POLITIQUE - Sophie Binet est l'invitée de Amandine Bégot.

  • il y a 7 mois
Écoutez l'interview de la Secrétaire générale de la CGT.
Regardez L'invité de RTL du 30 janvier 2024 avec Amandine Bégot.
Transcript
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h43, excellente journée à vous tous qui nous écoutez, Amandine Bégaud. Votre invitée ce matin, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT.
00:13 Sophie Binet, les agriculteurs ont mis leur menace à exécution. Les accès à Paris sont ce matin bloqués, c'est aussi très difficile notamment dans la Vallée du Rhône.
00:21 Est-ce que vous soutenez ces blocages ?
00:23 Je comprends leur colère parce que la mobilisation elle met en lumière un
00:27 scandale, le fait qu'il y a de plus en plus de paysans qui ne vivent plus de leur travail et que de l'autre côté
00:31 il y a des millions de françaises et de français qui ne peuvent plus manger
00:36 avec leur salaire, avec des prix de l'alimentation qui explosent.
00:39 Pourquoi ? Parce que la valeur de notre travail est captée par les multinationales et
00:44 la finance qui capte toutes les richesses que nous créons.
00:46 Mais ça peut suffire ou est-ce qu'il faut aller plus loin ? Bloquer Rungis par exemple ?
00:50 Écoutez c'est eux qui décident de leur mobilisation, c'est certainement pas moi qui vais leur dire ce qu'ils ont à faire.
00:56 Ce qui est sûr c'est que le sujet sur lequel le gouvernement doit répondre c'est la question du revenu des agriculteurs et des agricultrices.
01:02 C'est la question qui est posée avec la revendication d'un prix minimum face aux industriels parce qu'il y a aujourd'hui
01:08 encore des négociations avec les industriels sur le prix d'achat des matières premières.
01:13 Ce sont les industriels le gros problème ?
01:15 Oui, les industriels et la grande distribution qui effectivement capte toute la valeur créée.
01:21 Et c'est pour ça d'ailleurs que les prix de l'alimentation explosent alors que le revenu des paysans et des paysannes s'effondre.
01:26 Donc c'est là dessus qu'il faut agir.
01:28 C'est au gouvernement d'agir, de mettre la pression sur la grande distribution et les industriels ?
01:32 Oui, il faut pas seulement mettre la pression, il faut revoir un certain nombre de mécanismes légaux pour garantir
01:37 aux agriculteurs leur revenu et leur permettre de vivre de leur travail.
01:40 C'est pas possible qu'ils aient à choisir entre la situation sociale et la situation environnementale.
01:45 Le gouvernement a promis plus de contrôles avec une centaine d'agents,
01:48 des sanctions aussi contre trois grands groupes industriels nous dit-on.
01:52 Vous levez les yeux au ciel.
01:53 Il était temps, mais en fait là il faut bien plus que la simple application de la loi EGALY.
01:58 Il faut des mécanismes qui régulent le système agricole qui a été massivement dérégulé
02:03 ces dernières années avec la fin des quotas sucriers, la fin des quotas laitiers,
02:07 qui s'est accompagnée d'une course au gigantisme pour celles et ceux qui pouvaient se le financer
02:11 et pour tous les autres un effondrement du prix de vente du lait et du sucre par exemple.
02:16 Donc il y a besoin de réguler le système agricole pour mettre fin à la spéculation sur l'alimentation.
02:21 Il faut aussi mettre fin au libre-échange non régulé avec des produits qui inondent l'Europe et la France
02:28 et qui ne répondent pas aux normes sociales et aux normes environnementales.
02:30 Mettre fin au libre-échange non régulé, sauf que les exportations ça rapporte,
02:34 je lisais ce matin que la balance commerciale de l'agriculture française est très largement positive.
02:39 Au plus haut même depuis dix ans c'est 5 milliards d'euros par an, ce qui est colossal, si on enlève le vent.
02:44 C'est-à-dire qu'avec le vent c'est encore plus.
02:46 Un emploi sur cinq au sein de l'Union Européenne, on ne peut pas dire on ferme les frontières,
02:50 on fait que chez nous, on mange que ce qui vient de chez nous, ce n'est pas possible.
02:54 Non, ce n'est pas l'objet, mais ce qui est sûr c'est que cette mondialisation ne rapporte pas à tous et toutes.
02:59 Le monde agricole est très divers, il y a quelques grands patrons, à l'image du patron de la FNSEA,
03:03 qui vivent très bien et qui est d'ailleurs plus patron de multinationales que paysans.
03:08 Et puis il y a une majorité de paysans et de paysannes qui sont mises en difficulté
03:12 par ce dumping social et environnemental.
03:14 Donc il vaut mieux mieux encadrer ?
03:16 Oui, il faut protéger l'agriculture française et l'agriculture européenne
03:21 et arrêter le traité de libre-échange qui est en cours de négociation au niveau du Mercosur.
