Table ronde - Intervention des invités

  • l’année dernière
Intro Table ronde - Intervention des invités.mp4
Transcript
00:00 Tout d'abord, bonjour à toutes et à tous.
00:06 Merci d'assister à cette table ronde des rencontres LVM.
00:11 Nous avons la chance d'accueillir quatre intervenants de qualité.
00:16 Nous avons donc Serge Pogam, qui est sociologue et notamment
00:20 directeur de recherche sur NRS, et dont le livre L'attachement
00:25 social est paru au seuil et ça rentrera typiquement dans la
00:28 thématique qu'on abordera après.
00:30 Nous avons aussi également avec nous Dominique Potier, députée
00:35 de la cinquième circonscription de Meurthe-et-Moselle pour Esprit
00:37 Civique. Nous avons avec nous Jean-Christophe Sarraud, qui est
00:42 co-responsable du réseau Emploi et Formation chez ATD Carmond.
00:46 Et nous avons aussi Amandine Le Breton, qui est avec nous,
00:51 ingénieure agronome, qui a travaillé pendant plus de 15 ans
00:55 pour la Fondation pour la Nature et l'Homme et qui est actuellement
00:58 directrice du PPV, Pacte du Pouvoir de l'Etat.
01:03 Donc, cette table ronde va se faire en trois temps.
01:08 Un premier temps où nos intervenants vont évoquer les
01:13 thématiques qui seront complètement en corrélation dans le cadre
01:17 des ateliers qu'on a eu ce week-end.
01:19 Puis, dans un deuxième temps, ils vont pouvoir réagir,
01:23 débattre sur la restitution des ateliers qui leur a été fournie.
01:26 Et enfin, on aura un troisième temps de questions-réponses par
01:33 rapport à ces thématiques-là.
01:35 Donc, on va commencer avec vous, Serge.
01:38 Vous parlez notamment de l'attachement social avec des volets
01:41 de protection.
01:42 Je vous laisse la parole.
01:44 Oui, merci.
01:51 Bonjour à toutes et à tous.
01:53 Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui.
01:57 Alors, j'ai bien compris qu'il allait falloir réagir tout à
02:02 l'heure sur la restitution des ateliers,
02:04 mais je voudrais, pour répondre à votre question,
02:07 peut-être repartir de certaines expressions qui ont été utilisées
02:12 dans la restitution des ateliers pour vous parler de l'attachement social.
02:17 Vous avez tout d'abord, je remarque que vous avez utilisé
02:21 l'expression d'intervenir auprès de la personne dans sa globalité.
02:26 Et je voudrais peut-être essayer de reprendre cette idée pour
02:31 justement poser le cadre analytique de ce que signifie finalement
02:37 penser la personne dans sa globalité.
02:41 Et dans les travaux que j'ai menés, j'ai essayé de distinguer
02:45 plusieurs types de liens sociaux.
02:47 Et quand on distingue plusieurs types de liens sociaux,
02:49 on prend en compte justement, on peut prendre en compte la
02:53 personne au sens où la personne, en tant qu'être social,
02:58 être lié aux autres et à la société, doit être prise en compte
03:04 à partir justement de la pluralité de ses attachements.
03:07 Alors, je les distingue.
03:09 Je voudrais en parler parce que finalement, dans ce dont vous avez
03:14 parlé tout au long de ces journées, vous avez, sans les citer
03:18 directement, mais vous avez abordé tous ces liens sociaux.
03:20 Alors, le premier que j'étudie, c'est le lien de filiation.
03:24 Vous avez parlé de la famille.
03:26 Le lien de filiation, c'est bien sûr les relations entre
03:29 les parents et les enfants.
03:30 Un lien fondamental, un lien assigné.
03:33 On ne choisit pas ses parents et donc, on vit avec cette filiation
03:38 tout au long de la vie.
03:41 On crée aussi ce lien dans la mesure où, après avoir été enfant,
03:45 on devient parent, on a des enfants, on devient vieux et on peut
03:49 être aussi aidé par ses enfants dans la dernière phase de sa vie.
03:55 Donc, c'est un lien fondamental.
03:56 À ce type de lien, il y a bien sûr le lien que moi, j'appelle
04:00 le lien de participation élective.
04:03 Alors, il ne s'agit pas d'un lien assigné, mais d'un lien qui se
04:05 construit tout au long de la vie à travers les relations que l'on
04:10 pratice avec autrui, avec des groupes que l'on choisit, avec des
04:13 personnes que l'on choisit en tant qu'amis, par exemple, et que
04:18 l'on choisit sur un mode le plus souvent affinitaire.
04:21 Mais faire partie d'une association, ça relève donc de ce lien
04:25 de participation élective qui se construit tout au long de la vie.
04:29 Et autour d'une trajectoire, successivement, on a appartenu
04:35 à plusieurs groupes.
04:36 On s'est détaché de certains groupes et on s'est réattaché à
04:39 d'autres, et ainsi de suite.
04:41 Et l'amitié, c'est aussi un lien qui se construit, se déconstruit
04:46 et se reconstruit.
04:47 Enfin, il y a un type de lien que vous traitez aussi dans ces
04:52 journées, c'est le lien au travail que j'appelle le lien de
04:57 participation organique.
04:58 Pourquoi ?
04:59 Parce que cela renvoie à l'idée de la complémentarité que l'on
05:03 tisse dans le monde du travail.
05:05 Tout d'abord, complémentarité et interdépendance dans les
05:07 groupes professionnels auxquels nous appartenons, mais aussi
05:11 organique au sens où ces groupes professionnels interagissent
05:17 entre eux dans une société globale.
05:18 Ils sont aussi interdépendants et complémentaires.
05:21 Donc, l'individu trouve sa place dans la société, dans ce tissu
05:26 de relation professionnelle et de cette interdépendance à
05:29 l'intérieur des groupes professionnels et entre les
05:32 groupes professionnels.
05:33 Et enfin, vous avez le lien de citoyenneté qui renvoie à
05:37 ce dont vous parlez aussi, puisque vous utilisez beaucoup le
05:40 terme citoyen, mobilisation citoyenne, acteur citoyen, qui
05:46 renvoie bien sûr à l'attachement à une communauté politique.
05:49 C'est aussi un lien assigné, puisqu'on ne choisit a priori
05:53 pas le pays dans lequel on vit.
05:55 On peut vivre, on peut naître dans un pays très riche comme
05:59 dans un pays très pauvre et on ne le, et pourtant, ça va avoir
06:03 ce lien à son pays et qui va permettre l'émergence d'une
06:08 citoyenneté va être évidemment très inégale selon l'endroit
06:14 où l'on est.
06:15 Alors, deux types de liens sont assignés, deux autres, la
06:19 participation élective et la participation organique sont
06:22 des liens que l'on construit tout au long de sa vie.
06:25 Alors, ce que je voudrais indiquer quand on dit agir sur
06:30 une personne, agir dans le cadre de groupe en prenant en compte
06:34 la personne dans sa globalité, c'est agir sur finalement ces
06:39 quatre types de liens.
06:40 Tout simplement parce que ces quatre types de liens, c'est ce
06:43 qui nous constitue en tant qu'êtres sociaux, en tant
06:47 qu'êtres rattachés aux autres et à la société.
06:49 Et vous avez bien compris que l'importance de la socialisation
06:53 pour justement faire de nous des êtres solidaires.
06:56 Alors, on n'a pas toujours l'impression d'être solidaires,
06:59 mais quand on grandit dans une famille, on est inévitablement
07:02 sous l'emprise d'une morale domestique qui nous appelle à
07:05 justement être solidaires entre membres de la même famille.
07:10 Lorsque l'on est dans un groupe électif que l'on a choisi,
07:13 eh bien, c'est la même chose.
07:15 On est aussi sensible à la morale associative et au principe
07:23 de solidarité qui sont décidés à l'intérieur de ces
07:28 groupes. Dans le cadre professionnel, on peut évidemment
07:32 parler de solidarité.
07:33 On est solidaires entre membres d'une même communauté
07:37 professionnelle puisque nous travaillons ensemble.
07:39 Nous avons besoin d'unir nos efforts pour arriver à un
07:42 résultat. Et puis, bien sûr, la solidarité, c'est celle qui
07:45 s'exprime à l'intérieur d'une communauté politique à travers
07:48 des principes que nous respectons et que nous apprenons tout
07:52 au long de notre vie respectée.
07:55 Donc, alors, tous ces types de liens constituent finalement
07:58 une éducation.
07:59 On nous apprend à être des êtres sociaux et parfois,
08:02 on pourrait dire que nous sommes, en tant qu'êtres sociaux,
08:06 nous sommes des êtres solidaires et nous ignorons parfois
08:11 ce qui nous relie finalement les uns aux autres sans parfois
08:14 le savoir.
08:15 Alors, chacun de ces types de liens, là aussi, ça permet
08:18 de préciser qu'est-ce que nous apporte ces types de liens
08:21 et qu'est-ce qui nous fait être attaché des uns aux autres
08:25 et à la société.
08:26 C'est que ces types de liens sont fondés sur deux dimensions
08:30 qui sont l'une et l'autre fondamentales.
08:32 C'est tout d'abord la protection.
08:34 Être relié aux autres, c'est être plus fort parce que face
08:40 aux aléas de la vie, nous avons besoin d'être soutenu.
