• il y a 6 mois

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00:00 6h30, 9h, les matins de France Culture, Quentin Lafebvre.
00:06 Deux rapports à l'avenir et à l'espoir ce matin.
00:09 L'une a connu les accords d'Oslo, l'autre n'était pas encore née.
00:13 L'une a connu l'espoir de la paix et la création d'un État palestinien,
00:17 l'autre est de cette génération d'Israéliens qui n'a jamais goûté à l'optimisme du dialogue
00:22 et d'un avenir meilleur entre Palestiniens et Israéliens.
00:24 Ce matin, nous recevons deux journalistes qui ont toutes les deux écrit sur le conflit israélo-palestinien.
00:29 Alexandra Schwarzprodt, bonjour.
00:31 - Bonjour.
00:32 - Vous êtes directrice adjointe de la rédaction de Libération.
00:35 Vous publiez éclats aux éditions du Mercure de France, un autoportrait, une autobiographie
00:41 dans laquelle vous rassemblez des fragments de votre vie,
00:44 ceux que vous avez vécu notamment à Jérusalem en tant que correspondante de ce journal, le vôtre.
00:49 Libération, et avec nous à distance, Liaronne, bonjour.
00:52 - Bonjour.
00:57 - Vous êtes journaliste au quotidien Arrête, vous publiez 7 octobre aux éditions Grasset,
01:01 un livre de témoignages saisissants, témoignages des victimes du massacre perpétré par le Hamas en octobre 2023.
01:09 Je commence avec vous, Alexandra Schwarzprodt.
01:11 Vous décrivez votre arrivée à Jérusalem en 2000 et vous dites "je suis partie en Israël au printemps 2000
01:17 en clamant à qui voulait l'entendre que j'allais assister à un événement historique,
01:22 la création d'un État palestinien, alors prévu le 15 septembre suivant".
01:26 C'était déjà une forme de rapport à l'espoir, mais un espoir rapidement déçu.
01:32 - Oui, très vite, parce que je me suis précipité dans les territoires palestiniens
01:38 pour essayer de voir quelle était l'ambiance et si vraiment il y avait l'idée d'un État palestinien se concrétiser.
01:46 Et j'ai très vite vu la colère, très vite senti la colère chez les Palestiniens,
01:52 colère dirigée à la fois contre les Israéliens qui continuaient la colonisation des territoires palestiniens
01:58 malgré les accords d'Oslo et aussi colère dirigée contre leurs propres dirigeants
02:04 qu'ils considéraient comme inaptes à faire avancer la situation,
02:10 à lutter justement contre la colonisation et aussi comme corrompus, etc.
02:14 Voilà, donc très vite j'ai senti ça et en effet le 15 septembre qui était la date
02:19 à laquelle devait être annoncée la création d'un État palestinien est passé
02:23 et le 28 septembre Marielle Sharon s'est rendue sur l'esplanade des mosquées
02:27 et là l'intifada a éclaté et ça a été plus de deux ans, enfin j'ai vécu plus de deux ans
02:36 un moment absolument terrible avec une succession d'attaques israéliennes sur les territoires palestiniens
02:46 puis d'attentats suicides palestiniens en Israël et ça a été terrible,
02:50 ça a été la lente descente aux enfers qui jusqu'à aujourd'hui, qui a duré jusqu'à aujourd'hui.
02:56 Espoir déçu, espoir Liaron que vous-même n'avez jamais connu, vous appartenez à une génération,
03:03 vous avez moins de 30 ans, moins de 30 ans c'est le cas de la moitié de la population en Israël
03:08 qui n'a connu dans le fond que Netanyahou.
03:15 Bonjour et merci de m'avoir invitée aujourd'hui.
