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00:00 *Générique*
00:03 7h43 sur France Culture
00:05 *Les Matins de France Culture*
00:09 *Guillaume Erner*
00:11 Le conflit israélo-palestinien, perçu d'ailleurs dans sa longue durée avec un intellectuel israélien.
00:19 Shlomo Sand, bonjour.
00:21 Vous publiez "Deux Peuples pour un État. Relire l'histoire du sionisme" aux éditions du Seuil.
00:26 Un livre à la fois provocateur et stimulant, on va en parler dans quelques instants.
00:31 Et j'ai invité notre camarade sociologue Alain Diekhoff pour évoquer avec vous ses thèses.
00:38 Mais tout d'abord, dans la revue de presse internationale, Shlomo Sand,
00:41 il était question de cette plainte accusant Israël de génocide à Gaza.
00:46 Une plainte déposée par l'Afrique du Sud.
00:49 Que vous inspire-t-elle cette plainte, Shlomo ?
00:52 Je crois que ce n'est pas exact. C'est-à-dire que la guerre de Gaza peut être peut-être demain un génocide.
01:00 Pour le moment, je ne le définis pas comme un génocide.
01:03 Il n'y a pas un but précis de l'armée israélienne de liquider les populations à Gaza.
01:10 Je crois qu'Israël a commis aujourd'hui des crimes de guerre. Ce sera clair.
01:15 Parce qu'il y a trop de civils, des enfants, des adultes qui meurent.
01:21 23 000, c'est beaucoup.
01:23 Mais entre ça et l'ancien génocide, il y a quand même une différence.
01:29 Les génocides en général dans l'Histoire sont plus rares.
01:32 C'est-à-dire la dernière fois, c'était à Rwanda avec les Tutsis.
01:35 Mais je ne peux pas l'appeler génocide.
01:38 Mais il y a, et d'ailleurs ce fut rappelé dans la revue de presse internationale,
01:42 des politiques israéliens qui ont eu des mots un minimum ambiguë sur leur volonté par rapport à Gaza.
01:50 Il y a un membre du Parlement qui a dit qu'il faut jeter une bombe atomique sur Gaza.
01:57 Et il y a ici et là des extrêmes droits religieux qui disent qu'il faut vider.
02:03 C'est-à-dire en pensant sur un transfert, etc.
02:07 Sauf que vous savez, on ne peut pas transférer les Palestiniens de Gaza nulle part
02:13 parce que l'Égypte, la Jordanie et tous les autres pays ne refusent.
02:17 Donc on est coincés, nous l'Israélien.
02:21 Est-ce que ça peut amener un génocide ?
02:24 Oui, pour le moment je ne le définis pas comme génocide.
02:27 - Alain Diekhoff.
02:28 - Oui, je suis sur la même position.
02:31 Parce que justement, comme on est dans une matière assez difficile et inflammable,
02:36 je crois qu'il faut faire attention à l'usage des mots.
02:38 Je ne suis pas juriste, encore une fois.
02:40 Donc il faudra voir ce qui sortira des discussions à l'AE.
02:44 Mais bon, en première instance, un crime de génocide,
02:49 c'est un crime qui vise à la destruction totale ou partielle d'un groupe national,
02:53 ethnique, racial ou religieux.
02:55 Et ça doit vraiment être un but de la guerre.
02:58 Ce n'est pas le cas là.
03:00 Là on a une guerre évidemment qui est très brutale,
03:04 qui a conduit déjà une dévastation assez large d'une partie de la bande de Gaza.
03:11 Plus de 100 000 bâtiments détruits, c'est absolument colossal.
03:14 60% des infrastructures au nord de Gaza qui ont été détruites.
03:18 Donc oui, plus évidemment toutes les victimes, civiles, femmes et enfants.
03:24 A côté aussi, le Hamas évidemment ne communique pas beaucoup sur ça,
03:28 de combattants qui ont certainement aussi été éliminés, ça c'est très clair aussi.
03:31 Mais oui, il y a beaucoup de civils qui ont été touchés par la guerre.
03:37 Donc ça c'est indéniable.
03:39 On verra en effet, d'un point de vue juridique, comment tout cela peut être qualifié.
03:44 Mais destruction d'un groupe total, partiel,
03:47 est-ce que ça n'était pas justement la visée du Hamas, notamment le 7 octobre, à Indikov ?
03:52 Dans ce sens-là, oui. On peut dire qu'il y avait des éléments très clairs de crimes contre l'humanité.
04:02 Je veux dire la volonté, enfin la destruction, l'attaque extrêmement violente du groupe islamiste dans les kibboutsim
04:12 qui entoure la bande de Gaza, sans discrimination aucune entre femmes, enfants, vieillards, etc.
04:24 avec des sévices très clairs.
04:26 Là, il y avait vraiment une volonté très claire.
04:30 Il y avait une dimension, oui, je crois, là pour le coup, de crimes contre l'humanité certainement.
04:38 Oui, je voudrais insister qu'il y a des crimes de guerre du côté dans ce cas-là.
04:42 C'est tragique. Il y a aussi la famine aujourd'hui.
04:47 La famine réelle et des maladies qui se propagent à Gaza.
04:51 Mais nous, on se trouve, peut-être trop longtemps, à utiliser le terme génocide.