08:44 Si on demande, par exemple, une relation d'amitié,
08:48 c'est quoi ? Un ami, c'est quoi ?
08:49 C'est quelqu'un sur qui je comptais, donc on est bien
08:51 dans la dimension de la protection.
08:53 Vous allez trouver une dimension de la protection dans chacun
08:55 de ces types de liens.
08:56 Mais ce n'est pas tout.
08:58 Le lien va nous apporter aussi de la reconnaissance,
09:02 c'est-à-dire en tant qu'êtres sociaux, nous avons besoin
09:04 d'être rassurés sur notre utilité, sur notre place
09:08 dans la société et nous avons besoin du regard des autres,
09:10 du soutien des autres pour justement exister
09:13 dans des collectifs.
09:16 Vous allez me dire, mais finalement, je reçois
09:20 de la protection et je reçois de la reconnaissance.
09:22 Je cherche dans mes relations de la protection
09:24 et de la reconnaissance parce que c'est vital
09:26 d'une certaine manière, mais je suis aussi acteur
09:29 et je suis engagé dans des relations qui m'obligent
09:32 aussi dans les interactions à apporter aux autres
09:36 de la protection et à apporter aux autres de la reconnaissance.
09:39 Et apporter de la reconnaissance, qu'est-ce que c'est,
09:41 apporter de la reconnaissance ?
09:42 C'est reconnaître l'autre dans ce qu'il est, dans ses qualités
09:46 et de lui permettre justement d'exister
09:50 à partir de ses qualités, de ses capacités,
09:52 de reconnaître sa place dans la société et même parfois
09:56 de dépasser les défauts, les difficultés
09:58 que cette personne peut avoir.
10:00 C'est tout cela qui nous permet effectivement d'être finalement
10:05 à des êtres pleinement solidaires les uns des autres.
10:09 Alors, il faut quand même souligner une chose.
10:13 Et j'ai commencé à le souligner en montrant tout à l'heure
10:17 qu'on ne choisit pas par exemple le pays dans lequel on vit.
10:19 Donc, ces quatre types de liens s'entrecroisent en nous-mêmes
10:23 et constituent ce que nous sommes dans la société.
10:26 C'est tout au cours du processus de socialisation,
10:29 à partir de l'apprentissage des règles de la vie collective,
10:32 que nous apprenons à être solidaires et être finalement...
10:35 Et le processus de socialisation contribue à entrecroiser
10:38 en nous ces quatre types de liens.
10:41 Cela dit, il faut souligner que si ces quatre types de liens
10:46 s'entrecroisent en nous pour faire ce que nous sommes,
10:48 il faut reconnaître qu'il y a des inégalités fondamentales
10:52 entre les individus, parce que la chance d'avoir
10:55 la possibilité d'entrecroiser en nous ces quatre types de liens,
10:57 elle n'est pas donnée à tout le monde.
10:59 Il y a des ruptures de liens.
11:01 Il y a des individus qui n'ont plus de relations avec leur famille,
11:04 qui sont au chômage de longue durée, qui vivent en isolementels,
11:09 qui ne sont plus dans des réseaux amicaux ou associatifs.
11:12 Il y a des personnes qui sont tellement détachées
11:15 de leur communauté politique qu'ils ont renoncé, par exemple,
11:18 à faire confiance aux institutions et à aller voter.
11:22 Donc, nous sommes dans des sociétés où il y a un risque de fragilité
11:28 de ceux qui nous rattachent les uns aux autres et à la société.
11:31 Et donc, être actif dans la société, c'est aussi
11:35 prendre conscience qu'il y a des citoyens, des personnes
11:40 auprès de qui nous croisons.
11:42 Il n'y a pas besoin d'aller très loin.
11:44 Vous croisez, en venant ici, des personnes qui sont dans la rue.
11:47 Qu'est-ce que ces personnes qui sont dans la rue,
11:50 du point de vue des liens sociaux,
11:51 qu'est-ce qui les rattache à la société, ces personnes ?
11:53 Quand vous les interrogez, quand on fait les enquêtes
11:55 et/ou quand on les soutient dans des associations
11:58 et qu'on leur propose finalement de discuter avec elles
12:02 pour mieux comprendre ce qu'elles ont vécu,
12:04 elles vont vous dire toutes les ruptures qu'elles ont connues,
12:06 tout ce qui a conduit finalement à leur situation.
12:10 Des divorces, des difficultés relationnelles avec les enfants,
12:14 le chômage de longue durée, des ruptures affectives avec des amis,
12:19 l'éloignement des problèmes institutionnels.
12:22 Et donc, cette vie de rupture se caractérise par aussi un résultat
12:26 qui est un résultat que moi, j'ai étudié dans mes travaux,
12:29 qui est le résultat de la disqualification sociale.
12:31 C'est un processus de disqualification sociale
12:34 qui nous met en coprésence dans la société
12:37 avec des individus qui sont dotés de ces quatre types de liens,
12:39 qui sont parfaitement intégrés, et d'autres qui, justement,
12:43 sont en difficulté, n'ont pas la chance
12:46 de pouvoir bénéficier de tout cela.
12:49 Alors, je dirais, pour aller encore un peu plus loin,
12:51 je dirais qu'il faut aussi être attentif.
12:55 Quand on dit que l'on va être actif, c'est d'être un tisseur de liens,
12:59 c'est-à-dire qu'on va essayer de tisser des liens entre nous,
13:03 à partir de ces quatre dimensions.
13:06 On va essayer d'être attentif à toutes ces personnes
13:09 que nous rencontrons, qui n'ont pas cette chance
13:10 d'être attachées les uns aux autres et à la société,
13:13 attentif à intervenir auprès d'elles.
13:16 Mais il faut pour cela, justement, savoir comment intervenir
13:20 et ne pas constituer des liens qui vont être oppressants.
13:25 En fait, on pourrait dire que chacun de ces quatre types de liens
13:28 nous apporte de quoi nous émanciper, de nous épanouir,
13:33 à partir du moment où ils nous apportent de la protection
13:36 et de la reconnaissance, et que nous sommes conduits
13:38 à échanger de la protection et apporter aux autres
13:41 de la protection et de la reconnaissance.
13:43 À ce moment-là, on peut dire effectivement que ces liens nous libèrent.
13:47 C'est un bel oxymore, des liens qui nous libèrent,
13:50 mais c'est aussi la réalité,
13:52 c'est-à-dire que nous avons intériorisé les règles de la vie sociale
13:55 et nous sommes libérés parce que nous sommes nourris de ces liens
13:59 et en même temps, nous sommes porteurs de liens vers les autres.
14:02 Mais il faut savoir que, justement,
14:04 intervenir auprès de personnes qui sont fragilisées,
14:08 ce n'est pas toujours facile.
14:11 Et donc, nous avons besoin, justement, de casser parfois
14:14 la relation qui est asymétrique entre des personnes
14:17 qui sont plutôt dominantes, au sens où elles ont tout pour réussir
14:20 et pour être épanouies, et d'autres qui, justement,
14:23 sont moins dotées de tous ces avantages, de toutes ces qualités,
14:27 de toute cette richesse des liens.
14:28 Et il y a dans nos vies aussi des liens qui ne nous apportent pas
14:33 à chaque fois de la protection et de la reconnaissance,
14:36 qui peuvent nous apporter parfois de la protection,
14:39 mais pas de la reconnaissance.
14:40 On pourrait dire alors que ce sont des liens qui oppressent.
14:43 Nous avons des liens, reprenez le monde du travail,
14:46 par exemple, il y a plein de situations où le lien au travail
14:49 est un lien qui oppresse, au sens où la personne
14:52 est protégée par son emploi quand c'est le cas,
14:56 mais en même temps, vit au quotidien un enfer
14:59 parce que les relations au travail sont exécrables.
15:02 C'est des personnes qui ne se sont pas reconnues
15:04 dans ce qu'elles font, qu'elles se sont maltraitées
15:06 et vont souffrir au travail.
15:08 Et donc, le travail devient un lien oppressant.
15:12 On pourrait dire la même chose dans beaucoup de relations humaines,
15:16 dans les relations conjugales, il y a parfois des liens oppressants.
15:20 Le lien protège par le couple et par le mariage, par exemple.
15:24 Mais les personnes, les membres de ce couple
15:29 ne sont effectivement pas en mesure d'échanger véritablement
15:34 de la reconnaissance.
15:35 L'amour, en quelque sorte, entre ces deux personnes,
15:37 s'est en quelque sorte évaporé avec le temps
15:40 et la vie devient un enfer.
15:42 Le lien devient oppressant.
15:44 Donc, quand nous tissons des liens, nous avons aussi
15:48 le devoir de réfléchir à toutes les situations
15:52 qui procurent de l'oppression dans les échanges au quotidien.
15:56 Donc, si nous devons construire des liens,
15:59 si nous devons tisser des liens avec autrui,
16:00 nous devons construire des liens de réciprocité.
16:03 Nous devons nous engager avec autrui pour permettre à ce que ces liens
16:07 apportent aussi aux autres au moins autant protection que reconnaissance.
16:12 Je crois que j'ai été un peu long et je crois que ça a sonné,
16:15 donc je vais m'arrêter peut-être.
