Xerfi Canal a reçu Alain Bauer, professeur de criminologie du Conservatoire National des Arts et métiers (CNAM), pour parler du crime qui paie. Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00 Bonjour Alain Bauer.
00:09 Bonjour.
00:10 Alain Bauer, professeur de criminologie.
00:12 Alain Bauer, on ne vous présente plus.
00:14 Professeur du Conservatoire national des arts et métiers, New York, Shanghai.
00:17 Alain Bauer, l'encyclopédie du crime au cinéma, 200 faits divers racontés par des
00:24 films, édition Grund.
00:26 Génial.
00:27 Moi je suis fou de cinéma.
00:30 Je suis fou de cinéma.
00:31 Alain Bauer, comment on en vient à traiter du crime au cinéma ?
00:34 Eh bien paradoxalement, la plupart des gens qui regardent les faits divers, le fait divers
00:40 c'est le cœur de la vie.
00:41 La mort c'est la vie, paradoxalement.
00:43 C'est-à-dire que si vous supprimez le crime, le fait divers, l'enlèvement, les agressions,
00:49 les assassinats, les meurtres, qu'ils soient politiques ou les affaires et les escroqueries
00:53 financières, du théâtre classique, de l'opéra, de la comédie, du cinéma et de la discussion
01:03 au café le matin, il ne reste quand même pas grand-chose.
01:06 Et donc j'ai voulu voir comment de vrais faits divers étaient transposés dans la
01:11 fiction.
01:12 Et en fait, vous avez trois catégories.
01:13 Le docu-fiction, le plus proche de la réalité avec peu de fiction.
01:17 La fiction-docu, beaucoup de fiction mais un fait divers.
01:21 Et alors on vous met une petite note au début sur la base d'un fait réel.
01:25 Et puis la fiction totale, même s'il y a un moment, et là on vous met toute ressemblance
01:33 avec quoi que ce soit n'est pas vrai et on dénie toute responsabilité, même si
01:37 au départ il y a quand même un élément véritable, mais on s'est tellement éloigné
01:42 de l'événement qu'on ne s'y retrouve plus.
01:45 Et ce qui est intéressant c'est voir l'écart entre la fiction et la réalité.
01:49 La manière dont on recompose le réel par la fiction.
01:54 A la fois pour faire passer des idées, pour expliquer des process et des comportements.
02:00 Comment on explique aussi le crime financier.
02:02 C'est un sujet extrêmement intéressant, du loup de Wall Street avec tous ses éléments
02:07 annexes.
02:08 Et on voit à quel point d'ailleurs ça fascine les gens de comprendre la fraude à
02:14 la taxe carbone, les spéculations, les fonds Vautour.
02:19 Bref, le film a voulu traiter tout cela.
02:22 Et ce qui est intéressant aussi c'est que le tout premier est un docu-fiction de 1899
02:30 signé Georges Méliès sur l'affaire Dreyfus.
02:34 Et c'est le premier docu-fiction français, c'est le premier docu-fiction séquence
02:39 et c'est le premier docu-fiction censuré.
02:41 Car il remet tellement en cause la vérité officielle sur la pseudo-culpabilité de
02:47 Dreyfus.
02:48 Il attire des dizaines de milliers de spectateurs.
02:52 Et toute l'histoire du cinéma c'est à la fois de mettre en avant des héros ou des
02:56 héroïnes, Erin Brokovitch ou d'autres.
03:00 C'est de mettre en doute la parole officielle et c'est de créer chez le spectateur, même
03:06 s'il s'agit de fiction ou parce qu'il s'agit de fiction, une interrogation légitime
03:12 sur la vérité cinématographique et donc la vérité des faits.
03:16 Donc tout ceci est à la fois pédagogique, explicatif, parfois drôle, souvent dramatique,
03:22 toujours utile.
03:23 J'ai envie de dire scientifique aussi presque.
03:25 Oui bien sûr, il y a beaucoup d'éléments qui permettent de voir comment la police technique
03:28 et scientifique fonctionne en réel, pas seulement en série dans les experts ou en 52 minutes
03:33 et 4 pauses publicitaires, on arrive à résoudre une affaire.
03:35 Le cinéma permet plus de longueur, plus de densité, plus d'intérêt, mais on a aussi
03:43 d'excellentes émissions de télévision.
03:46 D'ailleurs, Marie Bénard est un film de télévision.
03:48 On le rappelle d'ailleurs, tout le monde pense que c'est un film de cinéma tellement
03:52 il était extraordinairement bien joué avec Alice Saprige dans un rôle contre-emploi
03:57 total, mais où elle montre toute la densité de ce que peut être une très grande comédienne
04:02 et donc une très grande tragédienne.
04:04 Mais tout le film est celui qui permet d'ancrer dans la mémoire collective des faits divers
04:10 qui souvent se bousculent l'un l'autre, passent l'un après l'autre.
04:13 Et puis, c'est intéressant d'avoir un livre qui n'est pas seulement un élément de texte,
04:18 mais aussi un élément d'image, de photographie.
04:20 Une image vaut mieux que des milliers de mots.
04:23 Et en la matière, on a voulu faire une œuvre utile, mais seulement avec des vrais faits
04:27 divers et pas des pures fictions parce qu'il y en a énormément qui ne relèvent d'aucune
04:32 réalité.
04:33 Là, nous sommes revenus au fond et avec Stéphane Boutsok, nous faisons deux approches.
04:37 Une cinématographique, comment le réalisateur, comment le producteur, comment les acteurs
04:43 ont vécu ce moment.
04:44 Et une criminologique, que j'assume, qui est de quoi parle-t-on, qu'est-ce qui s'est
04:50 passé et quels sont les écarts entre la fiction et la réalité.
04:53 L'encyclopédie du crime au cinéma est une invitation pour tous les chercheurs à se
04:58 demander aussi comment leur sujet de recherche interagissent avec un matériau tel que les
05:02 films de cinéma.
05:03 Merci Alain Bauer.
05:04 Merci à vous.
05:06 Merci à vous.
05:07 Merci à vous.
05:08 [Musique]