:01 remonte le long des murs et abîme des édifices entiers.
12:12 Un autre fléau détruit les fondations de la ville, les bateaux de croisière.
12:19 300 mètres de long, 60 mètres de haut,
12:24 ces villes flottantes dépassent les bâtiments les plus hauts.
12:29 Chaque semaine, une trentaine de paquebots traversent la lagune
12:37 et fragilisent la cité des Doges.
12:41 Cet après-midi, des Vénitiens préparent la riposte,
12:45 une action coup de poing comme à leur habitude.
12:49 Les policiers sont sur le qui-vive.
12:52 Depuis 4 ans, le comité contre les grands navires se bat contre leur passage dans la lagune.
12:58 Thomas Okachari est un des leaders du mouvement.
13:09 Né à Venise, ce militant enrage contre les paquebots qui détruisent sa ville.
13:15 Quand les navires passent par ici, ils déplacent 135 000 mètres cubes d'eau.
13:21 Ils exercent donc une pression sur nos rives, sur nos maisons, nos monuments.
13:27 Et ça crée des effondrements.
13:30 Si vous allez à San Giorgio, là où le bateau doit faire un S pour sortir,
13:35 vous pouvez retirer des blocs de pierre avec les mains.
13:39 Eux, ils détruisent notre ville, ils se font de l'argent,
13:42 et c'est à nous les citoyens de payer les dommages.
13:46 L'action va se passer sur l'eau.
13:50 Des dizaines de petits bateaux attendent la sortie des paquebots
13:54 à marée à quelques centaines de mètres.
13:58 Mettez les drapeaux plus haut !
14:01 Quand les paquebots passent, on va essayer de les arrêter avec nos petits bateaux.
14:06 C'est possible ?
14:07 Bien sûr que c'est possible ! David contre Goliath !
14:11 Le signal est donné car le paquebot approche.
14:16 Les militants vont tenter de gêner son passage
14:19 et symboliquement lui jeter des oeufs.
14:23 Mets-toi là !
14:25 Non, mette-toi là !
14:27 Comme ça tu pourras faire de beaux lancers.
14:30 Les policiers s'interposent pour empêcher les militants de s'approcher.
14:35 Tomasso guette le bon moment et lance l'assaut.
14:41 Regarde comme je t'enfume le garde-côte ! Regarde !
14:46 Allez, les amis, viens là !
14:50 Allez, les amis, viens là !
14:54 Attendez, attendez !
14:59 Allez-y !
15:02 Plus haut, plus haut !
15:06 Allez-y, visez bien !
15:17 Il était beau celui-là, on a touché le bateau !
15:21 C'est juste un oeuf, mais on l'a eu !
15:24 Les militants s'approchent au plus près de l'immeuble flottant.
15:29 Vous êtes dangereux, éloignez-vous !
15:33 C'est ma maison ici, ce sont eux les dangers !
15:37 Le paquebot continuera son chemin sans même ralentir.
15:52 Difficile de lutter contre les multinationales des croisières
15:56 qui génèrent chaque année 300 millions d'euros de chiffre d'affaires.
16:02 Venise est en danger, mais les autorités n'ont pas les moyens de la protéger, et pour cause.
16:16 La majorité des touristes qui envahissent la ville ne dorment pas sur place.
16:22 Ils ne versent donc aucune taxe de séjour à la commune pour l'entretien du patrimoine.
16:29 Cette conseillère municipale est en charge des travaux publics.
16:34 Il y a un an, la ville a lancé l'un de ses plus gros chantiers de restauration,
16:39 celui de l'emblématique pont du Rialto, usé par le passage incessant de millions de visiteurs.
16:47 Cet ouvrage du 16e siècle n'a pas été restauré depuis 40 ans.
16:55 Les échafaudages dressés le long de sa façade remontent jusqu'à la toiture.
17:07 C'est une occasion unique d'être ici, car quand les travaux seront finis,
17:13 personne ne pourra plus monter au-dessus du pont du Rialto.
17:17 Nous ne le verrons plus que d'en bas.
17:20 Au final, nous serons très peu de personnes à avoir eu cette chance.
