Anne Fulda reçoit Sarah Doraghi pour son livre «Iran In/Out» dans #HDLivres
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00:00 - Bienvenue à l'heure des livres, Sarah Doraghi.
00:02 - Merci.
00:03 - Vous êtes comédienne, vous êtes auteur,
00:05 vous êtes journaliste également,
00:07 et vous venez de publier un livre qui s'appelle "Iran in-out".
00:10 C'est paru aux éditions Plon.
00:12 C'est un livre illustré de photos qui, comme vous l'expliquez,
00:16 sont le plus souvent prises avec un téléphone.
00:19 - Exactement.
00:20 - Et c'est une manière d'avoir comme ça un instantané
00:23 de la vie des Iraniens aujourd'hui,
00:27 partant de répression, des temps difficiles.
00:29 - La question qu'on a envie de vous poser en premier,
00:32 c'est pourquoi vous avez écrit ce livre ?
00:34 C'est pour mieux faire connaître ce pays
00:36 que vous avez dû quitter en 1983 ?
00:39 - Évidemment, c'est pour faire connaître l'Iran,
00:42 mais aussi les Iraniens.
00:44 On connaît mieux l'Iran en France que le peuple iranien.
00:47 Et l'image qu'on a est souvent réduite
00:51 à ce qu'on voit dans les images de l'actualité, dans les JT.
00:55 C'est un peu réducteur,
00:56 parce qu'on voit les femmes en tchador rapidement,
00:58 ou des femmes en foulard,
01:00 des gens qui piétinent les drapeaux américains
01:02 ou qui disent "mort à Israël".
01:04 C'est pas ça, l'Iran, c'est pas ça.
01:06 Le peuple iranien, ça ne se résume pas à ça.
01:08 C'est une façon de montrer, en fait, la vie, vraiment.
01:12 La vie des Iraniens, la vie des Iraniennes.
01:15 Depuis un an, il y a une concentration sur ce peuple
01:18 où, évidemment, on entend beaucoup de compliments.
01:21 "Elles sont formidables, mais quel courage !"
01:24 Bien sûr, mais au-delà de ces compliments-là,
01:26 je voulais montrer les vrais visages du courage
01:29 et puis les vrais actes de courage.
01:32 Et ce que j'explique aussi, c'est que vivre malgré tout
01:35 est le premier acte de courage des Iraniens.
01:39 Arriver à trouver son itinéraire bis, son petit chemin
01:43 pour continuer à vivre comme on vit ici, en France, par exemple,
01:47 c'est déjà très courageux en Iran.
01:50 Ce qui est intéressant, c'est que ces photos
01:53 sont souvent prises en téléphone, pardon, en smartphone.
01:56 Parce que, évidemment, la presse n'est pas libre
01:59 et que l'expression n'est pas libre.
02:01 Ca fait partie des interdits.
02:02 Les Iraniens doivent vivre avec des interdits
02:05 qui, ici, dans les démocraties, semblent évidents.
02:08 On ne peut pas s'embrasser en public,
02:09 faire de moto, danser, dans la rue.
02:12 On ne peut pas...
02:14 Est-ce que les Iraniens arrivent quand même,
02:17 c'est l'impression qu'on a dans ces clichés,
02:20 à contourner la loi, à vivre à leur manière ?
02:23 C'est-à-dire à créer des chemins.
02:24 Ce n'est même pas à se frayer un chemin
02:27 là où il y a déjà une route.
02:28 A se créer, à s'imaginer des chemins
02:32 pour pouvoir vraiment vivre.
02:34 D'abord, les photos, effectivement, sont prises au smartphone.
02:38 Mais ce n'est pas parce que c'est interdit.
02:40 C'est vrai que c'est interdit, mais ce n'est pas pour ça.
02:43 Là, c'est vraiment des photos personnelles
02:45 que j'ai prises, moi, quand j'étais en Iran.
02:47 Soit elles sont prises en Iran, soit elles sont prises en France.
02:50 J'ai photographié des Iraniens.
02:52 L'idée, c'est vraiment m'appuyer sur des photos personnelles
02:57 pour raconter les histoires, les histoires des Iraniens.
03:00 Comment on fait pour survivre ?
03:03 Comment on fait pour vivre ? Comment on fait pour supporter ?
03:05 En fait, cette espèce de résilience,
03:07 de courage absolu, de conscience aussi,
03:10 c'est vrai que... -D'humour.
03:12 -D'humour, bien sûr.
03:14 Et d'humour, parfois, partout où il y a de la tragédie.
03:17 Plus c'est compliqué, plus il y a de l'humour.