04:58 Si c'est un avertissement, ça va, j'accepte.
05:02 Comment viviez-vous, Shlomo Sand, puisque vous êtes Israélien, vous habitez Tel Aviv depuis le 7 octobre ?
05:10 Comment j'ai senti là-bas ? Pas bien.
05:14 Vous savez, j'ai passé deux guerres comme soldat, 67, 73.
05:19 La guerre de Liban, j'ai raté parce que j'étais doctorant à Paris, heureusement.
05:23 Et cette guerre-là, que je vis à Tel Aviv,
05:28 c'est vrai que les bombes de Hamas qui arrivent à Tel Aviv ne font pas de grands dégâts,
05:33 mais chaque soir, être avec les enfants, les petits-enfants, sur une bombe, c'est dur.
05:40 Et surtout c'est dur.
05:42 Vous savez, qu'est-ce que c'est, la Union Nationale et tout ça ?
05:46 Donc l'ambiance mécaniste, ça apparaît presque chaque guerre,
05:51 et je me sens de plus en plus mal en face de ça.
05:55 La critique est beaucoup plus prudente,
05:58 et surtout mes collègues arabes israéliens ont plus peur de se prononcer ouvertement actuellement.
06:06 Donc je me sens mal globalement.
06:08 Parce que vous appartenez, on peut le dire, à la gauche, l'extrême gauche israélienne.
06:14 Votre point de vue, est-ce qu'il est porté par des gens aujourd'hui en Israël, Shlomo Sand ?
06:19 C'est très bizarre qu'en général, les journalistes disent que la société israélienne,
06:24 à partir de cet octobre à cause de ce massacre, sont devenues plus à droite.
06:29 Ce n'est pas exactement clair.
06:32 Je crois que beaucoup sont devenus plus extrémistes à droite,
06:35 et soutiennent aussi l'extrême droite en pouvoir.
06:39 Mais la société israélienne est moins sûre d'elle-même.
06:44 Vous savez, avoir une frappe comme ça,
06:47 ça fait que beaucoup de gens, même de droite,
06:50 et vraiment il n'y a pas de distinction droite et gauche,
06:53 ne sont pas sûrs d'eux-mêmes comme auparavant.
06:56 C'est très très bizarre. Moi je ne connais pas ça, ce phénomène.
06:59 Une ambiance générale,
07:02 on a pensé que c'était très sûr de vivre dans un état juif au Poche-Orient face au monde arabe.
07:08 Franchement, si je prononce aujourd'hui en Israël,
07:11 que ce n'est pas sûr un état juif face au monde arabe,
07:15 autrefois on me regardait un peu comme un gauchiste.
07:18 Aujourd'hui c'est ouvert.
07:20 Point d'interrogation.
07:22 On hésite beaucoup.
07:24 Qu'est-ce que ça va faire naître politiquement ? Je ne sais pas.
07:27 J'ai cru comprendre que ce livre que j'ai sous les yeux,
07:29 que vous publiez en français,
07:31 "Deux peuples pour un état. Relire l'histoire du sionisme",
07:34 il est publié aux éditions du Seuil, pour ce qui concerne l'édition française.
07:38 J'ai cru comprendre qu'un éditeur britannique l'avait trouvé trop pessimiste.
07:43 C'est une belle histoire qui est hélas assez édifiante.
07:46 J'aimerais que vous nous la racontiez.
07:48 Oui, c'est une anecdote. C'est bizarre.
07:50 Vous savez, la fin de mon livre,
07:52 parce que, vous savez, "Deux peuples pour un état", point d'interrogation.
07:55 C'est-à-dire, moi je ne sais rien.
07:57 C'est-à-dire, après des années que j'ai été pour deux états,
08:01 j'ai réfléchi il y a deux ans, j'ai commencé à me mettre des questions.
08:05 Et surtout que je me plongeais sur l'histoire longue du sionisme.
08:10 Et j'ai découvert que des sionistes de gauche,
08:13 dites sionistes dreyfusards si vous voulez,
08:16 étaient toujours des hadam, qui étaient les fondateurs du sionisme spirituel,
08:22 par Gershon Scholem, Martin Boebert, jusqu'à Hannah Arendt.
08:27 Ils étaient tous. Ils ont hésité.
08:30 Est-ce qu'un état juif au Proche-Orient, vraiment c'est une bonne idée ?
08:34 Et voilà, ils ont avancé, plus en plus, je me prolongeais.
08:38 J'étais surpris de voir tellement de...
08:41 Les plus grands intellectuels dans l'histoire du sionisme et de l'histoire d'Israël
08:44 étaient au moins jusqu'à 48 pour une établie nationale.
08:48 Donc j'ai commencé à poser des questions,
08:50 surtout qu'après cette installation des colonies tellement fortes,
08:55 aussi jordaniennes, vous savez, 800 000 Israéliens vivent dans les territoires...
09:00 6 ministres israéliens vivent dans les territoires occupés,
09:03 les chefs d'état-major israéliens vivent dans une colonie.