17:25 La rénovation va durer 18 mois.
17:30 Ces tailleurs de pierre ont démonté la balustrade pour réparer chacune des lésions du marbre.
17:37 Montant des travaux, 5 millions d'euros.
17:41 L'argent du tourisme sert-il à financer ces travaux ?
17:45 Non, la taxe de séjour que paient les touristes n'est pas utilisée pour la rénovation de la ville.
17:54 Elle suffit juste à payer les services destinés aux touristes eux-mêmes.
18:02 Nous avons un tourisme journalier qui ne donne rien à Venise
18:08 et qui utilise les services que procure la ville.
18:13 C'est un sujet qui fait débat ici.
18:17 Le problème du coût financier, mais aussi celui de l'invasion.
18:22 Le tourisme est une ressource extraordinaire, mais sa gestion nous pose des soucis.
18:30 Pour ces travaux, la ville a dû faire appel à un sponsor privé.
18:36 En échange, cette marque de vêtements bénéficiait d'une publicité de 12 mètres de haut
18:42 sur le lieu le plus photographié de Venise.
18:47 La ville de Doge
18:51 Si la cité de Doge accepte autant de nuisances, c'est que le tourisme est un secteur vital pour Venise.
19:04 Le seul qui prospère malgré la crise.
19:08 Il est à l'origine de 30 000 emplois directs
19:13 comme celui de Barbara Tossato, guide sur la Place Saint-Marc.
19:20 Barbara fait partie de ces Vénitiens qui défendent le tourisme, l'unique activité économique de Venise.
19:35 À Venise, nous n'avons rien. Le tourisme, c'est la vie pour Venise.
19:39 Tout le monde, tous les Vénitiens, vivent grâce au tourisme.
19:43 Mon dentiste, il vit grâce au tourisme.
19:45 Parce que moi, je suis guide, et il peut travailler ici à Venise
19:49 parce qu'il y a ceux qui ont les restos, ceux qui ont les hôtels, ceux qui font le guide.
19:53 Donc tout le monde à Venise vit du tourisme.
19:57 Cet ancien professeur d'histoire s'est reconverti dans le tourisme il y a 30 ans.
20:03 À ses débuts, Venise comptait 65 guides.
20:07 A son tour, mais ils sont près de 300.
20:11 Amoureuse de sa ville, Barbara veut montrer la vraie Venise,
20:17 celle qui se cache de l'autre côté de la Place Saint-Marc.
20:21 Ce matin, vous plongez dans la vie quotidienne.
20:27 Parce que ce qui est unique à Venise, à part la beauté de la ville, les monuments,
20:32 c'est la façon de vivre.
20:34 - Rue Aelle, s'il vous plaît, essayons de rester tous à droite,
20:39 sinon on va bloquer le passage.
20:41 Sinon, il faut suivre les itinéraires touristiques, c'est pas intéressant.
20:45 Nous allons faire un tour par les ruelles.
20:49 Ça, c'est Venise.
20:53 Venise, ce sont les petits canaux, les petits ponts, les balcons fleuris, les terrasses sur les toits.
20:57 Barbara conduit son groupe dans les passages les plus reculés
21:01 et les innombrables petites cours cachées.
21:05 - Ça, c'est pas un campiel.
21:08 Ça, c'est une cour, corte.
21:12 Voyez ? De mille.
21:15 Elle veut surtout les sensibiliser à l'art de vivre à la vénitienne.
21:20 - Venise, c'est pas une petite ville.
21:24 Venise, c'est un gros village.
21:27 J'ai des amis qui, tous les soirs, toute l'année,
21:31 prennent l'apéro à 19h là-bas, dans un bar.
21:34 Il y en a d'autres, 19h30, de l'autre côté.
21:37 Donc, ça, on s'est donné un rendez-vous.
21:39 C'est vraiment l'esprit d'un village.
21:41 C'est une ville qui peut conditionner les gens.
21:44 Mais c'est ça qui est magnifique, quand on aime tout ça.
21:47 C'est magnifique, c'est super.
21:49 Et en plus, c'est unique au monde.
21:53 - Son message aux touristes, n'agissez pas comme si vous étiez en terrain conquis.