03:22 Oui j'appartiens à cette génération qui a connu que la guerre,
03:27 nous avons passé d'une opération à l'autre, d'une violence à l'autre et nos dirigeants de deux côtés,
03:33 d'ailleurs nous avons échoué une fois après l'autre et d'écrire un livre en ce moment ce n'est pas facile
03:42 quand de deux côtés nous avons le cœur brisé et nous comptons encore et encore de victimes
03:50 et des tristesses des familles qui ont perdu leur chère, mais même dans ces jours très difficiles
03:57 quand il y a des forces extrémistes, des politiciens qui essayent de nous mener encore vers la haine,
04:05 vers la guerre, je pense qu'il est important de rappeler qu'il y en a encore tellement de jeunes
04:11 qui sont maintenant dans la rue, qui veulent sentir cet espoir.
04:17 Vous racontez dans cet octobre, pardonnez-moi, vous racontez quelque chose Liaron qui m'a frappé,
04:24 vous décrivez au fond comment votre génération a pratiquement oublié ce conflit,
04:30 Netanyahou aurait tout fait pour le porter à distance de la société israélienne,
04:36 tentant plutôt de décrire un récit qui montre Israël comme une puissance occidentale,
04:42 comme un eldorado technologique et au fond ce conflit vous l'aviez presque mis de côté.
04:49 Oui c'est exact, c'est un point très important à comprendre concernant la société israélienne.
05:00 Il faut peut-être quand on essaie de comprendre ce conflit de façon peut-être un peu plus profonde,
05:05 mais Netanyahou durant presque deux décennies de gouvernance,
05:10 c'est un Premier ministre qui exerce le pouvoir le plus longtemps en Israël,
05:18 il a vendu aux Israéliens cette idée que ce conflit, on ne peut pas le résoudre en fait,
05:23 que Oslo a échoué, que voilà le désengagement de Gaza en 2005 a également échoué,
05:30 que le Hamas a monté et que peu importe ce qu'on fait, on va échouer
05:35 et donc nous devons diriger ce conflit, d'accepter qu'il va être là
05:42 et en même temps nous devons peut-être se concentrer sur nous-mêmes.
05:46 Et donc il y a beaucoup d'Israéliens qui ont cru, qui ont cru cette illusion
05:50 que Netanyahou nous a vendue, qu'on n'a rien à faire
05:54 et que les Israéliens peuvent peut-être vivre une vie normale en déconnectant de cette guerre.
06:03 C'est peut-être un point d'ailleurs qui est orthogonal avec ce que vous racontez,
06:06 vous Alexandra Schwarzbrot, lorsque vous étiez à Jérusalem, lorsque vous travaillez là-bas pour Libération,
06:12 ce conflit, le conflit entre Israël et la Palestine, était partout, omniprésent dans tous les discours et toutes les discussions.
06:18 Oui, on ne parlait que de ça à l'époque, moi donc entre 2000, j'étais entre 2000 et 2003
06:23 et c'était, je crois qu'il ne s'est pas passé de journée sans qu'il se passe un événement fort,
06:28 une attaque israélienne ou un attentat palestinien.
06:32 Et d'ailleurs, les Palestiniens ont un peu perdu la bataille médiatique quand ils ont passé aux attentats suicides,
06:38 qui était un truc terrible en Israël, alors qu'au début c'était vraiment des gamins qui lançaient des pierres,
06:44 puis des moins jeunes qui tiraient avec des armes.
06:48 Mais quand ils sont passés aux attentats suicides, c'est devenu en effet un véritable cauchemar en Israël.
06:53 Et je rejoins ce que dit Lili Aaron, c'est que quand j'étais là-bas, j'ai assisté au début de la construction du mur,
07:01 vous savez du fameux mur qui sépare Israël des territoires palestiniens,
07:05 enfin que les dirigeants israéliens ont voulu bâtir pour construire, pour séparer les deux peuples.
07:11 Et je pense que c'est de là que vient justement, si vous voulez, ça a permis aux Israéliens de repousser le problème palestinien derrière le mur.
07:20 C'est-à-dire que pour eux, ça n'existait plus. Ils étaient tranquilles, protégés par le mur,
07:25 et donc les Palestiniens n'existaient plus, c'était plus un problème.