09:07 Et toute cette ambiance, si vous voulez,
09:09 et tout l'attachement des Israéliens à l'histoire longue
09:14 de cette partie des territoires israéliens,
09:17 je suis arrivé à penser qu'il y a peut-être un état,
09:22 c'est-à-dire, mais partagé, fédéral ou confédéral, peut-être plus réaliste,
09:28 surtout que dernièrement, je pensais que...
09:33 Macron pense aux deux états, il a répété ça avec Biden.
09:37 Il pense que Ramallah va devenir la capitale des Palestiniens,
09:41 on va trouver quelques moyens d'attacher...
09:44 - Ce que beaucoup de gens espèrent, disons.
09:47 - Oui, moi aussi je ne suis pas contre,
09:49 sauf, je ne crois pas, qu'un état palestinien peut apparaître,
09:54 être constitué sans El Koutz, comme le François El Koutz.
09:58 - Sans Jérusalem, El Koutz et Jérusalem.
10:00 - C'est comme proposé à la France,
10:02 que Vichy va devenir la capitale de la France.
10:06 - Alors ça, ça a existé, mais dans un autre contexte,
10:09 on ne va pas tout mélanger.
10:10 - Non, mais je ne rigole pas, parce que je pense que,
10:13 comme pour l'Israélien, Jérusalem est sacré,
10:15 c'est-à-dire doit être une partie de la capitale israélienne,
10:18 aussi pour les Palestiniens,
10:20 Jérusalem doit être la capitale des Palestiniens.
10:24 - Anna Diékoff.
10:26 - Oui, alors là, comme on aborde un tout petit peu la question
10:29 qui a été beaucoup débattue, enfin, il y a une dizaine d'années,
10:33 et avant, sur la solution politique,
10:37 oui, c'est celle des deux États.
10:39 Alors c'est vrai que sa mise en œuvre
10:42 représenterait d'énormes difficultés,
10:45 en dehors de l'opposition, bien évidemment,
10:47 qui existe du côté aussi bien palestinien...
10:50 - Que paré d'autres.
10:52 - ...du Hamas, et du côté israélien,
10:54 en particulier de la droite et de l'extrême droite.
10:56 Donc c'est clair qu'il y a des obstacles
10:58 concrets à la réalisation de,
11:00 ou la mise en œuvre de cette idée.
11:04 Mais je pense que même sur la question de Jérusalem,
11:07 qui est en effet une question à bien des égards inexplicable...
11:10 - Il faut rappeler qu'il y a une bipartition de Jérusalem,
11:15 un statut spécifique pour la vieille...
11:17 - Il y a une unification juridique et politique depuis 1967,
11:20 il y a eu la construction en effet d'énormément de quartiers juifs...
11:24 - Tout autour.
11:26 - Tout autour, à la fois à l'intérieur du périmètre municipal
11:29 et autour, pour rendre quelque part le partage impossible.
11:32 Tout ça est vrai.
11:34 Mais en même temps, si je pense par exemple à une initiative
11:37 qui est vraie et vieille de 20 ans,
11:40 qu'on appelait l'initiative de Genève,
11:42 on voit bien qu'il y avait des possibilités
11:44 qui avaient été mises en avant, de partage,
11:47 assez compliqués, c'est vrai, à mettre en œuvre,
11:50 mais qui pourraient l'être si, en effet,
11:54 il y avait des bonnes volontés des deux côtés.
11:57 - Alain Diekhoff, on se retrouve dans une vingtaine de minutes.
12:01 Shlomo Sand, "Deux peuples pour un État",
12:04 relire l'histoire du sionisme, c'est votre livre publié aux éditions du Seuil.
12:08 On en reparle donc dans un instant.
12:10 - Nous continuons d'évoquer cet état de fait entre Israël et la Palestine,
12:24 entre Israël et le Hamas, avec ce conflit qui a débuté le 7 octobre.
12:30 Nous sommes en compagnie du sociologue Alain Diekhoff,
12:33 de Shlomo Sand, intellectuel israélien.
12:36 Vous publiez "Deux peuples pour un État",
12:38 relire l'histoire du sionisme aux éditions du Seuil,
12:41 avec donc cette proposition provocatrice.
12:43 Mais il y a un point d'interrogation après "Deux peuples pour un État",
12:47 puisque la plupart des gens évoquent bien sûr deux États.
12:51 Vous, vous soulevez l'option d'un État unique.
12:56 Et je le disais tout à l'heure, un éditeur britannique,
12:59 au moment de traduire votre ouvrage, vous avez dit, Shlomo Sand,
13:03 qu'il le trouvait trop pessimiste, cet ouvrage.
13:06 Mais ça, c'était avant le 7 octobre.
13:09 - Oui, le livre apparu justement avant cette dernière guerre.
13:13 Et la fin du livre, même que j'essaye d'ouvrir un imaginaire politique nouveau,
13:18 avec une sorte de fédération,
13:21 je termine le livre avec un accent un peu pessimiste,
13:24 en disant que le progrès en histoire est toujours passé par des catastrophes.
13:30 Et l'idée d'un État juif en Proche-Orient,
13:33 ce n'est pas parce qu'il y a Herzl, le père fondateur de cet État.
13:38 - Theodor Herzl, qui est donc le premier à avoir jeté les bases.
13:42 - Écrit un livre important.
13:44 Mais ce n'est pas à cause de ça qu'en 1948 naisse l'État juif.