21:58 - Laissons passer le monsieur, que c'est un vrai vénitien.
22:03 - Et il y a urgence.
22:06 Car aujourd'hui, nombre de vénitiens sont au bord de la crise de nerfs.
22:10 - Vous savez, les vénitiens sont comme les pandas.
22:14 Il n'y en a pas beaucoup.
22:16 - Comme Christina Giussani, libraire.
22:21 (musique douce)
22:24 Christina habite la vraie Venise.
22:30 Celle de ses petites cours cachées et de ses rues tranquilles.
22:34 A quelques centaines de mètres de la place Saint-Marc.
22:38 Pour se rendre au travail, cette libraire doit traverser les circuits touristiques.
22:44 Dans la foule, les vénitiens comme Christina sont tout de suite reconnaissables.
22:50 A leurs pas rapides et décidés.
22:53 A contre-courant du flot des touristes.
22:57 - Là, c'est un entonnoir que j'habite pratiquement toujours.
23:01 - Il y a tellement de monde, c'est très étroit et c'est très compliqué.
23:04 - Je déteste cette rue, voilà.
23:06 Pour les vénitiens, chaque déplacement de la vie quotidienne est un calvaire.
23:12 - Si c'est normal d'avoir une rue de passage importante à Venise comme ça,
23:17 - Regardez ce qu'il y a ici, on passe pas.
23:20 - Si on est pressé, il faut éviter, il faut aller ailleurs.
23:24 - Souvent, nous, on est en train de courir parce qu'on est en train d'aller à la banque,
23:28 - On est en train de faire nos affaires de tous les jours comme tout le monde.
23:31 - Et on est coincé par la foule.
23:33 - Et ça, c'est compliqué pour nous.
23:35 Les vénitiens vivent en état de siège.
23:39 Ils ne sont que 56 000.
23:42 Face aux 28 millions de visiteurs,
23:44 qui colonisent même leur transport public, le vaporéto.
23:48 - Il y a des jours où je monte sur un vaporéto et je descends à un arrêt après,
23:58 - Parce que j'en peux plus.
24:00 - Je pense que j'ai envoyé plusieurs personnes à l'hôpital, moi.
24:02 - Pourquoi ?
24:03 - J'exagère.
24:04 - Mais quand je dis "permesse" en trois langues, "s'il vous plaît", "sorry",
24:09 - Et je passe pas, je passe.
24:11 - Et puis voilà, et puis si il y a un pied, une jambe, quelque part,
24:14 - Et j'ai un caddie avec moi, eh bien tant pis, hein.
24:17 - Mais bon, je suis gentille aussi.
24:20 - J'explique aussi, s'il faut.
24:22 - Mais si je suis déjà fatiguée, j'ai pourru, j'ai passé la place à Mars,
24:27 - Difficilement, etc., oui, je râle.
24:31 Christina rouspète, mais elle a aussi des solutions qu'elle défend avec plusieurs associations.
24:40 - Je crois pas.
24:42 Selon elle, il faut tout faire pour limiter le nombre de touristes à Venise,
24:47 quitte à imposer une mesure radicale, faire payer l'accès à la place Saint-Marc.
24:54 - Il y a une proposition par rapport au fait de gérer un petit peu les flux dans la ville,
25:01 - C'est de fermer la ville, de créer une sorte de musée de la place Saint-Marc et des parages,
25:06 - Et donc de faire payer l'entrée dans ce quartier.
25:08 - Ce serait l'unique place publique dans le monde qui deviendrait payante.
25:13 - Tu trouves pas que c'est une place unique ? C'est une place unique dans le monde aussi.
25:17 - Je ne sais pas combien d'autres places dans le monde ont autant de visiteurs par an.
25:21 - Si ça devient un musée et ça permet de gérer les entrées, à mon avis, c'est raisonnable, c'est intéressant.
25:27 - C'est une proposition intéressante.
25:29 Fermer la place, un projet difficile à mettre en oeuvre.
25:34 D'autres habitants veulent même faire payer l'entrée de la ville.
25:38 De véritables serpents de mer qui auront du mal à voir le jour.