03:25 Il faut que le gouvernement annonce clairement que les négociations sont finies.
03:28 Sophie Binet, on a vu dans certaines villes d'autres professions se joindre au mouvement,
03:31 je pense notamment aux taxis.
03:33 Est-ce que vous aussi vous appelez d'autres professions à rejoindre les agriculteurs ?
03:37 Eh bien aujourd'hui, il y a une grève dans le secteur de l'énergie pour exiger des augmentations de salaires.
03:42 Jeudi, il y a une grève dans l'éducation nationale pour exiger encore une fois des augmentations de salaires
03:47 parce que le point commun c'est l'exigence de pouvoir vivre de son travail.
03:52 Et c'est ça le problème aujourd'hui en France, c'est qu'on vit mieux de sa rente que de son travail.
03:56 On est dans un contexte où les dividendes explosent, n'ont jamais atteint le niveau actuel.
04:01 Et dans le même temps, on a un tiers des Français qui n'en ont plus trois repas par jour.
04:04 Concrètement, il faut que les Français qui nous écoutent aillent rejoindre les agriculteurs sur ces blocages ?
04:09 C'est ce que vous leur dites ce matin ?
04:10 Non, ce que nous appelons, c'est nous appelons les salariés à multiplier les grèves pour gagner des augmentations de salaires.
04:15 Parce que ce que nous voyons dans les entreprises, c'est que les richesses que nous créons par notre travail,
04:19 elles sont captées par les actionnaires, les dividendes, les salaires des dirigeants d'entreprise,
04:24 mais elles ne vont pas nous rémunérer.
04:25 Donc pas une coalition des colères, comme on a pu entendre ?
04:29 Nous appelons, nous avons appelé nos militantes et nos militants à aller échanger avec les paysans mobilisés sur les barrages.
04:35 Ça se fait dans pas mal d'endroits, avec des choses très intéressantes, des actions très intéressantes qui se font notamment avec la Confédération Paysanne.
04:41 Il y a 15 000 policiers et gendarmes qui ont été déployés.
04:44 Gérald Dardmanin parle d'un dispositif défensif, mais pas question, a dit le ministre, d'aller au contact.
04:50 Il a même dit vendredi, on ne répond pas à la souffrance en envoyant les CRS.
04:54 Vous êtes d'accord avec ça, j'imagine ?
04:56 Sauf que j'aimerais qu'il l'applique tout le temps.
04:58 Et donc, la première leçon qu'on a tirée, on s'est dit, mais nos mobilisations contre la réforme des retraites,
05:02 on aurait dû les faire avec des tracteurs, on aurait été plus tranquilles.
05:05 Et donc, j'appelle Gérald Dardmanin à être en cohérence avec ce qu'il dit et à abandonner les poursuites qui mettent en difficulté aujourd'hui plus de 1 000 militantes et militants de la CGT
05:14 qui n'ont commis aucune violence, ni physique, ni verbale, ni quoi que ce soit.
05:19 Et qui sont poursuivies, par exemple, pour avoir déroulé du papier toilette autour d'une permanence parlementaire.
05:23 Et ça, c'est à nouveau des poursuites en justice, ce n'est pas possible.
05:26 C'est dans ce contexte, Sophie Binet, que Gabriel Attal doit prononcer cet après-midi son discours de politique générale.
05:31 Qu'attendez-vous concrètement du Premier ministre ?
05:33 Tout simplement qu'il réponde aux priorités des Françaises et des Français.
05:36 La première priorité, c'est la question des salaires.
05:39 Là, il faut que le gouvernement agisse.
05:41 Il faut aussi qu'il agisse contre l'explosion des prix, à commencer par les prix de l'énergie.
05:46 L'électricité va augmenter quasiment de 10% dans deux jours.
05:49 Si on revenait aux tarifs réguliers de l'électricité, la CGT...
05:54 Sauf que ça, on a compris, il n'est plus question...
05:56 Bruno Le Maire a été très clair, il n'y a plus d'argent, il faut appliquer cette hausse de l'électricité.
06:03 Sauf que, en fait, revenir à la régulation des prix de l'électricité, ça ne coûterait pas d'argent à l'État.
06:07 Par contre, ça éviterait de spéculer sur le marché de l'énergie et ça permettrait de faire baisser la facture de 40%
06:13 pour les ménages, mais aussi pour les entreprises et les agriculteurs d'ailleurs.
06:16 Petit rappel.
06:17 Donc, nous, notre première attente, c'est des annonces sur les salaires et le pouvoir d'achat.
06:21 Le gouvernement a les leviers pour agir, notamment pour agir contre les dividendes qui explosent.
06:26 La deuxième attente, c'est la question de la santé.