13:49 On a passé avant, nous, les descendants des Juifs,
13:53 on a passé à une catastrophe terrible.
13:56 Donc, à la fin de mon livre, je dis que si on arrive un jour
14:00 à un État fédératif, confédératif, je ne sais pas quoi,
14:03 probablement il y aura des catastrophes.
14:06 C'était écrit avant.
14:08 L'éditeur anglais de ce livre, il est en train de le traduire,
14:12 m'a dit "Est-ce que vous pouvez ajouter quelque chose de plus optimiste ?
14:16 Parce qu'à la fin, vous parliez sur les catastrophes."
14:19 J'ai dit "D'accord", j'ai commencé à me mettre pour dire un avant-propos,
14:23 un peu plus doux, ouvert.
14:26 Une semaine après la guerre avec l'État, il m'a écrit
14:29 "On peut laisser passer les nouveaux..."
14:33 Oui, je comprends, je comprends.
14:35 Et voilà.
14:36 - Alain Dikhoff, vous-même qui êtes un expert de la région,
14:40 est-ce que justement, le fait que finalement l'histoire se répète,
14:45 peut-être l'histoire se répète en pire, presque du point de vue personnel,
14:49 est-ce que ça ne suscite pas chez vous de la désespérance ?
14:53 - Oui, c'est vrai que quand on regarde l'évolution de ce conflit
14:59 depuis 1948, les raisons d'être optimistes
15:07 ne sont pas très nombreuses, même si malgré tout, il y en a quand même.
15:12 - Surprenez-moi !
15:14 - Non, mais je veux dire, il y en a quand même dans le sens où,
15:17 oui, il y a eu quand même la paix entre Israël et l'Égypte,
15:20 il y a eu la paix entre Israël et la Jordanie,
15:22 qui a ouvert elle-même la voie aux accords d'Abraham
15:27 tout récemment, en 2020, donc il y a eu des choses positives.
15:31 Malgré tout, même si le drame, c'est que le cœur du conflit
15:37 n'a jamais été réglé. Le cœur du conflit, c'est la dimension israélo-palestinienne,
15:41 ça c'est clair.
15:43 - Là, on ne voit, sauf si vous n'êtes pas d'accord,
15:45 mais a priori, on ne voit pas beaucoup de progrès.
15:47 - Non, non, non, là je crois qu'il y a toutes les raisons d'être pessimiste,
15:50 pour le coup, parce que dans le fond, si on regarde sur le temps
15:53 un tout petit peu long, on voit que le conflit israélo-palestinien,
15:56 proprement dit, il a commencé vraiment comme un conflit communautaire
16:01 dans la Palestine mandataire. C'était des affrontements
16:03 entre ce qu'on appelait des juifs et des arabes.
16:06 On ne parlait pas de palestiniens ou autres.
16:08 Des juifs et des arabes à l'intérieur de la Palestine mandataire.
16:11 Donc avec des émeutes, avec les massacres de 1929,
16:17 en effet, la grande révolte arabe de 1936-39, avec la grève générale, etc.
16:22 qui était en partie une lutte aussi anticoloniale contre les britanniques.
16:26 Donc ça, c'était la première phase.
16:27 Ensuite, il y a eu la phase intérétatique, où finalement,
16:30 la question palestinienne est assez largement disparue,
16:33 entre 1948 et 1967. Et à partir de 1967, ça a été le retour progressif
16:39 du cœur du conflit, c'est-à-dire le conflit entre les palestiniens
16:44 et les israéliens juifs de cet espace qui était l'ancienne Palestine mandataire.
16:50 Et c'est ça qui, finalement, périodiquement revient au devant de l'actualité.
16:55 Bien sûr, la première intifada, 1987, la deuxième intifada,
17:00 avec la période des accords d'Oslo, qui était peut-être la seule période d'optimisme
17:04 dans les années 90, mais qui, pour tout un tas de raisons, n'a pas donné grand-chose.
17:08 Et puis maintenant, évidemment, depuis maintenant, pas seulement depuis le 7 octobre,
17:12 mais depuis 2007 en particulier, les affrontements en répétition
17:15 entre Israël et le mouvement islamiste Hamas.
17:18 C'est la raison pour laquelle Shlomo Sand, et vous en êtes en quelque sorte l'exemple,
17:22 parce que des intellectuels de gauche comme vous, israéliens,
17:26 disons que vous êtes devenus de plus en plus rares,
17:29 tandis que les deux peuples semblaient s'éloigner l'un de l'autre,
17:33 du fait de la religion notamment, qui était jadis beaucoup moins présente.
17:38 Il y avait une possibilité de discuter entre Israël et palestinien,
17:42 entre membres de la gauche israélienne et membres de l'OLP.
17:45 Aujourd'hui, est-ce que vous discutez encore avec des gens ?
17:48 Est-ce que vous me laissez vous corriger sur un point ?
17:50 Sur tout ce que vous voulez.
17:51 Oui, ce n'est pas la religion.
17:53 C'est-à-dire des personnages dans mon livre,
17:56 les grands intellectuels comme Martin Boeber,
17:59 le plus grand philosophe juif du XXe siècle,
18:02 Ils étaient croyants.
18:03 Ils étaient croyants.