25:43 En attendant, les Vénitiens excédés tiennent les touristes à l'écart.
25:54 Même lors de leurs fêtes les plus spectaculaires.
25:57 Premier dimanche de septembre, l'une des plus grandes manifestations de Vénille se prépare, la régate historique.
26:05 Dans ce gymnase à l'autre bout de la cité, des Vénitiens se retrouvent entre eux pour les préparatifs.
26:12 Ce conseiller municipal est le chef des festivités.
26:23 - Ces figurants se déguisent pour nous faire faire un saut dans le temps de 500 ans.
26:27 - Notre devoir n'est pas seulement de montrer ce dont nous sommes fiers, mais aussi de dire que même si nos modes de vie ont changé, nous faisons toujours partie de la grande histoire de la grande ville de Venise.
26:41 Retour au XVe siècle, du temps où Venise la sérénissime dominait l'Europe.
26:50 Cette époque opulente continue de faire la fierté des Vénitiens.
26:55 Dans cette troupe, aucun touriste. L'événement n'est même pas annoncé dans les rues de la cité, un acte délibéré.
27:06 - C'est réservé.
27:09 - Ici, vous voyez ce que les Vénitiens vivent vraiment quand ils sont loin des touristes.
27:16 - Le touriste qui veut s'imposer, qui veut dominer et qui veut tout décider est un touriste à éviter.
27:22 - Si nous commençons à changer pour lui, nous ne serons plus de vrais Vénitiens.
27:27 - Tout ne sera que mascarade et ça n'a aucun sens.
27:34 Deux heures plus tard, les Vénitiens ont pris position le long du Grand Canal. Les plus chanceux à la fenêtre de leur palais, les autres entassés sur des barques.
27:46 C'est d'ici qu'ils auront la meilleure vue.
27:49 Le cortège historique ouvre les festivités.
27:58 Mais ce que tous attendent, c'est cette course de rame à la vénitienne qui se pratique debout.
28:04 C'est le sport le plus populaire de Venise.
28:08 Chaque année s'affrontent les meilleures équipes de la ville sous les encouragements de leurs supporters.
28:15 Parmi les spectateurs, très peu de touristes comme ces trois Français qui ont bien du mal à comprendre ce qu'il se passe.
28:25 - Il y a des noms de quartier ou des noms de je ne sais pas quoi.
28:28 - Les mots remontent.
28:31 - Ou des rues ou je ne sais pas quoi.
28:34 - Ils m'ont expliqué à la mairie qu'ils faisaient exprès de ne pas te donner d'informations pour que les touristes ne viennent pas trop.
28:40 - Vous en pensez quoi ?
28:42 - C'est un peu dommage.
28:44 - C'est un peu dommage et à la fois ce n'est pas une si mauvaise idée. Je peux comprendre.
28:48 - Pourquoi c'est dommage ?
28:51 - C'est une partie de la culture vénitienne donc c'est un peu dommage qu'ils n'en fassent pas plus de publicité.
28:57 - On est là pour découvrir Venise donc je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas assister à ce type de manifestation.
29:04 - Il me semble.
29:06 - Mais en même temps si tout le monde était très bien informé, je ne suis pas sûr que les quais suffiraient pour accueillir tout le monde.
29:14 - Comment fait-on ? Je ne sais pas.
29:16 Tout le dilemme de Venise est là.
29:20 Comment vivre du tourisme sans perdre son âme ?
29:24 Pour Cristina, la vénitienne, dans certains quartiers il est déjà trop tard.
29:33 Vice-présidente de l'association des commerçants, cette libraire voit disparaître petit à petit toutes les boutiques destinées aux habitants.
29:41 - Ça c'était un magasin de jouets historique qui a duré pendant 50 ans.
29:48 - Le pont, les vénitiennes l'appellent encore aujourd'hui le pont des jouets.
29:51 - Après c'est devenu un magasin de chaussures et puis voilà, ça y est.
29:55 - Les chaussures ont duré deux ans.
29:58 - Et voilà, c'est des souvenirs bon marché.
30:01 Les magasins pour touristes ont envahi Venise.
30:06 - Alors ici commence le désastre.