16:16 Pas du tout, Serge.
16:17 Ça nous permet de faire une transition toute trouvée
16:19 avec Jean-Christophe pour parler de chômage longue durée, de protection.
16:22 Et justement, vous vouliez aborder une question d'ailleurs qui est primordiale,
16:25 c'est comment construire un emploi décent, écologique ?
16:30 Et surtout, quel avenir à l'échelle du territoire ?
16:33 Oui, bonjour à toutes et à tous.
16:36 Et je suis moi aussi très honoré de me trouver parmi vous
16:38 et d'être à côté de Serge Pogam, d'Amandine Le Breton à distance
16:43 et puis de Dominique Potier, qui est un des grands artisans
16:46 de l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée,
16:51 dont je vais dire un mot.
16:52 Et je me situe dans le fil de ce que vous dites, Monsieur Pogam.
16:55 Vous parliez de liens oppressants dans le domaine du travail.
17:01 Effectivement, qu'est-ce qu'on peut faire face à cette oppression
17:05 que vivent un grand nombre de personnes du fait de l'absence de travail
17:10 ou du fait de se trouver en situation de travail précaire
17:15 ou de maltraitance au travail ?
17:16 L'emploi, c'est un lieu principal où se jouent ces questions
17:21 que vous évoquez, c'est-à-dire les questions du lien social
17:23 ou de l'exclusion, la question de la dignité de la personne
17:28 ou de son humiliation.
17:30 Je voudrais citer une militante, Athédée Carmonde,
17:33 qui est travailleuse pauvre et précaire et qui met malgré tout
17:36 toute sa fierté dans le petit travail de technicienne de surface
17:41 auquel elle tient tant et qui dit "le travail, c'est une couverture
17:44 de survie".
17:45 Le travail, c'est aussi un lieu, vous l'avez dit dans les ateliers
17:50 et maintenant aussi, où on se trouve démuni ou parfois
17:58 avec son pouvoir d'agir sur sa propre vie ou démuni de ce pouvoir
18:03 d'agir sur sa propre vie et pouvoir d'agir sur la vie des autres.
18:09 Et on se situe en général face à un grand sentiment d'impuissance
18:12 parce qu'on a l'impression d'être face aux questions du chômage
18:17 ou de la souffrance au travail, face à des grands malheurs
18:20 irrémédiables contre lesquels on ne peut rien.
18:23 Et le travail, c'est aussi un lieu où se joue la question du bonheur
18:29 de chacun d'entre nous.
18:30 Et vous savez peut-être qu'une étude qui a été faite en 2000,
18:34 qui posait la question aux Français "qu'est-ce qui est le plus
18:38 important pour vous pour être heureux ?" Seulement 27% des
18:42 personnes ont répondu "le travail ou l'emploi".
18:45 Et dans ces 27 personnes, c'était surtout des ouvriers,
18:48 des personnes privées d'emploi, c'est-à-dire qui mettaient dans
18:51 l'emploi plus une dimension de reconnaissance sociale et de
18:54 rémunération plutôt que d'épanouissement au travail.
18:57 Je voudrais citer le psychiatre Christophe Dejour, qui analyse
19:02 ce que d'autres analysent aussi, mais qui écrit dans son livre
19:06 "Souffrance en France" ceci.
19:08 "Face au problème du chômage et de la souffrance au travail,
19:11 on se trouve dans un processus qui favorise la tolérance sociale
19:15 au mal et à l'injustice.
19:17 Processus grâce auquel on fait passer pour un malheur ce qui
19:20 relève en fait d'un mal commis contre d'autres.
19:23 On considère que le chômage est un grand malheur qui nous laisse
19:28 démunis, nous les citoyens.
19:31 Et ce processus, ce sentiment d'impuissance est entretenu depuis
19:36 plusieurs décennies par une classe dirigeante qui nous
19:41 gouverne parce que ce processus lui permet de conserver ses privilèges."
19:45 Et je voudrais citer le pape François qui dénonce ça à plusieurs
19:49 reprises et en particulier qui disait le 4 octobre 2013 à Assise,
19:53 pratiquement il y a dix ans, jour pour jour,
19:57 "Beaucoup d'entre nous ont été dépouillés par ce monde sauvage
20:01 qui ne fournit pas d'emploi, qui n'apporte aucune aide,
20:03 qui ne se soucie pas de savoir si les enfants meurent de faim,
20:07 qui ne s'inquiètent pas qu'autant de familles n'aient rien à manger."
20:10 Le processus du chômage et de la souffrance au travail,
20:14 il ne suffit pas de le dénoncer.
20:16 Christophe Dejour dit "La dénonciation n'est pas toujours
20:21 d'une grande utilité dans la mesure où, ne proposant pas
20:25 d'alternative crédible, elle reste peu convaincante et peu
20:29 mobilisatrice en elle-même.
20:31 Pour qu'il y ait mobilisation, protestation,
20:34 solidarité face au chômage ou à la souffrance au travail,
20:37 il faut que cette situation soit perçue comme une injustice que
20:41 l'on peut corriger par des alternatives crédibles et non
20:45 comme la conséquence d'un phénomène économique irréversible."
20:48 Et mon propos, c'est de dire qu'une expérimentation
20:51 comme Territoire zéro chômeur de longue durée nous donne des
20:54 pistes pour construire des alternatives possibles pour créer
20:57 des emplois dignes et décents, parce que cette expérimentation,
21:01 on l'a réfléchi avec tous et en particulier avec les premiers
21:03 concernés, les personnes durablement privées d'emplois
21:06 décents.
21:07 Une militante ATD Quart Monde dit qu'aucun autre projet n'est
21:12 comparable à celui-ci parmi tous les projets d'ATD Quart Monde,
21:15 parce que celui-ci permet que chaque personne puisse être
21:18 actrice de sa vie.
21:19 Alors, Territoire zéro chômeur de longue durée,
21:23 qu'est-ce que c'est ?
21:24 Vous le savez peut-être, c'est deux grandes innovations
21:27 C'est une gouvernance, c'est-à-dire rassembler à l'échelle
21:30 d'un petit territoire tous les acteurs concernés avec les
21:32 personnes privées d'emplois pour penser à la création d'emplois
21:36 décents, durables et si possible écologiques,
21:38 c'est-à-dire une gouvernance locale et la plus horizontale
21:41 possible à petite échelle.
21:43 C'est ce qu'on appelle le comité local pour l'emploi.
21:45 Et la deuxième grande innovation, c'est son mode de financement
21:48 innovant. C'est le transfert des coûts directs et indirects
21:52 liés au chômage de longue durée.
21:54 Le Cathédral Carmond a estimé environ 20 000 euros par an par
21:57 personne vers le paiement des salaires et des cotisations
22:00 sociales.
22:01 Donc, Territoire zéro chômeur de longue durée,
22:04 ça représente un coût par an par personne d'environ 20 000 euros.
22:08 C'est à comparer par exemple au coût du Crédit Impôt
22:11 Compétitivité Emploi, qui est une des mesures pour l'emploi
22:14 les plus coûteuses, qui est d'environ 200 000 euros par an,
22:19 donc dix fois plus.
22:20 Et avec Territoire zéro chômeur de longue durée,
22:23 l'État a un retour sur investissement,
22:24 puisque aussitôt qu'un emploi est créé,
22:26 il y a des cotisations sociales de la TVA, des impôts,
22:29 qui arrivent dans les finances publiques à hauteur de 15 000 euros
22:33 à peu près.
22:34 Et en quoi Territoire zéro chômeur de longue durée crée-t-il de
22:38 l'emploi décent, digne ?
22:40 Vous savez qu'il y a une définition de l'Organisation
22:43 internationale du travail en 1999, qui a été citée dans un atelier,
22:47 qui dit qu'un emploi est digne quand il y a rémunération
22:50 appropriée, conditions de travail salubres,
22:52 protection sociale, respect des droits du travailleur,
22:55 en particulier le droit de se syndiquer,
22:57 et possibilité d'un dialogue social avec les employeurs.
23:00 Eh bien, Territoire zéro chômeur ajoute quatre autres piliers,
23:04 quatre autres dimensions à cette dignité au travail.
23:09 C'est le CDI, le temps choisi en fonction des contraintes
23:12 familiales ou de santé de la personne,
23:14 l'emploi adapté à ce que la personne sait faire ou a envie d'apprendre,
23:19 et la participation en profondeur à l'organisation du travail.
23:23 Et pour conclure, je dirais que Territoire zéro chômeur
23:27 de longue durée remet donc du « nous » dans le lieu de
23:31 travail en complément du « je ».
23:33 Dans une entreprise à but d'emploi sur un territoire zéro chômeur,
23:37 les salariés ne sont plus en concurrence les uns avec les
23:40 autres sur la question du travail.
23:41 Ce projet replace au centre la question de la dignité au travail
23:46 en proposant une embauche inconditionnelle à toute
23:48 personne privée d'emploi et en travaillant ensemble dans
23:52 l'entreprise à but d'emploi la question du sens du travail
23:55 et des conditions de travail.
23:56 Ce projet vise l'augmentation du pouvoir d'agir de tous les
24:01 acteurs concernés, les chômeurs de longue durée,
24:03 les travailleurs sociaux, les institutions,
24:06 les entrepreneurs, les élus, tous les acteurs du territoire.