07:29 Ils ne voulaient pas savoir ce qui se passait de l'autre côté.
07:31 Et je pense que ça a été en fait un poison terrible.
07:35 Un poison terrible qui a fait que quand tout à coup, le 7 octobre, il s'est passé cet acte atroce,
07:45 tout à coup les Israéliens ont réalisé qu'il y avait des Palestiniens, en effet, qui étaient de l'autre côté du mur,
07:51 et que ce conflit était toujours aussi vif, aussi présent.
07:56 Et en effet, je pense que Netanyahou a beaucoup fait pour invisibiliser les Palestiniens,
08:04 et pour laisser entendre que ça y est, il n'existe plus, il avait réglé le problème.
08:08 Dans cet octobre justement, qui vient de paraître en France aux éditions Grasselle et Yaronne,
08:13 vous retracez des parcours de vie, des trajectoires liées au 7 octobre,
08:19 ces Israéliens qui ont été frappés par le drame, par la mort, par l'horreur également.
08:25 Et vous expliquez en introduction vouloir servir de rempart contre la distorsion et l'oubli.
08:32 De quoi s'agit-il ? Quelle est cette distorsion ? Quel est cet oubli ?
08:36 Oui, tout à fait. Peut-être un exemple que je peux vous donner, de façon très générale.
08:49 Nous parlons des Israéliens qui ont oublié les Palestiniens, et c'est vrai de façon générale.
08:56 Mais il y a aussi des communautés qui ont vécu sur la frontière de Gaza, au Kiboutzim.
09:06 Ce sont des communautés qui n'ont pas oublié les Palestiniens. Ils ont cherché la paix.
09:10 Et le camp de la paix a été assassiné par le Hamas.
09:16 Et si on voit le pourcentage de votes là-bas, 94%, ont voté pour le parti de gauche du centre du Kiboutz de Béhari, par exemple.
09:29 Le membre du Kiboutz et du Kiboutz même, ils ont donné de leur argent personnel,
09:33 chaque mois, durant 20 ans, pour les familles à Gaza.
09:37 Ils ont acheminé des malades palestiniens vers les hôpitaux en Israël.
09:42 Ce sont vraiment des gens qui ont essayé, dans leur vie quotidienne, de trouver des solutions à ces conflits.
09:47 Ils étaient assassinés de façon atroce.
09:50 Il est difficile à imaginer que tout cela ait vraiment arrivé par les terroristes du Hamas le 7 octobre.
09:56 L'une des choses que j'essaie de faire dans ce livre, c'est de raconter l'histoire de ces communautés de paix,
10:04 des enfants, des femmes, des hommes qui ont été assassinés, et de revenir à l'arrière.
10:12 Pas juste à cette journée terrible, mais aussi à leur vie, à leur croyance, et également à leur famille, à l'histoire de leur famille.
10:21 Et de comprendre que ces gens font partie des générations de familles juives qui ont fui le pays arabe dans les années 1930,
10:34 dans les années 1980, comme par exemple de l'Irak, de l'Égypte, du Maroc.
10:40 Ils sont arrivés en Israël parce qu'ils ne pouvaient plus rester chez eux,
10:44 ou de l'autre côté des communautés de survivants de la Shoah en Europe.
10:48 Et pour comprendre cet événement du 7 octobre comme une partie peut-être plus large de l'histoire générationnelle de traumatismes,
10:57 de persécutions qui n'appartiennent pas juste dans le livre de l'histoire pour les Israéliens.
11:03 C'est quelque chose toujours en vie pour nous.
11:06 Beaucoup d'histoires entremêlées dans cet ouvrage du 7 octobre.
11:10 Il s'agirait effectivement de tenter de les démêler pour les comprendre.
11:15 Et même pour comprendre, comme vous l'expliquez aussi, l'histoire d'Israël.
11:18 J'aimerais que vous en racontiez une ce matin pour les auditeurs de France Culture.
