Anne Rosencher revient sur l'annonce du ministre de l'Éducation nationale de renforcer le dégré des exigences du brevet et du bac.
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-rosencher-en-toute-subjectivite
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00:00 Toute subjectivité avec la directrice déléguée de la rédaction de l'Express, Anne Rosancher, bonjour !
00:05 Bonjour Nicolas, bonjour à tous !
00:06 Vous revenez Anne, ce matin, sur l'annonce du ministre de l'Éducation nationale
00:11 de renforcer le degré d'exigence du brevet et du bac.
00:15 Oui, et cette annonce n'a pas manqué de faire réagir.
00:18 Certains notamment craignent que cette mesure ne nuise aux élèves issus des catégories populaires.
00:23 Car intuitivement, qui dit plus de sélection, dit plus d'inégalité.
00:28 Mais cette intuition est un trompe-l'œil.
00:31 Entre 1980 et 2023, le taux de réussite au bac est passé de 64% à 90%.
00:38 Celui du brevet a augmenté pour sa part de 17 points en 20 ans pour atteindre lui aussi près de 90% cette année.
00:45 Ces dernières décennies, notre système est donc devenu de moins en moins sélectif.
00:50 Et pourtant, en parallèle, les inégalités scolaires n'ont cessé de croître,
00:55 jusqu'à faire de la France l'un des pires pays de l'OCDE pour ce qui concerne
01:00 la prédestination du milieu social sur la réussite scolaire.
01:04 Nous, la nation de l'améritocratie républicaine.
01:08 Ainsi par exemple, on a testé des élèves de CM2 sur un même examen de mathématiques en 1987 et en 2017.
01:16 Le score moyen des enfants de cadre s'est dégradé de 25% entre les deux coups de sonde.
01:22 Dans le même temps, celui des enfants d'ouvriers et d'employés s'écroulait de 31%.
01:28 Et tout est à l'avenance.
01:29 La France s'est installée ces dernières décennies dans un bluff méritocratique
01:34 dont le slogan « trompeur » promettait « la réussite pour tous ».
01:38 Et en quoi était-ce trompeur ?
01:40 La réussite pour tous, c'est l'arnaque pour tous et en particulier pour ceux qui ont tout à attendre de l'école.
01:46 En effet, la méritocratie scolaire repose sur une idée simple.
01:49 Ceux qui travaillent dur et qui ont les capacités de réussir doivent pouvoir accéder aux meilleures études
01:55 quels que soient les hasards de leur naissance.
01:58 Autrement dit, la méritocratie n'est pas l'absence de sélection,
02:02 mais la sélection fondée sur le mérite scolaire.
02:05 Quand l'institution abandonne son propre mécanisme de sélection,
02:09 alors cette dernière s'organise en dehors de l'école,
02:13 poussant l'avantage des classes socioprofessionnelles les plus favorisées.
02:17 Plus l'exigence baisse, plus le niveau général baisse
02:20 et plus les parents qui ont les moyens tentent d'aider leurs enfants, c'est humain.
02:24 Ils recourent aux profs particuliers, ils feintent la carte scolaire,
02:27 ils élaborent des stratégies pour s'en sortir dans la jungle du post-bac, etc.
02:32 Et pendant ce temps-là, nombre d'élèves méritant des milieux défavorisés,
02:36 eux n'ont pas le choix que de rester dans des établissements en difficulté
02:40 où le niveau décroche, où les professeurs sont débordés
02:43 et ne peuvent plus toujours jouer le rôle de repérage et d'orientation des écoliers à fort potentiel.
02:50 Il n'y a pas de sujet plus important que celui-là, l'école, son niveau, son équité.
02:55 Réforme après réforme, la France a ces dernières décennies
02:58 sécrété une catastrophe en la matière.
03:01 Il faudra du temps pour remonter la pente,
03:04 mais ne plus se fier aux fausses intuitions et à leur slogan trompeur
03:08 me semble un premier pas indispensable.
03:10 À nos enchères, merci, et à jeudi prochain.