03:19 C'est comme ça qu'on fait pour vivre.
03:21 Et je trouve qu'elles ont, comme ça,
03:25 relevé le niveau de la définition du mot "courage",
03:29 la jeunesse iranienne.
03:30 Et c'est vrai que ce que j'expliquais,
03:33 c'est aussi, vous prenez tous les mots, tous les verbes,
03:36 toutes les actions, les gestes du quotidien
03:38 qu'on a dans une démocratie,
03:41 ce que vous avez cité, vivre, danser, s'embrasser,
03:44 on fait exactement la même chose,
03:46 vous mettez le verbe "commettre" avant.
03:48 Donc on commet une danse, on commet un chant,
03:51 on commet une pensée, voilà,
03:53 mais on les commet quand même,
03:55 au risque, évidemment, d'avoir...
03:58 Effectivement, d'être arrêté,
04:01 d'avoir un semblant de justice qui est une injustice absolue.
04:04 Mais si on ne fait pas ça, on arrête de vivre.
04:07 Et c'est pas le modèle iranien du peuple iranien.
04:12 -Vous écrivez "Nous prenons des coups au cœur et au corps
04:15 "depuis près d'un demi-siècle, nous mourrons avec la fureur de vivre".
04:18 Vous évoquez en cela les deux révolutions antinomiques,
04:22 dites-vous, celle de 1979, Khomeini,
04:24 celle de 2022, qu'on a réduite à la révolution des femmes,
04:28 alors que derrière, il n'y a pas que les femmes,
04:30 il y a aussi une jeunesse iranienne.
04:32 Mais est-ce que vous avez l'impression
04:34 que les démocraties occidentales sont vraiment présentes
04:37 aux côtés de cette jeunesse qui tente de renverser
04:41 un gouvernement dictatorial, finalement ?
04:44 -Merci de me poser la question.
04:46 C'est vrai qu'encore une fois,
04:48 moi, j'étais très heureuse depuis un an, effectivement,
04:52 depuis la mort de la jeune Massamini.
04:55 On a beaucoup...
04:57 Vous savez, cette jeune fille qui a été tuée
05:01 parce qu'elle portait mal le voile.
05:03 On a beaucoup parlé de l'Iran, de cette jeunesse et de ces femmes.
05:07 Là, l'image, heureusement, des femmes et de cette jeunesse-là
05:10 change dans ce côté-là du monde,
05:13 c'est-à-dire dans les démocraties,
05:15 mais au-delà des compliments qui sont très sympas
05:18 et qui ont fait vraiment plaisir, les actes, se couper les cheveux,
05:21 tout ça, ça a été formidable.
05:22 Et vraiment, merci, parce que ça a influé sur le moral
05:25 de cette jeunesse-là et de ces femmes qui se battent là-bas.
05:27 Mais au-delà de ces compliments-là, qu'est-ce qu'on fait ?
05:31 C'est-à-dire qu'il faut avoir conscience d'une chose,
05:33 c'est que l'islam politique tue.
05:37 Nous, on se bat pas depuis un an,
05:39 on se bat depuis plus de quatre décennies
05:41 contre l'islam politique.
05:43 Parce que là où vous prenez une religion
05:45 et vous mêlez la politique et vous obligez des gens
05:49 sur une foi, sur une croyance,
05:51 sur leur religion qui est extrêmement intime,
05:55 et c'est au nom de cette religion que vous tuez,
05:57 que vous exécutez, que vous violez,
05:59 évidemment, c'est insupportable,
06:01 et vous éloignez le peuple de la religion.
06:03 Je dis souvent, d'ailleurs,
06:04 ce n'est pas un combat contre une religion,
06:09 c'est justement un combat pour récupérer une religion
06:12 qui ne doit pas être laissée aux mains des islamistes.
06:16 Se méfier de l'islam politique, elle tue.
06:18 Donc nous, on voudrait une laïcité, une démocratie,
06:20 bien sûr, avec une religion,
06:22 la religion dominante et la religion musulmane,
06:25 évidemment, mais ce n'est pas contre...
06:28 Je tiens à le préciser, ce n'est pas contre l'islam,
06:31 c'est contre l'islam politique.
06:33 C'est très clair, vous en parlez très bien.
06:35 Je vous conseille vraiment, ne serait-ce qu'en signe de soutien,
06:39 parce que le livre est bien aussi,
06:41 de lire "Iran in out", c'est paru aux éditions Plon.
06:44 Merci beaucoup, Sarah Doraghi.
06:45 Merci, merci de m'avoir reçue.
06:48 (Générique)
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