11:23 L'histoire de cette femme bédouine qui a survécu parce qu'elle était enceinte,
11:28 grâce à l'enfant qu'elle voulait mettre au monde et qui l'a malheureusement terriblement protégée.
11:34 Racontez-nous cette histoire.
11:39 Oui, c'est vraiment une histoire très très douloureuse.
11:43 C'était très difficile pour moi de faire ces entretiens, de l'écrire.
11:48 C'est l'histoire de Soujoud, c'est une jeune femme bédouine.
11:52 Elle avait 21 ans, elle a 21 ans.
11:55 Elle fait partie de la communauté des Arabes israéliens qui sont 25% de la société israélienne.
12:04 Ils s'appellent les Arabes plestiniens ou les Plestiniens.
12:10 Elle était enceinte pour la première fois, 9 mois et 4 jours.
12:16 Elle était chez elle, avec son mari.
12:24 Ils ont passé la nuit ensemble, dans la nuit entre le 6 et le 7 octobre.
12:29 Le matin, elle a eu des contractions. Ils sont entrés dans la voiture et ils sont partis vers l'hôpital.
12:36 Dans un moment magique, ils pensaient que dans quelques heures, ils vont être une famille de trois.
12:44 Et sur la route pour l'hôpital, le terroriste de Hamas, sur une voiture derrière eux, commence à tirer vers eux.
12:54 Le balle qui va vers leur voiture, qui n'était pas une bonne voiture, c'est ce qu'il pouvait se permettre.
13:06 Il rentre dans la voiture et il attend la voiture de Soujoud.
13:10 Au départ, c'est une balle, et après une deuxième.
13:15 Son mari essaie de faire le signal, de dire "Nous sommes Arabes", que Soujoud a un hijab sur elle.
13:23 Elle porte un hijab, mais le terroriste tire et il arrive à une opération à l'hôpital Sorok à Berjewa.
13:34 C'était la première blessée du matin.
13:37 Le docteur pense toujours que c'est peut-être une requête qu'il attend.
13:43 Il ne comprend pas qu'il y ait quelqu'un qui va tirer sur une voiture d'une femme enceinte.
13:48 Ils sont très surpris à découvrir une bébé qui a pris deux balles dans deux parties de son corps.
13:59 En fait, elle a protégé de façon parfaite, comme vous avez bien expliqué.
14:06 Sa mère, Soujoud, n'était pas atteinte, mais son bébé est mort après dix heures,
14:15 sans que Soujoud ait pu l'avoir.
14:19 Elle a demandé de son mari de l'enterrer le lendemain.
14:25 Cette histoire ne se termine pas ici, parce que cette famille et la communauté bédouine,
14:33 qui est maltraitée par l'État israélien comme une minorité,
14:39 ne reconnaît pas ses droits de façon totale.
14:45 Ils vivent dans des villes qui ne sont pas complètement connectées à l'électricité.
14:51 Ils n'ont pas toujours d'eau.
14:53 Ils sont obligés d'essayer de se protéger de ces attaques qui continuent de ramasser,
15:01 de requêtes qui sont tirées sans avoir des abris.
15:05 Dans cette région bédouine, sans que le dôme de fer le protège.
15:11 Donc, ils sont attaqués de partout.
15:17 L'attaque iranienne contre Israël, le dernier mois,
15:23 la seule victime de cette attaque, c'était une fille de sept ans,
15:28 qui s'appelait Amina, une fille bédouine d'un village pas loin,
15:32 du village de Soujoud, que la requête est entrée dans sa maison.
15:37 Et on voit des dirigeants de grands intérêts qui font la guerre entre eux.
15:43 Et finalement, ces deux femmes arabes, qui n'ont rien à voir avec ce conflit,
15:50 qui voulaient juste vivre, payer ce prix le plus élevé.
15:54 Même sans doute, l'immense majorité des victimes israéliennes et juives
15:58 n'avaient strictement rien à voir avec ce conflit.
16:01 Alexandra Schwarzbrot, une réaction ?