24:10 Il donne aussi des pistes pour repenser l'emploi dans tous
24:13 les lieux de travail.
24:15 C'est le titre d'un ouvrage que j'ai eu la chance de décrire avec
24:19 Anaïs Gabgeon, qui est une des initiatrices du territoire
24:22 zéro chômeur de longue durée de Villeurbanne, près de Lyon.
24:24 C'est un cadre idéal, il me semble,
24:26 pour accélérer la transformation écologique des territoires.
24:30 Et une dernière idée, c'est que cette expérimentation
24:37 pose la nécessité de faire évoluer le modèle
24:41 socio-économique des entreprises zéro chômeur,
24:44 qui sont pour l'instant des entreprises évaluées
24:46 traditionnellement à l'aide d'un compte de résultats et d'un
24:48 bilan de fin d'année, avec un objectif d'équilibre économique.
24:52 Mais ça pose aussi la question plus largement du modèle
24:55 socio-économique auquel sont astreintes nos entreprises.
24:59 Est-ce qu'il ne serait pas le moment de travailler un objectif,
25:05 que ce ne soit pas seulement le profit à la fin de l'année,
25:08 qu'il soit l'outil d'évaluation de l'activité de l'entreprise,
25:13 et donc la nécessité de faire évoluer les indicateurs,
25:16 les objectifs, les modes d'évaluation et les modalités
25:19 de financement des entreprises et des territoires zéro chômeur,
25:22 et peut-être plus largement de toutes les entreprises publiques et privées ?
25:25 Merci beaucoup, Jean-Christophe.
25:29 Allez-y, n'hésitez pas.
25:32 Justement, cette question du pouvoir d'agir,
25:38 ça permet de faire une passe de rugby,
25:40 cette saison, en cette période de Coupe du Monde,
25:42 à Amandine Le Breton,
25:44 puisqu'il me semble que vous vouliez évoquer notamment
25:47 la dimension de l'engagement collectif.
25:51 Je vous laisse la parole, Amandine.
25:52 Merci, j'espère que vous m'entendez bien.
25:55 Bonjour à toutes et bonjour à tous,
25:59 et désolée de ne pas être physiquement parmi vous aujourd'hui,
26:03 mais je suis ravie de faire partie de cette table ronde.
26:05 Donc, moi, je travaille pour le pacte du pouvoir de vivre,
26:09 que La Vie Nouvelle connaît bien, évidemment,
26:11 mais quelques mots, malgré tout, sur ce collectif,
26:14 parce que le positionnement du pacte du pouvoir de vivre
26:18 illustre, à mon sens, le sens même de cette table ronde
26:22 et de penser à notre action et à notre personne
26:26 et à notre collectif dans le monde qui vient.
26:28 Donc, ce pacte du pouvoir de vivre, il a été créé il y a quatre ans,
26:31 presque cinq ans maintenant.
26:32 Il a été créé par 19 organisations,
26:36 et déjà à l'époque, sa particularité était de rassembler
26:38 un certain nombre d'organisations qui n'avaient pas l'habitude,
26:41 voire qui ne s'étaient pas rencontrées auparavant,
26:44 et qui n'avaient pas l'habitude de travailler ensemble
26:46 sur les questions de transition écologique,
26:48 de justice sociale et de renouveau démocratique.
26:51 Cette dimension de renouveau démocratique,
26:54 elle est importante parce qu'elle a vraiment été
26:57 l'un des déclencheurs de la construction du collectif
27:00 qui s'est formé juste après la crise des Gilets jaunes
27:03 sur deux constats.
27:04 Le premier, c'est qu'on n'avait pas...
27:07 - Amandine, on fait juste un petit signe,
27:08 est-ce que vous pouvez baisser un tout petit peu votre son,
27:10 s'il vous plaît ?
27:11 - Bien sûr.
27:12 - Parce qu'on vous entend parfaitement dans la salle.
27:14 Merci.
27:14 - Parfaitement trop.
27:15 Très bien, je baisse un peu.
27:17 Est-ce que c'est bon pour vous ?
27:19 C'est bon ?
27:22 Oui ?
27:23 Ou c'est trop fort ?
27:24 - Vous pouvez baisser encore un petit peu ?
27:25 - Encore.
27:26 Est-ce que c'est bon comme ça ?
27:28 - On a une très, très bonne acoustique ici.
27:30 - OK.
27:31 Donc, pardonnez-moi.
27:35 Donc voilà, la dimension démocratique a été très importante
27:38 à la création du Pacte du pouvoir de vivre
27:40 parce qu'on a senti déjà, donc, dès il y a cinq ans,
27:45 la difficulté pour la société civile organisée qu'on rassemblait
27:48 d'être écoutée, d'être entendue d'une part,
27:52 mais aussi d'apporter des solutions concrètes,
27:55 notamment à la crise démocratique.
27:57 Et l'un des écueils qu'on a analysé entre nous,
28:00 c'est que si nos organisations de solidarité,
28:04 nos associations environnementales,
28:06 nos syndicats démutuels faisaient beaucoup de choses,
28:07 évidemment, dans leur domaine, étaient très expertes,
28:10 en fait, on n'avait jamais travaillé ensemble
28:12 et jamais réfléchi à des solutions
28:14 qui pouvaient répondre aux problématiques individuelles ou collectives.
28:18 Donc, on a créé le Pacte du pouvoir de vivre
28:20 sur ce pilier notamment démocratique.
28:22 Et on s'est rendu compte dans le contexte de la crise
28:26 et de la réforme des retraites et de la mobilisation
28:28 autour de la réforme des retraites,
28:29 que cette dimension démocratique, en fait, elle était
28:32 encore plus présente,
28:33 c'est-à-dire qu'on n'avait rien résolu en cinq ans.
28:36 Quand je dis "on", ce n'est pas le Pacte du pouvoir de vivre,
28:38 c'est collectivement dans la société.
28:40 On n'avait rien résolu à la crise démocratique
28:42 qui existait au moment des Gilets jaunes
28:45 et qui a continué à s'amplifier.
28:47 Et notamment,
28:49 ce qui nous est apparu encore plus évident
28:54 en ce début d'année autour de la mobilisation
28:56 sur la réforme des retraites,
28:57 c'est que finalement, le contexte démocratique,
29:02 une démocratie vivante était une condition majeure de réussite
29:05 de la transition écologique et sociale.
29:07 Autrement dit, si on ne remettait pas les liens
29:10 entre les espaces démocratiques,
29:12 des liens entre le citoyen et les associations
29:17 et les organisations,
29:18 des liens entre les citoyens et les institutions publiques
29:20 et les politiques,
29:21 si on ne faisait pas ce lien-là
29:23 et qu'on ne redonnait pas à la démocratie une chance
29:26 d'être plus vivante,
29:29 on ne réussirait pas pleinement
29:31 à mener cette transition écologique juste.
29:33 Et ce qui est assez intéressant,
29:36 c'est que ça, c'était notre conviction de collectif,
29:38 d'organisation de la société civile,
29:40 mais on a souhaité poser la question
29:41 à travers un sondage en avril
29:43 aux Français.
29:45 Et donc, 83% des citoyens
29:48 disent qu'à leur avis,
29:51 donc, une démocratie qui n'allait pas bien
29:54 risquait de freiner la transition écologique juste.
29:58 Donc, ce pilier démocratique, il est structurant
30:00 et pour nous, c'est une des conditions
30:02 de fait d'être acteur dans un monde à venir.
30:05 Je voulais continuer
30:09 pour répondre à la question
30:11 et aussi à ce que j'ai entendu dans les travaux
30:13 que vous avez menés depuis plusieurs jours,
30:14 à ce qui fait pour moi
30:16 le cœur de ce qui est le pacte du pouvoir de vivre aujourd'hui.
30:20 Aujourd'hui, on est 65 organisations,
30:22 toujours dans une diversité très importante,
30:25 des associations environnementales,
30:27 des associations de lutte contre la pauvreté,
30:29 de lutte contre les inégalités,
30:30 des syndicats, des mutuelles
30:31 et 40 groupes locaux partout en France.
30:35 Ce qui fait, je crois, notre force,
30:38 au-delà de cette diversité,
30:39 c'est l'envie profonde de toutes ces organisations
30:42 de faire collectif, de jouer collectif.
30:45 Vous preniez la métaphore du rugby,
30:47 je vais pouvoir l'affiler.
30:49 Pouvoir avoir une parole commune
30:54 qui s'appuie sur une vision partagée de la société
30:57 c'est une vraie force.
30:58 Évidemment qu'en tant que pacte du pouvoir de vivre,
31:01 en tant que collectif,
31:02 on ne va pas refaire ce que font des organisations
31:05 comme la vôtre ou des organisations
31:07 comme la Fondation Abbé Pierre ou Oxfam.
31:09 Ce n'est pas notre raison d'être,
31:11 mais notre valeur ajoutée,
31:12 qui est d'être plus que la somme
31:15 de chacune des organisations.
31:17 C'est absolument puissant.
31:18 Et moi, ce que j'observe depuis que je suis investie dans le pacte
31:23 et là maintenant en tant que directrice,
31:24 c'est que ce qui nous réunit,
31:26 c'est cette envie de faire ensemble.
