Insécurité en France : Mustafa témoigne, « Mon enfant est traité de sale musulman dans une école catholique »

  • l’année dernière

Pascal Praud revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Aujourd'hui Mustafa, auditeur, donne son ressenti sur l'insécurité en France.

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Transcript
00:00 - Europe 1 - Pascal Prohevo
00:02 - De 11h à 13h sur Europe 1 et Pascal nous retrouvons, Moustapha qui nous appelle.
00:05 - Moustapha bonjour, vous nous appelez d'où Moustapha ?
00:07 - Bonjour Pascal de la région lyonnaise d'Anglin.
00:11 - Bon alors évidemment on réagit sur ce qui se passe aujourd'hui en France
00:16 avec le grand nombre de coups de couteau, d'agressions, de morts.
00:20 - Oui je suis tout à fait d'accord avec vous.
00:21 - Il y a pas d'accord ou pas c'est des faits.
00:23 - Oui c'est exactement, oui ça existe.
00:25 - Personne n'est d'accord.
00:28 - C'est des faits qui sont généralisés sur tout le territoire français
00:34 mais qui touchent toute la population française.
00:36 - C'est-à-dire ?
00:37 - Qu'elle soit d'origine maghrébine ou qu'elle soit d'origine française d'origine.
00:41 L'insécurité elle est dans les deux camps,
00:43 si on veut parler de camps parce que maintenant on est en train d'essayer de mettre
00:46 un camp de gens blancs comme on dit et un camp maghrébins, africains, voilà.
00:52 L'insécurité elle est pour les deux.
00:54 Tout le monde souffre de cette insécurité.
00:55 - Mais Jean...
00:57 - Mais j'entends bien mais est-ce que vous avez manifestement quand même
01:01 ceux qui sont morts ces derniers jours, sont morts, c'est un...
01:06 - Mais vous savez l'insécurité, la première insécurité elle est sociale, elle est sociale.
01:10 - Ah oui donc vous... Non mais oui mais bon...
01:12 Il y a hiérarchie peut-être, moi je parle des morts, si vous avez des éléments,
01:15 vous savez ce qui nous intéresse c'est factuellement,
01:18 mais vous avez des éléments factuels qui montrent précisément ce que vous dites ?
01:23 - Bien sûr, le premier, mon enfant qui est traité de salle musulman,
01:27 salle arabe, dans une école privée catholique où nous payons une somme assez considérée.
01:32 - Et par qui il a été insulté ?
01:34 - Par un autre élève et la seule chose qui s'est faite c'est que l'élève on lui a mis une heure d'école.
01:38 Alors moi je vais déposer plainte.
01:40 - Mais vous avez raison de déposer plainte, c'est parfaitement inadmissible.
01:43 Vous êtes allé voir les parents ?
01:45 - Non on peut pas aller voir les parents parce qu'on n'a même pas le droit de parler à l'enfant.
01:48 Simplement le directeur a fait faire une lettre d'excuse à cet enfant pour mon fils.
01:52 Mon fils a refusé. Mon fils savait qu'elle agit là.
01:54 Il a 10 ans. Il a refusé les excuses de ce jeune homme.
01:58 - C'est inadmissible, je suis d'accord avec vous.
02:01 - C'est ce qu'il passe aujourd'hui, ça commence très jeune aujourd'hui.
02:04 Que ce soit de ce côté là ou de l'autre côté, les morts, si on commence à parler des morts,
02:08 vous savez, M.Pro, si vous allez prendre le nombre de morts depuis 10 ans des gens issus de l'immigration,
02:15 vous allez voir, vous allez être choqués. Vous allez être choqués.
02:17 - Écoutez, vous savez, cette émission, elle permet à tout le monde de s'exprimer.
02:20 Donc c'est la base, manifestement, vous êtes sur une ligne différente.
02:26 Vous pensez qu'au fond, c'est l'insécurité de chaque côté.
02:32 - M.Pro, l'insécurité, elle est de chaque côté.
02:34 - Donc vous considérez au fond que les communautés...