18:04 C'est très intéressant que les plus pacifistes
18:07 étaient très religieux en sachant que le vrai souverain c'est Dieu,
18:12 et pas l'être humain.
18:13 Sauf que nous vivons maintenant 30-40 ans d'une symbiose terrible
18:18 partout dans le monde post-colonial,
18:21 de Inde jusqu'à Gaza, de Jérusalem jusqu'à Beyrouth.
18:25 On vit une symbiose, ou une synthèse si vous voulez,
18:29 entre religion et nationalisme.
18:31 Et ça c'est un phénomène inquiétant,
18:33 parce que les valeurs universalistes disparaissent,
18:36 et chacun veut tout le monde.
18:39 C'est-à-dire que le Hamas veut faire un État palestinien musulman
18:45 avec certains droits minoritaires pour les juifs religieux.
18:49 Il ne reconnaît pas l'existence d'Israël,
18:53 c'est-à-dire cette identité israélienne qui a été construite,
18:57 le peuple israélien.
18:58 Moi je ne crois pas à un peuple juif, je crois à un peuple israélien.
19:01 Le Hamas n'accepte pas ça.
19:03 Et parallèlement, si vous voulez, dans le gouvernement israélien,
19:06 il y a un courant religieux nationaliste
19:10 qui nie tous les droits aux Palestiniens,
19:13 qui veut qu'ils disparaissent par un transfert, etc.
19:17 Donc si vous voulez, la raison pour laquelle je suis pessimiste,
19:21 pas entre guillemets,
19:24 c'est cette évolution assez mondiale des symbioses.
19:28 C'est-à-dire la récule des valeurs universalistes de gauche,
19:31 et la montée des passés,
19:33 c'est-à-dire des mythes, des passés,
19:36 des concepts ethnocentriques, etc.
19:39 qui m'inquiètent beaucoup.
19:40 Et c'est la raison pour laquelle je ne suis pas optimiste.
19:42 Mais, si vous me permettez d'ajouter,
19:45 tous les conflits sanglants entre peuples,
19:49 groupes nationaux, sont terminés à la fin.
19:52 Les gens deviennent fatigués de la violence.
19:56 Et je peux vous donner des exemples en Europe et ailleurs.
19:59 Donnez-nous des exemples.
20:01 Les Suisses qui étaient des pays sanglants jusqu'en 1848,
20:06 la Belgique, l'Angleterre avec l'Écossais,
20:09 et l'Espagne, vous êtes jeunes,
20:11 mais vous vous souvenez des Basques, qu'est-ce qu'ils ont fait ?
20:13 Les Castelliens, il y a encore 50 ans, les bombes, etc.
20:17 Et la France est entourée de pays plutôt fédératifs,
20:22 avec un conflit sanglant.
20:25 Les gens ne commencent pas à s'aimer.
20:28 Mais ils arrivent à une situation où ils savent qu'il n'y a pas
20:32 une solution sanglante, violente, de leur conflit.
20:37 J'espère que les Israéliens et les Palestiniens
20:40 vont arriver plus tôt ou plus tard à la même conclusion.
20:43 - Alain Diécoff, qu'est-ce que vous pensez de cet optimisme,
20:46 sur la longue durée, disons ?
20:48 - Oui, alors ça je n'en sais rien.
20:50 Je ne sais pas dans quelle direction l'histoire va aller.
20:54 Mais je pense qu'on peut dire un certain nombre de choses.
21:00 La première, Schlomo Sand faisait allusion à des penseurs
21:05 comme Martin Buber, dans "L'Entre-Deux-Guerres".
21:08 Donc il faut bien voir qu'on se place dans ce cadre temporel là.
21:12 Martin Buber, - Magnès.
21:15 - Magnès, qui a été le président de l'université hébraïque.
21:19 C'était ce que j'appellerais des intellectuels religieux.
21:23 Mais il faut quand même bien le dire,
21:26 des religieux de tendance libérale, ouverte.
21:29 Ça n'était pas des rabbins.
21:31 Ça c'est quand même très important.
21:33 Ça n'était pas des hommes de religion dont la religion était la profession.
21:36 Et ça, ça change quand même beaucoup de choses.
21:38 Parce qu'aujourd'hui, quand des personnes s'expriment au nom de la religion,
21:43 c'est à la fois des hommes de religion, donc des rabbins,
21:46 qui pour une part sont en Israël quand même, pas tous,
21:50 mais une partie importante sont des nationalistes religieux.
21:53 Et ceux qui ne sont pas rabbins sont des religieux qui se revendiquent de la religion,
21:57 mais souvent aussi d'une religion matinée de politique,
22:01 et défendent finalement une option qui s'inscrit aussi dans le nationalisme religieux.
22:07 Donc sans beaucoup d'ouverture, c'est ça que je veux dire.
22:09 Les intellectuels qu'on a évoqués de "L'Entre-Deux-Guerres",
22:12 ils étaient un peu d'une autre nature, y compris dans leur rapport à la religion.
22:17 La deuxième chose que je voudrais dire, c'est que je ne sais pas en effet vers où l'histoire va nous entraîner,
22:21 mais je crois qu'il y a une chose qui est sûre aujourd'hui,
22:26 c'est qu'entre la Méditerranée et le Jourdain, on a de fait une réalité binationale.