16:04 Au-delà, est-ce que lorsqu'on couvre, comme vous l'avez fait pour la seconde Intifada,
16:08 ce type d'événements violents, dramatiques,
16:11 est-ce qu'on s'habitue à cette violence, à ces trajectoires, à ces récits ?
16:16 Oui et non. C'est-à-dire que quand on travaille là-bas et qu'on vit ça,
16:20 on vit en permanence dans cette folie guerrière, cette folie armée,
16:26 on finit en effet, même en tant que correspondant,
16:30 on se réveille le matin, on se demande ce qui va se passer,
16:33 on se couche, on y pense encore, on finit par devenir obsédé par ça
16:38 et par être pris par cette folie.
16:41 Mais en même temps, je pense qu'il ne faut jamais,
16:44 et c'est là où je rejoins totalement Lee Aaron dans ses mots,
16:47 je pense qu'il ne faut jamais cesser de croire à la paix.
16:53 Je pense qu'aujourd'hui, l'optimisme est un combat, vraiment.
16:57 Je pense qu'en ce moment, on voit bien qu'on peut basculer dans le pire
17:02 comme dans quelque chose qui peut s'ouvrir.
17:05 Il y a quand même quelques signes, Lee Aaron le disait,
17:08 il y a quand même ce camp de la paix qui était devenu extrêmement minoritaire,
17:14 et qui l'est toujours, extrêmement minoritaire,
17:17 mais on sent bien quand même qu'il commence à reprendre un peu de la voix,
17:20 on sent bien même que les plus durs, comme on voit certains ministres du cabinet de guerre,
17:26 commencent à comprendre quand même que la politique de Netanyahou ne mène à rien,
17:30 mène dans le mur, c'est rajouter de la haine à la haine.
17:33 Et je pense quand même qu'il faut continuer à croire que deux états sont possibles dans cette région,
17:42 un état israélien et un état palestinien,
17:45 et il faut se battre sans relâche pour ça.
17:48 Et pour ça des propos comme Lee Aaron sont vraiment importants,
17:51 des propos de paix, d'apaisement,
17:54 qui montrent que des lendemains peut-être un peu plus positifs que ceux qu'on a connus sont possibles.
18:03 Ça je le crois réellement.
18:05 Regardez, maintenant tout le monde parle de la nécessité de reconnaître un état palestinien.
18:10 C'est la base, c'est la base de tout.
18:13 Et donc à partir de ça, je pense que des choses sont possibles.
18:17 Mais il va falloir se battre pour ça, pour rester optimiste et pour la paix.
18:21 Là où l'espoir est évidemment le plus sombre aujourd'hui, c'est à Gaza.
18:26 L'ONU, le ministère de la Santé du Hamas recense plus de 35 000 morts, dont 18 000 enfants.
18:35 Vous avez exprimé, Lee Aaron, la volonté, notamment dans le journal Libération,
18:39 qu'un livre comme le vôtre sur le 7 octobre puisse exister également du côté palestinien,
18:45 qu'on puisse tracer, décrire les vies, les trajectoires de ces personnes qui ont été tuées,
18:51 de celles et ceux qui ont été blessés.
18:53 Mais comment un livre peut-il voir le jour côté palestinien,
18:57 lorsque c'est matériellement si compliqué, et plus encore,
19:00 lorsque la profession des journalistes palestiniens a été décimée, comme c'est le cas aujourd'hui ?
19:12 Oui, je suis à côté de mes collègues, les journalistes à Gaza,
19:17 qui risquent leur vie tous les jours et qui travaillent dans des conditions inhumaines
19:23 pour essayer de continuer de trouver, de ramener les nouvelles au public sur ce qui se passe là-bas.
19:31 Il est très important pour moi de comprendre que cette guerre est un désastre.
19:38 Je le cœur brisait, tous ceux qui vivent dans cette région est brisé, nous ne dormons pas.
19:44 Nous sommes en deuil depuis le 7 octobre.
19:48 Nous sommes en deuil les gens de deux côtés, surtout les victimes de cette guerre.