02:37 - On a une image, on est sortis en discothèque, on est sortis dans les balles, on a eu des bagarres,
02:42 on a vu plein de choses, on a vu des bagarres, on a vu des disputes, on a vu des coups de couteau.
02:46 On a entendu des gens qui se sont fait tuer.
02:47 - Donc au fond, ce que vous considérez, et c'est très intéressant, c'est que vous êtes sur une ligne
02:51 où vous considérez que les sociétés multiculturelles ne marchent pas
02:54 et qu'elles sont à l'affrontement des deux côtés.
02:57 C'est un peu ce que dit Eric Zemmour, d'ailleurs.
02:59 - Non, on a créé un fossé volontairement en séparant certaines populations.
03:05 Le système, le système social, le système éducatif, le système scolaire.
03:08 Aujourd'hui, les écoles où les enfants d'origine maghrébine et africaine,
03:12 vous allez trouver deux blancs qui seront peut-être des pays de l'Est.
03:16 On va dire les mots comme ils sont, blanc, noir, arabe.
03:20 Donc la société a été fracturée.
03:25 - Et Mustapha, vous-même... - Ma génération, non.
03:27 Ma génération, non.
03:28 - Mustapha, attendez, il faut que je vous pose des questions parce que tout le monde ne comprend pas.
03:32 Vous, par exemple, vous êtes né en France, Mustapha ?
03:35 - Je suis né en France, 63 ans, né à Lyon.
03:37 - D'accord. - Et moi, je n'ai jamais eu ce problème dans les écoles.
03:40 - Donc c'est vos parents qui étaient... Vos parents étaient nés où ?
03:44 - Mon père est né en Algérie, il est arrivé en France en 1939 pour la guerre mondiale,
03:48 où il a été militaire, où il a été déporté.
03:50 - Et en fait, l'Algérie était française à ce moment-là.
03:52 - L'Algérie était française. - Donc effectivement, vous êtes d'une autre génération
03:54 où les soucis n'existaient pas de la même manière.
03:57 - On n'avait pas les mêmes soucis, c'était plus...
04:01 On avait le problème de racisme, mais il était...
04:03 - Il était disons plus insidieux et il y avait... - Insidieux, exactement.
04:07 - Disons les choses...
04:11 Les Français de souche, si tant est qu'on puisse utiliser cette expression,
04:17 il y avait une forme de mépris qui pouvait exister pour les Algériens
04:23 qui étaient sur le sol de France.
04:25 - Il y avait un mépris, mais on était, si vous préférez, les sous-citoyens de la France.
04:30 - Voilà, mais il pouvait effectivement exister un racisme ordinaire, j'ai envie de dire,
04:37 qui pouvait exister dans les années 70,
04:39 et une différence entre les Blancs et les Arabes, si je veux...
04:42 - Oui, bien sûr, parce qu'à mon époque on ne rentrait pas en discothèque.
04:44 - Oui, oui, mais je suis parfaitement d'accord avec vous,
04:46 tout le monde le sait, il ne sert à rien.
04:49 Aujourd'hui c'est différent.
04:50 - Aujourd'hui c'est différent.
04:52 Aujourd'hui c'est une autre manière de vivre, de fonctionner.
04:55 On a des clans.
04:56 A l'époque on n'avait pas de clan.
04:59 On était dans les mêmes écoles.
05:00 L'école de la République.
05:01 On était dans les mêmes maternelles.
05:02 - Mais vous, par exemple, quand vous êtes à l'école,
05:05 donc si vous avez 63 ans,
05:08 vous êtes un des rares enfants d'immigrés, j'imagine.
05:13 D'ailleurs vous n'êtes pas un enfant d'immigrés,
05:15 vous êtes Algérien et l'Algérie était française.
05:17 - Non, non, j'ai beaucoup d'amis comme moi.
05:19 - À l'époque, déjà quand vous aviez 10 ans,
05:21 il y avait déjà quelques Français, Arabes,
05:25 qui étaient présents avec vous,
05:27 ou vous étiez une petite minorité dans l'école.