22:32 De fait. C'est-à-dire que vous êtes dans une situation où vous avez à peu près une parité,
22:37 en termes démographiques, entre juifs et arabes.
22:40 Mais il y a une différence radicale entre eux.
22:42 C'est que la partie juive, finalement, il y a une égalité au sein du groupe juif,
22:47 ils ont tous le même statut, ils sont citoyens de l'État d'Israël, où qu'ils se trouvent,
22:51 y compris dans les colonies qui officiellement, pour le moment, ne font pas partie de l'État d'Israël.
22:57 Juridiquement, j'entends.
22:59 Ce n'est pas le cas de la partie arabe, en revanche.
23:02 Ce qui est frappant du côté arabe, c'est les différences de statut.
23:05 C'est-à-dire que vous avez une hiérarchie à l'intérieur, de fait, à l'intérieur du groupe arabe,
23:10 où vous avez ceux qui sont le mieux lotis, finalement,
23:13 ce sont les arabes qui sont en même temps citoyens de l'État d'Israël,
23:16 donc à peu près 1,6 millions aujourd'hui.
23:19 - 2 millions ! - Ou même un peu plus.
23:22 Vous avez les arabes de Jérusalem qui sont résidents, donc qui ont un petit peu plus de droits.
23:27 Vous avez les arabes qui sont en Cisjordanie, qui en ont un peu moins,
23:31 parce qu'ils restent citoyens jordaniens, mais qui sont quand même encore un peu mieux lotis.
23:34 Et puis ceux qui sont tout en bas, ce sont les arabes de Gaza, en fait,
23:38 qui ont le moins de droits, qui sont coincés dans les 360 km², etc.
23:42 Donc c'est ça que je veux dire, c'est que d'un côté, il y a quand même malgré tout une certaine unité
23:46 du côté juif dans leurs conditions politiques,
23:50 alors qu'il y a un éclatement dans les conditions politiques des Palestiniens.
23:53 Et ça, c'est quand même une différence très importante.
23:55 - Mais, Jelom Ossan, si l'on revient au projet sioniste
23:59 que vous évoquez dans votre livre "Deux Peuples pour un État",
24:02 ce projet sioniste, il était là pour permettre aux Juifs
24:06 d'en finir avec l'existence diasporique, les protéger dans un État.
24:11 Ensuite, peut-être que ces Juifs ont été justement particulièrement menacés
24:16 dans cet État, le 7 octobre en témoigne.
24:19 Mais comment dire à ces gens qui voulaient faire un État juif pour les protéger,
24:25 comment leur dire de faire un État binational ?
24:29 - Premièrement, je ne suis pas le premier.
24:31 Comme je l'ai dit dans mon livre, je montre les plus grands intellectuels,
24:36 peut-être de la colonisation sioniste, qui ont dit "ça ne va pas marcher".
24:41 C'est-à-dire qu'on ne peut pas venir dans un pays
24:43 où les indigènes ne vont pas avoir les mêmes droits que les colonisateurs.
24:47 Nous, les Juifs qui sont devenus Israéliens.
24:50 Donc, tout ça, ça existait avant...
24:53 - Vous citez un grand nombre d'intellectuels
24:55 qui, effectivement, ont milité en faveur de cette solution.
24:59 Mais vous, aujourd'hui, puisque ce que vous citez,
25:02 Magnès, vous citez également Boubert,
25:05 tous ces gens-là ont vécu avant le 7 octobre.
25:09 Aujourd'hui, est-ce qu'il est possible de dire à ces Israéliens juifs
25:15 qui se sentent menacés, mais aussi à ces Palestiniens
25:18 qui sont menacés par les Israéliens,
25:21 vous allez vivre dans le même État,
25:23 alors même qu'il faudrait, a priori, les aider à divorcer ?
25:27 - On ne peut pas.
25:29 Vous savez qu'il y a des couples qui ne peuvent pas se divorcer.
25:32 Vous connaissez ça bien.
25:34 À cause des enfants, à cause du travail, mille raisons.
25:38 Et la plupart des couples ne se divorcent pas.
25:41 N'oublie pas. Même s'ils souffrent ensemble.
25:44 Je voulais revenir sur une chose.
25:46 Je ne suis pas contre deux États.
25:48 Je suis, comment dire, ouvert.
25:51 Toute ma vie, je luttais pour deux États.
25:53 Sauf que je suis sceptique.
25:55 Même après le 7 octobre,
25:57 c'est compliqué les choses,
25:59 la haine a augmenté.
26:01 Une haine de deux côtés.
26:03 Mais il fallait ajouter, avec cette analyse clairvoyante d'Alain,
26:07 il fallait ajouter un mot qu'il nous a balancé,
26:12 que le régime de 1967 jusqu'à aujourd'hui,
26:15 dans la Cisjordanie, était un régime d'apartheid.
26:18 S'il y a des gens qui ont des citoyennetés
26:21 à côté des gens qui n'en ont pas,
26:23 dans le premier siècle, on appelle ça apartheid.
26:26 Le mot est moche, mais c'était la réalité.
26:29 Je ne suis pas le premier à le dire.