30:11 - Ça c'était un magasin, il y avait les deux en face.
30:16 - C'était un magasin historique de tissus.
30:18 - Moi je fais de la couture, j'achetais toujours des tissus chez lui, il avait de très beaux tissus.
30:22 - En face c'est carrément fermé.
30:25 - C'est des souvenirs, des sacs chinois.
30:30 - Il reste le boulanger et un magasin de fruits et légumes.
30:33 - Alors qu'il y avait tous les magasins pour faire ses courses ici.
30:36 - Il y avait le boucher, il y avait plusieurs magasins d'alimentation.
30:41 - Cette rue a changé en quelques mois.
30:45 - On est arrivés le matin et on trouvait le changement du soir au matin.
30:48 - Pour moi c'était choquant.
30:51 Ces cinq dernières années, partout dans la ville, se sont multipliés les marchands de pacotilles à moins de 5 euros.
31:00 De sacs en cuir bon marché et de faux masques traditionnels.
31:08 Des souvenirs vendus comme made in Italie, tous identiques mais rarement authentiques.
31:15 Symbole de cette contrefaçon, le célèbre verre de Murano.
31:33 Luminaires, vases, figurines ou bijoux à des prises imbattables.
31:39 Combien parmi ces objets ont réellement été fabriqués sur l'île de Murano, située face à Venise ?
31:48 A deux pas de la place Saint-Marc, Michele Valsechi tient un magasin spécialisé dans le verre de Murano.
31:57 - Expert auprès des autorités, Michele connaît bien le marché de la contrefaçon.
32:02 - Aujourd'hui, près de 80% du verre qui est vendu à Venise et à Murano n'a pas été fait à Murano.
32:10 C'est un verre d'importation fait en Italie ou en Europe.
32:14 Il est fabriqué à la machine et non pas à la main.
32:17 C'est la preuve que le verre est fabriqué en France.
32:22 Il est fabriqué à la machine et non pas à la main.
32:24 C'est la preuve qu'il ne peut pas venir de Murano.
32:27 A Venise, 8 objets en verre sur 10 seraient donc du faux Murano.
32:36 Pour s'en rendre compte, faisons un peu de shopping au hasard en caméra cachée.
32:41 Cette boutique du centre-ville présente bien, en apparence.
32:45 Nous allons y acheter ce cheval estampillé verre de Murano.
32:49 - Bonjour. - Bonjour.
32:50 - Verre de Murano.
32:55 - Oui, c'est fait à Murano.
32:57 - C'est fait à Murano ? Ok.
32:59 - C'est un verre brûlé.
33:01 Nous appelons ce genre de verre aventurine avec le métal oxyde à l'intérieur.
33:07 - Et c'est fait à l'île de Murano ?
33:11 - Oui, je vais le prendre.
33:17 Pour croire ce vendeur, ce cheval à 29 euros serait de l'authentique Murano.
33:21 Dans cet autre magasin, beaucoup plus luxueux, nous choisissons un petit vase à prix très élevé.
33:31 - Le petit vase, ça fait 60 euros avec un peu d'arabesque.
33:36 Nous avons seulement des choses et des Murano. On travaille seulement avec Murano.
33:41 Sur le vase, nous sommes intrigués par un nom écrit en lettres d'or.
33:46 - Là, c'est quoi, ça ?
33:47 - C'est la signature et le plus bien, c'est le maître qui travaille.
33:53 - Ah, d'accord.
33:55 - Et je sais pas si le maître travaille encore.
33:58 Ces deux objets proviennent-ils vraiment de Murano ?
34:02 Voici le verdict de Michele.
34:06 - Alors, cette pièce est très mal faite. Les détails sont grossiers.
34:14 Comme on le voit sur la base, les finitions ne sont pas parfaites.
34:17 Normalement, la partie du dessous devrait être parfaitement lisse.
34:22 Pour étayer sa démonstration, Michele va faire la comparaison avec un vrai cheval de Murano.
34:31 - Sur celui-là, par exemple, vous voyez que la base est complètement lisse.
34:37 Le verre de Murano est un verre artistique. Tous les détails sont soignés.