05:30 - Qu'est-ce que vous appelez Français, Arabes, je ne comprends pas.
05:32 - Vous, vous êtes votre père...
05:34 - On est Français.
05:35 - Oui, mais votre père est originaire d'Algérie.
05:39 Donc, comment dire, c'était assez minoritaire, je pense.
05:46 - Ah non, non, non, non, non.
05:48 Ah non, non, non, non, à mon époque,
05:50 moi j'en avais beaucoup, énormément.
05:52 Oui, une grosse partie était de...
05:53 On était identiques.
05:55 On était tous identiques.
05:56 Simplement, je vous dis, le racisme, il existait.
06:00 On vous parlait, toi l'Arabe viens là et Mohamed vient là.
06:03 D'ailleurs, c'est là où ce mot qui est sorti dans les années 60,
06:06 de ratonnade, que je méprise.
06:08 Je méprise, parce que ratonnade, ça veut dire attaquer des Arabes.
06:11 Donc, des Arabes, c'est des rats.
06:12 Voilà, pour moi, je comprends ça.
06:15 Ce mot ratonnade, il devrait sortir de ce langage.
06:17 - Non, mais c'est vrai que la France a,
06:19 avec les pays du Maghreb et les Français issus du Maghreb,
06:23 une situation conflictuelle qui est ancrée depuis des générations
06:26 et dont on ne voit pas les solutions.
06:28 - Bien sûr, parce que moi, aujourd'hui,
06:30 vous savez quand c'est que je suis reconnu Français ?
06:32 C'est que lorsque je suis à l'étranger parmi les compatriotes.
06:35 - Non, Moustapha, ne dites pas ça.
06:36 - Ah si, ah si, je vous garantis.
06:38 - Vous êtes quoi, agent immobilier ?
06:39 Enfin, personne ne remet en cause que vous soyez Français.
06:44 Ne dites pas ça.
06:44 - Ah mais je vous garantis, je vous garantis.
06:46 - J'ai envie de dire que le problème, il n'est pas dans votre génération.
06:48 Parce que vous-même, ce matin, j'entendais Madame Thoraval.
06:52 Et c'est très intéressant, Madame Thoraval,
06:53 on lui disait "Ces jeunes gens, est-ce qu'ils se sentent Français ?"
06:56 Et elle répondait, c'est son avis, "Je ne le crois pas."
06:59 Vous, en revanche, vous appartenez à une génération
07:02 où jamais vous ne vous êtes senti autrement que Français.
07:07 - Je n'ai pas de solution, je ne sais pas de quoi.
07:09 - Oui, mais convenez que la jeune génération, la jeune génération,
07:14 vous, vous avez sans doute un rapport à la culture française,
07:16 à l'histoire française, aux mœurs françaises, à l'écriture, etc.
07:20 qui est différent de cette jeune génération.
07:22 Mais voilà, mais c'est ça qui nous inquiète en fait, c'est-à-dire que vous...
07:27 - Mais, Moustapha, laissez-moi terminer.
07:29 Vous-même, incarnez une génération, ce qui est fou,
07:33 c'est que la quatrième ou la cinquième génération,
07:36 elle est plus loin de la tradition française,
07:39 de la culture française, que la vôtre.
07:41 - Ça dépend, pas la mienne, parce que moi, quand je prends mes enfants,
07:45 mes enfants, ils n'ont pas ce problème-là.
07:47 Mes enfants qui ont aujourd'hui 40 ans et ils écoutent du Johnny Hallyday,
07:50 alors que c'est même pas leur génération,
07:52 c'est même pas la mienne, c'est celle de mes frères.
07:54 On écoute des chansons de Johnny Hallyday, c'est important.
07:55 - Vous avez des enfants de 40 ans et des enfants de 10 ans ?
07:57 - Bien sûr ! Parce que je vais à un deuxième mariage.
07:59 - Ah oui, ça je me dis que vous avez renouvelé !
08:03 - Bah oui, j'ai une petite fille de 2 ans.
08:04 - Et comment s'appelle votre petite fille ?