31:27 Et du coup, ça fait pour moi vraiment écho
31:29 à ce que disait M. Pogham tout à l'heure.
31:31 On a su créer un lien,
31:33 un lien qui nous manquait probablement,
31:35 un lien de travail, un lien de vision,
31:37 un lien d'état d'esprit
31:38 qu'on alimente à travers le pacte du pouvoir de vivre.
31:41 Et ce lien, il se concrétise notamment
31:44 dans l'envie de trouver des solutions en commun.
31:46 Et je pense que c'est ça notre raison d'être.
31:49 C'est de se dire qu'il n'y a pas de fatalité
31:51 à essayer de vouloir répondre à un objectif
31:54 de lutte contre la pauvreté,
31:56 il n'y a pas de fatalité à vouloir répondre
31:58 à cet objectif seul.
32:01 Il faut penser la question de la transition écologique,
32:04 la vie dans les territoires, etc.
32:05 Et on est en mesure, nous, société civile, de le faire.
32:08 La deuxième dimension qui me semble essentielle
32:11 par rapport à une action commune
32:12 et pour répondre aux enjeux qui sont les nôtres,
32:14 c'est de redonner une place,
32:17 et la place qui doit être la sienne,
32:18 à la société civile organisée.
32:20 Le pacte du pouvoir de vivre a aussi cet objectif
32:22 et ce n'est pas simple.
32:23 Depuis un certain nombre d'années,
32:25 on observe qu'il y a,
32:26 je dirais même jusqu'à une forme de défiance
32:28 de la société civile,
32:30 là où, auparavant,
32:32 dans la construction des politiques publiques,
32:34 notamment, on s'appuyait sur l'expertise,
32:36 l'expérience de la société civile
32:38 dans les territoires ou au niveau national
32:39 pour construire des politiques publiques.
32:41 Là, il y a une forme de mise à distance
32:43 et de défiance
32:44 qui, je crois, ne sert personne.
32:47 Évidemment, ce n'est pas
32:49 reconnaître tout le travail de fond sur le terrain
32:52 et d'expertise de la société civile, d'une part,
32:55 mais je pense que du point de vue des pouvoirs publics,
32:57 c'est aussi se priver
32:59 d'une analyse fine de certaines situations
33:02 individuelles, collectives, territoriales,
33:04 qui peuvent faire que les politiques publiques
33:06 sont encore plus adaptées
33:07 que ce que c'est actuellement.
33:10 Et voilà, donc le pacte du pouvoir de vivre
33:14 a vraiment cette ambition de dire
33:15 dans une démocratie vivante,
33:17 une société civile vivante
33:19 est absolument essentielle
33:21 pour qu'elle puisse être le trait d'union
33:24 entre les citoyens
33:25 et les pouvoirs publics.
33:27 Et le troisième point sur lequel je souhaitais
33:30 insister, c'est justement sur cette dimension
33:32 de trait d'union.
33:33 Le pacte du pouvoir de vivre, historiquement,
33:37 avait pour premier élan, on va dire,
33:40 la volonté de porter une vision commune.
33:42 On s'est rendu compte
33:43 qu'il y avait besoin de développer ce pouvoir d'agir
33:47 que vous avez les uns et les autres évoqués,
33:48 et qu'il fallait, en tant que société civile
33:52 et collectif, proposer des espaces d'engagement citoyen.
33:55 Et qu'on avait ce rôle,
33:57 cette mission qu'on souhaitait se donner,
33:59 d'être un trait d'union
34:00 entre des citoyens qui
34:02 s'éloignaient, consciemment, inconsciemment,
34:06 de la politique,
34:08 de ce qui faisait commun
34:09 des espaces collectifs,
34:11 faire le lien entre ces citoyens-là
34:13 et les pouvoirs publics,
34:15 dont on pense qu'ils ont un rôle absolument,
34:17 évidemment, structurant et essentiel
34:19 dans la construction du monde de demain.
34:22 Donc, nous, clairement,
34:23 en tant que pacte du pouvoir de vivre,
34:25 à aucun moment,
34:26 on fait le jeu de la petite musique
34:29 qui voudrait dire que les politiques
34:31 ne servent à rien, ne font rien, etc.
34:34 On ne le pense pas du tout,
34:36 et demi, qu'on ait, par ailleurs,
34:37 l'illustration.
34:39 Et donc, on a le discours inverse.
34:42 On a besoin
34:43 d'espaces politiques,
34:45 d'engagement politique extrêmement fort.
34:48 Mais il faut aussi
34:51 reconnaître que ce monde politique
34:52 n'écoute pas assez
34:53 ni la société civile,
34:56 ni les citoyens.
34:57 Et donc, on aimerait
34:58 pouvoir rapprocher ces deux
34:59 mondes, j'ai envie de dire.
35:01 Moi, j'ai l'image, on va dire,
35:03 de deux icebergs qui s'éloigneraient
35:05 petit à petit.
35:06 Et donc, on va essayer de tenir
35:07 ces deux icebergs pour les rapprocher
35:09 et refaire en sorte que les citoyens
35:11 puissent s'engager dans le collectif.
35:12 Ça, pour nous, ça a une vocation
35:16 de faire de la politique autrement,
35:17 c'est-à-dire pour nous s'engager
35:19 dans une association,
35:20 dans un commun, dans une collectivité.
35:21 C'est déjà s'attacher
35:23 à avoir une vision,
35:24 on va dire, du monde qui nous entoure.
35:27 Et c'est déjà mettre un premier
35:29 doigt dans l'espace politique,
35:32 dans son sens premier,
35:33 c'est-à-dire vie de la cité.
35:34 Et donc, pour ça, on a deux actions
35:35 en cours et à venir.
35:36 D'abord, créer cet espace
35:38 d'engagement citoyen
35:39 qu'on est en train de structurer
35:41 pour permettre,
35:42 vous évoquiez tout à l'heure
35:43 les adhérents de LVN,
35:44 mais on va permettre aux citoyens
35:45 qui le veulent de s'engager
35:46 sur leur territoire et de démontrer,
35:48 de montrer que la transition écologique
35:50 et la justice sociale sont possibles
35:52 et réalistes.
35:53 Et puis le deuxième, c'est
35:55 cette école du pouvoir de vivre
35:56 qu'on a lancée
35:57 cette année pour sa première promotion.
36:00 Et là, cette école du pouvoir de vivre,
36:03 en fait, c'est la première école
36:04 dont les sessions sont
36:06 dispensées par la société civile
36:08 elle-même et elle s'adresse aux jeunes
36:10 de 18 à 35 ans.
36:12 Et là, l'idée, c'est de pouvoir
36:13 transmettre, en fait, tout ce que fait,
36:15 sait, connaît
36:17 la société civile organisée,
36:19 la mettre aussi en débat
36:20 auprès d'un public de citoyens.
36:22 Écoutez, Amandine,
36:25 je vous remercie de ces précisions.
36:26 Et puisque vous évoquiez
36:33 l'engagement politique,
36:34 je vais laisser bien sûr la parole à Dominique.
36:36 Merci Antoine, merci à vous
36:39 pour l'invitation.
36:40 Je viens ici un peu comme un passeur
36:42 parce qu'en écoutant Amandine, Serge
36:44 et Jean-Christophe, je me disais que
36:45 finalement, je viens de ce mouvement
36:48 de l'éducation populaire très proche
36:50 du personnalisme de Mounier.
36:51 J'étais militant du MRJC
36:53 dans mon adolescence
36:54 et j'ai été très longtemps engagé
36:56 dans la vie associative, dans la vie
36:57 économique comme paysan,
36:58 dans la vie territoriale comme élu local.
37:01 Et je suis politique au sens commun
37:03 depuis bientôt 11 ans
37:05 et j'ai pris la décision d'arrêter
37:07 dans trois ans et demi, quatre ans.
37:08 Enfin, en 2027, j'arrêterai.
37:10 Donc, ça aura été un épisode.
37:12 Et je prépare déjà mon engagement
37:14 associatif,
37:15 je ne sais pas qu'est-ce qu'elle forme nature,
37:18 pour continuer à faire de la politique
37:19 autrement après.
37:20 Donc, j'aurai été dans ce va-et-vient
37:21 et en permanence,
37:24 pendant le mandat politique
37:26 qui ont été les miens,
37:27 au vu de mes origines
37:28 et de mon histoire personnelle
37:29 ancrée notamment dans le personnalisme,
37:31 je n'ai cessé d'être l'interlocuteur,
37:34 un interlocuteur,
37:36 j'espère pas trop mauvais, Amandine,
37:37 des ONG, des syndicats
37:39 et de la société civile dans son ensemble.
37:41 Je peux même dire que
37:43 on a notre marque de fabrique,
37:44 enfin, si j'ai une marque de fabrique,
37:45 c'est bien d'avoir fabriqué des lois
37:47 en lien avec le mouvement social,
37:49 à partir du travail intellectuel
37:51 de l'université et à partir
37:53 de cette matrice du corps social.
37:56 Donc, c'est vraiment
37:57 dans cette logique-là que j'interviens
37:59 à cet instant.
38:00 Et c'est ce qui m'a amené
38:02 à fonder, alors s'il y avait une blague,
38:05 Antoine, il a dit les députés
38:06 exprécifiques de la cinquième circo,
38:07 vous avez dit, mais c'est quel parti,
38:09 ça, on a raté quelque chose, etc.