34:43 La crinière, les oreilles, la bouche...
34:45 Ceci est le travail d'un maître verrier qui a des années d'expérience.
34:49 Et ça, ça ne l'est pas.
34:52 Passons aux vases achetés dans la boutique de luxe.
34:57 - Ceci est un classique du verre de Toscane.
35:02 Il est trop régulier. C'est la preuve qu'il a été fait à la machine.
35:07 Regardez l'embouchure. Vous pouvez voir que le cercle est parfait.
35:12 A la main, c'est impossible à faire.
35:14 Donc ça ne vient pas de Murano, car les verriers là-bas ne travaillent qu'à la main.
35:19 Et puis, cette signature ne veut absolument rien dire.
35:23 - C'est possible qu'on invente une signature ?
35:26 - Oui, je peux mettre mon nom. Vous pouvez mettre votre nom.
35:29 N'importe qui peut mettre son nom.
35:31 Comble de la du prix, ce faux Murano à 60 euros est vendu plus cher qu'un vrai.
35:39 Un petit vase comme celui-là, en vrai Murano, serait vendu 30 à 40 euros.
35:43 Ce faux vase est vraiment trop cher.
35:46 Il n'existe qu'un seul label officiel qui garantit l'authenticité.
35:53 Cette étiquette avec le numéro de l'atelier de fabrication.
35:57 Au-delà des touristes lésés, cette contrefaçon tue l'artisanat de Murano à petit feu.
36:07 Toutes les semaines, Michele se rend sur l'île pour acheter sa marchandise auprès des ateliers.
36:15 Impérieux Rossi et Mario Constantini font partie des derniers maîtres verriers de l'île.
36:31 En très peu de gestes rapides et précis, Mario transforme ce cristal en fusion en tête de cheval.
36:40 Ces verriers utilisent les mêmes instruments et les mêmes techniques que les premiers maîtres de Murano.
36:55 Des procédés qui datent du Moyen-Âge.
36:59 Pour maîtriser ce tour de main, il faut des décennies d'apprentissage.
37:04 Mario a commencé à l'âge de 11 ans.
37:17 Si tu as suffisamment de talent, tu peux faire tout ce que tu veux.
37:25 Si tu as suffisamment de talent, il te faut au moins 20 ans pour devenir maître.
37:30 Mais si tu n'as pas les capacités, tu peux rester toute ta vie simple assistant.
37:35 Que pensez-vous de la contrefaçon ?
37:40 Malheureusement, cela salit notre image car les gens ne font pas la différence entre les produits chinois et les nôtres.
37:48 Alors que cette différence est énorme.
37:52 Les produits chinois sont... et Murano...
37:55 Aujourd'hui, ce métier ancestral est en voie de disparition car la relève n'est plus assurée.
38:03 S'il n'y a plus de jeunes, mathématiquement on va disparaître.
38:11 C'est un métier trop fatigant.
38:17 De nos jours, tu vas à l'école jusqu'à 25 ans.
38:21 Autrefois, à l'âge de 10-12 ans, il fallait déjà être à l'atelier.
38:27 En 15 ans, un quart des ateliers de verre ont fermé.
38:33 Il ne reste que 150 sur Murano.
38:46 Sous la pression du tourisme de masse, Venise perd petit à petit son authenticité, se transformant en parc d'attractions.
38:56 Même derrière ces murs, ce ne sont plus des vénitiens qui habitent.
39:02 Aujourd'hui, une maison sur quatre est louée à des touristes, un record mondial.
39:11 Pour les gérer, de nombreuses agences se sont créées ces dernières années, comme celles de Marco Malafante, businessman vénitien et anglophone.
39:21 Issu d'une vieille famille de Venise, Marco a su s'enrichir grâce au tourisme comme une poignée de vénitiens.
39:36 Aujourd'hui, il gère une trentaine d'appartements dont la plupart sont situés près de la place Saint-Marc.
39:41 Nous nous occupons de 10 appartements ici. Nous allons en visiter un aujourd'hui dont nous venons d'obtenir la gérance.
39:48 C'est un appartement haut de gamme.