08:07 - Aïline.
08:08 - Et le petit garçon, il s'appelle comment ?
08:10 - Jaïs.
08:11 - Jaïs. Bon, écoutez, on marque une pause et on revient avec vous
08:15 et on va essayer de trouver un terrain d'entente.
08:21 - Non, mais le terrain d'entente, on le trouve.
08:23 - On va le trouver. Allez, merci.
08:25 Europe 1, Pascal Praud.
08:27 Avec Pascal Praud, on vous verra à 13h sur Europe 1.
08:29 - Et je remercie donc Moustapha.
08:31 Moustapha, est-ce que vous préparez les fêtes de Noël, peut-être ?
08:35 - Bien sûr, pourquoi ?
08:37 - Mais...
08:38 - Les fêtes de Noël, sous la chance qu'on a.
08:40 - Mais je sais, Moustapha, vous avez 63 ans, c'est tout.
08:46 - Et je fais Pékin et Yom Kippour avec mes potes.
08:49 - Eh bien, Moustapha, parce que vous êtes d'une génération...
08:52 - Ecoute-moi, ce qui m'inquiète dans la France d'aujourd'hui,
08:54 c'est que les fractures, elles sont générationnelles.
08:56 Vous, vous êtes à l'ancienne, donc il n'y a pas de souci avec vous.
09:00 - Non, mais ça, vous savez, M. Praud, vous savez d'où ça vient.
09:02 Ça, ça vient exactement de l'éducation.
09:04 - Mais bien sûr.
09:05 - Parce qu'il ne faut pas enlever l'éducation des parents et le substituer.
09:08 Et l'école, l'école. L'école, aujourd'hui, ça n'a pas le même fonctionnement que l'éducation à l'époque.
09:13 - Mais je suis d'accord avec vous et c'est ce qui nous rend tristes tous les deux.
09:15 Merci, Moustapha.
09:16 - Au niveau culturel, les gens issus de l'immigration, et spécialement les algériens,
09:21 ils ont exactement, pour moi, la même culture que celle de la France.
09:25 Ils se battent sur les mêmes choses. Ils marchent en parallèle.
09:28 - Mais la jeune génération, c'est...
09:31 Les gosses de 20 ans, je suis pas... J'aimerais que vous ayez raison.
09:34 J'aimerais que vous ayez raison, mais il y a des comportements chez les gosses de 20 ans
09:38 que vous-même, vous n'avez pas, pardonnez-moi de le dire,
09:41 où tout d'un coup, la part de la religion est plus prégnante pour ces gosses de 20 ans
09:45 que pour vous. Je le mesure, je le vois.
09:48 - Non, parce que moi, je suis musulman, vous savez, je suis musulman.
09:51 Je suis même pratiquant.
09:53 - Oui, mais...
09:54 - Et donc, j'ai pas de soucis de... Ma femme est à moitié italienne.
09:58 - Mais j'imagine que votre... Enfin, vous savez bien, on va pas rentrer dans les problèmes de voile,
10:04 de choses comme ça, mais j'imagine que votre femme n'est pas voilée, Moustapha.
10:08 - Non, mais elle est de mère sicilienne et de père algérien, et on n'a pas de soucis.
10:13 - Mais j'en suis sûr, mais c'est des comportements qui sont différents.
10:18 La jeune génération, c'est ça qui est aussi absolument incroyable.
10:21 Vous avez des gosses de 20 ans, ou des femmes de 20 ans qui sont voilées,
10:24 alors que leur grand-mère ne l'était pas. C'est ça que je veux vous dire.
10:27 Et c'est la part de la religion qui est plus importante aujourd'hui
10:30 qu'elle ne l'était il y a 20 ou 30 ans.
10:32 Bon, Moustapha, on enchaîne de toute façon. Je vous remercie.
10:35 - Je vous remercie. Au revoir, Pascal. - Et vous êtes toujours le bienvenu.
10:37 - Bonne fête. - Merci. Vous êtes toujours le bienvenu sur Europe 1. Il est 11h45.
10:41 à 9h45.

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