38:10 Exprécifiques, c'est pas un parti,
38:12 moi, je suis dans le groupe socialiste,
38:13 un peu comme un Indien,
38:14 je suis socialiste, mais je suis quand même
38:15 socialiste.
38:16 Certains sont chrétiens dans l'Église
38:18 comme des Indiens, moi, je suis
38:19 un Indien au Parti socialiste,
38:21 mais quand même, je fais partie
38:22 d'une famille, c'est
38:23 la social-démocratie
38:26 et la social-écologie, en tout cas.
38:28 Et je suis dans cette famille-là,
38:30 et exprécifiques, c'est pas un parti,
38:32 c'est un petit symptôme,
38:34 le mot est presque trop...
38:35 C'est un petit cercle de réflexion
38:37 qui associe des personnalités
38:38 de la société civile,
38:39 c'est-à-dire trouver des gens qui
38:41 viennent d'ATD, qui sont venus
38:42 du SCOURCAD, du CCLD, etc.
38:44 Un peu la cathosphère, la génération
38:47 de l'or, des gens qui étaient dans les
38:48 cabinets, les semaines sociales, tout
38:49 ça, avec des élus engagés aujourd'hui
38:51 et le monde de l'économie.
38:53 C'est un lieu de croisement de la
38:54 vie politique et de l'engagement
38:56 de la société civile qui réfléchit
38:58 dans la tradition personnaliste
39:00 à comment est-ce que la tradition
39:02 du christianisme social peut
39:04 réenchanter l'engagement.
39:06 Alors, deux productions, puisque tu
39:07 m'avais autorisé, cher président,
39:09 à en faire une page de pub,
39:11 donc je l'aurai fait, comme ça, je
39:12 l'oublierai pas.
39:13 On a deux propositions essentielles.
39:16 On fait des réunions à l'Assemblée
39:17 nationale, vous pouvez vous brancher
39:18 sur mes réseaux sociaux, sur ceux
39:20 des spécifiques pour les connaître.
39:22 On fait des réunions à l'Assemblée
39:24 sur des sujets, sur des angles
39:26 originaux qui sont issus de notre
39:27 tradition spirituelle et
39:29 intellectuelle.
39:30 Et puis, nous organisons à CUNY
39:32 chaque année une journée et demie
39:34 avec vraiment les moyens du bord.
39:35 C'est le grand bricolage, mais
39:37 quand même, c'est beau à la fin,
39:39 des sujets. Et cette année, à chaque
39:42 fois, on a un défi.
39:45 C'est ce défi.
39:46 La révolution, c'est le partage,
39:47 c'est un thème, l'égal dignité
39:48 pour une égale dignité de la
39:49 personne.
39:50 Et cette année, c'est le travail
39:52 comme une œuvre.
39:53 Le travail comme une œuvre,
39:54 l'affirmation que le travail est
39:56 une œuvre. Je suis en désaccord
39:57 avec les comptes rendus qui disent
39:58 que c'est l'emploi qui fournit la
40:00 dignité. Moi, je crois que c'est
40:00 le travail dans un emploi décent
40:02 qui fournit, mais c'est bien le
40:03 travail qui est humanisant.
40:04 C'est tout.
40:06 Je crois même que le défi de
40:07 demain, c'est moins la question
40:08 de l'emploi que celui du travail.
40:09 Je plaide pour une société de
40:10 pleine activité, de pleine
40:12 dignité par le travail, un
40:14 travail humanisant dans les
40:15 relations interpersonnelles, dans
40:16 la relation avec la nature, dans
40:18 le sens de donner à l'entreprise
40:19 commune, etc.
40:20 En tout cas, il y a deux jours
40:22 fabuleux. Vous verrez Ruffin
40:23 parler avec des gens du Modem,
40:25 avec un ministre issu du Modem,
40:27 avec Laurent Berger.
40:28 On parlera co-détermination, on
40:30 parlera responsabilité sociale
40:32 et environnementale comme un
40:33 nouveau langage entre l'économie
40:34 et la société.
40:35 C'est Acte uni, 14-15 octobre.
40:37 Deuxième proposition, et c'est
40:39 pas vraiment pour votre
40:40 génération, c'est pour la
40:41 génération qui vient.
40:42 C'est celle de, un peu comme
40:45 la proposition d'Amandine,
40:46 mais vraiment ciblée
40:49 sur un diplôme universitaire.
40:50 C'est 12 jours cofabriqués avec
40:52 la Catholie, le Centre
40:53 Sèvres et le campus de la
40:54 transition.
40:55 C'est 12 jours qui débouchent sur
40:56 un diplôme universitaire qui
40:58 prépare à l'engagement politique.
40:59 Et ça va introduire mon propos à
41:01 l'instant.
41:02 Il me semble qu'à la fin de mon
41:04 parcours, pas à la fin, à la fin
41:05 d'un parcours politique, il n'est
41:06 pas terminé le mandat, il y a
41:07 plein de combats à mener.
41:09 Et puis, il faut qu'on prépare la
41:10 présidentielle un peu quand même.
41:11 On va faire table rase.
41:14 Mais, donc, je n'ai pas fini de
41:15 m'engager. Mais ce que je veux
41:16 dire, c'est que la leçon, c'est
41:18 que le grand drame, c'est le
41:19 désengagement politique.
41:20 Pas le désengagement tout court,
41:22 c'est le désengagement politique.
41:23 Et c'est le thème de ma
41:24 intervention sur lequel j'ai
41:26 déjà pris pas mal de temps, mais
41:27 je voulais faire cette publicité.
41:29 Donc, tout le notre, enfin,
41:32 moi, l'énergie que je mets, c'est
41:33 que je ne refuse jamais une
41:34 invitation dans un centre de
41:36 formation d'apprentis, à Sciences
41:38 Po, peu importe, à Polytechnique
41:40 ou chez les derniers de la
41:42 Terre. Mais chaque fois qu'il y a
41:44 des jeunes, j'y vais pour
41:46 essayer de faire passer ce
41:47 message. C'est "engagez-vous et
41:49 retrouvez le goût et la
41:51 noblesse de l'engagement
41:52 politique". Alors, j'ai essayé
41:54 d'expliquer pourquoi.
41:55 Moi, je ne suis pas un grand...
41:56 Je suis plutôt fait lycée
41:57 agricole que des grandes
42:00 études, mais j'ai eu la chance
42:01 par l'éducation populaire d'être
42:02 réveillé à la curiosité.
42:03 J'ai ainsi découvert, appris par
42:06 l'Église, les écrits de Paul
42:07 Ferryker. Je ne comprends pas
42:09 tout, mais j'aime toujours
42:11 cette réponse à la question
42:12 d'Aristote que fait Ferryker.
42:14 Qu'est-ce que la vie bonne,
42:15 l'estime de soi, avec et pour
42:17 les autres, dans des
42:18 institutions justes ?
42:19 Et je pense que l'engagement
42:20 politique, c'est celui de
42:22 fabriquer des institutions
42:23 justes. C'est le pouvoir
42:25 d'administrer des
42:26 collectivités, un État, une
42:27 nation. Mais c'est également,
42:29 évidemment, celui de fabriquer
42:31 du droit, de rénover ces
42:33 institutions, qu'elles soient
42:34 budgétaires, qu'elles soient sur
42:36 le plan simplement du droit.
42:38 Et ça, cette question
42:40 essentielle, c'est que dans
42:42 beaucoup de vos propos, on
42:44 voyait bien comment, avec et
42:45 pour les autres, nous pouvions
42:46 changer le monde. Et nous
42:48 cherchions à faire en cohérence
42:49 avec l'estime de soi-même.
42:51 La question des institutions
42:53 et de la rénovation et de la
42:55 consolidation. Cynthia Fleury dit
42:57 qu'il y a autant de noblesse à
42:59 consolider une institution qu'à
43:00 la rénover. Il y a le bonheur
43:02 des fondations, mais aussi
43:04 l'honneur de maintenir une
43:06 institution dans sa solidité et
43:08 sa permanence. Ces deux
43:10 engagements-là ne sont pas trop
43:11 méprisés aujourd'hui.
43:13 J'en ai trouvé, y compris la
43:15 grâce, sans être provoquant,
43:16 dans vos propos, qui ne faisaient
43:17 pas une part suffisante, à mon
43:19 avis, à la dimension politique
43:21 et institutionnelle de
43:22 l'engagement. À la fin, la
43:23 question est toujours la même.
43:24 Sommes-nous les gardiens de nos
43:25 frères ? Et moi, je suis heureux
43:27 d'avoir entendu Serge,
43:28 aujourd'hui, Serge Pogramme,
43:29 redire à quel point cet
43:31 sentiment d'être le gardien les
43:33 uns des autres, de soi-même être
43:34 gardé par les autres et d'être
43:36 gardien de ses frères, était une
43:38 question absolument fondamentale.
43:39 Et finalement, la politique est
43:40 une des voies certainement les
43:41 plus efficientes pour y répondre.