39:51 Au dernier étage de ce palais entièrement rénové, Marco gère un duplex de 120 m2.
40:04 Deux salons, deux chambres et leur salle de bain en marbre, décorées dans le plus pur style vénitien.
40:10 Ce sont évidemment d'authentiques meubles d'époque.
40:18 Là, par exemple, vous avez un design très joli et très typique des belles maisons vénitiennes.
40:30 C'est un vieux palais qui date du XVIe siècle et qui a beaucoup de succès auprès de nos clients.
40:35 C'est sûrement parce qu'il combine le confort moderne avec une décoration ancienne de très bon goût.
40:52 Ce duplex n'est loué qu'à des touristes, ceux qui peuvent débourser jusqu'à 400 euros par jour pour profiter notamment de sa terrasse située sur le toit.
41:01 Les propriétaires obtiennent ainsi une rentabilité maximale.
41:06 C'est un très bon investissement car Venise est une ville où vous ne pouvez plus construire.
41:12 Et ça, ça fait toute la différence.
41:15 C'est très rentable car vous possédez une propriété dont la valeur augmente chaque année.
41:21 Les mauvaises années, de 2%, les bonnes de 5 à 6%, ce qui est très bien.
41:26 Et en plus, vous gagnez l'argent de la location touristique.
41:30 Du coup, ça vous rapporte le double ou le triple de ce que vous auriez gagné en le louant à l'année à un vénitien.
41:40 Chaque mois, cette location rapporte 9000 euros en moyenne.
41:48 Un loyer hors de portée de la plupart des vénitiens.
41:51 Plus d'appartements pour les touristes, c'est moins d'offres pour les habitants.
41:58 Trouver un logement à Venise est de plus en plus difficile.
42:02 C'est l'autre grand combat de Tomasso Cacciari, le militant t'y pas de beau.
42:12 Avec les membres de son association, il aide les familles insologées, comme celle de Nadia Taratana, ses deux enfants et son compagnon Nicolas Usardi.
42:22 Et pour cela, il squatte tout simplement et l'assume publiquement.
42:28 Nicolas nous conduit dans l'appartement qui l'occupe depuis 4 ans, un 3 pièces au confort rudimentaire.
42:38 Ici, c'est la chambre à coucher.
42:45 Nous avons environ 70 mètres carrés, ce qui est la bonne taille pour une famille comme la nôtre.
42:53 En général, un appartement comme celui-là se loue 1000 à 1200 euros.
43:05 Donc pour des gens comme nous, c'est très difficile de rester à Venise avec des loyers aussi élevés.
43:10 Dans cette petite ville de 56 000 habitants, les prix de l'immobilier sont les mêmes qu'à Rome, la capitale.
43:22 Impossible pour ce couple qui travaille dans le tourisme et qui gagne à eux deux 1500 euros par mois de trouver un logement adéquat.
43:32 J'aimerais bien payer un loyer, mais je ne peux pas donner 800 euros pour un logement de 20 mètres carrés.
43:38 Comment je fais ? Les enfants ont besoin de leur espace et nous, les parents aussi.
43:44 Nous risquerions de nous endetter et c'est vraiment pas acceptable.
43:49 Je ne paye pas et je ne paierai pas pour vivre mal. J'occupe et puis voilà.
43:58 A Venise, 60 familles occupent illégalement des appartements et la mairie laisse faire.
44:04 La preuve selon Tomasso que le tourisme de masse fait plus de mal que de bien à la population.
44:10 Ce n'est pas vrai que le tourisme apporte de la richesse et du bien-être.
44:16 Ce modèle de tourisme a dopé le marché immobilier jusqu'à la folie.
44:26 C'est la raison pour laquelle il y a autant de maisons occupées à Venise.
44:30 Ce sont tous des vénitiens qui veulent résister et qui ne veulent pas céder à la folie spéculative liée au tourisme de masse.
44:37 Ils résistent car ils veulent juste continuer à être vénitiens.
44:44 Mais les vénitiens sont peu à résister.
44:48 Ces dernières années, la ville a subi une hémorragie sans précédent.
44:53 En 20 ans, elle a perdu 20% de ses habitants, des jeunes pour la plupart.