06:29 On a aujourd'hui une catastrophe dans notre système de soins avec la dette des hôpitaux qui atteint un record
06:34 qui a été multipliée par trois depuis l'année dernière, des scandales et des catastrophes qui se multiplient.
06:40 On a appris ce week-end, par exemple, le décès d'un jeune homme de 25 ans aux urgences parce qu'il n'avait pas été traité à temps dans le Var.
06:46 Ce n'est plus possible. Il faut un plan d'urgence pour les hôpitaux.
06:49 Il y a eu un plan pour les hôpitaux ?
06:51 Oui, vous voyez que le résultat n'est pas à la hauteur puisque les montants ont été plus faibles que l'inflation
06:56 et que l'augmentation des dépenses de soins. Donc il faut là mettre le paquet sur nos hôpitaux publics.
07:01 Il faut aussi régler le problème de pénurie de médicaments, par exemple.
07:03 Il y a aussi la question de la réforme du marché du travail. Emmanuel Macron a parlé de l'acte II de cette réforme.
07:08 Il veut notamment durcir les règles d'indemnisation pour les chômeurs qui refuseraient un emploi.
07:13 C'est quoi ? C'est une ligne rouge ?
07:15 C'est une ligne rouge. Nous attendons des clarifications.
07:17 Ça n'est plus possible d'avoir des doubles discours avec, d'un côté, le Premier ministre et la ministre du Travail
07:23 que nous avons rencontrés récemment, qui nous disent qu'ils sont pour le dialogue, etc.
07:28 Et puis, de l'autre, le fait qu'on découvre via des articles de presse, via des déclarations de députés
07:32 ou d'économistes proches du pouvoir, que le gouvernement envisage de faire de nouvelles réformes très violentes
07:38 pour le monde du travail. Je le dis avec fermeté, ce n'est pas possible d'imposer aux seniors de travailler
07:44 deux ans de plus en sachant que les entreprises n'en veulent pas et les licencient par milliers,
07:48 et de l'autre côté, de leur supprimer leurs allocations chômage. Il faut arrêter de se moquer du monde.
07:52 - Et si on oblige les chômeurs à accepter un emploi, ou en tout cas si on durcit les sanctions,
07:55 si un chômeur durcit un emploi, vous descendez dans la rue ? C'est ce que vous nous dites ce matin ?
07:58 - C'est une ligne rouge et effectivement, la CGT mobilisera. Ça, c'est clair.
08:01 De la même manière, le gouvernement aujourd'hui, enfin plutôt, ses députés, nous parlent d'avoir des mesures
08:06 pour baisser les salaires. Non seulement, ils ne veulent pas augmenter les salaires,
08:09 mais ils veulent désindexer le SMIC de l'inflation et ils veulent permettre aux entreprises de ne pas respecter
08:14 les accords de branche et donc de généraliser le dumping social. Ça serait très grave.
08:18 - Même si ça doit gêner les JO, vous descendrez dans la rue ?
08:21 - On l'a toujours dit. Nous, nous mobiliserons pour défendre les revendications des salariés.
08:26 Donc, si le gouvernement passe des réformes violentes contre le monde du travail avant les JO,
08:30 évidemment qu'on mobilisera. Et donc, il ferait bien d'entendre ce message-là.
08:33 - Toute dernière question, Sophie Binet. La CGT de la RATP a déposé hier un préavis de grève
08:37 à partir du 5 février, lundi prochain, et jusqu'au 9 septembre.
08:41 Sept mois de préavis, c'est sérieux ? Ça paraît dingue.
08:44 - Oui, en fait, ce préavis, il est là. Pourquoi ? Parce qu'il y a des règles très contraignantes
08:49 en matière de conditions de grève pour les salariés des transports,
08:53 avec des délais de prévenance très longs, qui font que quand il y a des attaques
08:58 ou des besoins de se mobiliser rapide, c'est pas possible.
09:00 - Mais ça veut dire que pendant sept mois, les franciliens qui prennent tous les jours les transports
09:03 potentiellement vont être gênés ? Pendant sept mois ?
09:05 - Non, il y a des professions dans lesquelles, par exemple, dans les services publics territoriaux
09:09 sur lesquels, dans certaines professions, il y a ces mêmes règles-là,
09:12 ils ont pour tradition de déposer des préavis reconduits régulièrement,
09:16 de façon à ce que quand il y a besoin de faire grève sur une question ponctuelle,
09:20 ils puissent le faire du jour au lendemain.
09:22 Donc ça ne veut pas dire que là, pendant sept mois, à la RATP, il va y avoir des grèves.
09:25 Je recommande d'ailleurs à la direction d'enclencher des négociations pour les JO,
09:31 pour permettre de garantir des conditions de travail dignes pour que les JO se passent bien.
09:36 - Merci beaucoup, Sophie Binet.
09:38 La première des priorités, c'est l'augmentation des salaires, vient de nous dire Sophie.
09:40 !

Recommandée