43:43 Alors, nous sommes à l'aube
43:45 d'une décennie, nous avons
43:46 entamé même une décennie tout à
43:48 fait critique sur le plan de
43:49 l'anthropocène, sur le plan de
43:52 signaux qui sont dramatiques, de
43:53 l'Ukraine à l'Afrique
43:54 subsaharienne, le risque de la
43:56 montée de nouveaux totalitarismes,
43:57 d'une matrice du monde qui se
44:00 détricote, une panne du
44:01 multilatéralisme.
44:04 Une renaissance européenne qui
44:05 semble légèrement entamée depuis
44:07 quelques mois, et trop tôt pour
44:09 prédire, mais on avait une
44:10 renaissance européenne.
44:11 Est-ce qu'on n'est pas dans un
44:12 moment d'hésitation à la veille
44:14 des élections, qui est la pire
44:16 des manières d'engager ces
44:18 élections à venir ?
44:19 Nous sommes dans un moment
44:21 extrêmement puissant en termes
44:24 d'historicité et de caractères
44:26 grammatiques de ce que doit être
44:28 l'action politique.
44:29 Il me semble, et je redis tout le
44:31 temps, qu'il y a une impasse à
44:33 penser que le plaidoyer pour des
44:34 causes pures, l'idéologie du
44:36 colibrisme, les petits pas, les
44:39 petites choses, etc., et tout,
44:40 ou le localisme, sont des impasses.
44:43 Non pas qu'elles sont totalement
44:45 inutiles, mais si elles se limitent
44:46 à elles-mêmes, elles sont des
44:47 impasses. Elles sont même la
44:50 reproduction ou la continuité de
44:52 l'affiction libérale.
44:53 La bonne volonté des uns et des
44:56 autres, il faut... Non, il y a
44:57 des causes structurelles.
44:58 On l'a dit, de péché, il y a des
45:01 causes structurelles qui fabriquent
45:03 les malheurs du monde.
45:04 Il nous faut associer et tenir en
45:06 permanence cette double exigence
45:08 des réformes politiques et
45:12 celle de la conversion des
45:13 personnes. Mais si on commence à
45:14 penser que l'un peut remplacer
45:15 l'autre, alors là, on a les
45:17 idioties du libéralisme et on
45:18 prépare des réveils absolument
45:21 tragiques. Moi, je plaide pour
45:23 cet engagement politique très
45:26 fortement. Je le fais avec Esprit
45:27 Civique, avec d'autres. Je le fais
45:29 ici et je le fais partout où je
45:30 peux, en rappelant que, et pour
45:32 moi, c'est un moment de
45:33 tressaillement, comme le dit le
45:34 peuple la semaine dernière,
45:35 quand j'ai découvert qu'il y a
45:37 une étymologiste qui s'appelle
45:39 Mariette Darigo, qui dit qu'il y a
45:42 une origine grecque, je ne vais
45:43 pas creuser, mais je lui fais
45:44 confiance, que dans le mot
45:47 démocratie, il y a un verbe grec
45:50 qui parle de partage, qui évoque
45:52 le partage. Moi, j'aime à penser
45:54 qu'il n'y a pas de démocratie
45:56 sans partage, qu'elle est à la
45:58 fois l'alpha de la démocratie,
46:01 cette question du partage, et
46:04 les fondatrices, quand vous
46:05 regardez nos commencement, qui
46:06 sont les constituantes, elles
46:07 évoquent tous un idéal d'égale
46:09 dignité. Elles ne font pas un
46:11 constat, une observation. Elles
46:12 portent une vision d'humanité,
46:13 une espérance, une sorte, je
46:15 dois aussi dire ici, de
46:16 transcendance, quelque chose qui
46:17 n'est pas objectif et
46:18 raisonnable, mais elles disent
46:20 un idéal qui a une dimension
46:22 transcendante. Les constituantes
46:24 sont fondées sur ce rêve de
46:25 partage et d'égalité. Elles sont
46:28 également l'oméga et la finalité
46:29 dans le sens où nous savons que
46:32 sans une dimension spirituelle,
46:35 nous aurons du mal à passer,
46:36 j'ai entendu, de 10 à 3 tonnes,
46:38 moi, j'étais de 9 à 2 tonnes,
46:39 enfin, on va pas se battre.
46:40 De toute façon, le chemin est
46:41 immense, on aura le temps de le
46:43 corriger en route. Mais pour se
46:45 mettre en route sur ce chemin,
46:46 une décroissance matérielle et
46:49 sans élévation spirituelle,
46:51 c'est quasiment impossible.
46:52 C'est vrai pour les pauvres, mais
46:54 le chemin est encore plus grand
46:55 pour les riches. Vous imaginez
46:56 la révolution ? Il n'y aura pas
46:58 que du structurel, il y aura des
46:59 conversions, mais c'est tout
47:00 ensemble qui va muter.
47:03 Et c'est ça qui est le nôtre.
47:05 Alors, quel est ce chemin du
47:06 partage ? Si j'ai encore deux
47:07 minutes ? Oui, merci.
47:08 J'ai peur vraiment d'abuser.
47:09 Moi, j'en ai fait trois.
47:13 C'est un article que vos
47:15 collègues et amis de communauté
47:17 vichrétienne m'avaient demandé,
47:18 c'est dans la revue, je peux
47:19 le donner à Benoît et le faire
47:20 circuler. J'avais écrit également
47:22 pour la revue Esprit, pour une
47:23 troisième gauche. C'est tirant,
47:25 non pas niant la première et la
47:26 deuxième, mais essayant de
47:27 dépasser les contradictions et
47:29 les affres de la première et la
47:30 deuxième. Dans la revue Esprit,
47:31 j'avais un peu résumé ces
47:32 choses-là. Je voulais redire
47:33 rapidement les trois champs du
47:34 partage, qui sont les champs
47:36 d'un engagement politique
47:37 aujourd'hui, me semblent être de
47:38 façon assez classique, ceux de
47:39 l'avoir et du partage et du
47:41 savoir, avec cette idée qui me
47:43 tient vraiment à cœur, encore
47:45 une fois, de Flory, ou que
47:47 développe Olivier Abel
47:48 également, celle de la sortie
47:50 d'individualisme, qui est le
47:52 premier complice du capitalisme
47:54 marchandisé et financier. Il est
47:57 son socle fondamental. Le
47:59 capitalisme fabrique de
48:00 l'individualisme, mais il n'existe
48:01 pas sans cet individualisme
48:02 matérialiste. On est vraiment sur
48:04 un défendement de ce qui,
48:06 aujourd'hui, détruit nos
48:07 sociétés et notre planète.
48:10 Elle évoque la question de
48:12 l'individuation, la question de
48:13 la passage d'un individu à un
48:14 sujet, un sujet qui devient
48:15 citoyen. Vous connaissez ça par
48:17 cœur, c'est la matrice même de
48:19 la vie nouvelle. Et cette
48:20 naissance du citoyen, dit-elle,
48:22 consolide l'état de droit. L'état
48:23 de droit garantit la capacité à
48:25 s'exprimer dans la liberté et à
48:26 critiquer, mais c'est la critique
48:27 consolide elle-même l'état de
48:28 droit. L'état de droit s'effondre
48:30 si les citoyens ne s'engagent
48:31 pas. Cette question, elle
48:33 suppose une éducation populaire
48:34 qui, à mon sens, ne passe que
48:36 par un tiers-lieu entre l'école
48:38 et la famille. La famille doit
48:40 donner le meilleur en la
48:41 matière, vers la République et
48:43 vers l'intérêt général, l'école
48:45 également. Mais s'il n'y a pas un
48:47 tiers-lieu d'un apprentissage
48:48 singulier, on voit bien qu'il nous
48:51 manque quelque chose pour
48:52 fabriquer. Et c'est le sens,
48:53 d'ailleurs, de ce que fait, je
48:54 pense, le pacte du pouvoir de
48:55 vivre. Et c'est ce que fait
48:56 Athélie Caramonde quand dans des
48:58 marches d'émancipation, des
49:00 personnes exclues reprennent du
49:01 pouvoir sur leur vie. C'est ce
49:03 que fait le pacte du pouvoir de
49:03 vivre avec sa formidable
49:04 proposition d'une école des
49:06 leaders ou quelque chose comme
49:07 ça. Tu corrigeras, Amandine,
49:08 tout à l'heure, mais sûrement
49:11 ce qui est une erreur. En tout
49:12 cas, ce mouvement de
49:15 montée en puissance et puis sur
49:16 les inégalités, j'ai développé
49:18 plusieurs chantiers législatifs
49:20 qui tournent autour de la
49:21 prévention des inégalités, non
49:22 seulement de leur réparation,
49:23 qu'évoquait Serge Pograne tout à
49:26 l'heure, mais de leur prévention
49:27 dans la fabrique fiscale.
49:29 Alors, des vieux mots qui font
49:31 très vieille gauche, mais on
49:32 peut le faire avec des
49:32 instruments d'une nouvelle
49:33 gauche, la question de l'échelle
49:35 des salaires. Elle n'a pas été
49:36 corrigée uniquement par la
49:37 fiscalité et l'impôt, elle peut
49:38 être prévenue à la base par des
49:40 systèmes correctifs dès le
49:42 départ. On a travaillé sur ces
49:43 sujets-là. On peut travailler
49:44 sur une face, il y a une face
49:45 nord, on pourrait dire, de la
49:47 réduction des inégalités, qui est
49:48 la correction a posteriori. Et
49:50 on peut avoir une version
49:52 préventive, sur laquelle j'ai
49:54 travaillé avec d'autres
49:56 autour de l'entreprise.