19:55 C'est terrible.
19:57 Moi, j'espère que ces livres sont peut-être un moyen de commencer à se retrouver,
20:09 et que les autres livres de mes collègues vont faire pareil,
20:13 parce qu'on doit reconnaître les souffrances de deux côtés.
20:17 Et je ne sais pas si les gens qui ne sont pas de notre région comprennent,
20:20 les Israéliens ne reconnaissent pas en quelque sorte la grandeur de la souffrance,
20:29 de la destruction à Gaza, parce qu'ils ne le voient pas dans les nouvelles en Israël.
20:34 Et peut-être aussi les Palestiniens ne connaissent pas les histoires de souffrance,
20:41 de traumatisme des Israéliens.
20:44 Pas juste de 7 octobre, et peut-être pas non plus de l'histoire de la Shoah,
20:50 des attentats que nous vivons.
20:52 Nous sommes deux peuples qui vivent l'un à côté de l'autre depuis huit décennies,
20:58 et nous sortons l'un à l'autre encore une fois et encore une fois.
21:02 Et peut-être le chemin vers la solution doit passer par une reconnaissance mutuelle
21:09 des souffrances que nous faisons pour arrêter tout cela et pour arriver à des jours meilleurs.
21:18 Au cœur de votre ouvrage, au cœur de vos deux ouvrages, d'ailleurs,
21:21 évidemment, il y a la question centrale, majeure de l'antisémitisme,
21:25 Alexandra Schwarzbrot avec un paradoxe fort.
21:29 Vous expliquez au début du livre que votre père rêvait d'être juif.
21:34 Votre nom même, Schwarzbrot, a laissé penser à beaucoup, beaucoup de vos interlocuteurs
21:38 que vous l'étiez.
21:39 Et vous écrivez "J'ai cessé de préciser que je n'étais pas juive.
21:43 Je suis encore plus heureuse d'assumer cette identité aujourd'hui,
21:46 alors que les juifs du monde entier sont pris pour cible par la faute de dirigeants israéliens indignes."
21:52 Qu'est-ce que vous voulez revendiquer par là, être juif sans l'être tout à fait ?
21:57 Oui, c'est une question qui me travaille depuis un moment.
22:01 Et j'ai compris en arrivant en Israël à quel point, pour moi, pendant longtemps,
22:06 être juif ou pas juif, ce n'était pas un sujet.
22:09 Et en arrivant en Israël, j'ai compris à quel point c'était important.
22:13 Et je le ressens de plus en plus.
22:17 Et c'est vrai que je vois bien en ce moment à quel point la haine est en train de monter de partout
22:25 et à quel point elle peut se retourner, en effet, contre les juifs du monde entier.
22:30 Et ça, c'est un vrai danger.
22:32 On a tous une responsabilité là-dessus, journalistes, politiques, politiques, surtout, parce que ça c'est important.
22:39 Et voilà, donc on peut...
22:43 Il faut absolument faire attention à tout, ne pas mettre d'huile sur le feu
22:49 et essayer de... on peut réagir, être indigné, comme j'ai pu l'être hier
22:55 quand j'ai entendu qu'une bombe avait tué 30 personnes dans un immeuble à Gaza
22:59 et aussi pleurer en pensant aux victimes du 7 octobre.
23:04 Je pense que les deux, c'est Lee Aaron qui dit "on peut être pro-israélien et pro-palestinien".
23:09 Eh bien, je me sens un petit peu dans cette situation-là.
23:12 - Merci beaucoup. Merci à toutes les deux.
23:14 Alexandra Schwarzbrot, directrice adjointe de la rédaction de Libération
23:18 qui vient de faire paraître éclat aux éditions Mercure de France.
23:21 Merci beaucoup, Lee Aaron. Je sais qu'il est tard depuis New York
23:24 et vous faites paraître 7 octobre aux éditions Grasset.
23:28 Chaleureux à Léor Sildborstein qui a assuré l'interprétation de cet échange.
23:33 Il est 8h44.

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