Par Anne Rosencher, journaliste, écrivaine et directrice déléguée de la rédaction de l’Express.
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-toute-subjectivite
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00:00 En toute subjectivité ce matin avec la directrice déléguée de la rédaction de L'Express,
00:04 Anne Rosancher, bonjour ! Bonjour Nicolas Demorand, bonjour à tous !
00:07 Ce matin, Anne, vous nous dites votre perplexité quant aux discours qui fleurissent sur l'obsolescence du travail.
00:14 Oui, la question de la place du travail est dans l'air du temps.
00:17 Dès septembre, deux hommes politiques de gauche, François Ruffin et Fabien Roussel,
00:21 avaient provoqué un formidable charivari dans leur propre camp en défendant ce qu'ils
00:26 appelaient « la gauche du travail ». Tous leurs camarades ou presque leur étaient tombés
00:30 dessus, certains rétorquant comme Sandrine Rousseau que le travail est une valeur de
00:34 droite, d'autres préférant mettre en avant un droit à la paresse.
00:37 Depuis, la question refait épisodiquement surface à l'occasion par exemple du débat
00:41 sur les retraites, alors qu'à mon sens ça n'est pas tout à fait lié, ou alors
00:45 à la faveur d'études comme celle publiée par l'IFOP en novembre dernier.
00:48 Qui apprend-on ? Que si 60% des Français estimaient que le travail est très important
00:53 dans leur vie en 1990, ils ne sont plus que 21% aujourd'hui.
00:59 C'est impressionnant et passionnant.
01:01 Mais ce qui m'inquiète, ce sont les gros sabots avec lesquels certains s'empressent
01:06 de traduire cela politiquement, en expliquant que le travail c'est un truc obsolète,
01:10 voire limitré à qui.
01:11 Je vais vous dire, je trouve ce discours typique de ce que les sociologues appellent les « croyances
01:16 de luxe ».
01:17 NICOLAS : Les « croyances de luxe » ? Expliquez-nous, qu'est-ce que c'est ?
01:20 Ce sont les idées qui permettent de se distinguer en tant que catégorie diplômée et progressiste,
01:26 tout en étant soi-même à l'abri de la casse qu'elles peuvent engendrer.
01:30 En gros, c'est prôner des bouleversements sociologiques, tout en pratiquant pour soi
01:34 et pour ses enfants un conservatisme consistant à être le mieux armé possible dans le monde
01:40 tel qu'il continue de tourner.
01:42 Dans le cas qui nous intéresse ce matin, la croyance de luxe, c'est l'obsolescence
01:46 du travail.
01:47 Et l'une des préconisations qui en découlent, prônée aussi bien par les libéraux de droite
01:51 que par une gauche urbaine et diplômée, c'est la mise en place d'un « revenu
01:55 universel ». Vous savez, c'est cette allocation qui serait attribuée pour tous, sans aucune
02:00 condition et tout au long de la vie.
02:02 Pour moi, ce projet pérennise la sortie d'une partie des classes populaires de la société,
02:08 tout en ne changeant rien au sort de ceux qui continueront d'être les gagnants du
02:12 monde tel qu'il va.
02:13 Deux salles, deux ambiances, dans l'une les subsides, dans l'autre le travail, ses revenus,
02:18 son statut, sa place dans la société.
02:20 Vraiment, ça ne me dit rien qui vaille.
02:23 Alors oui, je préfère continuer de plaider l'impérieuse nécessité de recréer de
02:28 l'emploi industriel plus aménageur de territoire et moins déstructuré que certains métiers
02:32 de service.
02:33 Bref, qu'il y ait du travail et que le travail paie.
02:36 C'est moins cool comme idée que le droit à la paresse.
02:39 Mais je sais, comme tout le monde, depuis les élections des délégués de la classe,
02:43 au collège, qu'il faut se méfier des idées les plus cool.
02:47 Merci Yann ! Et à jeudi prochain !