49:57 Il y a bien sûr les questions
49:59 d'aménagement du territoire qui
50:00 vont devenir déterminantes dans
50:02 l'accentuation ou non des
50:03 inégalités avec le défi
50:05 climatique. Et puis, il y a la
50:06 question, terriblement vieille
50:08 gauche également, des services
50:09 publics et de leur reconception
50:11 aujourd'hui pour les humaniser et
50:12 les rendre accessibles à tous.
50:14 Donc ça, c'est le champ du
50:15 partage, du partage de
50:18 l'avoir et du savoir.
50:19 Il y a une éthique du pouvoir,
50:21 qui est une sorte de partage du
50:22 pouvoir. Moi, je crois
50:24 profondément à l'idée de
50:25 générer des processus.
50:27 Je m'intéresse plus aujourd'hui
50:29 qu'à une conférence sociale,
50:30 c'est à faire valoir l'idée de
50:31 co-détermination dans les
50:32 entreprises, parce qu'on sait
50:33 qu'elle est vertueuse en termes
50:34 de réduction des inégalités
50:36 entre le capital et le travail,
50:37 et au sein du monde du travail.
50:38 Et ces processus que nous
50:40 pouvons inventer, la
50:41 décentralisation en a été un,
50:43 et elle mérite encore d'être
50:44 retravaillée, mais ils sont plus
50:46 importants que les victoires
50:47 illusoires ou éphémères.
50:49 Je crois profondément à cette
50:50 idée de processus qui, dans le
50:51 temps, permettent cette montée
50:53 en puissance de l'intérêt
50:55 général, portée par le corps
50:57 social, par sa diversité, et pas
50:59 seulement par l'État.
51:00 L'État garant d'un langage
51:02 commun et de processus qui
51:03 permettent à la société de
51:05 répondre aux défis qui sont les
51:07 siens, dans des processus
51:08 autoportés, mais où l'État a
51:10 encore un rôle à jouer, en
51:12 agissant indirectement par le
51:13 droit et par la répartition
51:16 des responsabilités.
51:17 Et puis enfin, je suis un élève
51:19 de Mireille Delmas-Marty, j'ai
51:21 encore relu récemment un de ses
51:23 écrits, je ne cesse d'admirer
51:25 son œuvre, j'ai eu la chance de
51:26 l'accueillir à l'Assemblée
51:27 nationale.
51:28 Mireille Delmas-Marty développe
51:29 notamment le concept de, sur la
51:31 question du partage à l'échelle
51:33 internationale, elle ne nie pas
51:34 les frontières, elle pense une
51:36 solidarité au-delà des
51:37 frontières.
51:37 Et cette solidarité au-delà des
51:39 frontières, elle l'appelle une
51:41 souveraineté solidaire, qu'elle
51:42 oppose à la souveraineté
51:43 solitaire, ou à une globalisation
51:45 sans foi ni loi.
51:47 La fabrique du droit à l'échelle
51:48 internationale, le renouveau du
51:51 multilatéralisme bien sûr, mais
51:53 des droits nouveaux, des combats
51:54 que j'ai eu l'occasion de porter
51:55 avec d'autres sur la prévention
51:59 des paradis fiscaux et de la
52:00 déloyauté fiscale en général.
52:02 La question du commerce juste,
52:04 du commerce équitable, et la
52:05 question d'une loi comme le
52:07 devoir de vigilance des
52:08 multinationales, qui permet de
52:10 dire la fraternité universelle de
52:12 la solidarité avec les risques
52:13 d'écocide ou du travail des
52:14 enfants, d'esclavage moderne au
52:15 bout du monde.
52:16 Ce sont des lois d'une nouvelle
52:17 génération qui oblige les
52:21 acteurs privés et publics à
52:23 prendre en compte dans leur
52:24 souveraineté la solidarité, la
52:27 fraternité avec des tiers au
52:29 bout de la planète.
52:30 Donc, un nouveau logiciel de
52:33 fabrique du droit dans lequel je
52:35 suis particulièrement investi.
52:36 Pour terminer, parce que là je
52:37 crois que Antoine va me gronder,
52:39 et pour laisser une place à
52:41 l'échange, j'ai été très frappé
52:44 pour travailler sur un sujet qui
52:46 était encore orphelin, celui du
52:48 partage de la terre, de la
52:49 régulation du foncier.
52:50 J'ai travaillé de façon très
52:52 concrète en France, en voulant
52:55 lutter contre ce qu'on appelle
52:56 une dérive de l'accaparement des
52:57 terres, depuis les lois Pisani
52:59 de Gaulle, on a une sorte de
53:01 dérive libérale qui a saisi les
53:02 paysans eux-mêmes, l'État a
53:04 laissé faire, et c'est
53:05 totalement contre-productif.
53:06 Les régulations avaient un
53:09 mérite, elles ont fabriqué une
53:10 certaine prospérité, la
53:12 dérégulation et un appauvrissement
53:14 social, écologique et
53:15 économique. Je me suis
53:16 intéressé à ce sujet en pensant
53:18 à une autre grande loi foncière
53:20 qu'on attend toujours et pour
53:23 laquelle nous nous battons, mais
53:24 j'ai eu le temps de croiser mon
53:25 regard avec deux personnes, un
53:27 grand juriste et un géopolitiste
53:29 qui, aux autres familles de
53:30 pensée, sera un excellent
53:31 intervenant un jour pour vous,
53:33 c'est Pierre Blanc.
53:33 Pierre Blanc, qui est un
53:35 chrétien engagé sur ces causes-là,
53:38 il passe son temps en Palestine,
53:39 Moyen-Orient, en Australie, il
53:42 voyage beaucoup. Sur la question
53:43 foncière, il relit, et il dit
53:45 et je boucle sur la démocratie
53:47 et sur l'importance du mouvement
53:49 politique, sur la question du
53:50 foncier, vous aurez beau faire
53:52 tous les terres de lien, toutes les
53:53 initiatives, oasis, micro, machin
53:55 et tout, vous ne serez pas à la
53:56 hauteur. Quand je vois des
53:57 ingénieurs agronomes qui veulent
53:58 s'installer sur 50 mètres carrés
53:59 pour faire de la permaculture,
54:01 j'ai envie de pleurer.
54:02 On a besoin de justicier,
54:05 on a besoin de gens qui rénovent
54:06 le droit. Qu'est-ce que nous dit
54:08 et pourquoi c'est important de le
54:09 faire ? Parce que c'est à
54:10 l'échelle des périls du monde.
54:11 Ce que nous dit simplement
54:13 Pierre Blanc, dans le petit livre
54:15 qu'on a produit en commun, "La
54:16 terre en commun, un pédoyer pour
54:17 une justice foncière", il nous
54:19 dit que partout
54:21 et sur deux siècles, il observe
54:23 un fait de permanence. Là où il y
54:24 a de la démocratie, il y a un
54:26 partage de la terre.
54:27 Prenez-le comme une parabole de
54:28 partage des ressources en
54:29 général. Là où il y a partage
54:30 des ressources, il y a des
54:32 sociétés apaisées,
54:35 des sociétés où le principe
54:36 d'égalité est protégé.
54:38 Là où il n'y a pas de démocratie,
54:41 il n'y a pas de partage des
54:41 terres, il y a des sociétés
54:42 violentes et des sociétés qui
54:44 fabriquent de l'inégalité.
54:46 Je ne sais pas qui est la cause
54:48 de quoi, mais je sais que les
54:49 trois sont liés et c'est pour ça
54:51 qu'il nous faut nous engager en
54:53 politique.
54:54 Merci.
54:55 Merci.
54:56 Merci.
54:57 Merci.
54:58 Merci.
54:59 Merci.
55:00 Merci.
55:01 Merci.
55:02 Merci.
55:03 Merci.
55:04 Merci.
55:05 Merci.
55:06 Merci.
55:07 Merci.
55:08 Merci.
55:09 Merci.
55:10 Merci.
55:11 Merci.
55:12 Merci.
55:13 Merci.
55:14 Merci.
55:15 Merci.
55:16 Merci.
55:17 Merci.
55:18 Merci.
55:19 Merci.
55:20 Merci.
55:21 Merci.
55:22 Merci.
55:23 Merci.
55:24 Merci.
55:25 Merci.
55:26 Merci.
55:27 Merci.
55:28 Merci.
55:29 Merci.
55:31 Merci.
55:32 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
55:38 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
55:42 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
55:46 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
55:50 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
55:54 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
55:58 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
56:02 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
56:06 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
56:10 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
56:14 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
56:18 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
56:22 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
56:26 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
56:30 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
56:34 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
56:38 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
56:42 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
56:46 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
56:50 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
56:54 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
56:58 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
57:02 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
57:06 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
57:10 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
57:14 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
57:18 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
57:22 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
57:26 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
57:30 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
57:34 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
57:38 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
57:42 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
57:46 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
57:50 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
57:54 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
57:58 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
58:02 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
58:06 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
58:10 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
58:14 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
58:18 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
58:22 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
58:26 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
58:30 Merci à tous !
58:32 [SILENCE]

Recommandée