44:59 Entre ces murs ne reste qu'une population vieillissante.
45:04 Face à cette hécatombe, plusieurs centaines de vénitiens ont mis en scène les obsèques de Venise.
45:23 Un enterrement symbolique pour alerter l'opinion publique sur la mort programmée de leur ville.
45:30 Matteo Secchi est l'initiateur de ces funérailles.
45:40 Depuis, il organise régulièrement des manifestations pour la survie de Venise.
45:46 L'un de ses derniers combats, la sauvegarde du dernier hôpital.
45:52 C'est le seul hôpital qui reste à Venise.
45:55 Il y a quelques années, ils ont essayé de le fermer car il y a de moins en moins d'habitants.
46:02 Le problème pour nous, mais aussi pour les touristes, c'est que s'ils ferment,
46:08 l'autre hôpital le plus proche se trouve à terre ferme à plus d'une heure de route.
46:13 En 2011, l'association de Matteo Secchi a annoncé une nouvelle mission.
46:20 L'association de Matteo a rassemblé plusieurs centaines de manifestants.
46:24 Ils ont ainsi sauvé l'hôpital, mais pour combien de temps ?
46:29 Pour moi, fermer un hôpital, ça revient à condamner à mort la population.
46:37 Une ville sans hôpital est une ville qui est destinée à mourir.
46:48 Fin des services publics et des petits commerces, fuite de la population,
46:52 à terme, Venise risque de devenir une ville fantôme, un simple décor.
46:59 Cette menace terrifie les vénitiens,
47:08 comme ce groupe de fervents défenseurs de la Venise éternelle, auquel s'est joint Matteo.
47:15 "Il est mort, il est mort, il est mort"
47:19 Peur d'être oublié, peur de disparaître,
47:26 ils multiplient les actions symboliques pour alerter l'opinion mondiale.
47:30 Comme chaque année en septembre, ils vont hisser le drapeau à l'effigie du lion ailé,
47:36 celui qui incarne la splendeur passée de la sérénissime République.
47:43 Cet étendard, ils le placent en haut de ce fort, à l'entrée de la lagune,
47:48 un avertissement à l'encontre des touristes.
47:52 "C'est un acte de résistance et d'orgueil,
47:59 et une façon de montrer notre appartenance à notre ville,
48:03 qui est représentée par ce drapeau."
48:12 "C'est comme un chien qui fait pipi pour marquer son territoire.
48:16 Nous disons bienvenue à tous,
48:19 mais à la condition que les gens respectent la ville et ses habitants."
48:23 Devenus une minorité au sein même de leur ville,
48:33 ces vénitiens se replient sur leur tradition et leur identité,
48:38 dernier vestige de la cité d'antan.
48:41 "J'ai très peur pour Venise,
48:50 et pourtant je ne suis pas vénitienne de naissance, car je suis née sur la terre ferme.
48:55 Mais depuis que je me suis mariée ici, il y a 42 ans, c'est devenu ma ville.
49:00 Je voudrais continuer de vivre et mourir ici."
49:05 "Je voudrais m'adresser directement aux touristes,
49:08 leur dire que l'unique solution est de redonner à Venise sa dimension humaine,
49:13 cette dimension humaine qui aujourd'hui n'existe plus.
49:17 Les millions de touristes ne sont pas un bénéfice pour nous.
49:22 Au niveau international, nous devons tous se véveniser,
49:26 pour la rendre à nouveau accueillante.
49:31 Pour qu'elle redevienne une ville que les gens aiment,
49:34 car maintenant ce n'est plus le cas."
49:38 Pour protéger Venise, les touristes doivent apprendre à voyager autrement,
49:48 visiter la ville à pied et non en bateau,
49:52 prendre le temps de flâner hors des circuits touristiques
49:56 et se fonder sur la terre.
50:00 Et se fondre dans le décor, pour respecter la beauté des lieux
50:04 et la quiétude des habitants.
50:07 Un tourisme responsable devenu vital, car dans dix ans à ce rythme,
50:14 le nombre de visiteurs aura dépassé les 50 millions.
50:19 [Musique]
50:43 [Musique]

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