26:31 Donc à mon avis,
26:33 si l'Israélien ne veut pas encore le 7 octobre,
26:36 en Cisjordanie, en Nord, etc.,
26:38 il faut commencer à réfléchir.
26:41 Et le plus important, si vous regardez les pays
26:44 qui étaient constitués par la colonisation,
26:46 New Zealand, Australie, les États-Unis, Canada,
26:50 à certains moments, ils ont accordé aux indigènes
26:54 certains droits, certaines glorifications,
26:58 et le plus important, ils ne voulaient pas
27:01 rayer les mémoires pénibles,
27:03 c'est-à-dire les réalités qui ont subi les indigènes.
27:07 Une chose importante, à mon avis,
27:09 pour des gens comme Yacine Ouar,
27:11 Cheikh Yacine,
27:13 les chefs du Hamas,
27:15 c'est de reconnaître ce que nous avons fait
27:18 en venant.
27:20 L'Europe nous a jetés,
27:22 on n'a peut-être pas eu des choix,
27:24 mais qu'est-ce que nous avons fait pour les locaux,
27:26 les indigènes ?
27:27 Il faut remonter dans les mémoires,
27:29 ouvrir ça,
27:31 comme les autres pays qui étaient constitués
27:33 par la colonisation.
27:35 Heureusement, nous n'avons pas liquidé
27:37 tout le monde, comme dans d'autres cas,
27:39 mais quand même, c'est très important
27:41 qu'Israël commence à accorder
27:43 une certaine nouvelle mémoire
27:45 sur notre destin en proche voyant.
27:47 - Alain Diekhoff, même question,
27:49 est-il possible de faire un État juif
27:51 qui ne soit pas juif,
27:53 qui soit binational ?
27:55 - Non, mais je dirais, il faut être clair,
27:57 si on rentre dans une logique binationale,
27:59 il n'y a plus d'État juif,
28:01 comme il n'y a pas d'État arabe.
28:03 On rentre dans autre chose.
28:05 Un État binational tel que ceux
28:07 les intellectuels juifs critiques
28:09 de l'entre-deux-guerres l'avaient pensé,
28:11 comme certains l'ont aussi remis
28:13 au goût du jour dans les années 60,
28:15 comme Auréa Vénéry à l'époque,
28:17 qui après a changé d'avis,
28:19 qui était pour les deux États, très clairement.
28:21 Bref, si on regarde ces groupes qui étaient,
28:23 c'est vrai, des groupes marginaux,
28:25 il n'y a pas de doute en termes quantitatifs,
28:27 même s'il y a quand même eu,
28:29 il faut quand même l'évoquer,
28:31 le parti d'Extrême-Droite, MAPAM,
28:33 le parti Achomé-Ratsaï-Ravan,
28:35 qui était un parti qui prônait
28:37 le binationalisme.
28:39 Mais donc, cette réalité binationale,
28:41 encore une fois, je pense que
28:43 aujourd'hui, comme je l'ai dit,
28:45 il y a une réalité binationale.
28:47 Mais est-ce que cette réalité binationale
28:49 peut donner lieu à, comment dire,
28:51 à une structuration politique
28:53 en termes d'État ?
28:55 Aujourd'hui, la réponse est non.
28:57 La réponse est non pour tout un tas de raisons.
28:59 Si elle voyait le jour,
29:01 à un moment, elle supposerait quoi ?
29:03 Elle supposerait le binationalisme.
29:05 C'est en effet une structure fédérale, en gros.
29:07 C'est-à-dire que vous avez dans un État,
29:09 deux ou trois groupes, ça dépend,
29:11 il peut en avoir plusieurs,
29:13 qui ont une certaine autonomie à l'intérieur
29:15 de l'État.
29:17 - On garde l'identité. - Oui, garde leur identité.
29:19 Ou ils gèrent des affaires à eux,
29:21 l'éducation, la culture,
29:23 les affaires sociales, que sais-je.
29:25 Et vous avez un niveau fédéral
29:27 où des questions les plus importantes,
29:29 comme par exemple la défense,
29:31 tout ce qui est monétaire,
29:33 et les affaires étrangères,
29:35 sont gérées au niveau fédéral.
29:37 Et ça suppose la coopération, fondamentalement.
29:39 Parce qu'un État fédéral ne peut pas fonctionner
29:41 s'il n'y a pas de coopération entre les groupes constitutifs.
29:43 C'est évident qu'aujourd'hui,
29:45 on ne peut pas imaginer, à mon sens,
29:47 une seconde, la possibilité
29:49 de concrétiser un tel idéal.
29:51 Parce que les populations locales,
29:53 en général, en tous les cas du côté juif,
29:55 c'est très clair, du côté arabe c'est un peu différent,
29:57 du côté palestinien, on est un peu plus ouvert
29:59 à la réalité binationale,
30:01 à un État binational, pardon,
30:03 que du côté juif, parce qu'eux
30:05 entendent préserver l'existence d'un État juif,
30:07 voilà, très clairement.
30:09 Donc ce préalable,
30:11 disons, d'adhésion à ce modèle politique
30:13 n'existe pas. Donc on ne voit pas, en effet,
30:15 les conditions de réalisation, aujourd'hui,
30:17 d'un tel État.
30:19 - Qu'en pensez-vous,
30:21 Chlomo Sand, par rapport à ça ?
30:23 Ne serait-ce que le nom, puisqu'en lisant
30:25 votre ouvrage, je me suis interrogé,
30:27 quel nom pourrait-il avoir ce pays ?
30:29 - Ah ! Hier,
30:31 on m'a posé cette question.
30:33 C'est la dernière chose que j'arrive,
30:35 mais est-ce que vous vous souvenez
30:37 d'un leader arabe,
30:39 un peu farfelu, on dit,
30:41 qui s'appelle Kadhafi ?
30:43 - On le souvient bien, en France.
30:45 - Il a dit beaucoup de bêtises,
30:47 mais une fois, on lui a demandé
30:49 quel nom de cet État
30:51 binational vous envisagez ?
30:53 Donc il a dit, je ne sais pas,
30:55 mais peut-être Israël.
30:57 Vous savez, Israël,
30:59 et Palestine, Israël.
31:01 Je ne sais pas.
31:03 Je n'existe pas, je ne suis pas
31:05 admirateur de Kadhafi, mais le
31:07 dernier problème sera le nom.
31:09 Une chose importante.
31:11 - Je crois que ce nom d'Israël
31:13 a quelques liens avec...
31:15 - Oui, mais il faut savoir
31:17 ce qui se passe, c'est-à-dire le zionisme
31:19 a envisagé un État juif.
31:21 Mais il y avait beaucoup de gens qui ont dit
31:23 "Arriver à un État
31:25 où la plus grande partie de la population
31:27 n'est pas juive,
31:29 et dire c'est un État juif,
31:31 c'est un peu osé,
31:33 et n'a pas un vrai avenir."
31:35 Hannah Arendt,
31:37 cette grande philosophe juive, a dit
31:39 à 48,
31:41 comme elle était pour une fédération,
31:43 elle a dit "Si l'État juif
31:45 va se constituer sans
31:47 les indigènes, sans les Arabes,
31:49 à cette époque il n'y avait pas de Palestine,
31:51 chaque 10 ans il y aura un guerre."
31:53 Donc si vous voulez,
31:55 48, 56,
31:57 67, la guerre de Liban,
31:59 73, pardon,
32:01 la guerre de Liban, et cette
32:03 terrible chose qui nous arrive
32:05 aujourd'hui, je crois que
32:07 Hannah Arendt était plus réaliste avec
32:09 ses utopies, que
32:11 la plupart des Ben-Gurion,
32:13 qui n'étaient pas utopistes du tout.
32:15 Je crois qu'elle a eu plus
32:17 raison que Ben-Gurion.
32:19 Ben-Gurion étant, il faut le rappeler aux plus jeunes,
32:21 le fondateur de l'État
32:23 et probablement l'un des hommes
32:25 politiques les plus importants
32:27 d'Israël.
32:29 Alain Diekhoff, il reste
32:31 néanmoins que
32:33 l'on a affaire aujourd'hui
32:35 à deux visions du monde,
32:37 qui sont deux visions du monde qu'on pourrait qualifier
32:39 d'irréconciliables.
32:41 Et cela, c'est une situation
32:43 relativement inédite,
32:45 même dans la région.
32:47 Oui, moi je crois que
32:49 en tous les cas, en ce moment,
32:51 on est en effet dans
32:53 une impasse dans ce sens-là.
32:55 C'est-à-dire qu'on a
32:57 du côté, aussi bien du côté
32:59 palestinien que du côté
33:01 israélien,
33:03 une montée
33:05 des nationalismes religieux,
33:07 de la politisation
33:09 de la religion, dans des logiques
33:11 qui sont des logiques
33:13 irrédentistes, c'est-à-dire
33:15 qui excluent le compromis.
33:17 Parce que si vous considérez que
33:19 ce soit du côté musulman ou du côté
33:21 juif, que oui, tout l'espace
33:23 entre la Méditerranée et le Jourdain,
33:25 c'est la terre sacrée qui appartient soit
33:27 au peuple juif, soit au peuple musulman
33:29 palestinien, il n'y a pas de compromis possible.
33:31 Donc la seule issue, c'est la guerre.
33:33 C'est la confrontation.
33:35 - Un mot, je suis plus ou moins
33:37 d'accord avec votre analyse, je suis pas loin.
33:39 Mais une chose, je voudrais corriger.
33:41 Les rabbins,
33:43 il y a 50 ans,
33:45 n'étaient pas extrémistes,
33:47 étaient pour la paix en général,
33:49 et se sont placés à gauche des mouvements
33:51 de sionistes. Les vrais rabbins,
33:53 presque entièrement, ils étaient
33:55 pour le compromis historique.
33:57 C'est à partir de 1967, la radicalisation
33:59 des rabbins. Donc c'est la seule
34:01 chose que je voulais vous corriger.
34:03 Les rabbins d'autrefois étaient plus
34:05 proches de moi, je suis athée,
34:07 laïque, etc., que les rabbins
34:09 d'aujourd'hui.
34:11 - Merci Alain Dieckhoff
34:13 d'avoir été avec nous. Merci,
34:15 Schlomo Sand, votre livre "Deux Peuples pour un État",
34:17 relire l'histoire du sionisme,
34:19 et publiée aux éditions du Seuil.